N° RG 19/03913 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IJTI
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 16 JUIN 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'EVREUX du 10 Septembre 2019
APPELANT :
Monsieur [B] [I]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
présent
représenté par Me Sophie BERTUCAT-DUMONTIER de la SELARL BERTUCAT DUMONTIER, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
S.A. ORPEA
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Gilles BONLARRON de la SELARL MRB, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Bruno ADOLPHE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 04 Mai 2022 sans opposition des parties devant Madame BERGERE, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DUBUC, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 04 Mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 Juin 2022
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 16 Juin 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [B] [I] a été engagé en qualité de médecin coordinateur au sein de l'EHPAD '[4]' à [Localité 3] (27) par la SA Orpéa par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 20 janvier 2016.
Les relations des parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'hospitalisation privée.
M. [I] a démissionné de son poste le 12 mars 2018.
Par requête du 21 novembre 2018, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evreux en requalification de sa démission en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'en paiement de rappels de salaire et d'indemnités.
Par jugement du 10 septembre 2019, le conseil de prud'hommes a dit que la démission de M. [I] est régulière et produit les effets d'une démission simple, débouté M. [I] de l'intégralité de ses demandes, débouté la SA Orpéa de ses demandes reconventionnelles, condamné M. [I] aux entiers dépens.
M. [B] [I] a interjeté appel de cette décision le 8 octobre 2019.
Par conclusions remises le 29 novembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, M. [I] demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement de première instance et de requalifier la démission en rupture aux torts de l'employeur produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en conséquence, condamner la SA Orpéa au paiement des sommes suivantes :
indemnité compensatrice de préavis : 9 299,40 euros,
congés payés afférents : 929,94 euros,
indemnité légale de licenciement : 1 720,22 euros,
indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 10 849,30 euros,
indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros,
-ordonner la remise des documents de fin de contrat de travail modifiés dans un délai de 30 jours suivant la notification de l'arrêt infirmatif.
Par conclusions remises le 8 avril 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la SA Orpéa demande à la cour de se déclarer non saisie de l'appel interjeté à caractère général, subsidiairement, la déclarer recevable et fondée en ses conclusions d'appel, confirmer le jugement dont appel, débouter en toutes hypothèses M. [I] de l'intégralité de ses demandes et le condamner au paiement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 14 avril 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'effet dévolutif de l'appel
Aux termes de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa version en vigueur du 1er septembre 2017 au 1er janvier 2020, la déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l'article 58, et à peine de nullité :
1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;
2° L'indication de la décision attaquée ;
3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.
En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.
Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d'appel n'aurait pas été sollicitée par l'intimé.
En l'espèce, la déclaration d'appel de M. [I] est formulée comme suit : 'OBJET DE L'APPEL: Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués - Appel en ce que le jugement a : DIT que la démission de M. [I] est régulière et produit les effets d'une démission simple, DEBOUTE M. [I] de l'intégralité de ses demandes'.
Le dispositif de la décision entreprise est rédigée comme suit :
'DIT que la démission de Monsieur [I] est régulière et produit les effets d'une démission simple,
DEBOUTE Monsieur [I] de l'intégralité de ses demandes
DEBOUTE la SA ORPEA de ses demandes reconventionnelles
CONDAMME Monsieur [I] aux entiers dépens'.
Au vu de ces éléments, l'appel de M. [I] est parfaitement clair, sans ambiguïté et limité aux chefs de jugement qu'il entend critiquer, à savoir le fait que sa démission n'ayant pas été re-qualifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, il a été débouté de toutes ses demandes financières à ce titre.
C'est donc en vain que la société Orpéa entend remettre en cause l'effet dévolutif de l'appel interjeté par M. [I].
Sur la rupture du contrat de travail
La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.
Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte des circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture.
Il appartient alors au salarié de justifier de manquements graves de l'employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail afin que cette prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; à défaut la prise d'acte s'analyse en une démission.
