N° RG 20/01419 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IOS5
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 09 NOVEMBRE 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du POLE SOCIAL DU TJ D'EVREUX du 13 Février 2020
APPELANTE :
Madame [U] [L]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Céline VERDIER de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de l'EURE
INTIMEE :
CIPAV
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Marc ABSIRE de la SELARL DAMC, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Adrien LAHAYE, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 21 Septembre 2022 sans opposition des parties devant Madame POUGET, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame POUGET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. CABRELLI, Greffier
DEBATS :
A l'audience publique du 21 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 Novembre 2022
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 09 Novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par M. CABRELLI, Greffier.
* * *
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme [L] a été affiliée à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (caisse ou Cipav) à compter du 1er octobre 1976 jusqu'au 31 décembre 1989, puis de nouveau à compter du 1er janvier 2017.
Le 15 juillet 2005, elle a adressé à la caisse une demande de liquidation de ses droits à la retraite.
Par courrier du 21novembre 2005, Mme [L] a informé la caisse de ce qu'elle poursuivait son activité libérale.
Par courrier du 20 novembre 2017, elle a indiqué à la caisse qu'elle cessait toute activité au 31 décembre 2017 et sollicité la liquidation de ses droits à la retraite de base et complémentaire.
Les 8 et 24 mars 2018, la caisse lui a respectivement notifié :
- le rejet de sa demande de retraite complémentaire en raison de cotisations impayées au titre de l'année 1989 (340,76 euros),
- la liquidation de sa pension de retraite de base à taux plein à compter du 1er janvier 2018.
Le 18 avril suivant, la cotisante a informé la Cipav de ce qu'elle avait effectué un virement bancaire d'un montant de 340,76 euros.
Le 14 mai 2018, la caisse lui a adressé un appel à cotisations pour les années 2017 et 2018 pour son activité d'ingénieure à compter du 1er janvier 2017.
Le 20 juin 2018, Mme [L] a saisi la commission de recours amiable de la caisse, puis, le 15 octobre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Eure.
Le 26 octobre 2018, la Cipav lui a notifié la révision de la liquidation de sa retraite de base à taux plein et la liquidation de sa retraite complémentaire à taux plein.
Le 30 octobre 2018, Mme [L], se référant à la notification considérée, a saisi la commission de recours amiable de la caisse en lui demandant «la libération de sa retraite complémentaire, le paiement rétroactif des retraites de base et complémentaire et la révision du calcul des cotisations ».
Le 22 février 2019, la Cipav a rejeté sa demande concernant la date de prise d'effet de sa pension de retraite complémentaire et de révision du montant des cotisations.
Par jugement rendu le 13 février 2020, le pôle social du tribunal judiciaire d'Evreux, devenu compétent pour statuer, a dit que la juridiction n'était pas valablement saisie et condamné Mme [L] aux dépens.
Mme [L] a interjeté appel de cette décision le 31 mars 2020.
Par conclusions remises le 19 septembre 2022, soutenues oralement à l'audience, elle demande à la cour de :
- infirmer le jugement du 13 février 2020,
- dire qu'elle a valablement saisi le tribunal judiciaire et la déclarer recevable en ses demandes,
- rejeter la demande formulée par la Cipav au titre de la péremption d'instance,
en conséquence :
- prononcer l'annulation de la décision de la caisse du 24 mars 2018 en ce qu'elle a fixé la date de liquidation de la retraite de base au 1er janvier 2018 au lieu du 1er octobre 2005,
- fixer la date de prise d'effet de sa retraite de base au 1er octobre 2005,
- condamner la Cipav à procéder au versement des prestations de retraite de base brutes dues du 1er octobre 2005 au 31 décembre 2017, soit la somme de 24 026,79 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de leur date d'exigibilité,
à titre subsidiaire :
- condamner la Cipav au paiement de la somme de 24 026,79 euros à titre de dommages et intérêts,
- prononcer l'annulation de la décision de la Cipav du 8 mars 2018 en ce qu'elle a rejeté la demande de liquidation de sa retraite complémentaire,
à titre principal :
- fixer la date de prise d'effet de sa retraite complémentaire au 1er août 2005,
- condamner la Cipav à procéder au versement des prestations de retraite complémentaires brutes dues du 1er août 2005 au 30 avril 2018, soit la somme de 16 598,59 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de leur date d'exigibilité,
à titre subsidiaire :
- fixer la date de prise d'effet de sa retraite complémentaire au 1er décembre 2017,
- condamner la Cipav à procéder au versement des prestations de retraite complémentaire brutes dues du 1er décembre 2017 au 30 avril 2018, soit la somme de 542,45 euros, assorties des intérêts au taux légaux à compter de leur date d'exigibilité,
- condamner la Cipav au paiement de la somme de 16 056,14 euros à titre de dommages et intérêts,
- prononcer l'annulation des appels de cotisations des 14 et 30 mai 2018,
à titre principal :
- ordonner à la Cipav de prononcer sa radiation et, en conséquence, la condamner à lui restituer la somme de 340,76 euros,
- à titre subsidiaire :
* fixer les cotisations définitives de retraite de base 2017 à hauteur de 1 058 euros,
* fixer les cotisations provisionnelles et définitives de retraite complémentaire 2018 à hauteur de 329 euros ; à titre infiniment subsidiaire, à hauteur de 657 euros,
* fixer les cotisations provisionnelles de retraite de base 2018 à hauteur de 1058 euros,
* fixer les cotisations définitives de retraite de base 2018 à hauteur de 461 euros
- condamner la Cipav au paiement de la somme de 3 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par conclusions remises le 14 juin 2022 et soutenues oralement à l'audience, la Cipav demande à la cour de :
à titre principal :
- dire et juger périmée l'instance l'opposant à Mme [L] et préciser en conséquence que les frais de l'instance seront supportés par cette dernière,
à titre subsidiaire :
- confirmer le jugement,
en tout état de cause :
- débouter la cotisante de l'ensemble de ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour le détail de leur argumentation.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'exception de péremption de l'instance
L'article 386 du code de procédure civile, applicable depuis le 1er janvier 2019 en cause d'appel en matière de contentieux de la sécurité sociale, dispose que l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.
