N° RG 19/04259 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IKK7
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 16 JUIN 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DU HAVRE du 27 Septembre 2019
APPELANTE :
S.A.R.L. CLEYADE [Localité 4]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Jerôme DEREUX de la SELARL CARNO AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
Madame [D] [R]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Patricia RIQUE-SEREZAT de la SELARL SELARL RIQUE-SEREZAT THEUBET, avocat au barreau du HAVRE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/004214 du 01/09/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 11 Mai 2022 sans opposition des parties devant Madame BERGERE, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. GUYOT, Greffier
DEBATS :
A l'audience publique du 11 Mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 Juin 2022
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 16 Juin 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [D] [R] a été engagée en qualité d'intervenante par la SARL Cleyade [Localité 4] par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 16 février 2015.
Les relations des parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de service à la personne.
Le temps de travail de la salariée a été modifié à plusieurs reprises aux termes de la signature de différents avenants. Au dernier état des relations contractuelles, Mme [R] exécutait un contrat à temps partiel de 32 heures par semaine.
Mme [R] a été placée en arrêt maladie le 10 mai 2017.
Le 23 août 2018, le médecin du travail a déclaré Mme [R] inapte à son poste de travail.
Le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement a été notifié à la salariée le 17 septembre 2018.
Par requête du 22 novembre 2018, Mme [R] a saisi le conseil de prud'hommes du Havre en contestation de son licenciement, ainsi qu'en paiement de rappels de salaire et d'indemnités.
Par jugement du 27 septembre 2019, le conseil de prud'hommes a dit que le licenciement pour inaptitude de Mme [R] n'a pas pour origine une faute de son employeur, dit que Mme [R] n'a pas touché ses compléments de salaire au titre de la prévoyance, requalifié les contrats à temps partiel en un contrat à temps plein, en conséquence, condamné la SARL Cleyade [Localité 4] à verser à Mme [R] les sommes suivantes :
complément de salaire au titre de la prévoyance : 3 000 euros,
majoration des heures complémentaires : 603,62 euros,
rappels de salaire 2016, 2017 et de la prime d'ancienneté : 2 521,35 euros,
dit que lesdites sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la mise du défendeur soit à la date du 26 novembre 2018, rappelé que l'exécution provisoire est de droit pour les salaires et accessoires de salaire,
indemnité de requalification : 3 000 euros,
article 37 de la loi n°91 647 du 10 juillet 1991 : 1 500 euros
-dit que lesdites sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du jugement, ordonné la compensation des sommes allouées avec la somme de 2 099,23 reçue par Mme [R] au titre de l'indemnité de licenciement, condamné la SARL Cleyade [Localité 4] à remettre à Mme [R] les documents sociaux de fin contrat rectifiés sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard dans un délai de 15 jours suivant la notification du jugement, s'est réservé le droit de liquider l'astreinte, débouté Mme [R] du surplus de ses demandes, fixé en application de l'article R. 1454 28 du code du travail, la moyenne des trois derniers mois de salaire de Mme [R] à la somme de 1 370,33 euros, condamné la SARL Cleyade [Localité 4] aux dépens.
La SARL Cleyade [Localité 4] a interjeté appel de cette décision le 30 octobre 2019.
Par conclusions remises le 31 janvier 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la SARL Cleyade [Localité 4] demande à la cour de la recevoir en son appel et la déclarer bien fondée, réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Mme [R] du surplus de ses demandes,
-statuant à nouveau, constater qu'elle n'a commis aucune manquement s'agissant de la mise en place des indemnités journalières et du complément de salaire au titre de la prévoyance, qu'il n'y a pas lieu à requalification du contrat de travail en contrat à temps plein, dire n'y avoir lieu à rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté, qu'il n'y a pas de recours abusif aux heures complémentaires, en conséquence, débouter Mme [R] de toutes ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et 1 500 euros au titre des frais exposés en appel, outre les entiers dépens.