En l'espèce, la lettre de démission du 12 mars 2018 est rédigée comme suit : 'A ce jour, je n'ai reçu aucune réponse à mon courrier recommandé avec avis de réception adressé le 28 février 2018. Mr [Y] m'a informé le six mars que le Dr [E] prendrait contact avec moi pour un rendez-vous. Depuis, ayant eu plusieurs échanges avec le Dr [E], aucun rendez-vous ne m'a été proposé. Je vous adresse ci-dessous ma démission (décision irrévocable).
Je soussigné Docteur [B] [I], ai l'honneur de vous présenter ma démission du poste de médecin coordonnateur au service de la résidence ORPEA '[4]' à compter de la date de réception de ce courrier.
J'ai bien noté que les termes de mon contrat de travail prévoient un préavis d'une durée de trois mois. Cependant, et par dérogation, je sollicite une dispense partielle de ce préavis visant à le ramener à une durée de un mois au lieu de trois mois. Dans cette hypothèse, mon contrat de travail expirerait un mois après réception de la présente.
A la date de mon départ, je vous demanderai de bien vouloir me transmettre un reçu pour solde de tout compte, un certificat de travail ainsi qu'une attestation pôle Emploi.'
Il convient de constater que cette lettre ne fait référence, de manière explicite, à aucun grief formulé à l'encontre de l'employeur pouvant conférer à la démission la qualité de prise d'acte.
Toutefois, l'établissement du caractère équivoque de la démission pouvant résulter de circonstances antérieures ou contemporaines à celle-ci, il convient de relever que le courrier du 28 février 2018 rédigé à l'attention de la directrice de la résidence '[4]' visé dans la lettre de démission évoque les faits suivants : 'Depuis l'admission de MR et MME F dans la résidence, un certain nombre d'événements indésirables se succèdent. Je les ai listés. Le dernier remonte à ce jour : 'le complément de ma perte de salaire, suite à mon arrêt maladie datant de fin janvier 2017 n'est toujours pas versé sur mon compte, malgré ma demande expresse du 14 février.'En raison de leur retentissement sur mes conditions de travail et sur mon état de santé, j'ai pris conseil, documents à l'appui, auprès d'un avocat -spécialisé en droit du travail- et d'un inspecteur du travail de mes connaissances, je sollicite une réunion avec Mr. [Y] - directeur de la région Ouest et le Dr [E] - Médecin coordonnateur de la Région Ouest. En espérant une issue favorable à cette situation, recevez Madame [V], l'expression de mes meilleurs salutations.'
Le fait que ce courrier, qui fait état, de manière incontestable, d une plainte de M. [I] quant aux agissements de son employeur qui auraient des conséquences sur ses conditions de travail, soit évoqué dans la lettre de démission suffit à rendre cette dernière équivoque, étant de surcroît et en tout état de cause relevé que le salarié justifie également, par la production de mails antérieurs à sa démission, s'être plaint des conditions d'exercice de sa fonction de médecin coordinateur auprès de son employeur.
Aussi, il convient, au regard de ces éléments, de constater le caractère équivoque de la démission du salarié, de sorte que celle-ci constitue une prise d'acte laquelle produit les effets d'une démission ou d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse selon que les manquements invoqués par le salarié sont ou non fondés.
A ce titre, M. [I] soutient que son employeur a adopté une attitude visant à le contourner dans l'exercice de ses responsabilités et à mépriser ses tentatives visant à faire respecter les règles applicables dans l'établissement. Il explique que la politique du groupe Orpéa est de faire primer la rentabilité de l'établissement et le taux de remplissage, et ce, au mépris des règles d'admission des patients, M. [I] revendiquant en vain de ne donner son avis qu'après avoir pu consulter un dossier complet comprenant le dossier médical de la personne, expliquant par ailleurs qu'il était très régulièrement sollicité, en dehors de ses journées de travail, pour donner des avis en urgence sur l'admission de patients au sein de son établissement, voire au sein d'autres établissements du groupe, y compris le samedi, le dimanche et pendant son arrêt de travail.
