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10/11/2022 | FRANCE | N°20/01371

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 10 novembre 2022, 20/01371


N° RG 20/01371 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IOQE





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 10 NOVEMBRE 2022











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE DIEPPE du 28 Février 2020





APPELANTE :



Madame [D] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me François GARRAUD de la SCP GARRAUD OGEL LARIBI HAUSSETETE, avocat au barreau de DIEPPE substi

tuée par Me Anne-Sophie LEBLOND, avocat au barreau de DIEPPE









INTIMEE :





S.A.S. POCHET DU COURVAL

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Me Rose marie CAPITAINE, avocat au barreau de DIEPPE subst...

N° RG 20/01371 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IOQE

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 10 NOVEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE DIEPPE du 28 Février 2020

APPELANTE :

Madame [D] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me François GARRAUD de la SCP GARRAUD OGEL LARIBI HAUSSETETE, avocat au barreau de DIEPPE substituée par Me Anne-Sophie LEBLOND, avocat au barreau de DIEPPE

INTIMEE :

S.A.S. POCHET DU COURVAL

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Rose marie CAPITAINE, avocat au barreau de DIEPPE substitué par Me Mélanie DERNY, avocat au barreau de DIEPPE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 28 Septembre 2022 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. GUYOT, Greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 28 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 Novembre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 10 Novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [D] [I] a été engagée par la société Pochet du Courval en qualité de choisisseuse par contrat de travail à durée indéterminée du 30 août 2010.

Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective nationale de la fabrication du verre à la main semi automatique.

Elle a été licenciée pour inaptitude d'origine professionnelle et impossibilité de reclassement le 24 novembre 2016.

Par requête du 13 février 2018, Mme [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Dieppe en contestation du licenciement, ainsi qu'en paiement de rappels de salaire et indemnités.

Par jugement du 28 février 2020, le conseil de prud'hommes, en sa formation de départage, a :

- débouté Mme [I] de sa demande au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et déclaré irrecevables ses demandes en paiement portant sur la période antérieure au 13 février 2015,

- condamné la société Pochet du Courval à verser Mme [I] les sommes brutes suivantes :

indemnité au titre d'un rappel de 13ème mois : 2 954,79 euros,

rappel d'indemnité de congés payés : 504,11 euros,

indemnité au titre d'un rappel de RTT, RC, RH : 3 560,32 euros,

- débouté Mme [I] de ses demandes plus amples ou contraires et la société Pochet du Courval de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Pochet du Courval à verser à Mme [I] la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de la procédure.

Mme [I] a interjeté un appel de cette décision le17 mars 2020.

Par conclusions remises le 8 juin 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Mme [I] demande à la cour de réformer le jugement, et statuant à nouveau, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, de :

- condamner la société Pochet du Courval à lui verser les sommes suivantes :

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 29 355,96 euros,

rappel de salaire postérieur à l'inaptitude : 2 652,38 euros,

congés payés afférents : 265,24 euros,

solde d'indemnité de licenciement : 422,53 euros,

rappel de majoration jours fériés : 1 993,02 euros,

rappel de repos compensateurs : 1 783,23 euros,

rappel de 13ème mois : 3 259,77 euros,

rappel de prime substitutive d'intéressement : 440 euros,

rappel de congés payés restant dus : 543,89 euros,

rappel de prime de noël et jour de l'an : 202,70 euros,

rappel de salaire négatif : 67,88 euros,

rappel RH, RTT, RC : 4 935,18 euros,

rappel de mutuelle : 2 949,89 euros,

indemnité par application de I'article 700 du code de procédure civile : 1 000 euros,

- débouter la société Pochet du Courval de l'ensemble de ses demandes et la condamner à lui verser la somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 3 septembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la société Pochet du Courval demande à la cour de :

- débouter Mme [I] de l'ensemble de ses demandes,

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident, en conséquence, infirmer partiellement le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser Mme [I] 2 954,79 euros au titre d'un rappel de 13ème mois, 3 560,32 euros au titre d'un rappel de RTT, RC, RH,700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens et l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le confirmer pour le surplus,

- statuant à nouveau, à titre principal, débouter Mme [I] de ses demandes chiffrées au titre d'un rappel de 13ème mois et au titre d'un rappel de RTT, RC, RH, et, à titre subsidiaire, en cas de condamnation, confirmer le jugement sur les sommes accordées,

- condamner Mme [I] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 8 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rappel de salaire postérieur à l'inaptitude

Selon l'article L. 1226-11 du code du travail, lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.