Par conclusions remises le 15 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, Mme [D] [R] demande à la cour de déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la SARL Cleyade [Localité 4], la débouter de ses demandes, fins et conclusions, confirmer la décision rendue en ce qu'elle a condamné la SARL Cleyade [Localité 4] à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l'indemnité de requalification,
-déclarer recevable et fondé son appel incident, y faisant droit, infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau, supprimer la compensation des sommes allouées avec la somme de 1 099,23 euros reçue au titre de l'indemnité de licenciement, fixer le salaire de référence à la somme de 1 370,58 euros, dire que le licenciement notifié le 17 septembre 2018 est nul et irrégulier, en conséquence, condamner la SARL Cleyade [Localité 4] à lui verser une somme de 16 452 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul (12 mois de salaire), en tout état de cause, condamner la SARL Cleyade [Localité 4] à lui verser les sommes suivantes :
dommages et intérêt lié au retard de mise en place du versement des IJSS et de la prévoyance : 5 000 euros,
indemnité compensatrice de préavis (soit deux mois) : 2 742 euros,
indemnité spéciale de licenciement : 1 733,84 euros,
indemnité de congés payés : 3 972,37 euros,
rappel de salaire pour 2015 : 603,62 euros,
rappel de salaire pour 2016 : 1961,96 euros,
rappel de salaire pour 2017 : 540,21 euros,
rappel de prime d'ancienneté : 19,18 euros,
préjudice financier : 5 000 euros,
-condamner la SARL Cleyade [Localité 4] sur l'ensemble des demandes, au paiement des intérêts au taux légal, à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridictionnelle, prononcer l'exécution provisoire sur la totalité du jugement, condamner la SARL Cleyade [Localité 4] en tous les dépens.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 28 avril 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes au titre de l'exécution du contrat de travail
- Sur la requalification du contrat de travail à temps plein
Aux termes de l'article L. 3123-14 du code du travail devenu l'article L. 3123-6 du même code à compter du 10 août 2016, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne :
1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;
4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.
L'avenant au contrat de travail prévu à l'article L. 3123-25 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat.
L'absence de mention de la durée du travail et de la répartition de la durée du travail fait présumer que l'emploi est à temps complet et il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.
Dans les associations ou entreprises d'aide à domicile, le contrat de travail n'a pas à mentionner la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Les horaires doivent être communiqués par écrit chaque mois au salarié et sauf stipulation contractuelle contraire, ils doivent l'être avant le début de chaque mois, à défaut de quoi, le contrat est présumé à temps complet et il appartient alors à l'employeur de renverser cette présomption en apportant la preuve contraire.
En l'espèce, à titre liminaire, sur la date de début des relations contractuelles, Mme [R] soutient qu'elle a été embauchée par la société Cleyade [Localité 4] le 2 novembre 2014 au motif que c'est cette date qui apparaît sur un extrait de son dossier de la médecine du travail. Toutefois, ce seul élément, qui n'a aucune valeur probante et contractuelle à l'égard des parties, est insuffisant pour rapporter la preuve de l'existence d'un contrat de travail à partir de cette date, en l'absence de production d'un contrat écrit, de bulletins de salaires et de tout autre élément établissant l'effectivité d'une prestation de travail réalisée pour le compte et sous la subordination de la société Cleyade [Localité 4].
Le début des relations contractuelles doit donc être fixé au 16 février 2015 conformément à la date de signature du contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel pour 30 heures par semaine produit aux débats et à la date d'entrée portée sur tous les bulletins de salaire.
Consécutivement, c'est en vain que Mme [R] entend se prévaloir d'une erreur manifestement matérielle portée sur le premier avenant de son contrat de travail qui est daté du 1er février 2015, soit antérieurement au début de la relation contractuelle. En effet, l'original produit par la salariée permet de déterminer que l'avenant litigieux portait une date erronée tant sur sa prise d'effet que sur sa date de conclusion et que seule sa date d'effet a été modifiée pour la porter au 17 février 2015, les parties omettant de modifier également la date de signature de ce document.
En tout état de cause, quelque soit la date de signature de ce document, Mme [R] ne contestant pas qu'il fixait la date d'effet de la modification du temps de travail passé à 35 heures par semaine au 17 février 2015, elle ne peut valablement soutenir que le contrat de travail conclu antérieurement, à savoir le 16 février 2015, venait annuler cet accord dont l'effet avait été fixé postérieurement au 16 février 2015. Au demeurant, il résulte des pièces produites aux débats qu'avant la présente instance, les parties ont manifestement toujours considéré que le temps de travail de Mme [R] était fixé à compter du 17 février 2015 à 35 heures par semaine, puisque le 25 janvier 2016 est intervenu un nouvel avenant, non contesté par Mme [R], qui a, à nouveau, porté la durée de son temps de travail à 30 heures par semaine. Cette modification du contrat n'a de sens que si le temps de travail jusqu'alors applicable était différent. Or, cela ne pouvait résulter que de l'avenant du 1er février 2015, puisque le contrat du 16 février 2015 prévoyait déjà un temps de travail à 30 heures par semaine.
En conséquence, il y a lieu de considérer que la relation contractuelle des parties a débuté le 16 février 2015 pour un temps partiel à 30 heures par semaine et qu'ensuite, ce contrat a été, au vu des avenants produits aux débats, modifié comme suit :
- le 17 février 2015 : 35 heures par semaine
- le 25 janvier 2016 : 30 heures par semaine
- le 1er février 2016 : 35 heures par semaine
- le 1er juin 2016 : 25 heures par semaine
- le 1er juillet 2016 : 30 heures par semaine
- le 1er août 2016 : 34 heures par semaine
- le 1er septembre 2016 : 29 heures par semaine
- du 1er au 31 décembre 2016 :31 heures par semaine
- le 1er février 2017 : 26 heures par semaine
- le 1er mars 2017 : 32 heures par semaine
Ces différents avenants au contrat de travail qui ont été signés, notamment sur l'année 2016, tous les mois ou tous les deux mois, pour modifier la durée du temps partiel ainsi que les bulletins de salaires produits aux débats établissent la variabilité des horaires de travail d'un mois à l'autre de Mme [R], ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par l'employeur. En outre, si ce dernier communique des plannings signés par Mme [R] pour rapporter la preuve que la salariée a été informée de ses horaires quotidiens, force est de relever, au vu de la date d'édition mentionnée sur ces documents, que l'information n'a pas été transmise avant le début de chaque mois, puisqu'à chaque fois l'édition du planning a été faite entre le 3 et 5 du mois, étant surabondamment fait observer qu'entre juin et septembre 2016, un avenant modifiant la durée hebdomadaire du travail de Mme [R] étant signé tous les 1er du mois, elle ne pouvait connaître en temps utile son emploi du temps.
Ainsi, la salariée devait se tenir à la disposition de l'employeur qui n'apporte pas la preuve contraire.
Par conséquent, il convient de prononcer la requalification du contrat de travail à temps partiel en temps plein, étant précisé que cette requalification n'ouvre droit à aucune indemnité de requalification, la cour confirmant ainsi le jugement entrepris sur la requalification mais l'infirmant en ce qu'il a alloué à la salariée une indemnité de requalification de 3 000 euros.
En outre, sur la demande de rappels de salaires, il résulte des motifs précédemment adoptés et de l'examen des bulletins de salaire que sur la période allant de 16 février 2015 au 31 décembre 2015, Mme [R] a été payée sur la base de 35 heures semaine, soit un temps plein avec majoration de 25 % des heures supplémentaires effectuées au delà de la 35ème heure. Aucun rappel de salaire n'est donc dû sur cette période au titre de la requalification, de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a alloué, sur cette période, à titre de majoration des heures complémentaires, la somme de 603,62 euros, Mme [R] étant déboutée de cette demande.
En revanche, la demande de rappel de salaire au titre des années 2016 et 2017 est parfaitement justifiée, ainsi que le rappel de prime d'ancienneté non contesté.
Aussi, compte tenu du taux horaire applicable, et déduction faite des sommes perçues par la salariée, il lui est dû les sommes suivantes :
1 961,96 euros à titre de rappel de salaire sur l'année 2016,
540,21 euros à titre de rappel de salaire sur l'année 2017,
19,18 euros à titre de rappel de la prime d'ancienneté,
soit une somme totale de 2 521,35 euros, le jugement déféré étant ainsi confirmé.
- Sur le paiement des compléments de salaire au titre de la prévoyance
Mme [R] demande une indemnité de 5 000 euros, faisant valoir que son employeur n'a pas versé le complément de salaire légal prévu par l'article L.1226-1 du code du travail et qu'il ne justifie pas avoir mis en oeuvre la garantie prévoyance souscrite auprès d'Axa, ce qui lui a nécessairement causé un préjudice financier qu'elle ne peut néanmoins chiffrer, le contrat de prévoyance ne lui ayant pas été remis.
Aux termes de l'article L. 1226-1 du code du travail, tout salarié ayant une année d'ancienneté dans l'entreprise bénéficie, en cas d'absence au travail justifiée par l'incapacité résultant de maladie ou d'accident constaté par certificat médical et contre-visite s'il y a lieu, d'une indemnité complémentaire à l'allocation journalière prévue à l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, à condition :
1° D'avoir justifié dans les quarante-huit heures de cette incapacité, sauf si le salarié fait partie des personnes mentionnées à l'article L. 169-1 du code de la sécurité sociale ;
2° D'être pris en charge par la sécurité sociale ;
3° D'être soigné sur le territoire français ou dans l'un des autres Etats membres de la Communauté européenne ou dans l'un des autres Etats partie à l'accord sur l'Espace économique européen.
Ces dispositions ne s'appliquent pas aux salariés travaillant à domicile, aux salariés saisonniers, aux salariés intermittents et aux salariés temporaires.
Un décret en Conseil d'Etat détermine les formes et conditions de la contre-visite mentionnée au premier alinéa.
Le taux, les délais et les modalités de calcul de l'indemnité complémentaire sont déterminés par voie réglementaire.
Et selon l'article D. 1226-1 du même code, l'indemnité complémentaire prévue à l'article L. 1226-1 est calculée selon les modalités suivantes :
1° Pendant les trente premiers jours, 90 % de la rémunération brute que le salarié aurait perçue s'il avait continué à travailler ;
2° Pendant les trente jours suivants, deux tiers de cette même rémunération.
Enfin, l'article D. 1226-5 du code de travail précise que sont déduites de l'indemnité complémentaires les allocations que le salarié perçoit de la sécurité sociale et des régimes complémentaires de prévoyance, mais en ne retenant dans ce dernier cas que la part des prestations résultant des versements de l'employeur.
En l'espèce, l'examen des bulletins de salaires produit aux débats montrent qu'alors qu'il n'est pas contesté que Mme [R] a immédiatement informé son employeur de son arrêt de travail du 10 mai 2017 et de ses prolongations, aucun maintien de salaire n'a été versé par l'employeur dans les deux mois qui ont suivi cet arrêt.
Conformément aux dispositions de l'article D. 1226-1 sus-visé, en l'absence de dispositions conventionnelles plus favorables, Mme [R] aurait dû percevoir à ce titre les sommes suivantes :
pour les trente premiers jours 90 % de son salaire mensuel brut moyen non contesté de 1 493,95 euros, soit 1 344, 56 euros,
pour les trente jours suivants, 2/3 de 1 493,95 euros, soit 995,97 euros,
soit un total de 2 340, 53 euros.
Il résulte des relevés établis par la caisse primaire d'assurance maladie que sur la même période, soit du 10 mai au 10 juillet 2017, elle a perçu, compte tenu du délai de carence de trois jours, 59 jours d'indemnités journalières au taux de 22,53 euros, avant déduction des sommes dues au titre de la CSG et de la CRDS, soit une somme totale de 1 329,27 euros.
Cette somme, qui n'est pas soumise à cotisations sociales conformément à l'application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, devant être déduite du complément de salaire versé par l'employeur, ce dernier aurait dû lui régler la somme de 1 011,26 euros bruts. Or, seule une somme de 402,85 euros bruts provenant de la mise en oeuvre du contrat de prévoyance Axa a été versée à Mme [R] au mois d'octobre 2017.
En conséquence, Mme [R] a subi un préjudice financier certain constitué du solde restant dû au titre de l'obligation de maintien de salaire de l'article L. 1226-1 du code de travail, à savoir la somme de 608,41 euros bruts, ce qui justifie l'octroi de dommages et intérêts à hauteur d'une somme de 480 euros.
En revanche, c'est en vain que Mme [R] sollicite une indemnité complémentaire forfaitaire au titre de l'exécution fautive de son employeur dans la mise en oeuvre de la garantie prévoyance Axa.