Il reproche également à la société Orpéa de ne pas avoir suivi ses avis défavorables et d'avoir admis des patients au préjudice des autres résidents qui étaient mis en danger par le comportement inadapté des personnes ainsi admises. Il dénonce une capacité d'accueil dépassée de quatre lits pendant plus d'un mois en août 2017, ainsi que des reproches de retard injustifiés, l'ensemble des tâches qui lui étaient confiées n'étant pas compatible avec un temps partiel.
Enfin, il évoque une prise en charge de son maintien de salaire tardive, deux mois après son arrêt maladie en décembre 2017 et à l'issue de nombreux échanges avec la directrice.
Aux termes d'un contrat conclu le 20 janvier 2016, M. [I] a été engagé en qualité de médecin coordinateur au sein de l'EHPAD '[4]' à [Localité 3] (27) par la SA Orpéa à temps partiel (deux jours par semaine). Le contrat de travail renvoie à une fiche de poste annexée pour la définition des fonctions exercées par M. [I] mais ce document n'est pas produit aux débats par les parties.
Néanmoins, s'agissant d'un statut réglementé, l'activité de M. [I] doit nécessairement être conforme aux dispositions du code de l'action sociale et des familles, et plus particulièrement à l'article D.312-158 dudit code qui prévoit que 'sous la responsabilité et l'autorité administratives du responsable de l'établissement, le médecin coordonnateur qui assure l'encadrement médical de l'équipe soignante :
1° Elabore, avec le concours de l'équipe soignante, le projet général de soins, s'intégrant dans le projet d'établissement, et coordonne et évalue sa mise en oeuvre ;
2° Donne un avis sur les admissions des personnes à accueillir en veillant notamment à la compatibilité de leur état de santé avec les capacités de soins de l'institution ;
3° Préside la commission de coordination gériatrique chargée d'organiser l'intervention de l'ensemble des professionnels salariés et libéraux au sein de l'établissement. Cette commission, dont les missions et la composition sont fixées par arrêté du ministre chargé des personnes âgées, se réunit au minimum une fois par an.
Le médecin coordonnateur informe le représentant légal de l'établissement des difficultés dont il a, le cas échéant, connaissance liées au dispositif de permanence des soins prévu aux articles R. 6315-1 à R. 6315-7 du code de la santé publique ;
4° Evalue et valide l'état de dépendance des résidents et leurs besoins en soins requis à l'aide du référentiel mentionné au deuxième alinéa du III de l'article 46 de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale pour 2006 ;
5° Veille à l'application des bonnes pratiques gériatriques, y compris en cas de risques sanitaires exceptionnels, formule toute recommandation utile dans ce domaine et contribue à l'évaluation de la qualité des soins ;
6° Coordonne la réalisation d'une évaluation gériatrique et, dans ce cadre, peut effectuer des propositions diagnostiques et thérapeutiques, médicamenteuses et non médicamenteuses. Il transmet ses conclusions au médecin traitant ou désigné par le patient. L'évaluation gériatrique est réalisée à l'entrée du résident puis en tant que de besoin ;
7° Contribue auprès des professionnels de santé exerçant dans l'établissement à la bonne adaptation aux impératifs gériatriques des prescriptions de médicaments et des produits et prestations inscrits sur la liste mentionnée à l' article L. 165-1 du code de la sécurité sociale . Il prend en compte les recommandations de bonnes pratiques existantes en lien, le cas échéant, avec le pharmacien chargé de la gérance de la pharmacie à usage intérieur ou le pharmacien mentionné à l' article L. 5126-6 du code de la santé publique ;
8° Contribue à la mise en 'uvre d'une politique de formation et participe aux actions d'information des professionnels de santé exerçant dans l'établissement. Il peut également participer à l'encadrement des internes en médecine et des étudiants en médecine, notamment dans le cadre de leur service sanitaire ;
9° Elabore un dossier type de soins ;