Alors que le droit à la reprise du salaire court à compter de la date du second des deux examens prévus à l'article R. 4624-31 du code du travail et que celui-ci a eu lieu le 18 août 2016, c'est à la date du 18 septembre 2016 que l'employeur aurait dû reprendre le paiement du salaire.

En l'espèce, contrairement à ce que soutient Mme [I], les salaires ne sont pas payés avec un décalage d'un mois, seules les absences étant régularisées sur le mois suivant.

Aussi, s'il ressort du bulletin de salaire du mois de novembre que, pour ce mois, Mme [I] n'a été payée que de 126 heures, cela correspond à la période du 1er au 24 novembre, date de son licenciement.

Par ailleurs, si, sur ce même bulletin de salaire, il a été à nouveau soustrait des absences pour la période du 2 au 15 septembre alors que ces sommes avaient déjà été soustraites sur le bulletin de salaire du mois d'octobre, il apparaît très clairement qu'il s'agit en réalité d'une régularisation, d'ailleurs favorable à Mme [I], puisque sur les lignes suivantes de ce bulletin, il apparaît que les sommes soustraites pour cette période en octobre ont été recréditées.

Ainsi, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société Pochet du Courval avait correctement repris le paiement des salaires de Mme [I] dans le mois suivant l'avis d'inaptitude délivré le 18 août 2016 et l'a en conséquence déboutée de cette demande.

Sur la demande de rappel au titre des jours fériés et repos compensateurs

Mme [I] soutient que, conformément à l'article L. 1226-7 du code du travail, étant arrêtée au titre d'une maladie professionnelle, elle avait droit au maintien de l'intégralité de ses salaires comme si elle avait travaillé et qu'ainsi, en vertu de la convention collective, les jours fériés tombant durant cet arrêt maladie auraient dus être majorés de 100 %, et même de 200 % en cas de jour férié correspondant à un dimanche, outre un jour de repos compensateur par jour férié.

En réponse, la société Pochet du Courval soutient que les demandes portant sur des créances antérieures au 13 février 2015 sont prescrites compte tenu de la date de saisine le 13 février 2018 et qu'en tout état de cause, les demandes de Mme [I] sont parfaitement fantaisistes, sachant qu'il n'a été soustrait aucun jour férié à Mme [I] et qu'elle ne réclame en réalité que les majorations et récupérations qui sont versées, en plus, aux salariés qui travaillent à ces occasions.

Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Alors que cet article instaure un délai d'action qui ne peut en tout état de cause excéder un délai de trois ans à compter du jour où le salarié a connu les faits lui permettant d'exercer cette action, il ne peut en l'espèce réclamer le paiement des salaires que pour la période de trois ans antérieurement à la saisine du conseil, sans pouvoir faire remonter cette demande trois ans avant la rupture dès lors que la connaissance des faits lui permettant d'exercer l'action n'est pas postérieure à cette rupture mais remonte au jour de l'exigibilité des salaires.

Aussi, et alors que les salaires de Mme [I] étaient payés les 30 ou 31 du mois, et que ce n'est donc qu'à cette date qu'elle avait connaissance des salaires dus pour l'intégralité du mois, seules ses demandes antérieures au 1er février 2015 sont prescrites et en conséquence irrecevables, infirmant ainsi le jugement sur la date retenue pour dire les demandes prescrites.

