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16/06/2022 | FRANCE | N°19/03403

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 16 juin 2022, 19/03403


N° RG 19/03403 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IITA





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 16 JUIN 2022











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 17 Juillet 2019





APPELANT :



Monsieur [C] [K]

[Adresse 6]

[Localité 4]



présent



représenté par M. [R] [P], défenseur syndical, muni d'un pouvoir






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S.A.R.L. MECALYNOX

[Adresse 2]

[Localité 5]



représentée par Me Sébastien FERIAL, avocat au barreau de l'EURE





Monsieur [ZE] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représenté par Me Sébastien FERIAL, avocat au barreau de l'EURE

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N° RG 19/03403 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IITA

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 16 JUIN 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 17 Juillet 2019

APPELANT :

Monsieur [C] [K]

[Adresse 6]

[Localité 4]

présent

représenté par M. [R] [P], défenseur syndical, muni d'un pouvoir

INTIMES :

S.A.R.L. MECALYNOX

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Sébastien FERIAL, avocat au barreau de l'EURE

Monsieur [ZE] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Sébastien FERIAL, avocat au barreau de l'EURE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 03 Mai 2022 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 03 Mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 Juin 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 16 Juin 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [C] [K] a été engagé en qualité d'agent de méthode et devis par la SARL Mecalynox par contrat de travail à durée indéterminée du 2 janvier 2007.

Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective nationale de la métallurgie de l'Eure.

Après avoir fait valoir ses droits à retraite à effet au 31 juillet 2013, M. [C] [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Louviers le 23 avril 2014 en reconnaissance de la discrimination salariale qu'il a subie, ainsi qu'en paiement d'indemnités.

Par jugement du 16 avril 2015, le conseil de prud'hommes de Louviers s'est déclaré incompétent au profit du conseil de prud'hommes d'Evreux.

Après saisine du premier président de la cour d'appel de Rouen pour désignation de la juridiction de renvoi en application des dispositions des articles 339, 340 et 358 du code de procédure civile, l'affaire a été renvoyée devant le conseil de prud'hommes de Louviers.

Saisi à nouveau le 5 février 2016 sur les mêmes fondements, par ordonnance du 9 mai 2016, le conseiller statuant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Rouen a renvoyé l'examen du litige devant le conseil de prud'hommes de Rouen.

Par jugement du 17 juillet 2019, le conseil de prud'hommes a dit que M. [ZE] [T] n'a pas lieu d'être dans la cause, dit que toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail est prescrite, dit que toute action portant sur l'action en paiement ou en répétition de salaire est prescrite, en conséquence, les demandes de M. [C] [K] ne sont pas recevables, débouté M. [C] [K] de la totalité de ses demandes, débouté la SARL Mecalynox et M. [ZL], en la personne du représentant légal de la SARL Mecalynox, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamné M. [C] [K] aux dépens.

M. [C] [K] a interjeté appel le 22 août 2019.

Par conclusions remises le 15 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, M. [C] [K] demande à la cour d'infirmer le jugement avec toutes conséquences de droit, dire que ses demandes ne sont pas prescrites, juger que ses demandes sont bien fondées et, en conséquence, condamner la SARL Mecalynox à lui verser les sommes suivantes :

rappels de salaires : 126 492 euros,

prime d'ancienneté conventionnelle : 882,58 euros,

dommages et intérêts pour non-respect du contrat de travail (notamment la convention collective nationale de la métallurgie de l'Eure) : 100 000 euros,

indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 2 500 euros,

condamner la SARL Mecalynox aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 14 février 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, M. [ZE] [T] et la SARL Mecalynox demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré M. [C] [K] prescrit en toutes ses demandes et mis M. [ZE] [T] hors de cause, subsidiairement, déclarer M. [C] [K] mal fondé en ses demandes et l'en débouter, condamner M. [C] [K] à verser à la société une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, condamner M. [C] [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 14 avril 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le moyen tiré de la prescription

Dès lors que M. [C] [K] a saisi le conseil de prud'hommes le 24 avril 2014 d'une demande de dommages et intérêts pour discrimination, la SARL Mecalynox soulève la prescription des demandes relatives au paiement d'un rappel de salaire et de la prime d'ancienneté conventionnelle présentées pour la première fois par conclusions du 4 avril 2018, soit plus de trois ans après la rupture du contrat de travail, tout comme celle de dommages et intérêts pour non-respect du contrat de travail présentée plus de deux ans après la rupture, mais soulève également la prescription de la demande initiale de dommages et intérêts à hauteur de 30 000 euros qui a été présentée certes dans les délais requis, mais lesquels n'ont jamais été interrompus.

