N° RG 20/01278 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IOJ3
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 10 NOVEMBRE 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 20 Février 2020
APPELANTE :
S.A.S. TERNETT
[Adresse 6]
[Localité 1]
représentée par Me Céline BART de la SELARL EMMANUELLE BOURDON CELINE BART AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Emmanuelle BOURDON, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEES :
Madame [Y] [D]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Amélie DE COLNET, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Pierre MORTIER, avocat au barreau de ROUEN
Société SAMSIC II
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 28 Septembre 2022 sans opposition des parties devant Madame BERGERE, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. GUYOT, Greffier
DEBATS :
A l'audience publique du 28 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 Novembre 2022
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 10 Novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [Y] [D] a été engagée en qualité d'agent de propreté par la société Samsic II par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juin 2007.
Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de propreté.
Mme [D] était affectée à l'EHPAD de [Localité 7].
Le 19 août 2014, Mme [D] a été victime d'un accident du travail et placée en arrêt maladie.
Le 1er novembre 2014, le marché public lié au nettoyage de l'EHPAD de [Localité 7] a été repris par la société Terbati aux droits de laquelle est venue la société Ternett . Par avenant du même jour, le contrat de travail de Mme [D] a été transféré à cette société.
Déclarée inapte le 24 novembre 2015, le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement a été notifié à la salariée le 18 décembre 2015.
Par requête du 6 juillet 2017, Mme [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen en contestation de son licenciement pour inaptitude en raison d'un manquement à l'obligation de sécurité imputable à son employeur ainsi qu'en paiement d'indemnités.
À la demande des conseils de Mme [D] et de la société Ternett, la société Samsic II a été appelée à l'instance en qualité d'intervenante forcée.
Suivant jugement du 18 octobre 2019, le conseil de prud'hommes, en sa formation de départage, a fait droit à l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés Samsic II et Ternett, s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande formulée par Mme [D] aux fins de condamnation de la société Terbati à lui payer la somme de 5 000 euros pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat au profit du pôle social du tribunal de grande instance de Rouen et renvoyé l'examen des autres prétentions des parties devant le bureau de jugement.
Par jugement du 20 février 2020, le conseil de prud'hommes a déclaré les demandes de Mme [D] recevables et bien fondées, dit que la société Samsic II (employeur de Mme [D] de la période du 1er juin 2007 au 1er novembre 2014) a manqué à son obligation de sécurité de résultat, dit que la Société Ternett n'a pas respecté son obligation relative au reclassement de Mme [D] dans le cadre de son licenciement pour inaptitude, dit que la consultation des représentants du personnel est irrégulière, dit que le licenciement du 18 décembre 2015 est nul, en conséquence, condamné la société Ternett à lui verser les sommes suivantes :
dommages et intérêts pour licenciement nul : 18 000 euros ;
dommages et intérêts pour manquement à l'organisation de la visite médiale de reprise : 1 000 euros ;
article 700 du code de procédure civile : 1 200 euros ;
débouté la Société Ternett de sa demande tendant à obtenir la condamnation de Mme [D] à rembourser les sommes indûment perçues, en raison du manque de justificatifs de cette demande, ordonné l'exécution provisoire jugement à intervenir, mis les entiers dépens à la charge de la société Ternett.
La SAS Ternett a interjeté appel de cette décision le 16 mars 2020 en toutes ses dispositions.
Par conclusions remises le 7 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la SAS Ternett demande à la cour,
sur l'appel incident de la société Samsic II, de juger recevable la mise en cause de la société Samsic II, en conséquence, débouter la société Samsic II de sa demande de mise hors de cause,
Sur le licenciement et le retard dans l'organisation de la visite de reprise,
à titre principal, déclarer irrecevables les nouvelles demandes de la société Samsic II compte tenu du défaut de qualité pour agir et des demandes nouvelles présentées hors délai, juger que l'accident du travail de Mme [D] est intervenu alors qu'elle était salariée de la société Samsic II de sorte qu'il n'est pas opposable à la société Ternett, qu'elle n'était pas tenue par les règles régissant la procédure de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle, que ses recherches de reclassement ont été loyales et sérieuses et qu'elle n'est pas défaillante dans l'organisation de la visite médicale de reprise, en conséquence, infirmer la décision déférée en ce qu'elle a jugé nul le licenciement de Mme [D] et en ce qu'elle a condamné la société Ternett à verser 18 000 euros à titre d'indemnité ainsi que 1 000 euros au titre d'un retard dans l'organisation de la visite médicale de reprise, juger irrecevable Mme [D] au titre de sa demande de requalification du licenciement en un licenciement nul à l'égard de la société Ternett, les manquements allégués étant imputables à la société Samsic II, ou à défaut si les recherches de reclassement n'étaient pas jugées loyales et sérieuses, dire que ce défaut entraîne la requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
à titre subsidiaire, juger que la procédure de licenciement pour inaptitude est bien fondée et régulière, en conséquence, infirmer la décision en ce qu'elle a condamné la société Ternett au titre d'un licenciement nul ;
à titre infiniment subsidiaire, infirmer la décision rendue par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a imputé ces manquements à l'encontre de la société Ternett ; juger en conséquence que ce manquement est imputable à la société Samsic II ;
à titre subsidiaire concernant les condamnations financières, infirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné la société Ternett à hauteur de 18 000 euros outre 1 000 euros au titre de retard dans l'organisation de la visite médicale de reprise, en conséquence, réduire à de plus justes proportions les condamnations prononcées et ordonner la compensation des condamnations au regard des sommes indûment perçues par la salariée,
en tout état de cause, infirmer la décision rendue par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a condamné la société Ternett au paiement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en conséquence, débouter la salariée de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamner Mme [D] à payer à la société Ternett la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions remises le 10 novembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, Mme [Y] [D] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré ses demandes recevables et bien fondées, jugé que la société Samsic II a manqué à son obligation de sécurité et de résultat, jugé que la société Ternett n'a pas respecté son obligation relative au reclassement de la salariée, jugé que la consultation des représentants du personnel était irrégulière et que son licenciement était nul, condamné la société Ternett à lui verser la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
le réformer pour le surplus,
statuant à nouveau :
- débouter la société Ternett et la société Samsic II de l'ensemble de leurs demandes ;
- à titre principal, condamner solidairement la société Ternett et la société Samsic II à lui payer la somme de 28 882,32 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la nullité de son licenciement ;
- à titre subsidiaire, dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et condamner solidairement les sociétés Ternett et Samsic II à lui payer la somme de 28 882,32 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse prononcé à son encontre;
- en tout état de cause, condamner solidairement la société Ternett et la société Samsic II à lui payer la somme de 3 281.85 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'organisation de la visite médicale de reprise, outre celle de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
Par conclusions remises le 2 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la société Samsic II demande à la cour, de :
- au titre de l'appel formé par la société Ternett, constater que le contrat de travail de Mme [Y] [D] a été transféré à la société Ternett le 1er novembre 2014, de sorte qu'à compter de cette date elle était l'unique employeur de Mme [D] et en conséquence débouter la société Ternett de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre de la société Samsic II ;
- au titre de l'appel incident formé par Mme [D] :
- à titre principal, déclarer irrecevable Mme [D] à formuler une demande de condamnation pour la première fois en appel à l'encontre de la société Samsic II, débouter en conséquence Mme [D] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions formulées à l'encontre de la société Samsic II,
- sur le fond, à titre subsidiaire, réformer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il s'est prononcé sur des prétentions en ôtant la condamnation suivante 'dit et juge que la société SAMSIC (employeur de Madame [D] de la période du 1er juin 2007 au 1er novembre 2014) a manqué à son obligation de sécurité de résultat', constater que la juridiction prud'homale s'est déclarée incompétente s'agissant de la demande de Mme [D] visant à obtenir la réparation du préjudice subi du fait d'un manquement à l'obligation de sécurité de résultat, dire que la salariée n'a pas subi de manquement à l'obligation de sécurité de la part de la société Samsic II et débouter en conséquence la salariée de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions ; si la cour entrait en voie de condamnation au titre d'un manquement à l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur, condamner la société Ternett, à titre éminemment subsidiaire, condamner in solidum la société Ternett et la Société Samsic II ;
- dire et juger, en tout état de cause, que la salariée n'a pas subi de manquement à l'obligation de sécurité de la part de la société Ternett ainsi que de la société Samsic II et que son licenciement ne peut être considéré comme nul ; à défaut, si la cour entrait en voie de condamnation au titre d'une nullité du licenciement, condamner in solidum la société Ternett, à titre éminemment subsidiaire, condamner in solidum la société Ternett ainsi que la société Samsic II ;
- dire que le licenciement pour inaptitude a été notifié par la société Ternett et que le licenciement de la salariée repose sur une cause réelle et sérieuse ; à défaut, si la cour venait en voie de condamnation à juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamner la société Ternett ou à titre éminemment subsidiaire condamner in solidum la société Ternett et la société Samsic II ;
- dire et juger que la visite de reprise de la salariée est du ressort de la société Ternett ; débouter Mme [Y] [D] de l'intégralité de ses demandes ;
- en tout état de cause, débouter la société Ternett et Mme [Y] [D] de toutes leurs demandes à l'encontre de la société Samsic II, à titre éminemment subsidiaire, réduire à de plus justes proportions les condamnations éventuellement prononcées, condamner la société Ternett à verser à la société Samsic II la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 8 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
À titre liminaire, il convient de préciser qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de révocation de l'ordonnance de clôture présentée par la société Samsic II aux termes de ses conclusions n° IV déposées le 20 septembre 2022, le dépôt, la veille de l'ordonnance, par la société Ternett de nouvelles conclusions qui ne contiennent aucun élément nouveau, ni aucune pièce nouvelle ne constitue pas une cause grave au sens de l'article 803 du code de procédure civile, étant de surcroît fait observer qu'aucune partie n'a soutenu cette demande lors de l'audience de plaidoiries avant l'ouverture des débats. Par suite, il n'y a pas lieu de tenir compte des conclusions déposées postérieurement à l'ordonnance de clôture.
Sur la mise en cause de la société Samsic II
La société Samsic II soutient qu'en considérant qu'elle avait manqué à son obligation de sécurité à l'égard de Mme [D], les premiers juges ont statué ultra petita, dans la mesure où Mme [D] ne présentait aucune demande à son encontre. En conséquence, elle estime que la cour doit, en vertu de son pouvoir d'évocation et de l'effet dévolutif de l'appel, rectifié cette erreur, ôté ce chef de jugement et par suite la mettre hors de cause, toutes les demandes présentées à son encontre étant dès lors nouvelles et donc irrecevables.
Mme [D] conteste cette analyse. Elle rappelle que devant le conseil de prud'hommes, elle a demandé de juger que son employeur avait manqué à son obligation de sécurité de résultat à son égard. Or, les deux sociétés ayant été son employeur, cette demande visait nécessairement tant la société Samsic II que la société Ternett de sorte que les premiers juges n'ont pas statué ultra petita.
La société Ternett fait valoir un argument similaire, rappelant qu'en première instance, elle avait demandé qu'il soit jugé que les conséquences du manquement à l'obligation de sécurité soient imputées à la société Samsic II, de sorte que la prétention litigieuse était dans le débat. Surabondamment et en tout état de cause, elle rappelle que la société Samsic II a régulièrement été mise en cause dans le litige prud'homal, le juge départiteur ayant acquiescé à cette demande dans la décision rendue le 18 octobre 2019 et qu'elle a valablement pu faire valoir ses moyens de défense, de sorte qu'aucun ultra petita ne peut être relevé.
En application des articles 4 et 5 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.
Lorsqu'un jugement statue ultra petita, la sanction n'est pas son infirmation mais la possibilité d'une requête en modification sur le fondement des articles 463 et 464 du code de procédure civile.
En l'espèce, il résulte de l'exposé des prétentions de la décision rendue par les premiers juges dont le contenu n'est pas contesté que Mme [D] demandait notamment, en présence de la société Ternett et de la société Samsic II, qu'il soit jugé que son employeur a manqué à son obligation de sécurité et de résultat, ce qui, à défaut de précision, s'entendait nécessairement d'une prétention visant les deux sociétés.
En revanche, contrairement à ce qu'elle soutient, la société Ternett ne présentait aucune demande à l'encontre de la société Samsic II, mais uniquement un moyen de défense visant ce premier employeur et consistant à faire juger que l'accident de travail dont se prévaut Mme [D] est intervenu du temps où elle était salariée de la société Samsic II, de sorte qu'il ne lui était pas opposable.
Toutefois, eu égard à la prétention émise par Mme [D], cette absence de demande de la société Ternett est indifférente et ce d'autant que surabondamment et en tout état de cause, il convient de relever que le chef de jugement critiqué par la société Samsic II était une demande qu'elle avait elle-même expressément mise dans le débat, puisqu'elle demandait au conseil de prud'hommes, à titre subsidiaire, 'de dire qu'elle a respecté son obligation de sécurité et de résulté à l'égard de Mme [D]'.
En conséquence, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de rectification présentée par la société Samsic II, ni par suite à sa demande tendant à être mise hors de cause.
Sur la recevabilité des demandes présentées par Mme [D]
- À l'encontre de la société Samsic II
La société Samsic II soulève l'irrecevabilité des demandes présentées à son encontre par Mme [D] au motif qu'il s'agit de demandes nouvelles.
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Les articles 565 et 566 du même code précisent, d'une part, que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si le fondement juridique est différent et, d'autre part, que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises aux premiers que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l'espèce, le jugement rendu en première instance présente les demandes de Mme [D] comme suit :
'A titre principal : Mme [Y] [D] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Rouen afin de contester son licenciement pour inaptitude, en raison d'un manquement à l'obligation de sécurité et de résultat de son employeur.
Mme [Y] [D] sollicite que le Conseil déclare ses demandes recevables et bien fondées.
Mme [Y] [D] sollicite que le Conseil puisse dire et juger que son employeur a manqué à son obligation de sécurité et de résultat de son employeur.
Mme [Y] [D] sollicite que le Conseil puisse dire et juger que son employeur n'a pas respecté son obligation relative à son reclassement.
Mme [Y] [D] sollicite que le Conseil puisse constater une irrégularité dans la procédure puisque l'employeur n'a pas consulté les représentants du personnel (DP).
Mme [Y] [D] sollicite que le Conseil puisse dire et juger que son licenciement est nul.
Mme [Y] [D] sollicite, de plus, des dommages et intérêts pour licenciement nul d'un montant de 28 882.32euros net.
A titre subsidiaire : Mme [Y] [D] sollicite que le Conseil puisse dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Mme [Y] [D] sollicite des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 28 882.32€ net.
Mme [Y] [D] sollicite des dommages et intérêts pour manquement à l'organisation de sa visite médicale de reprise d'un montant de 3 281.85€ Net.
Mme [Y] [D] demande d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, ainsi que la condamnation de la Société TERNETT sur le fondement de l'article 700 au titre du Code de procédure civile d'un montant de 3 000.00€ net et les entiers dépens de l'instance à la charge de la Société TERNETT.'
Cette présentation ne permet pas de déterminer contre qui étaient dirigées les demandes de condamnation en paiement de Mme [D], à l'exception des frais irrépétibles et des dépens.
Cependant, la société Samsic II produit aux débats les conclusions écrites que Mme [D] a déposé et soutenu devant le conseil de prud'hommes.
Or, il résulte de la lecture de ce document que ses demandes de condamnations étaient exclusivement présentées contre la société Ternett. S'il est exact que les motifs de ses conclusions évoquent la responsabilité de la société Samsic II en ce qu'elle a manqué à son obligation de sécurité de résultat à son égard, c'est uniquement pour en conclure que la société Ternett en qualité de cessionnaire doit répondre de ce manquement qui rend son licenciement nul ou, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse.
Au demeurant, dans le cadre de la présente instance pendante devant la cour, Mme [D] n'explicite nullement sa demande de condamnation solidaire présentée à la fois contre la société Ternett et la société Samsic II, allant même jusqu'à conclure en page 9 que seule la société Ternett est responsable de la procédure et de la décision de licenciement, de sorte qu'elle est bien fondée à agir uniquement contre la société Ternett, à charge pour elle de se retourner contre la société Samsic II.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de constater que les demandes de condamnation en paiement présentées par Mme [D] à l'encontre de la société Samsic II ne constitue ni une demande de compensation, ni une demande tendant à faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait postérieurement à la première instance. En outre, ces demandes ne peuvent être qualifiées d'accessoire, de conséquence ou de complément nécessaire aux demandes initiales, en ce qu'elles concernent un autre débiteur, qu'elle considère elle-même, de surcroît, comme n'ayant aucune dette directe à son égard au titre du licenciement litigieux.
En conséquence, c'est à juste titre que la société Samsic II soulève l'irrecevabilité des demandes de condamnation en paiement présentées par Mme [D] à son encontre.
- À l'encontre de la société Ternett
La société Samsic II soulève l'irrecevabilité des demandes présentées par Mme [D] à l'encontre de la société Ternett pour manquement à son obligation de sécurité de résultat au motif que le conseil de prud'hommes, dans son jugement du 18 octobre 2019, a fait droit à l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés Samsic II et Ternett, s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande formulée par Mme [D] aux fins de condamnation de la société Terbati-Ternett à lui payer la somme de 5 000 euros pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat au profit du pôle social du tribunal de grande instance de Rouen.
De son côté, la société Ternett soulève l'irrecevabilité des demandes présentées à son encontre par Mme [D] relativement à la contestation de son licenciement pour non application de la législation relative aux accidents du travail et maladies professionnelles, pour défaut de qualité à agir.
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité ou la chose jugée.
En l'espèce, la critique émise par la société Ternett sur sa qualité à agir est vaine. Dans la mesure où il est constant que cette société est l'employeur qui a procédé au licenciement critiqué par Mme [D], elle a nécessairement qualité pour être attraite en défense par la salariée au titre de la contestation dudit licenciement. La question de l'application de la législation relative aux accidents du travail dans le cadre du transfert de contrat entre la société Samsic II et Ternett relève de l'examen de fond et non de la détermination de sa qualité à agir.
En conséquence, cette fin de non-recevoir sera rejetée.
De même, c'est à tort que la société Samsic II entend se prévaloir des dispositions du jugement prud'homal rendu le 18 octobre 2019 et de l'autorité de chose jugée qui y est attachée. En effet, il convient de rappeler que conformément aux dispositions de l'article 1355 du code civil, l'autorité de chose jugée s'entend d'une triple identité de partie, de cause et d'objet. Or, en l'espèce, si les parties et la cause sont identiques, en revanche l'objet de la demande est distinct puisque la demande présentée par Mme [D] sur le fondement du manquement à l'obligation de sécurité n'est pas une prétention indemnitaire en raison du préjudice personnel et physique résultant de cette faute, mais une prétention tendant à voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il n'y a donc aucune autorité de chose jugée, étant surabondamment relevé que la juridiction prud'homale est la seule juridiction compétente pour statuer sur cette question. En conséquence, la fin de non-recevoir est rejetée.
Sur la recevabilité des demandes présentées par la société Samsic II à l'encontre de la société Ternett
La société Ternett soulève l'irrecevabilité des demandes subsidiaires présentées par la société Samsic II et tendant à la voir condamner seule au paiement des sommes qui seraient allouées à Mme [D] au motif qu'elle n'a pas présenté ses demandes dans ses premières conclusions d'appel mais uniquement dans ses conclusions n° 2 déposées au mois de mai 2022, soit plus de vingt mois après les premières conclusions.
L'article 910-4 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Il résulte des éléments de procédure qu'aux termes de ses premières conclusions d'intimé et d'appel incident déposées le 10 septembre 2020, la société Samsic II concluait uniquement au débouté sur les demandes présentées par la société Ternett aux termes de ses conclusions du 27 mars 2020 et par Mme [D] aux termes de ses conclusions du 29 juillet 2020. Si Mme [D] a, par suite, à nouveau conclu le 10 novembre 2020, elle n'a néanmoins aucunement modifié ses prétentions, sollicitant dès ses premières conclusions la condamnation solidaire des sociétés Ternett et Samsic II. Il en est de même de la société Ternett qui a certes conclu postérieurement, le 29 octobre 2020, mais uniquement pour développer ses moyens, sans modifier le sens de ses demandes ni leur contenu.
Ainsi, les conclusions prises le 12 mai 2022, aux termes desquelles la société Samsic II demande pour la première fois, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où il serait fait droit aux demandes de la salariée, la condamnation de la société Ternett, et à titre très subsidiaire, la condamnation solidaire des sociétés Ternett et Samsic II, sont intervenues sans être justifiée par la volonté de répliquer aux conclusions et pièces adverses ou de faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Au vu de ces éléments c'est donc à juste titre que la société Ternett soulève l'irrecevabilité des demandes subsidiaires de condamnation présentées contre elle pour la première fois aux termes des conclusions n° 2 de la société Samsic II déposées le 12 mai 2022.
Sur le licenciement
- Sur l'application des règles du licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle
Si, suivant l'article L. 1226-6 du code du travail, les règles protégeant le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne sont pas applicables lorsque l'accident ou la maladie sont survenus au service d'un autre employeur, les dispositions de cet article ne concernent pas le transfert du contrat de travail prévu par l'article L. 1224-1 du même code, ce transfert n'entraînant pas la perte des garanties accordées aux salariés victimes d'accident du travail.