En procédure orale, les parties n'ont pas d'obligation de conclure et n'ont d'autre diligence à effectuer que de demander la fixation de l'affaire à une audience.
En l'espèce, dès lors qu'il ne s'est pas écoulé deux ans entre l'appel, interjeté le 31 mars 2020, et la convocation à l'audience adressée par le greffe aux parties le 28 mars 2022, la péremption de l'instance ne peut être opposée à l'appelante.
Par conséquent, l'exception considérée doit être rejetée.
Sur la recevabilité de la saisine
En application de l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, les réclamations relevant de l'article L. 142-1 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil d'administration de chaque organisme. Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation. La forclusion ne peut être opposée aux intéressés que si cette notification porte mention de ce délai.
Après décision de cette commission ou en cas de rejet implicite, le cotisant peut, le cas échéant, saisir la juridiction compétente de sa contestation concernant la décision prise par l'organisme de sécurité sociale ou la caisse de retraite.
En l'espèce, Mme [L] a saisi, le 20 juin 2018, la commission de recours amiable de la caisse en lui demandant de « libérer sa retraite complémentaire, de procéder au virement rétroactif depuis sa demande de 2005 et de revoir le calcul des cotisations 2017 et 2018 ».
Dans son courrier de saisine, elle a énuméré les deux décisions de mars 2018 précédemment rappelées, par lesquelles la caisse lui a notifié le rejet de sa demande de retraite complémentaire en raison de cotisations impayées au titre de l'année 1989 (340,76 euros), ainsi que la liquidation de sa pension de retraite de base à taux plein à compter du 1er janvier 2018. Elle a également fait référence au courrier du 14 mai 2018 par lequel la caisse lui a adressé un appel à cotisations pour les années 2017 et 2018 pour son activité d'ingénieure à compter du 1er janvier 2017.
Il ne peut être contesté que lesdits courriers de la caisse ne se limitent pas à transmettre une information purement déclarative à l'assurée, mais, au contraire, lui notifient l'étendue de ses droits à pension au titre de la retraite de base, le rejet de sa demande de retraite complémentaire et sollicitent le paiement de cotisations, de sorte que l'appelante dont l'intérêt à agir n'est pas discuté, pouvait valablement saisir la commission considérée de ces contestations. Par ailleurs, faute d'indication par la caisse dans les courriers considérés des délais de recours tant de la commission que du tribunal compétent, aucun délai de forclusion ne peut être opposé à l'appelante.
Toutefois, comme l'ont justement relevé d'office les premiers juges, il ne peut être contesté que la requête de Mme [L], adressée au tribunal de sécurité sociale compétent, ne se réfère, quant à elle, à aucune décision précise de la caisse ou de la CRA. En effet, elle demande à cette juridiction « d'imposer à la Cipav de régulariser sa situation en libérant ses droits de façon rétroactive » et de «revoir le calcul des cotisations » qui lui ont été adressées dont elle conteste le calcul.
Dans ces conditions, la décision déférée doit être confirmée en ce qu'elle a considéré qu'elle n'était pas valablement saisie.
Succombante à l'instance, elle en supportera les dépens. Il n'apparaît pas inéquitable de rejeter les demandes des parties formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
la cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort,
rejette l'exception de péremption d'instance,
confirme le jugement du 13 février 2020 et y ajoutant,
dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamne Mme [U] [L] aux dépens.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE