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10/11/2022 | FRANCE | N°20/00310

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 10 novembre 2022, 20/00310


N° RG 20/00310 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IMMF





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 10 NOVEMBRE 2022











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 26 Décembre 2019





APPELANTE :





Association LES PAPILLONS BLANCS 76

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Virginie FAUCHERRE de la SELARL 3A AVOCATS D'AFFAIRES ASSOCIES, a

vocat au barreau de ROUEN









INTIMEE :





Madame [K] [W] épouse [Z] [O]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]



présente



représentée par Me Gaëlle RIPOLL, avocat au barreau de ROUEN























...

N° RG 20/00310 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IMMF

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 10 NOVEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 26 Décembre 2019

APPELANTE :

Association LES PAPILLONS BLANCS 76

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Virginie FAUCHERRE de la SELARL 3A AVOCATS D'AFFAIRES ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

Madame [K] [W] épouse [Z] [O]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

présente

représentée par Me Gaëlle RIPOLL, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 28 Septembre 2022 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. GUYOT, Greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 28 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 Novembre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 10 Novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Après avoir été engagée par le biais de contrats à durée déterminée du 14 février au 6 mars 2005, Mme [K] [Z] [O] a signé un contrat à durée indéterminée avec l'association Les papillons blancs le 1er septembre 2007 en qualité d'élève aide médico-psychologique, puis en qualité d'assistante éducative à compter du 1er mai 2010.

Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

Mme [Z] [O] ayant déposé plainte pour harcèlement moral et saisi le conseil de prud'hommes de Rouen le 21 décembre 2015 aux fins de voir prononcer la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, à défaut pour lui de prendre les dispositions nécessaires pour faire cesser le harcèlement moral exercé par Mme [P], sa responsable hiérarchique, depuis 2013, celui-ci, par jugement du 8 décembre 2016, a ordonné le sursis à statuer dans I'attente de la décision de la juridiction pénale suite à la plainte ainsi déposée.

Déclarée inapte par le médecin du travail le 22 mars 2017, Mme Da Silva [O] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 11 décembre 2017 et, par requête du 25 avril 2018, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen en contestation du licenciement, ainsi qu'en paiement de rappels de salaire et indemnités.

Par jugement du 26 décembre 2019, le conseil de prud'hommes a dit le licenciement de Mme [Z] [O] dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné l'association Les papillons blancs à lui verser 17 906,30 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 19 696,93 euros à titre de dommages et intérêts pour la dégradation de l'état de santé, outre 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, a débouté Mme [Z] [O] de sa demande d'indemnité en réparation du préjudice moral et laissé les dépens à la charge de l'association Les papillons blancs.

L'association Les papillons blancs a interjeté appel de cette décision le10 janvier 2020.

Par conclusions remises le 9 avril 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, l'association Les papillons blancs demande à la cour d'ordonner la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 20/00310 et 20/00495 et de réformer le jugement sauf en ce qu'il a exclu la reconnaissance de l'existence d'un harcèlement moral, et statuant à nouveau, dire que le licenciement de Mme [K] [Z] [O] repose sur une cause réelle et sérieuse et la débouter de l'intégralité de ses demandes.

Par conclusions remises le 29 septembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Mme [Z] [O] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de l'insuffisance des tentatives de reclassement ou du manquement à l'employeur à son obligation de sécurité et condamner l'employeur au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 8 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de relever que Mme [Z] [O] ne sollicite pas l'infirmation du jugement en ce qu'elle a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, demande qui résultait de sa demande de reconnaissance de harcèlement moral, aussi, cette disposition est définitive.

Mme [Z] [O] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse dès lors que l'association Les papillons blancs 76 ne justifie pas avoir loyalement et sérieusement recherché un poste de reclassement. A cet égard, elle relève qu'aucun poste ne lui a été proposé, et ce, alors qu'une seule recherche sur internet permet de trouver un poste de secrétaire dans la même association. Elle note en outre que l'association n'a pas suivi les préconisations du médecin du travail concernant ses capacités à recevoir une formation et qu'il ne lui a pas été communiqué la liste des postes existants compatibles avec ces préconisations, ni les demandes de reclassement réalisées.

Elle considère par ailleurs que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse dès lors que l'inaptitude a pour origine les conditions de travail qui étaient les siennes, sachant que, confrontée au harcèlement de Mme [P], elle a dû subir durant plus d'un an une remise en cause de son intégrité professionnelle, des changements brutaux de consignes et de méthodes de travail et des attitudes humiliantes et vexatoires, et ce, sans que son employeur, pourtant saisi de ces difficultés lors d'une réunion avec les délégués du personnel le 28 septembre 2014, n'ait pris aucune mesure pour mettre fin à ce harcèlement moral.

En réponse, l'association Les papillons blancs 76 fait valoir qu'elle a procédé à une recherche de reclassement interne et externe en apportant à ses collaborateurs toutes les précisions nécessaires sur l'état de santé et les compétences de Mme [Z] [O], sans qu'il puisse lui être reproché de n'avoir pu lui proposer aucun poste, à défaut de tout poste disponible compatible avec les préconisations du médecin du travail, sachant qu'elle n'a aucune obligation de communiquer les postes existants compatibles dès lors qu'ils ne sont pas disponibles, de même qu'elle n'a aucune obligation de proposer une formation si aucun poste en lien avec cette formation n'est disponible.

En ce qui concerne son obligation de sécurité, elle estime que Mme [Z] [O] ne rapporte pas la preuve de faits de harcèlement et que les pièces médicales produites ne sont pas de nature à rattacher l'état dépressif qui y est mentionné à ses conditions de travail, ce lien n'étant établi que par les propres allégations de Mme [Z] [O], étant encore noté qu'il ne saurait lui être reprochée d'être restée inactive alors que la mésentente entre les deux salariées a précisément été évoquée en réunion des délégués du personnel.

Il résulte de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa version applicable au litige, que lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu'ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

En l'espèce, Mme [Z] [O] a été déclarée inapte par le médecin du travail le 27 mars 2017 dans les termes suivants : 'Inapte au poste actuel. Au vu de la situation médico-professionnelle actuelle, l'état de santé du salarié ne permet pas de formuler des capacités restantes autres que d'effectuer des tâches ordinaires d'accueil ou de secrétariat. A des capacités pour suivre une formation.'

A l'occasion d'une réunion organisée le 24 mai 2017, les délégués du personnel ont émis un avis favorable au licenciement

Bénéficiant d'une protection liée à son mandat de déléguée du personnel suppléante jusqu'au 13 septembre 2017, l'association Les papillons blancs a sollicité l'autorisation de procéder au licenciement de Mme [Z] [O] auprès de l'inspecteur du travail le 31 mai 2017, lequel l'a refusée le 1er août 2017.

Par mail du 24 octobre 2017, l'association Les papillons blancs 76 a transmis aux directeurs des sites de l'association situés dans le département un courrier de recherche de reclassement en précisant la teneur de l'avis d'inaptitude et le profil des compétences et qualifications de Mme [Z] [O] avec une demande de réponse avant le 3 novembre.

Les réponses étant revenues négatives, de même que celles apportées aux tentatives de recherche de reclassement externe par ailleurs adressées à de nombreux organismes de la région exerçant dans un domaine d'activité similaire, il a été précisé à Mme [Z] [O] le 6 novembre 2017 qu'une procédure de licenciement allait devoir être engagée à défaut de tout poste compatible avec son état de santé et elle a été licenciée le 11 décembre 2017.