Ainsi, un salarié victime d'un accident au service du premier employeur peut revendiquer les droits qu'il tient des dispositions protectrices légales, lorsque son contrat se poursuit avec le second employeur par l'effet de l'article L. 1224-1 ou lorsqu'il a été fait une application volontaire de ce texte.
Toutefois, l'accord du 29 mars 1990 étendu, relatif à la garantie d'emploi et à la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire, constituant l'annexe VII de la convention collective nationale des personnels des entreprises de propreté du 1er juillet 1994, devenu aujourd'hui les articles 7-1 à 7-7 de la convention adopté le 26 juillet 2011, qui, pour le cas de perte d'un marché de services, prévoit et organise la reprise de tout ou partie des contrats de travail ne constitue pas une application volontaire de l'article L. 1224-1 du code du travail et ne peut, à lui seul, et sauf clause contraire le prévoyant, faire échec aux dispositions de l'article L. 1226-6 du même code.
En l'espèce, il est constant que le transfert du contrat de travail de Mme [D] résulte exclusivement de l'application des dispositions des articles 7-1 à 7-7 de la convention collective nationale du 26 juillet 2011 prévoyant le maintien dans l'emploi et la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire pour des travaux effectués dans les mêmes locaux, à la suite de la cessation d'un contrat commercial ou d'un marché public.
En outre, il résulte des pièces produites aux débats, qu'aucune clause contraire n'a été insérée dans le contrat de travail de Mme [D] repris par la société Ternett.
Les dispositions conventionnelles et/ou contractuelles ne prévoyant pas de clause écartant expressément les dispositions de l'article L. 1226-6 du code du travail, le nouvel employeur, la société Ternett , n'était pas tenu d'appliquer les règles protégeant le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.
Dès lors, son accident du travail étant survenu alors qu'elle était employée par la société Samsic, Mme [D] ne saurait invoquer l'application, à son profit, des articles L. 1226-14 et L. 1226-16.
- Sur la consultation des délégués du personnel
Conformément aux motifs adoptés précédemment et à l'application de l'article L. 1226-6 sus-visé qui exclut l'application des règles protégeant le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle lorsque l'accident ou la maladie sont survenus au service d'un autre employeur, l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa version en vigueur lors du licenciement litigieux, n'avait pas vocation à recevoir application. Par conséquent, Mme [D] ne peut reprochée à la société Ternett de ne pas avoir procédé à la consultation régulière des délégués du personnel pour tenter d'obtenir le prononcé de la nullité de son licenciement.
En revanche, la société Ternett restait tenue de l'obligation de reclassement de droit commun en application des articles L. 1226-2 et L. 1226-4 du code du travail.
- Sur l'obligation de reclassement
Aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa version applicable au litige, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu'ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
Les propositions de reclassement faites par l'employeur doivent être loyales et sérieuses, l'employeur doit prouver qu'il a procédé à des actes positifs et concrets de recherche de reclassement en cherchant toutes les possibilités d'aménagement. Conformément aux dispositions de l'article L. 1226-2-1 du code du travail, l'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
En l'espèce, suivant avis du 3 novembre 2015, le médecin du travail a déclaré Mme [D] 'inapte au poste mais mutation proposée. Inapte poste agent de service. Peut effectuer un poste type administratif.' Cet avis a été confirmé le 24 novembre 2015, le médecin du travail écrivant que Mme [D] était 'inapte au poste d'agent de service. Peut effectuer un poste type administratif'.
D'une part, ainsi que le fait justement remarquer Mme [D], la société Ternett se contente d'affirmer qu'aucun poste de type administratif n'était disponible au sein de sa société, sans même avoir sollicité auprès du médecin du travail la moindre explication sur ce que pourrait recouvrer ce qualificatif. S'il est exact qu'en tant que société de nettoyage, la société Ternett, qui emploie environ 300 salariés, dispose principalement de postes d'agent d'entretien, il n'en demeure pas moins que ces agents d'entretien sont nécessairement dirigés par des chefs d'équipe et que les contrats d'entretien sont nécessairement conclus par des chargés de clientèle, qui peuvent être des postes caractérisés de 'type administratif'. Or, force est de constater qu'à aucun moment, la société Ternett n'a questionné Mme [D] sur son niveau de formation pour s'enquérir de ses éventuelles capacités à de telles fonctions. De même, à aucun moment le médecin du travail n'a été questionné sur la compatibilité de tels postes avec l'état de santé de Mme [D]. De plus, l'argument tiré de ce que Mme [D] reconnaîtrait dans ses conclusions qu'elle n'a aucune formation est vain, puisque cette information issue de l'instance judiciaire ne pouvait être connue lors de la procédure de licenciement et qu'en tout état de cause, elle est fausse, le curriculum vitae produit aux débats par la salariée montrant qu'elle a obtenu en 2003 un CAP employé de vente et en 2006 un diplôme de secrétaire médical.