A ce titre, il est constant que bien qu'aucun document contractuel n'y fasse référence, la société Cleyade [Localité 4] a souscrit un contrat de prévoyance auprès de la société Axa au profit de ses salariés, ainsi qu'en atteste le contrat produit aux débats et le bulletin de salaire du mois d'octobre 2017 mentionnant la mise en oeuvre de cette garantie.
Il résulte de l'analyse des pièces produites aux débats que la société Cleyade [Localité 4] a déclaré l'arrêt maladie de Mme [R] le 27 juin 2017 auprès de la société Axa, ce qui a donné lieu au versement d'indemnités journalières complémentaires d'un montant brut de 402,85 euros couvrant une période, certes, non précisée sur le bulletin de salaires du mois d'octobre 2017, mais qui, au vu des échanges de mails, s'étend de manière certaine du 9 juin 2017 (après application de la franchise contractuelle de 30 jours à partir du 10 mai 2017) jusqu'au 13 juillet 2017, terme du premier arrêt maladie.
Les conditions particulières du contrat de prévoyance n'étant pas produites aux débats, il n'est pas possible de connaître l'assiette de calcul des 80 %, taux garanti mentionné dans les conditions générales du contrat ainsi que les conditions d'imputation des indemnités journalières pour s'assurer que le contrat a été correctement appliqué. Néanmoins, cette somme n'est pas sérieusement contestée par Mme [R].
Quant aux sommes dues postérieurement au 13 juillet 2017, à la suite des réclamations faites par Mme [R] sur l'absence de versement d'indemnités complémentaires, la société Cleyade [Localité 4] justifie non seulement avoir réalisé des démarches auprès de la société Axa pour s'enquérir de la situation, mais également avoir fait retour à Mme [R] de la difficulté existante, notamment par courrier du 29 décembre 2017, dont l'effectivité et la sincérité sont vainement critiquées par la salariée.
Contrairement à ce que soutient Mme [R], elle n'a pas correctement déféré aux demandes de transmission de pièces faites par son employeur. Plus précisément, à ce titre, il est indifférent qu'elle justifie qu'elle a correctement transmis à son employeur ses relevés d'indemnités journalières pour déclencher le paiement du complément dû par la société Axa au titre du contrat de prévoyance, puisque l'absence de paiement de ces indemnités n'était pas dû à un défaut de transmission de cette information.
En effet, la difficulté rappelée à plusieurs reprises par le gestionnaire du dossier de la société Axa (mails adressés les 8 septembre, 25 octobre, 28 décembre 2017, 23 janvier, 14 février, 3 avril, 16 avril et 20 juin 2018) pour expliquer l'absence de versement n'était pas l'absence de transmission des relevés d'indemnités journalières. Elle était qu'initialement, sur le relevé d'indemnités journalières de la CPAM édité le 11 décembre 2017, il apparaissait un nouvel arrêt maladie à compter du 19 juillet 2017 avec application d'un nouveau délai de carence de trois jours, ce qui laissait penser que l'arrêt qui avait débuté le 19 juillet 2017 pouvait être un nouvel arrêt qui n'avait aucun lien de causalité avec le premier et qui, par suite, justifiait l'application d'une nouvelle franchise de trente jours. La société Axa demandait donc que lui soient transmis les arrêts maladie ou tout autre justificatif lui permettant d'apprécier le lien éventuel entre les deux arrêts.
Or, si Mme [R] justifie avoir adressé un nouveau relevé d'indemnités journalières édité le 10 avril 2018 qui, après reconnaissance de l'affection longue durée de la salariée, précisait que toutes les indemnités journalières versées à compter du 13 mai 2018 était liée à cette même affection, de sorte que le délai de carence de trois jours initialement appliqué du 19 au 21 juillet 2017 n'apparaissait plus, elle n'a, en revanche, jamais transmis les arrêts de travail ou autre tout élément médical tel que cela lui avait été réclamé par la société Axa par l'intermédiaire de son employeur.
Au demeurant, dans le cadre de la présente instance, elle ne produit toujours pas le moindre certificat médical permettant d'apprécier la cause de son arrêt maladie, si ce n'est la justification de ce que son affection longue durée qui a été reconnu le 6 février 2018 est 'une affection psychiatrique de longue durée', cette reconnaissance étant valable jusqu'au 10 mai 2022.