Sur le fond, il doit être constaté que si l'article L. 1226-7 du code du travail, invoqué par Mme [I], dispose que la durée des périodes de suspension liée à une maladie professionnelle est prise en compte pour la détermination de tous les avantages légaux ou conventionnels, il est immédiatement précisé que c'est pour ceux liés à l'ancienneté dans l'entreprise, ce qui est sans aucun lien avec les demandes de Mme [I].

Par ailleurs, si l'article L. 3141-5 du code du travail précise que sont considérées comme périodes de travail effectif les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle, ce n'est là encore, que dans un cas précis, à savoir la détermination de la durée du congé.

Aussi, contrairement à ce que soutient Mme [I], aucune disposition légale ne permet d'assimiler une période d'arrêt pour maladie professionnelle à un travail effectif des jours fériés.

Dès lors, n'ayant subi aucune déduction de salaire à l'occasion des 1er mai, 1er janvier, lundi de pâques, 8 mai, jeudi de l'ascension, lundi de pentecôte, 14 juillet, 15 août, 1er novembre, 11 novembre et 25 décembre, jours fériés chômés en vertu de l'article 31 de la convention collective, il s'en déduit qu'elle a bénéficié des dispositions de ladite convention, sans qu'elle puisse néanmoins solliciter l'application des dispositions relatives aux salariés travaillant effectivement sur ces journées et qui bénéficient alors, en plus de l'indemnisation des jours fériés, du paiement de leurs heures de travail effectif, d'un repos compensateur et même du triplement de l'indemnisation si le jour férié travaillé est un dimanche.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [I] de ses demandes de repos compensateurs et majoration pour jours fériés.

Sur les primes de noël et de jour de l'an

Mme [I], visant à nouveau l'article L. 1226-7 du code du travail, réclame le paiement des primes de noël et jour de l'an versées par l'employeur aux salariés travaillant ces jours là, au motif qu'étant en arrêt de travail pour maladie professionnelle, elle était réputée travailler.

Pour les mêmes motifs que précédemment développés sur les jours fériés, les demandes relatives aux primes de l'année 2014 sont prescrites et donc irrecevables et celles portant sur la période postérieure sont infondées dès lors que ces primes avaient pour objet d'indemniser la contrainte liée à un travail effectif les jours de noël et jours de l'an.

Sur la prime de treizième mois

S'il ressort du protocole d'accord sur l'attribution et le calcul du 13ème mois (prime vacances-prime fin d'année) signé le 2 décembre 1991 que ne sont pas décomptés comme jours d'absence, ceux dus aux accidents du travail ou de trajet contractés au sein de l'entreprise, sans effectivement viser les absences pour maladie professionnelle, il ne peut néanmoins être distingué entre accident du travail et maladie professionnelle alors que tous les textes du code du travail les assimilent systématiquement dans leurs conséquences.

Dès lors, et alors qu'aucune prescription n'est encourue dans la mesure où il ressort des bulletins de salaire que la prime du mois de novembre 2014 a d'ores et déjà été régularisée en avril 2015, et qu'il n'est donc réclamé que des primes versées à compter de juin 2015, il y a lieu de condamner la société Pochet du Courval à payer à Mme [I] la somme de 2 218 euros à titre de rappel de prime de fin d'année correspondant à la prime vacances de juin 2015 et à la prime de fin d'année de novembre 2015, outre 221,80 euros au titre des congés payés afférents, soit

2 439,80 euros.

Par ailleurs, la société a justement calculé la prime due en novembre 2016 dès lors qu'elle a légitimement écarté la période non rémunérée comprise entre la fin de l'arrêt de travail et la reprise du paiement de salaire un mois après l'avis d'inaptitude mais aussi celle postérieure à la rupture du contrat le 24 novembre 2016, étant rappelé que Mme [I], inapte, ne pouvait exécuter son préavis et que l'article L. 1226-14 du code du travail, applicable en l'espèce, prévoit expressément le paiement d'une indemnité équivalente au préavis, laquelle n'est pas assimilable à une période de préavis.

Sur le solde d'indemnité de licenciement

Mme [I] sollicite un rappel au titre de l'indemnité de licenciement en faisant valoir que si l'ancienneté a été correctement calculée, au contraire, l'assiette du salaire ne l'a pas été puisqu'il aurait dû être tenu compte de son salaire de base, du prorata du 13ème mois, du paiement des jours fériés travaillés ou réputés travaillés, de la prime d'ancienneté, de la prime de poste et de la majoration du dimanche.

Compte tenu de la solution adoptée par rapport à la demande présentée par Mme [I] au titre des jours fériés, et alors que l'ensemble des autres sommes ont été incluses dans l'assiette de calcul de l'employeur, il convient de débouter Mme [I] de sa demande formulée au titre du solde d'indemnité de licenciement.

Sur la demande de rappel de congés payés restant dus

Mme [I] réclame le paiement d'un solde de 0,40 jours qui ne lui a pas été réglé, soit 40,29 euros, outre les congés payés restant dus sur son préavis, demandes auxquelles l'employeur ne s'oppose pas sauf à solliciter la confirmation du jugement qui a fixé les congés payés dus sur préavis à 10% du montant du préavis versé, soit 463,82 euros.

Alors que le préavis de Mme [I] s'est élevé à 4 638,24 euros, il lui est dû 463,28 euros au titre des congés payés afférents, outre la somme de 40,29 euros au titre des 0,40 jours non réglés, il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Pochet du Courval à payer à Mme [I] la somme de 504,11 euros.

Sur la demande de rappel de prime substitutive à l'intéressement

Mme [I] soutient qu'elle peut prétendre à une prime de 400 euros dès lors qu'elle a été versée à l'ensemble des agents de production de l'entreprise en décembre 2018, et que si elle n'était pas présente à cette date, elle peut en tout état de cause en bénéficier prorata temporis.

Tout en relevant que Mme [I] ne produit qu'un seul bulletin de salaire d'une autre salariée, ce qui ne permet pas d'affirmer que cette prime substitutive à l'intéressement aurait été versée à l'ensemble des agents de production, la société Pochet du Courval soutient qu'il s'agit d'une prime exceptionnelle qui n'a pu être versée qu'à des salariés présents à la date de son octroi.

Alors que Mme [I] ne verse aux débats que le bulletin de salaire du mois de décembre 2018 d'un salarié ayant perçu cette prime, soit à une date postérieure à son licenciement, sans caractériser l'existence d'un usage ou d'un quelconque autre engagement de l'employeur lui permettant de bénéficier de cette prime, serait-ce de manière proratisée, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de cette demande.

Sur la demande de RH, RTT et RC

Il résulte de l'accord du 10 juin 2013 que le système de récupération mis en oeuvre dans l'entreprise par le biais des 'RH' au sein des établissements de [Localité 6] et de [Localité 7], initialement 'destinés à compenser la réduction de 40 à 39 heures par l'octroi d'une journée toutes les huit semaines ou de compenser la réduction de 42 à 39 heures par l'octroi de trois journées toutes les huit semaines en fonction du rythme horaire', et l'attribution de RTT et RC au sein de l'ensemble des établissements, a pour objectif, compte tenu de l'annualisation du temps de travail, d'atteindre une durée hebdomadaire moyenne de 35 heures, sachant que les salariés ont un horaire moyen de référence de 36,3 heures et que, dans les établissements de [Localité 6] et [Localité 7], il y a en outre une période haute fixée à 40 heures hebdomadaires.

Dès lors, outre la prescription et en conséquence l'irrecevabilité des demandes de Mme [I] pour les mois de novembre 2014, décembre 2014 et janvier 2015, sa demande ne peut prospérer pour les mêmes motifs que ceux précédemment évoqués s'agissant des jours fériés non travaillés.

En effet, Mme [I] a toujours été rémunérée, comme ses collègues, sur la base de 151,67 heures, sans avoir travaillé effectivement au-delà de cet horaire.

Aussi, et alors que ces RH, RTT et RC n'ont pour seul objet que de compenser un travail effectué au-delà des 35 heures, ce qui ressort très clairement des bulletins de salaire de ses collègues qu'elle produit aux débats, il convient d'infirmer le jugement et de débouter Mme [I] de sa demande de RH, RTT et RC, sachant qu'il résulte de son bulletin de salaire du mois de novembre qu'elle a été payée des droits qu'elle avait acquis à ce titre avant son arrêt de travail comme en témoignent les droits apparaissant acquis sur son bulletin de salaire de janvier 2015 et qu'a été valorisée la période de reprise du salaire du 18 septembre au 24 novembre 2016.

Sur la demande de rappel au titre de la mutuelle

Il résulte d'un accord d'entreprise du 14 octobre 1996 que les salariés ayant de un à dix ans d'ancienneté ont le droit à 70 % de leur traitement annuel de base, après application d'une franchise de 120 jours, sous déduction des prestations de la sécurité sociale.

Il est précisé que le traitement de base correspond à la rémunération brute telle qu'elle figure sur la déclaration annuelle des données sociales fournies à l'administration fiscale en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu.

Aussi, et contrairement à ce que soutient la société Pochet du Courval, il convient de tenir compte de l'ensemble des sommes versées à Mme [I], et non pas seulement son salaire de base et c'est en conséquence un traitement de 2 319,12 euros qui doit être retenu, sans cependant pouvoir tenir compte d'un salaire de 2 446,23 euros compte tenu du débouté dont a été l'objet Mme [I] s'agissant de sa demande de paiement de majoration pour les jours fériés.

Dès lors, il lui était dû un maintien de salaire à hauteur de 1 623,38 euros bruts, somme qu'elle a perçue, a minima, chaque mois, sachant que les calculs qu'elle propose sont erronés dans la mesure où elle soustrait des sommes payées en net à des sommes dues en bruts.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement et de débouter Mme [I] de cette demande.

Sur la demande de rappel de salaire au titre du salaire négatif

Il résulte de l'étude des bulletins de salaire que ce rappel de salaire négatif correspond en réalité à un rappel permettant d'arriver à un chiffre nul pour tenir compte de l'arrêt pour accident du travail, à l'image de l'ensemble des autres bulletins de salaire et ne s'expliquent que par des régularisations liées aux augmentations de salaires ou prime d'ancienneté.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [I] de cette demande.

Sur le licenciement

Mme [I] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse à défaut de recherche de reclassement sérieuse, la société Pochet du Courval, qui appartient à un groupe qui compte quinze sociétés et plus de 1 000 salariés, ne justifiant pas avoir interrogé l'ensemble de ces sociétés et ne lui ayant proposé qu'un seul poste, au surplus inapproprié à ses capacités pour nécessiter un niveau Bac+2 et une maîtrise de l'anglais et de l'informatique, toutes compétences qui n'étaient pas les siennes. Elle relève en outre qu'aucune mesure d'aménagement de son poste ne lui a été proposée et que l'avis d'inaptitude, réalisé sans étude de poste préalable, ne comporte aucune mention relative à son aptitude à suivre une formation.

En réponse, la société Pochet du Courval relève que Mme [I] n'a pas contesté les avis d'inaptitude, désormais définitifs, et soutient avoir mené une recherche de reclassement sérieuse en envoyant des demandes aux différentes sociétés du groupe, sachant qu'elle était tenue par les fortes restrictions médicales émises par le médecin du travail qui ne lui ont pas permis d'aménager un poste au vu de son activité qui consiste essentiellement en une activité de production nécessitant du port et de la manutention de charges, ni de proposer un autre poste que celui offert, d'ailleurs tout à fait adapté aux capacités de Mme [I] contrairement à ce qu'elle soutient.

