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29/06/2022 | FRANCE | N°19/04855

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 29 juin 2022, 19/04855


N° RG 19/04855 - N° Portalis DBV2-V-B7D-ILRA





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE





ARRET DU 29 JUIN 2022











DÉCISION DÉFÉRÉE :



Jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 10 Septembre 2019







APPELANTE :



SAS [5]

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Me Corinne POTIER, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Annabelle HUBERT, avocat au ba

rreau de PARIS







INTIMEE :



CPAM DE L'EURE

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me François LEGENDRE, avocat au barreau de ROUEN































COMPOSITION DE LA COUR  :



En application ...

N° RG 19/04855 - N° Portalis DBV2-V-B7D-ILRA

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 29 JUIN 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 10 Septembre 2019

APPELANTE :

SAS [5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Corinne POTIER, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Annabelle HUBERT, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

CPAM DE L'EURE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me François LEGENDRE, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 10 Mai 2022 sans opposition des parties devant Monsieur POUPET, Président, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur POUPET, Président

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Patrick Cabrelli

DEBATS :

A l'audience publique du 10 Mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 Juin 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 29 Juin 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur POUPET, Président et par M. CABRELLI, Greffier.

* * *

Le 2 septembre 2017, M. [T] [Z], ancien salarié de la SAS [5], a déclaré à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure une maladie professionnelle, à savoir, selon certificat médical initial du 17 juillet 2017, un «'carcinome bronchique primitif chez un malade exposé à l'amiante, tableau 30 bis'», que celle-ci a prise en charge comme telle.

La société [5] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la caisse puis, en l'absence de réponse de celle-ci, devant le pôle social du tribunal de grande instance de Rouen qui, par jugement du 10 septembre 2019, a rejeté l'ensemble de ses demandes.

Elle a interjeté appel de ce jugement le 12 décembre 2019 et, par des conclusions remises le 16 décembre 2021 et soutenues oralement lors de l'audience, demande à la cour de l'infirmer et de déclarer inopposable à son égard la décision de prise en charge de la pathologie de M. [Z].

Par conclusions remises le 11 avril 2022 et soutenues oralement, la caisse demande pour sa part à la cour de confirmer le jugement et de condamner la société à lui régler la somme de 2 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour le détail de leur argumentation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article L461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable en l'espèce, dispose notamment :

- qu'est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau,

- que si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime,

- que dans ce dernier cas, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Il appartient à la caisse d'apporter la preuve de l'exposition de l'assuré au risque et de ce que les conditions du tableau sont réunies.

Le tableau n°30 bis est relatif au cancer broncho-pulmonaire primitif provoqué par l'inhalation de poussières d'amiante. Il fixe le délai de prise en charge à 40 ans sous réserve d'une durée d'exposition de 10 ans et dresse la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la maladie :

- travaux directement associés à la production des matériaux contenant de l'amiante,

- travaux nécessitant l'utilisation d'amiante en vrac,

- travaux d'isolation utilisant des matériaux contenant de l'amiante,

- travaux de retrait d'amiante,

- travaux de pose et de dépose de matériaux isolants à base d'amiante,

- travaux de construction et de réparation navale,

- travaux d'usinage, de découpe et de ponçage de matériaux contenant de l'amiante,

- fabrication de matériels de friction contenant de l'amiante,

- travaux d'entretien ou de maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante.

Il est constant que M. [Z] a travaillé :

- en qualité de plombier-chauffagiste pour l'entreprise Jean Allain de 1963 à 1966,

- en qualité d'ouvrier d'atelier puis de «'technicien qualité'» au sein de la SAS [5] de 1969 à 2005.

La société soutient que ce dernier n'a été exposé au risque que dans le cadre de son activité de plombier de 1963 à 1966 et conteste en conséquence, d'une part, le caractère professionnel de la maladie au motif que la condition tenant à la durée d'exposition prévue par le tableau ne serait pas remplie, d'autre part et en toute hypothèse, l'imputabilité de ladite maladie à l'activité de l'intéressé à son service.

Lors de l'instruction du dossier par la caisse, M. [Z] a répondu en particulier à un «'questionnaire d'évaluation d'exposition à l'amiante'» comportant une liste de travaux et lui demandant d'indiquer ceux qu'il avait effectués.

En ce qui concerne son activité au sein de l'entreprise Jean Allain de 1963 à 1966, il déclare avoir :

- manipulé de l'amiante ou des matériaux en contenant,

- effectué des travaux de calorifugeage ou d'isolation avec des matériaux contenant de l'amiante,

- travaillé à proximité immédiate de personnes réalisant des opérations de calorifugeage, décalorifugeage ou flocage d'amiante,

- réalisé les travaux d'entretien, de réparation, de maintenance sur des matériaux chauds (chaudières, incinérateurs, étuves, fours, moteurs, etc.).

En ce qui concerne son activité au sein de la société [5], il a seulement répondu «'oui, de 1977 à 1990'» à la question : «'Avez-vous déjà fabriqué, réparé ou manipulé des mécanismes d'embrayage ou de garnitures de frein'». Ce faisant, il a entouré les mots «'manipulé des mécanismes d'embrayage'» et porté à coté la mention manuscrite «'très peu'».

Dans la partie où il était libre d'apporter des précisions, il expose toutefois «'Renault Cleon, fabrication de moteurs et boites de vitesses, certes mon dernier employeur, malgré l'utilisation de joints de vidange moteurs et boîtes de vitesses, de disques d'embrayage et peut être de collecteur admission et échappement à base d'amiante, mais le problème date de la période ou j'ai fait du chauffage central et de la plomberie. A cette époque l'utilisation de l'amiante était courante et sans protection, tel que le calorifugeage des tuyauteries (souvent à plat ventre dans les combles) plaques d'amiante pour la protection des murs lors de soudage des tuyauteries, joint d'amiante pour chaudière, joint de bride de raccordement de tuyauterie et peut-être d'autres utilisations dont je ne me souviens plus. Avec le temps, je n'ai pas de témoins pour certifier !'»

Il n'a effectivement produit aucune attestation ni témoignage.

Des réponses de l'intéressé aux questions précises sur telle ou telle activité, on retient qu'il a au moins manipulé, très peu, des mécanismes d'embrayage entre 1977 et 1990. [5] ne réfute pas cette affirmation.

On peut certes comprendre que c'est «'très peu'» mais tout au long de cette période, et alors la durée d'exposition est atteinte et même dépassée (même sans tenir compte de l'activité antérieure de plombier), ou bien ponctuellement (une fois de temps à autres) pendant cette période, et la durée d'exposition est discutable.

Mais il ressort de la chronologie et du détail des fonctions exercées par M.'[Z] tels qu'ils ressortent du questionnaire rempli par l'employeur que de 1969 à 1986, il a travaillé en atelier et qu'à partir de 1986, s'il a eu des fonctions de contrôleur de qualité, c'était encore en atelier. On peut en déduire que la première hypothèse est la bonne et qu'il a manipulé des mécanismes d'embrayage, peu mais tout au long de la période qu'il mentionne.

Si une question est posée, dans un questionnaire d'évaluation d'une exposition à l'amiante, sur la fabrication et la manipulation de mécanismes d'embrayage, c'est qu'il est connu que ces travaux ont pendant longtemps exposé les salariés au risque «'amiante'» et la société [5] ne soutient pas, dans ses conclusions, que tel n'était plus le cas à l'époque visée par le salarié.

En outre, il ressort du commentaire rédigé par ce dernier que, s'il estime que c'est en tant que plombier qu'il a été le plus exposé, il retient quand même chez [5] l'utilisation de joints de vidange moteurs, boîtes de vitesses, disques d'embrayage à base d'amiante.

Enfin, même si l'on retient 1990 comme date de fin d'exposition et non 2005 comme l'a fait la caisse, le délai de prise en charge est respecté.

Ces considérations permettent de conclure que le caractère professionnel de la maladie est établi dans le respect des conditions du tableau et que la survenance de celle-ci est imputable, même si cela n'est pas exclusivement, à la SAS [5], de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté cette dernière de ses demandes.

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

confirme le jugement entrepris,

condamne la SAS [5] aux dépens et au paiement à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure d'une indemnité de mille euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/04855
Date de la décision : 29/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-29;19.04855 ?
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