Au demeurant, la production du registre du personnel de la société Ternett tend à corroborer cette déloyauté, dans la mesure où s'il est exact que ce document établit que la société emploie principalement des agents de service, de sorte qu'aucun 'poste administratif' n'était disponible, le contenu du registre ainsi produit est très partiel, puisque la société Ternett a limité l'impression du registre aux entrées de personnel à compter du 1er novembre 2015. La pièce ainsi communiquée n'a donc aucune valeur probante.
D'autre part, la recherche réalisée au niveau du groupe est tout aussi peu sérieuse et déloyale. Les courriers type adressés à ces sociétés ne détaillent ni les compétences de Mme [D], ni son état de santé et se contentent de viser 'un emploi de type administratif' sans aucune précision. Les arguments développés à ce titre par la société Ternett démontrent au demeurant cette analyse, puisqu'il est uniquement évoqué les postes non vacants de comptable, de gestionnaire de paie, de responsable des ressources humaines et de responsable financier qui sont des postes qui n'étaient pas disponibles et en tout état de cause pas accessibles à Mme [D] compte tenu de leur technicité et de leur spécificité. Mais, en revanche, il n'est donné aucune information sur les postes de terrain de responsable d'équipes, chef de secteur ou chargés de clientèle et autres qui existent nécessairement, sachant que le groupe compte un effectif de plus de 1 000 salariés.
En conséquence, faute pour la société Ternett de rapporter la preuve qu'elle a sérieusement et loyalement exécuté son obligation de droit commun de reclassement, le licenciement de Mme [D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Conformément à l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, au regard de l'ancienneté non contestée de 7 ans, de son âge au moment de la rupture (33 ans), de ce que postérieurement à celle-ci, elle justifie percevoir l'allocation adulte handicapée et réaliser des formations avec le soutien de Pôle Emploi mais sans que celles-ci ne conduisent à son embauche effective, de lui accorder la somme de 8 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Les demandes présentées par Mme [D] à l'égard de la société Samsic II étant irrecevables, seules la société Ternett sera condamnée au paiement de cette somme.
Les conditions de l'article L.1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés des indemnités chômage versées au salarié licencié dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, du jour de la rupture au jour de la présente décision.
Sur la visite médicale de reprise
Mme [D] explique que son état de santé a été déclaré consolidé par la sécurité sociale le 26 août 2015, qu'elle en a immédiatement informé son employeur, que néanmoins ce dernier a refusé d'organiser la visite de reprise faisant valoir qu'elle incombait à la société Samsic II, de sorte que ce n'est finalement que le 3 novembre 2015 que la société Ternett a consenti à organiser cette visite. Elle estime que ce manquement lui a été préjudiciable en ce que le délai pour la licencier n'a commencé à courir que le 24 novembre 2015 alors qu'il aurait dû commencer à courir au mois de septembre 2015, rappelant que pendant cette période, elle était sans ressources. Elle réclame, en conséquence, une indemnité à hauteur de 3 mois de salaires, soit 3 281,85 euros.
La société Ternett ne conteste pas le retard dans l'organisation de la visite de reprise, mais estime que Mme [D] ne justifiant pas de son préjudice, elle ne peut prétendre au paiement de dommages et intérêts.
L'article R. 4624-22 du code du travail dans sa version applicable au litige dispose que le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail :
1° Après un congé de maternité ;
2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;
3° Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.
L'article R. 4624-23 du même code précise que dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise dans un délai de huit jours à compter de la reprise du travail par le salarié.
En l'espèce, il est constant que l'état de santé de Mme [D] a été dit consolidé par la sécurité sociale le 26 août 2015, qu'elle a bénéficié d'un dernier arrêt de travail du 26 au 31 août 2015 et que postérieurement à ce dernier arrêt, alors qu'il est constant que son employeur était informé de la situation, celui-ci n'a organisé la visite de reprise de Mme [D] que le 3 novembre 2015, la société Ternett ne soutenant pas que cette date est imputable à une difficulté d'organisation de la médecine du travail.