10° Coordonne, avec le concours de l'équipe soignante, un rapport annuel d'activité médicale qu'il signe conjointement avec le directeur de l'établissement. Ce rapport retrace notamment les modalités de la prise en charge des soins et l'évolution de l'état de dépendance et de santé des résidents. Il est soumis pour avis à la commission de coordination gériatrique mentionnée au 3° qui peut émettre à cette occasion des recommandations concernant l'amélioration de la prise en charge et de la coordination des soins. Dans ce cas, les recommandations de la commission sont annexées au rapport ;
11° Identifie les acteurs de santé du territoire afin de fluidifier le parcours de santé des résidents. A cette fin, il donne un avis sur le contenu et participe à la mise en 'uvre de la ou des conventions conclues entre l'établissement et les établissements de santé au titre de la continuité des soins ainsi que sur le contenu et la mise en place, dans l'établissement, d'une organisation adaptée en cas de risques exceptionnels. Il favorise la mise en 'uvre des projets de télémédecine;
12° Identifie les risques éventuels pour la santé publique dans les établissements et veille à la mise en oeuvre de toutes mesures utiles à la prévention, la surveillance et la prise en charge de ces risques ;
13° Réalise des prescriptions médicales pour les résidents de l'établissement au sein duquel il exerce ses fonctions de coordonnateur en cas de situation d'urgence ou de risques vitaux ainsi que lors de la survenue de risques exceptionnels ou collectifs nécessitant une organisation adaptée des soins, incluant la prescription de vaccins et d'antiviraux dans le cadre du suivi des épidémies de grippe saisonnière en établissement.
Il peut intervenir pour tout acte, incluant l'acte de prescription médicamenteuse, lorsque le médecin traitant ou désigné par le patient ou son remplaçant n'est pas en mesure d'assurer une consultation par intervention dans l'établissement, conseil téléphonique ou téléprescription.
Les médecins traitants des résidents concernés sont dans tous les cas informés des prescriptions réalisées.
14° Elabore, après avoir évalué leurs risques et leurs bénéfices avec le concours de l'équipe médico-sociale, les mesures particulières comprises dans l'annexe au contrat de séjour mentionnée au I de l'article L. 311-4-1.
Le médecin coordonnateur ne peut pas exercer la fonction de directeur de l'établissement.'
Il résulte de cette disposition que l'avis du médecin coordonnateur sur l'admission des résidents en EHPAD n'est que consultatif, puisque rendu sous l'autorité et la responsabilité du responsable d'établissement. Dès lors, c'est en vain que M. [I], pour caractériser un manquement de son employeur à l'exécution loyale du contrat de travail, reproche à la société Orpéa de ne pas suivre ses avis médicaux, étant précisé que la question de la qualité de l'accueil et des soins prodigués aux résidents est totalement indifférente, puisqu'elle concerne uniquement les relations contractuelles existant entre l'EHPAD et les personnes prises en charge par l'établissement.
De même, M. [I] ne peut valablement reprocher à son employeur de ne pas respecter son temps partiel et de lui adresser des demandes d'avis sur des journées où il ne travaille pas pour l'EHPAD '[4]' et, dans le même temps, critiquer le fait que des patients sont admis sans qu'il ait donné son avis, les jours où il est absent. En tout état de cause, l'analyse des pièces produites aux débats montrent que ces deux griefs ne sont pas fondés.
En effet, s'agissant du respect du temps partiel, s'il est exact que des demandes d'avis par mail sont adressées à M. [I] les jours où il ne travaille pour la société Orpéa ou en décembre 2017 lorsqu'il est en arrêt de travail (demande adressée par un établissement distinct des '[4]' qui n'était pas informé de la suspension du contrat de travail), le contenu de ces courriels et la réponse adressée par le salarié montrent que l'employeur n'a jamais exigé que M. [I] réponde en dehors de ses journées de travail et que s'il l'a fait, c'est uniquement de sa propre initiative, alors qu'il prenait connaissance de ses mails professionnels sur un temps où son employeur n'exigeait pas qu'il le fasse. Aucun des mails produits aux débats ne contient la moindre injonction ou le moindre reproche sur l'absence de réponses du Docteur [I] à des sollicitations qui auraient été faites en dehors de son temps partiel.