Si l'association Les papillons blancs 76 justifie ainsi avoir formellement respecté son obligation de reclassement et ce, sans qu'il puisse lui être reproché de ne pas avoir, au moment de cette recherche, transmis à Mme [Z] [O] la liste des postes existants compatibles avec les préconisations du médecin du travail dès lors qu'ils n'étaient, selon elle, pas disponibles, il lui appartient néanmoins désormais, dans le cadre de la procédure judiciaire engagée, pour mettre la cour en mesure de s'assurer du sérieux et de la loyauté de la recherche de reclassement, de transmettre ces données, lesquelles ne peuvent ressortir que de la production du registre unique du personnel, seul document de nature à établir l'absence de postes disponibles compatibles avec les restrictions médicales et les qualifications de Mme [Z] [O].

Aussi, en ne produisant pas ce document, et ce, alors que Mme Da Silva [O] rappelle dans le cadre de ces écritures qu'il est un des documents qui doit être produit par l'employeur, l'association Les papillons blancs 76 ne met pas la cour en mesure de s'assurer du respect de l'obligation de reclassement et il convient en conséquence de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dès lors, conformément à l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version en vigueur depuis le 24 septembre 2017, au regard de l'ancienneté de Mme [Z] [O], de son salaire de l'ordre de 1 800 euros, des formations qu'elle justifie avoir suivies suite à ce licenciement, et ce, jusqu'en juillet 2019, démontrant ainsi une certaine précarisation de sa situation, il convient de condamner l'association Les papillons blancs à lui payer la somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, infirmant ainsi le jugement sur le montant accordé, cette somme réparant plus justement le préjudice subi.

Par ailleurs, conformément à l'article L 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner à l'association Les papillons blancs de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à Mme [Z] [O] du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de six mois.

Enfin, et s'il a été définitivement jugé que Mme [Z] [O] n'avait pas été victime de harcèlement moral, et ce, en faisant justement état du caractère très imprécis des attestations produites qui n'évoquent pas de faits datés et circonstanciés, il est néanmoins établi que le conflit existant entre elle et Mme [P] a été évoqué en réunion des délégués du personnel le 28 septembre 2014, et ce, sans qu'il ne soit justifié par l'association Les papillons blancs de la moindre enquête menée suite à cette information, et ce, alors qu'elle avait connaissance non seulement de cette difficulté mais aussi de plusieurs autres plaintes émanant d'autres collègues et que Mme [Z] [O] a été placée en arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif, ce dont elle a eu connaissance en juin 2015.

Aussi, et si cette absence de prise en compte d'un mal-être au travail, qui caractérise un manquement à l'obligation de sécurité, a pu participer à une aggravation d'un syndrome anxio-dépressif, et être ainsi au moins partiellement à l'origine de l'inaptitude de Mme [Z] [O], il n'est cependant pas apporté d'éléments permettant de dire que ce manquement de l'employeur serait principalement à l'origine de ce trouble, et encore moins à l'origine de son syndrome des jambes lourdes ou de sa fibromyalgie.

Au vu de ces éléments, il convient d'infirmer le jugement sur le montant des dommages et intérêts accordés pour dégradation de l'état de santé de Mme [Z] [O] et de condamner l'association Les papillons blancs à lui payer la somme de 3 000 euros à ce titre.

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner l'association Les papillons blancs aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à Mme [Z] [O] la somme de 1 000 euros sur ce même fondement, en plus de la somme allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement sauf sur les montants accordés au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et dégradation de l'état de santé de Mme [Z] [O] ;

L'infirme de ces chefs ;

Statuant à nouveau,

Condamne l'association Les papillons blancs à payer à Mme [K] [Z] [O] les sommes suivantes :

dommages et intérêts pour licenciement sans

cause réelle et sérieuse : 12 000,00 euros

dommages et intérêts pour dégradation de

l'état de santé : 3 000,00 euros

Y ajoutant,

Ordonne à l'association Les papillons blancs de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à Mme [K] [Z] [O] du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de six mois ;

Condamne l'association Les papillons blancs à payer à Mme [K] [Z] [O] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute l'association Les papillons blancs de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'association Les papillons blancs aux entiers dépens.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00310
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;20.00310 ?
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