N° RG 19/04650 - N° Portalis DBV2-V-B7D-ILDK
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 09 JUIN 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DU HAVRE du 31 Octobre 2019
APPELANT :
Monsieur [L] [B]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Nathalie VALLEE de la SCP VALLEE LANGUIL, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Anaëlle LANGUIL, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
S.A.R.L. FOURE LAGADEC
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Xavier D'HALESCOURT de la SELARL XAVIER D'HALESCOURT, avocat au barreau du HAVRE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 27 Avril 2022 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. GUYOT, Greffier
DEBATS :
A l'audience publique du 27 Avril 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 Juin 2022
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 09 Juin 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [L] [B] a été engagé en qualité de tuyauteur, coefficient 190, par la société Fouré Lagadec par contrat de travail à durée indéterminée du 6 juillet 1992.
Par requête du 9 juillet 2018, M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes du Havre en paiement de rappels de salaire et indemnités.
Par jugement du 31 octobre 2019, le conseil de prud'hommes a débouté M. [B] de sa demande de dommages et intérêts, que ce soit au titre de la discrimination syndicale ou de l'inégalité de traitement injustifiée, a rejeté la demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire notifiée à M. [B] le 26 février 2018, en conséquence, a rejeté les demandes d'indemnisation subséquentes au titre des retenues et des congés payés afférents, a dit n'y avoir lieu à indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, a débouté les parties de leurs autres demandes et a condamné M. [B] aux dépens.
M. [B] a interjeté appel de cette décision le 28 novembre 2019.
Par conclusions remises le 20 février 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, M. [B] demande à la cour de réformer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de :
- à titre principal, le dire victime de discrimination syndicale, en conséquence, condamner la société Fouré Lagadec à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- à titre subsidiaire, le dire victime d'une inégalité de traitement injustifiée, en conséquence, condamner la société Fouré Lagadec à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- en tout état de cause, annuler sa mise à pied disciplinaire et condamner la société Fouré Lagadec à lui payer la somme de 175,52 euros au titre des retenues, outre 17,55 euros au titre des congés payés y afférents, débouter la société Fouré Lagadec de toutes ses demandes et la condamner à lui verser une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions remises le 25 mai 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la société Fouré Lagadec demande à la cour de confirmer la décision attaquée en toutes ses dispositions, de débouter M. [B] de toutes ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 7 avril 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la discrimination syndicale
M. [B], délégué du personnel et membre du comité d'entreprise de 2010 à 2014, soutient avoir été l'objet d'un comportement totalement anormal de son supérieur hiérarchique, M. [O], mais aussi n'avoir vu aucune évolution de sa classification et de son salaire contrairement à cinq de ses collègues qui gagnent davantage et ont été promus à des postes plus intéressants, sachant qu'il n'a jamais eu d'entretiens individuels lui permettant d'exprimer ses desiderata.
En réponse, la société Fouré Lagadec constate que M. [B] n'apporte aucune preuve de la réalité de ses assertions relatives au comportement déplacé de M. [O] et que, s'il se plaint d'un déclassement en 2008, c'est au contraire une promotion qu'il a obtenu en passant de la classification P2 à la classification P3. Enfin, elle relève que deux des salariés désignés par M. [B] sont toujours classés coefficient 215 et que si trois autres ont une classification un peu plus élevée, pour l'un, cette promotion a eu lieu en 2009 alors que M. [B] n'était pas encore délégué du personnel quand l'autre a été promu contremaître en 2017 alors qu'il n'était plus délégué du personnel, aussi ne peut-il être établi aucun lien entre une différence de traitement et l'exercice de l'activité syndicale de M. [B].
A l'appui de sa demande, M. [B] produit un courrier qu'il aurait écrit en avril 2014 au directeur général de la société Fouré Lagadec pour lui faire part de la dégradation de son état de santé et des pressions exercées quotidiennement par M. [O], outre les longs déplacements imposés plus régulièrement qu'à d'autres, et notamment un déplacement prévu du 24 mars au 27 avril malgré des obligations personnelles déjà programmées, ou encore le refus opposé au versement de certaines primes.
Il verse également aux débats une attestation d'une psychocriminologue qui atteste le suivre psychologiquement depuis le 15 décembre 2014 pour un état anxio-dépressif et un courrier du Dr [S] du centre médical de [U] adressé au médecin du travail le 21 mars 2014 pour l'informer de la situation de mal-être dans laquelle se trouve M. [B] en lien avec son travail, précisant qu'il préfère l'arrêter durant quatre semaines afin qu'il se repose et débute un traitement antidépresseur.
Si ces pièces permettent de constater l'existence d'un mal-être de M. [B] en 2014, elles ne sont cependant pas de nature à caractériser la réalité des faits dénoncés par M. [B] dans le courrier précité à défaut de tout élément objectif et extérieur permettant de les corroborer, le Dr [S] ne faisant que reprendre les propos rapportés par son patient.
Par ailleurs, s'il s'insurge d'avoir été classé P3 en 2008, 'soit au minimum', alors qu'il était tuyauteur P2, outre qu'il n'était pas encore délégué du personnel, il ressort de la convention collective locale des industries de la métallurgie du Havre qu'il s'agit d'une promotion permettant d'atteindre le coefficient 215.
En outre, s'il invoque une absence d'évolution salariale, il ne produit aucun bulletin de salaire, ni d'ailleurs aucune autre pièce, aussi, cette seule allégation, sans pièce objective la confortant, ne permet pas de retenir qu'il présenterait ainsi un élément de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination salariale et ce, alors que la société Fouré Lagadec conteste ses dires et indique qu'il a bénéficié d'augmentations salariales individuelles, hors grille, en 1998, 2005, 2008, 2012 et 2017, sachant qu'elle précise que la plus forte hausse de 3,09 % a été acquise en 2012 alors qu'il était délégué du personnel.
Enfin, s'il affirme que deux autres salariés ayant une ancienneté similaire à la sienne et le même coefficient ont une rémunération plus importante, là encore, pas le moindre élément ne vient étayer cette affirmation, mais outre que la société Fouré Lagadec, contrairement à ce qu'il indique, conteste cette allégation en affirmant qu'il ne justifie pas de cette différence de traitement, rien ne permet de retenir l'existence d'un décrochage de salaire à compter de sa désignation en qualité de délégué du personnel par rapport aux deux autres salariés.
De même, s'il met en avant les promotions qu'ont connu trois autres salariés, toujours sans aucune pièce, rien ne permet d'accréditer le fait que son engagement syndical aurait retardé sa carrière, sachant qu'il ne conteste pas les données apportées par la société Fouré Lagadec, à savoir qu'ils ont tous été promus à des classifications plus importantes alors que M. [B] n'était pas encore, ou n'était plus, représentant du personnel.
Aussi, le simple fait qu'il n'ait bénéficié d'aucun entretien de carrière, ce qui implique qu'il n'y a pas eu un traitement différent à compter de sa désignation en qualité de représentant du personnel, ne permet pas davantage de retenir un quelconque élément laissant présumer une discrimination, sachant qu'il n'est apporté aucune pièce permettant de dire que ces entretiens existaient pour les autres salariés.
Au vu de ces éléments, il convient de dire que M. [B] ne présente pas d'éléments de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination salariale et il convient de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande.
Sur l'inégalité de traitement
Si la différence de traitement entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale doit être justifiée par l'employeur par des raisons objectives et matériellement vérifiables dont il appartient au juge de contrôler concrètement la réalité et la pertinence, il appartient cependant à celui qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de démontrer qu'il exerce au même niveau des fonctions identiques ou similaires aux salariés auxquels il se compare.
Outre qu'il n'en est pas justifié pour MM. [D] et [Z], surtout, M. [B] se contente d'indiquer, sans aucune pièce, qu'il est actuellement payé au taux horaire de 10,97 euros alors que ses collègues, avec le même coefficient, ont un taux horaire de 13,80 euros.
A défaut de tout élément permettant de corroborer cette différence de traitement, M. [B] ne peut se retrancher derrière la détention de ces éléments par l'employeur, sachant qu'il ne sollicite pas la production de pièces.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de cette demande.
Sur la sanction disciplinaire
M. [B] conteste les faits qui lui ont été reprochés dans le cadre de la mise à pied disciplinaire dont il a fait l'objet le 26 février 2018, à savoir s'être endormi chez un client, et demande en conséquence l'annulation de la sanction.
A défaut pour la société Fouré Lagadec d'apporter le moindre élément corroborant la réalité des faits ainsi reprochés, peu important que M. [B] n'ait pas contesté ces faits durant cinq mois, il convient d'infirmer le jugement, d'annuler la sanction disciplinaire du 26 février 2018 et de condamner la société Fouré Lagadec à payer à M. [B] la somme de 175,52 euros correspondant aux deux jours de mise à pied, outre 17,55 euros au titre des congés payés afférents.
Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société Fouré Lagadec aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. [B] la somme de 2 000 euros sur ce même fondement.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement,
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [L] [B] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et pour inégalité salariale ;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la SARL Fouré Lagadec à payer à M. [L] [B] la somme de 175,52 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire, outre 17,55 euros au titre des congés payés afférents.
Condamne la SARL Fouré Lagadec à payer à M. [L] [B] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SARL Fouré Lagadec de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL Fouré Lagadec aux entiers dépens.
La greffièreLa présidente