Et pour cause, les échanges de courriels produits établissent que l'organisation mise en place par la société Orpéa et, au demeurant dénoncée par M. [I] lui-même, permet de pallier les inconvénients liés à cette présence partielle, à savoir qu'en cas d'urgence, pour les jours où le médecin coordonnateur de l'établissement n'est pas disponible et présent, c'est un médecin coordonnateur d'un autre établissement ou le médecin coordonnateur régional qui est amené à donner son avis sur l'admission d'un résident. C'est dans ces conditions, d'une part, que M. [I] a pu, lui-même, donner des avis pour d'autres établissements que '[4]'', et d'autre part, que des admissions au sein de cet établissement ont eu lieu sans qu'il ait donné son avis sur des temps en dehors de son temps partiel ou alors qu'il était en congés, notamment au mois d'août 2017.
Il n'y a donc aucun manquement de l'employeur à ce titre.
Quant au fait que l'avis pour admission de M. [I] était régulièrement requis, sans qu'il puisse disposer de toutes les informations nécessaires et notamment sans que lui soit transmis le dossier médical de la personne, si les pièces produites aux débats par le salarié (fiche de liaison résident et échanges de mails) établissent la réalité de cette situation, elles montrent également que cette carence dûe à une absence de transmission par le médecin traitant ou la famille de la personne à accueillir était souvent facilement palliée par un appel téléphonique au médecin traitant et qu'en tout état de cause, M. [I] émettait alors un avis qu'il conditionnait aux informations contenues dans le dossier médical et qu'il confirmait ou infirmait ensuite en fonction des éléments reçus. Sa pratique professionnelle n'était donc pas entravée par son employeur, étant de surcroît rappelé que cet avis n'est que consultatif et que la décision d'admission revient au responsable d'établissement.
Plus généralement, il convient de relever que les échanges de mails produits aux débats, tant ceux qui concernent des faits antérieurs à la démission et qui ont seuls pu déterminer la décision de M. [I] qu'au demeurant ceux qui visent des faits postérieurs qui sont dès lors indifférents pour apprécier la demande de requalification présentée par le salarié, ne montrent aucun manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles découlant du contrat de travail, ni aucune entrave à l'exercice des missions de médecin coordonnateur.
Au contraire, un nombre important de mails concerne les doléances de Mme [V], la directrice de l'établissement ou celles de M. [E], le médecin coordonnateur régional, qui regrettent tous les deux le manque d'investissement du Docteur [I] dans les réunions nutrition ou autres et ses retards notamment dans l'établissement des grilles GIR.
Or, c'est en vain que M. [I] soutient que ces doléances ne sont pas justifiées en ce qu'elles trouveraient leur cause dans la surcharge de travail imposée au salarié qui n'est aucunement démontrée. En effet, d'une part, M. [I] se contente d'expliquer que son temps de travail ne lui permet pas d'être à jour, sans expliquer quelle serait l'ampleur de ses tâches et le temps à y consacrer. D'autre part, il convient de relever que son temps de travail de 75,83 heures par mois, qui équivaut à la moitié d'un temps plein, est conforme aux prescriptions de l'article D.312-156 du code de l'action sociale et des familles qui prévoit, pour les établissements ayant une capacité comprise en 60 et 99 ('[4] ont 82 places), que le temps de présence minimum du médecin coordonnateur doit être équivalent à un temps plein de 0,5.
Au demeurant, M. [I] en convenait parfaitement lui-même dans ses échanges avec Mme [V] ou M. [E], ainsi que cela résulte notamment du mail qu'il a adressé le 13 décembre 2017 à ce dernier qu'il verse lui-même aux débats et qui est rédigé comme suit :
'Bonjour Docteur [E],
Merci de votre visite impromptue le jour de mon retour de vacances: suite au mail du 1er décembre que j'ai adressé à Mme [V] sollicitant un rendez-vous afin qu'elle me dise ce qu'elle me reproche dans le but d'améliorer nos relations professionnelles.