Dans ces conditions qui démontrent que l'absence d'exécution du contrat de prévoyance trouve sa cause dans la carence de Mme [R] qui n'a pas transmis les informations nécessaires à son employeur, c'est en vain que celle-ci réclame à son employeur l'indemnisation du préjudice financier en résultant.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Cleyade [Localité 4] à payer à Mme [R] la somme de 480 euros à titre de dommages et intérêts résultant du solde restant dû en application des dispositions de l'article L. 1226-1 du code de travail.
- Sur le préjudice financier
Mme [R] invoque, à ce titre, le fait que son employeur a transmis tardivement l'attestation de salaire à la caisse primaire d'assurance maladie, ce qui a occasionné un retard dans la perception des indemnités journalières, le fait que son employeur a tardé à déclarer son arrêt maladie à l'organisme de prévoyance, et que dans un premier temps, son employeur lui a délivré un reçu pour solde de tout compte à zéro alors qu'il lui devait ses congés payés et une indemnité de licenciement.
Elle soutient que ce comportement fautif a entraîné pour elle de graves problèmes financiers, qu'elle n'a pu payer son loyer et qu'elle a fait l'objet d'une procédure d'expulsion.
Il résulte des pièces produites aux débats que si Mme [R] a effectivement signalé à son employeur au mois de février 2018 qu'elle n'avait pas perçu ses indemnités journalières de la part de la sécurité sociale faute pour lui d'avoir adressé l'attestation de salaire, cette situation a été régularisée dès le 22 mars 2018, ainsi qu'en atteste le courrier du conseil de Mme [R].
Concernant la déclaration de sinistre à l'organisme de prévoyance, il est exact que celle-ci n'a été réalisée que le 27 juin 2017. Toutefois, dans la mesure où le contrat de prévoyance prévoit 30 jours de carence, cette déclaration fait 45 jours après le début de l'arrêt maladie ne peut être considérée comme tardive et préjudiciable à la salariée.
De même, s'il est exact qu'à l'issue de son licenciement le 17 septembre 2018, la société Cleyade [Localité 4] a délivré un reçu pour solde de tout compte nul à Mme [R], cette erreur a été rectifiée le 20 décembre 2018, la salariée ayant reçu un chèque d'un montant de 2 099,23 euros représentant l'indemnité compensatrice des 25, 62 jours de congés payés restant dus pour 1 561,70 euros et une indemnité de licenciement d'un montant de 920,95 euros.
Au vu de ces éléments, il convient de constater que si l'employeur a pu commettre des erreurs dans l'exécution de ses obligations, ces manquements ont été rapidement rectifiés, de sorte que Mme [R] ne peut affirmer que ces derniers sont à l'origine de ses difficultés financières et de son expulsion de son logement, étant surabondamment fait observer, que le jugement de surendettement qu'elle verse aux débats fait état d'une saisine de la commission de surendettement le 11 juillet 2017, soit moins de deux mois après son arrêt maladie du 10 mai 2017, ce qui tend à établir que ses difficultés financières et son endettement excessif auprès notamment de son bailleur mais également de plusieurs sociétés de crédit à la consommation étaient bien antérieurs à cet arrêt maladie et par suite aux retard imputables à son employeur dans le respect de ses obligations dans le cadre de l'arrêt maladie ou du licenciement pour inaptitude.
Néanmoins, alors que la situation de Mme [R] était déjà très précaire, les différents retards cumulés commis par l'employeur lui ont causé préjudice en ce qu'elle n'a pas perçu les sommes auxquelles elle pouvait prétendre dans les délais, ce qui justifie que lui soit octroyé à ce titre la somme de 150 euros, le jugement étant ainsi infirmé.
Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail
- Sur l'origine professionnelle de l'inaptitude
Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement, l'application des dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail n'étant pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance-maladie du lien de causalité entre l'accident et l'inaptitude.
Par ailleurs, si le juge ne peut substituer son appréciation à celle du médecin du travail quant à l'aptitude du salarié, il lui appartient au contraire d'apprécier si l'inaptitude a un caractère professionnel.
