N° RG 19/02993 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IHWR
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 29 JUIN 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'EVREUX du 23 Mai 2019
APPELANT :
Monsieur [O] [K]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par M. [U] [G] muni d'un pouvoir
INTIMEE :
URSSAF NORMANDIE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Mme [F] [B] munie d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 10 Mai 2022 sans opposition des parties devant Monsieur POUPET, Président, magistrat chargé d'instruire l'affaire.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur POUPET, Président
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame POUGET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Patrick Cabrelli
DEBATS :
A l'audience publique du 10 Mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 Juin 2022
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 29 Juin 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Monsieur POUPET, Président et par M. CABRELLI, Greffier.
* * *
M. [O] [K], ayant vainement contesté devant la commission de recours amiable de l'Urssaf quatre mises en demeure et une contrainte que lui avait fait notifier cet organisme, a poursuivi sa contestation devant le pôle social du tribunal de grande instance d'Évreux qui, par jugement du 23 mai 2019, a :
- validé la contrainte émise le 11 décembre 2017 et signifiée le 20 décembre suivant en son montant recalculé de 2'943 euros au titre des cotisations impayées et majorations des 1er et 2ème trimestres 2017,
- condamné M. [K] à payer à l'Urssaf la somme de 2'943 euros,
- rappelé qu'en application de l'article L 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, les frais d'exécution forcée sont à la charge du débiteur,
- débouté l'Urssaf de sa demande de condamnation de M. [K] à lui payer la somme de 12'058 euros,
- condamné M. [K] à deux amendes civiles de 500 euros chacune,
- condamné M. [K] aux dépens nés après le 1er janvier 2019 et à payer à l'Urssaf 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [K] a relevé appel de ce jugement et, par conclusions remises le 17 mars 2022, soutenues oralement lors de l'audience, demande à la cour :
- de déclarer nulles la contrainte et les mises en demeure litigieuses,
- de débouter l'Urssaf de toutes ses demandes,
- de condamner celle-ci à lui payer 3000 euros à titre de dommages et intérêts et 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'Urssaf de Haute-Normandie, par conclusions remises le 8 décembre 2021 et soutenues oralement lors de l'audience, demande pour sa part à la cour :
- de débouter M. [K] de toutes ses demandes,
- de confirmer le jugement en ce qu'il a validé la contrainte en son montant actualisé de 2943 euros et condamné M. [K] au paiement de cette somme et de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de réformer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle en paiement de la somme correspondant à la somme des cotisations et majorations dues au titre des mises en demeure contestées et condamner M. [K] à lui payer à ce titre la somme de 12'058 euros.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'article L 244-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des poursuites objet du présent litige, précise que toute action ou poursuite est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'État invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois, et que, si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant.
Aux termes de l'article R 133-3 du même code, si la mise en demeure ou l'avertissement reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner, dans les domaines mentionnés aux articles L. 161-1-5 ou L. 244-9, une contrainte comportant les effets mentionnés à ces articles.
Il est constant que la mise en demeure et la contrainte doivent permettre à l'assuré de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation, ce qui inclut la période à laquelle elle se rapporte, et qu'une contrainte est valablement motivée par référence à une mise en demeure répondant à cette exigence.
L'organisme social n'est pas tenu de détailler le calcul des cotisations.
Sur la contrainte signifiée le 20 décembre 2017
Celle-ci, délivrée pour obtenir paiement d'une somme de 6623 euros, se décomposant en 6557 euros de cotisations et contributions au titre des premier et deuxième trimestres 2017 et 353 euros de majorations, soit 6910 euros, sous déduction de 287 euros, fait expressément référence à une mise en demeure en date du 10 juillet 2017.
Le fait que la mise en demeure en question soit en réalité datée du 11 juillet 2017, comme le relève l'appelant, est sans incidence sur la validité de la contrainte dès lors qu'elle était néanmoins identifiable par son montant (6910 euros) et, de surcroît, par le numéro de dossier qui y est mentionné en bas (0020499403), repris dans la contrainte, ce qui révélait une simple erreur matérielle d'un jour concernant la date, étant observé que M. [K] ne soutient pas avoir reçu une autre mise en demeure réellement datée du 10 juillet 2017 avec laquelle il aurait pu exister une confusion.
Or, ladite mise en demeure mentionne la nature des sommes demandées en détaillant cotisations-contributions et majorations, avec le caractère des premières («'provisionnelle'» en l'espèce), les différents risques auxquelles elles se rapportent (maladie-maternité, indemnités journalières, invalidité-décès, etc.) qui en constituent la cause, et, en ce qui concerne chaque risque, le montant de la cotisation pour chacune des périodes concernées (premier et deuxième trimestres 2017).
La contrainte contestée est donc valablement motivée par référence à une mise en demeure répondant aux exigences précitées.
Si le montant de la mise en demeure est repris par la contrainte mais réduit, dans celle-ci, par l'effet d'une «'déduction'» de 287 euros dont la cause n'est certes pas précisée, cette circonstance ne saurait suffire pour entraîner la nullité de la contrainte dès lors que la déduction en question profite à l'appelant et ne peut être contestée comme ne correspondant pas au montant de versements qu'aurait faits le cotisant puisque celui-ci ne justifie pas, ni ne fait d'ailleurs état, du moindre versement sur les créances dont l'Urssaf poursuit le recouvrement.
Enfin, les mentions impératives portent, ainsi que cela a été dit ci-dessus, sur la nature, la cause et l'étendue de l'obligation. Il n'est nullement exigé, contrairement à ce que soutient M. [K], la mention du motif de la délivrance de la mise en demeure ou de la contrainte, absence ou insuffisance de paiement, lequel va de soi au demeurant, cet argument étant d'autant moins pertinent que, ainsi que cela a été dit, M. [K] ne justifie ni ne fait état d'aucun versement.
C'est dès lors à bon droit que le tribunal a validé la contrainte et condamné M.'[K] au paiement à l'Urssaf de la somme correspondante.
Sur les mises en demeure
L'Urssaf verse aux débats trois des mises en demeure au titre desquelles elle présente une demande de condamnation à paiement, celles des 11 octobre 2017, 20 décembre 2017 et 26 juillet 2018.
L'examen de celles-ci révèle qu'elles répondent également aux exigences de forme rappelées ci-dessus. M. [K] doit donc être débouté de sa demande tendant à voir déclarer nulles ces mises en demeure.
Ni l'Urssaf ni M. [K] ne produisent la mise en demeure du 21 mars 2018 relative au premier trimestre 2018, de sorte que ce dernier, faute de justifier de l'irrégularité alléguée de celle-ci, doit être également débouté de sa demande tendant à la voir déclarer nulle mais qu'en revanche, la demande de l'Urssaf en paiement des causes de celle-ci ne peut prospérer.
Il est constant qu'en vue de recouvrer ses créances, il est loisible à l'Urssaf de saisir une juridiction de sécurité sociale pour obtenir un titre exécutoire plutôt que de délivrer une contrainte.
L'Urssaf expliquant dans ses conclusions le calcul des sommes qu'elle demande au titre des trois mises en demeure susvisées dont la régularité est établie, qui n'est pas utilement discuté, il convient de faire droit à sa demande de ce chef représentant 9326 euros, à l'exclusion de sa demande relative au premier trimestre 2018 (2732 euros).
L'appelant ne demande pas l'infirmation du jugement en ce qui concerne les amendes civiles prononcées à son encontre et l'indemnité pour frais irrépétibles.
Les considérations qui précèdent conduisent au rejet de ses demandes de dommages et intérêts et d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Partie perdante, il doit être condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
infirme le jugement en ce qu'il a débouté l'Urssaf de sa demande en paiement des sommes dues au titre des mises en demeure des 11 octobre 2017, 20 décembre 2017 et 26 juillet 2018,
ajoutant au jugement et statuant à nouveau du chef infirmé,
déboute M. [O] [K] de sa demande tendant à voir déclarer nulles les quatre mises en demeure contestées,
le condamne à payer à l'Urssaf la somme de 9326 euros,
confirme le jugement en ses autres dispositions,
déboute M. [K] de ses demandes de dommages et intérêts et d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
le condamne aux dépens.
Le Greffier Le Président