M. [C] [K] s'oppose au moyen tiré de la prescription dès lors qu'en saisissant le conseil de prud'hommes le 24 avril 2014, la prescription a été interrompue pour l'ensemble des demandes dérivant du même contrat de travail, qu'il ne peut être tenu pour responsable des transmissions successives de juridiction en juridiction et qu'il pouvait présenter de nouvelles demandes en cours de procédure.

Concernant la demande initiale, la prescription a été interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes du 24 avril 2014, faite dans les délais de prescription alors applicables en considération d'une rupture du contrat de travail intervenue le 31 juillet 2013.

Pour les autres demandes présentées pour la première fois le 4 avril 2018, la saisine du conseil de prud'hommes ayant été effectuée sous l'empire des textes antérieurs à la suppression du principe de l'unicité de l'instance par le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, alors, l'interruption de la prescription par la saisine du conseil de prud'hommes joue à l'égard de toutes demandes, même présentées en cours d'instance, de sorte que les demandes additionnelles découlant du contrat de travail profitent de l'interruption de la prescription acquise par la saisine initiale, ce d'autant qu'en l'espèce, en tout état de cause, ces demandes se rattachent par un lien suffisant aux demandes originaires.

En conséquence, aucune prescription n'est acquise et la cour infirme ainsi le jugement entrepris.

Sur la mise hors de cause de M. [T]

Il n'est pas discuté devant la cour la mise hors de cause de M. [T], dont il est justifié qu'il a cédé l'ensemble de ses parts à M. [H] le 27 juillet 1989 à effet au 1er juillet 1989,et à l'égard duquel aucune demande n'est présentée.

Sur la violation du principe 'à Travail égal, salaire égal'

M. [C] [K] soutient avoir été recruté pour remplacer M. [VJ] [H], parti à la retraite le 1er avril 2007, que néanmoins, il y avait une différence tant du taux horaire, que du montant des primes et tickets restaurant, qu'entre janvier 2007 et décembre 2012, les salariés ont eu 15 % d'augmentation alors qu'il n'a bénéficié d'une augmentation qu'en mai 2013 avec la nouvelle direction, que sur la même période, les salariés ont perçu des primes d'un montant moyen de 840 euros alors qu'il ne percevait que 200 euros, évaluant ainsi son manque à gagner à 126 492 euros depuis 2007.

Il résulte du principe 'à travail égal, salaire égal' dont s'inspirent les articles L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22.9°, L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous les salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

En application de l'article 1315 du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal' de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

La seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge soit contrôler concrètement la réalité et la pertinence.

A l'appui de sa prétention, M. [C] [K] verse au débat son contrat de travail aux termes duquel il a été engagé en qualité d'agent de méthodes et devis niveau IV échelon 1 coefficient 255 à compter du 2 janvier 2006, ses bulletins de paie depuis janvier 2007, ainsi que ceux de M. [VJ] [H] qui en janvier 2007 en qualité de responsable devis lancement-contrôle niveau 5 échelon 2 indice 335, entré dans l'entreprise le 1er décembre 1985, percevait un salaire de base de 3 275 euros pour 151,67 heures de travail.

Alors qu'il en résulte une qualification différente, le salarié étant agent de méthodes et devis alors que M. [H] avait la qualification de responsable devis- lancement-contrôle, lequel avait participé à la création de l'entreprise en 1985 et en avait été l'associé, mais aussi une ancienneté de 22 ans de M. [H] au moment du recrutement de l'appelant, sans production d'éléments relatifs à la réalité des fonctions de l'un et de l'autre permettant d'apprécier si les attributions étaient en réalité similaires, ce que conteste l'employeur, M. [C] [K] n'apporte pas suffisamment d'éléments de fait que les deux travailleurs concernés accomplissaient un même travail ou un travail auquel est attribuée une valeur égale au sens des textes et principes précités, ce qui est d'ailleurs démenti par M. [Y] [O] responsable d'atelier qui explique que M. [K] n'était en charge que de l'établissement des devis, alors que M. [H] avait aussi la responsabilité du lancement en fabrication et le contrôle des fabrications, tâches qu'il a lui-même reprises.