Il est donc incontestable que la société Ternett a manqué à son obligation.
Sur le préjudice en résultant pour Mme [D], c'est à juste titre qu'elle fait valoir que, durant le temps nécessaire à la reconnaissance de son inaptitude, soit pendant deux mois, de début septembre au 3 novembre 2015, elle a été privée de la perception des indemnités journalières versées par la sécurité sociale, le relevé produit montrant que le versement s'est interrompu le 26 août 2015 pour reprendre du 4 novembre au 3 décembre 2015, la société Ternett, au vu des bulletins de salaires, n'ayant pas assumé, sur cette période, de maintien de salaire.
Ce préjudice justifie l'allocation d'une somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts, le jugement entrepris étant donc infirmé sur ce point.
Sur la demande subsidiaire de la société Ternett
En cas de condamnation en paiement, la société Ternett demande à la cour d'ordonner la compensation entre les sommes auxquelles elle sera éventuellement condamnée avec les sommes indûment perçues par Mme [D] au titre du doublement de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité de préavis, à savoir respectivement 2 137 euros et 2 298,40 euros, qu'elle a versée en considérant à tort qu'elle devait appliquer la législation sur les accidents de travail professionnels et plus particulièrement les dispositions de l'article L. 1226-14 du code du travail.
Eu égard aux motifs adoptés précédemment, c'est à juste titre que la société Ternett soutient qu'elle a versé à tort, la somme de 2 137 euros au titre du doublement de l'indemnité spéciale de licenciement d'un montant total de 4 274 euros, les dispositions de l'article L. 1226-14 du code du travail n'étant pas applicables au licenciement de Mme [D].
En revanche, certes, Mme [D] ne pouvait pas non plus prétendre à la perception de la somme de 2 298,40 euros au titre de l'indemnité spéciale équivalente à l'indemnité de préavis. Toutefois, dès lors que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité de préavis lui est dû, de sorte qu'il n'existe pas d'indû à ce titre.
En conséquence, il convient de condamner Mme [D] à payer à la société Ternett la somme de 2 137 euros, en ordonnant la compensation entre les créances réciproques, conformément aux articles 1347 et suivants du code civil.
Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société Ternett aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à Mme [D] la somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile exposés en cause d'appel.
L'équité et la nature du litige commandent qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Samsic II.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Dit n'y a pas lieu de faire droit à la demande de révocation de l'ordonnance de clôture présentée par la société Samsic II aux termes de ses conclusions n°IV déposées le 20 septembre 2022 ;
Rejette la demande de rectification présentée par la société Samsic II fondée sur un chef de jugement rendu ultra petita, et par suite, rejette sa demande tendant à être mise hors de cause ;
Déclare irrecevables les demandes de condamnation en paiement présentées par Mme [Y] [D] à l'encontre de la société Samsic II ;
Rejette la fin de non-recevoir tirée de son défaut de qualité à agir soulevée par la société Ternett à l'égard de l'action en contestation du licenciement intentée par Mme [D] sur le fondement de l'application de la législation relative aux accidents de travail ;
Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée attachée au jugement rendu le 18 octobre 2019 par le conseil de prud'hommes de Rouen soulevée par la société Samsic II ;
Déclare irrecevables les demandes subsidiaires de condamnation de la société Ternett présentées par la société Samsic II pour la première fois aux termes de ses conclusions n° 2 déposées le 12 mai 2022 ;
Confirme le jugement entrepris sur les chefs de jugements statuant sur les frais irrépétibles et les dépens ;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que le licenciement de Mme [Y] [D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société Ternett à payer à Mme [Y] [D] la somme de 8 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Ordonne à la société Ternett de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à Mme [Y] [D] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois ;
Condamne la société Ternett à payer à Mme [Y] [D] la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'organisation d'une visite médicale de reprise ;
Condamne Mme [Y] [D] à payer à la société Ternett la somme de 2 137 euros au titre du doublement de l'indemnité spéciale de licenciement indûment perçue ;
Ordonne la compensation des créances réciproques de la société Ternett et de Mme [Y] [D] conformément aux articles 1347 et suivant du code civil ;
Déboute la société Ternett et la société Samsic II de leur demande respective au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Ternett à payer à Mme [Y] [D] la somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Ternett aux entiers dépens de l'instance.
La greffière La présidente