- dans la première partie de l'entretien, vous m'avez informé:
* que vous avez effectué une visite de l'établissement avec le Docteur [H]-directeur médical des EPHAD France du groupe ORPEA durant mes vacances
* que je devais m'investir davantage: dans les prescriptions retranscrites qui doivent être signées, dans le suivi et les prescriptions des contentions, dans le suivi de la nutrition, dans les prescriptions en cas de nécessité, de soutenir les infirmières dans leur travail afin de ne pas les mettre en difficultés,
* que vous réévaluerez la situation dans trois semaines.
- dans la seconde partie de l'entretien qui fut brève, vous avez indiqué au sujet de la relation de travail avec Mme [V] qu'il s'agissait d'un problème de communication où chacun était dans le pouvoir. Aucune solution n'a été suggérée.
- au cours de cet entretien, je vous ai indiqué que sur le plan médical, en raison de la charge de travail, il m'est difficile d'avoir suivi régulier et que je suis conscient de mon imperfection. En ce qui concerne le travail avec Mme [V], je vous ait fait par de mes difficultés liées à son ingérence sur le plan médical et à son attitude non conciliante:
- dossier médicaux d'admission incomplets, et dans certains cas, entrée du résident sans avis médical. Cette problématique est désormais résolue
- concernant la nutrition,
- utilisation du code net soins de l'IDEC pour accéder aux dossiers médicaux
- depuis plus de deux mois, Mme [V] ne déjeune plus avec moi sans me prévenir de son intention, m'obligeant à rechercher son souhait. À chaque fois, ma proposition est refusée.
Je regrette que cet échange ne se soit pas terminé dans la recherche d'un consensus à trois en vue d'améliorer les relations professionnelles pour une meilleure prise en soins des résidents. Au lieu de cela, l'entretien a été essentiellement axé sur ma fonction et ainsi ne répondait pas aux difficultés indiquées dans mon mail. Cependant, je reste conscient que je dois améliorer certains axes de travail. Tout cela me pose question''
Ce mail montre également que la réelle difficulté que M. [I] rencontrait dans l'exercice de ses fonctions est sa relation avec Mme [V], la directrice de l'établissement des [4]. Toutefois, ainsi que cela ressort explicitement de ce courriel, cette situation n'est pas imputable exclusivement à Mme [V], de sorte qu'elle ne peut constituer un manquement de l'employeur à la bonne exécution du contrat de travail. Les autres mails produits aux débats par M. [I] vont également dans le même sens, à savoir que si parfois celui-ci peut se plaindre d'un manque de communication ou de transmission d'informations de la part de Mme [V], cette dernière fait également le même constat et les mêmes reproches à M. [I].
Enfin, s'agissant de l'absence de maintien de salaire pendant son arrêt maladie du 20 décembre 2017 au 10 janvier 2018, s'il est exact que M. [I] a dû réclamer l'application des dispositions de la convention collective prévoyant ce maintien de salaire, contrairement à ce qu'il considère, la régularisation est intervenue rapidement, puisqu'il a formulé sa réclamation le 31 janvier 2018 et que le complément de salarie a été versé avec le salaire de février, soit le mois suivant. Ce retard d'un mois ne peut constituer un manquement suffisamment grave justifiant que le contrat soit rompu aux torts de l'employeur.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, les faits reprochés par M. [I] à la société Orpéa ne sont pas établis et en tout état de cause ne sont pas d'une gravité telle qu'ils faisaient obstacle à la poursuite du contrat de travail, de sorte que la démission ne peut être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie succombante, M. [I] est condamné aux entiers dépens, débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamné à payer à la société Orpéa la somme de 300 euros au titre des frais générés tant en première instance qu'en cause d'appel et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute M. [B] [I] de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [B] [I] à payer à la SA Orpéa la somme de 300 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [B] [I] aux dépens de la présente instance.
La greffièreLa présidente