En conséquence, il convient de débouter M. [C] [K] de sa demande de rappel de salaire au titre de l'égalité de traitement.

Sur la demande de dommages et intérêts

M. [C] [K] sollicite la réparation du préjudice résultant de l'amputation de son pouvoir d'achat depuis son embauche, de ses conditions de travail insalubres, humiliantes et vexatoires, du non-respect de la convention collective sur la non reconnaissance de sa qualification professionnelle, sur l'inégalité de traitement par rapport à ses collègues tant en ce qui concerne les augmentations de salaire, les primes que la non-délivrance des tickets restaurants.

Il résulte des développements qui précèdent que M. [C] [K] n'apporte pas d'éléments relatifs au non-respect de la convention collective relativement à sa qualification professionnelle, comme il ne justifie pas des conditions insalubres de travail qu'il allègue et faute d'inégalité de traitement avec la situation de M. [H], il n'y a pas lieu de réparer le préjudice résultant de l'incidence sur ses droits à retraite.

Au vu des bulletins de paie qu'il produit concernant les autres salariés de l'entreprise que sont MM. [L], [Z], [J], [W], [U], [D], [E], [F], [X], [N], [O], [M], [B], [I], [S], [G], [V], [BG], , [UM], [GR], [DT], [BS], [SL], [EP], [MM], [AL], [XK], [LP], [CD], [JO], [ON], [PK] et Mmes [A], [RO], [YH], [KL], il est établi que certains bénéficiaient de tickets restaurant et que les primes qualifiées d'exceptionnelles étaient variables, même si tous les salariés n'avaient pas la même qualification professionnelle et que dès lors leur situation n'était donc pas nécessairement comparables, néanmoins, l'employeur n'apporte aucun élément pour justifier d'éléments objectifs tenant à l'octroi des tickets restaurant ou encore des critères retenus pour le versement des dites primes, de sorte qu'il convient de retenir le principe d'une inégalité de traitement à ce titre.

Néanmoins, à défaut de plus amples éléments pour déterminer le préjudice en résultant pour M. [C] [K] qui bénéficiait du versement d'une prime qu'il invoque comme étant moindre que la moyenne de celles perçues par l'ensemble des salariés, la cour indemnise son préjudice en lui allouant la somme de 3 000 euros,

Sur la demande au titre de la prime d'ancienneté

M. [C] [K] sollicite la somme de 882,58 euros au titre du manque à gagner sur la prime d'ancienneté conventionnelle de 2010 à 2013 considérant que l'employeur l'a calculée sur la base d'un revenu minimum hiérarchique moindre que celui applicable pour la catégorie IV échelon 1.

L'employeur n'apporte aucun élément de contestation opérant sur ce point, de sorte que c'est de manière fondée que le salarié peut réclamer le paiement de la prime d'ancienneté sur son salaire de base, la cour lui allouant à ce titre la somme de 882,58 euros.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie principalement succombante, la SARL Mecalynox est condamnée aux entiers dépens y compris de première instance, déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à M. [C] [K] la somme de 1 500 euros pour les frais générés par l'instance et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris ayant prononcé la mise hors de cause de M. [ZE] [T] ;

Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Rejette les moyens tirées de la prescription ;

Déboute M. [C] [K] de sa demande de rappel de salaire

Condamne la SARL Mecalynox à payer à M. [C] [K] les sommes suivantes :

dommages et intérêts pour inégalité de traitement : 3 000 euros

prime d'ancienneté : 882,58 euros

indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 1 500 euros

Déboute la SARL Mecalynox de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en appel ;

Condamne la SARL Mecalynox aux entiers dépens de première d'instance et d'appel.

La greffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/03403
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;19.03403 ?
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