En l'espèce, dans son avis du 29 août 2018, le médecin du travail a déclaré Mme [R] 'inapte: dispense de l'obligation de reclassement - tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé'.
Mme [R] soutient, sans qu'aucun élément ne vienne corroborer cette version des faits, que cet avis d'inaptitude est la conséquence de son arrêt maladie débuté le 10 mai 2017, arrêt maladie dont elle impute l'origine à un accident de travail. Elle explique ainsi que ce jour-là, elle était convoquée à une réunion par son directeur pour évoquer avec elle le fait qu'elle était accusée d'avoir volé une somme de 5 000 euros à un client, qu'à l'occasion de cet échange, elle a été agressée verbalement par son directeur M. [F] et Mme [L], ce qui a engendré un malaise et une chute. Les pompiers sont intervenus et l'ont conduite à l'hôpital.
Il n'est pas contesté, et au demeurant établi par les attestations du SDIS 76 et de l'hôpital J. [Z], que le 10 mai 2017, Mme [R] était présente au siège social de son entreprise et qu'à la suite d'un malaise, elle a été secourue par les pompiers qui l'ont accompagnée jusqu'à l'hôpital, où elle a été gardée en observation pendant trois heures.
Par ailleurs, il résulte des motifs adoptés précédemment que l'arrêt maladie qui a débuté le 10 mai 2017 a été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie comme inclus dans le dispositif des affections de longue durée, Mme [R] étant prise en charge à ce titre depuis une reconnaissance du 6 février 2018 pour 'affection psychiatrique de longue durée' et ce jusqu'au 10 mai 2022.
S'il peut se déduire de ces éléments que l'état de santé psychiatrique de Mme [R] rendait toute activité professionnelle impossible pour elle lorsqu'elle a été vue par le médecin du travail le 23 août 2018 - ce qui explique l'avis d'inaptitude rendu sans possibilité de reclassement -, ils sont, en revanche, tout à fait insuffisants pour établir qu'il existe un lien de causalité entre le malaise survenu le 10 mai 2017 sur son lieu de travail et son état de santé psychiatrique à l'origine de l'inaptitude.
En conséquence, le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a rejeté la reconnaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude, ainsi que les demandes indemnitaires subséquentes de Mme [R] au titre de l'indemnité spéciale de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de congés payés, étant précisé qu'elle a été réglée le 20 décembre 2018 des 25, 62 jours de congés payés normaux qu'elle revendique et de l'indemnité classique de licenciement dont elle ne conteste pas le montant.
Sur l'exécution provisoire
La présente décision est exécutoire, le pourvoi en cassation n'ayant pas d'effet suspensif, de sorte que la demande tendant à ce que soit prononcée l'exécution provisoire est sans objet.
Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie succombante à titre principale, il y a lieu de condamner la société Cleyade [Localité 4] aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. [M] [C] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle pour les frais générés en cause d'appel et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, alloué à Mme [D] [R] les sommes de 1 961,96 euros à titre de rappel de salaire sur l'année 2016, de 540,21 euros à titre de rappel de salaire sur l'année 2017 et de 19,18 euros à titre de rappel de la prime d'ancienneté, soit une somme totale de 2 521,35 euros à titre de rappels de salaire, alloué à M. [C] une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et en ce qu'il a débouté Mme [D] [R] de sa demande de reconnaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude et toutes ses demandes financières subséquentes ;
L'infirme en ces autres dispositions ;
Statuant à nouveau,
Condamne la SARL Cleyade [Localité 4] à payer à Mme [D] [R] les sommes suivantes :
480 euros à titre de dommages et intérêts résultant du solde restant dû en application des dispositions de l'article L. 1226-1 du code de travail ;
150 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier ;
Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation et celles à caractère indemnitaire à compter du jugement pour celles confirmées et à compter du présent arrêt pour celles prononcées ;
Déboute Mme [D] [R] de ses demandes de rappel de salaire pour heures complémentaires sur l'année 2015 ;
Y ajoutant,
Dit sans objet la demande d'exécution provisoire de la présente décision ;
Déboute la SARL Cleyade [Localité 4] de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL Cleyade [Localité 4] à payer à M. [M] [C] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
Condamne la SARL Cleyade [Localité 4] aux entiers dépens.
La greffièreLa présidente