Selon l'article R. 4624-31 du code du travail, dans sa version applicable au litige, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé une étude de ce poste, une étude des conditions de travail dans l'entreprise et deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires. Lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu'un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen.

Selon l'article R. 4624-35, en cas de contestation de cet avis médical par le salarié ou l'employeur, le recours est adressé dans un délai de deux mois, par lettre recommandée avec avis de réception, à l'inspecteur du travail dont relève l'entreprise. La demande énonce les motifs de la contestation.

Au vu de ces articles, et alors que les obligations mises à la charge du médecin du travail n'ont pour seul objet que de lui permettre d'émettre un avis éclairé sur l'inaptitude du salarié et sur les préconisations qu'il émet, il n'appartient pas au juge judiciaire, saisi d'une contestation afférente à la licéité du licenciement d'un salarié déclaré inapte à son poste de travail, de se prononcer sur le respect par le médecin du travail de son obligation d'effectuer l'étude de poste et des conditions de travail, telle qu'édictée par l'article R. 4624-31 du code du travail.

Dès lors, à défaut d'avoir engagé la procédure prévue par l'article R. 4624-35 du code du travail, il convient de dire que le licenciement de Mme [I] repose sur un avis d'inaptitude régulièrement délivré quand bien même il n'est effectivement pas mentionné dans l'avis d'inaptitude du 18 août 2016 qu'une étude de poste et des conditions de travail a été réalisée.

Selon l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa version applicable au litige, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

En l'espèce, après une première visite de reprise effectuée le 2 août 2016, le médecin du travail a délivré un avis d'inaptitude le 18 août 2016 accompagné d'un courrier rédigé de la manière suivante : 'L'examen clinique réalisé ce jour m'amène à fixer une inaptitude médicale à tout poste de travail. (...). Une réflexion quant au maintien dans l'emploi de votre salariée au sein de votre entreprise doit être initiée dans la limite de ses restrictions d'aptitude qui sont :

- Contre-indication au port et manutention de toutes charges,

- Contre-indication au travail les bras en élévation.

Par ailleurs, je vous fais également part des capacités restantes de votre salarié. Il est actuellement en mesure de travailler dans les conditions suivantes :

- Apte à un poste en accueil. (...)'

Entre-temps, la société Pochet du Courval a transmis à Mme [I], âgée de 60 ans, un questionnaire relatif à son reclassement qu'elle a rempli le 9 août 2016 et dans lequel, après avoir précisé qu'elle avait une mobilité d'une trentaine de kilomètres, elle a repris l'historique de ses différents emplois ainsi que de ses diplômes, à savoir bac pro secrétariat comptabilité et brevet secrétariat comptabilité, précisant qu'elle n'avait cependant pas de pratique.

Par mail du 19 août 2016, la société Pochet du Courval a transmis à quinze destinataires une demande tendant au reclassement de Mme [I], en reprenant son parcours au sein de l'entreprise et la teneur de l'avis d'inaptitude, lequel mail a été suivi de sept réponses, toutes négatives.

Elle a par ailleurs consulté les délégués du personnel le 23 septembre 2016 qui ont émis un avis défavorable et, le 12 octobre 2016, il a été proposé à Mme [I] un poste, 'qui pourrait être ouvert', d'assistant accueil au sein de l'équipe des services généraux, comprenant l'accueil physique et téléphonique, la gestion administrative de déplacement (véhicule, réservation, déclaration SS), le support dans l'organisation de réunion et la gestion des écrans de communication, avec cette précision, qu'en cas d'ouverture du poste, le profil attendu s'orienterait vers un niveau bac +2, une maîtrise des outils informatiques (outlook, excel, word et powerpoint) et un niveau d'anglais courant avec une expérience similaire souhaitée, aussi, lui était-il indiqué que, dans l'hypothèse de l'ouverture de ce poste, la société souhaitait connaître sa position, et effectuer le cas échéant des tests et entretiens permettant de valider l'adéquation de son profil à ce poste.

Mme [I] ayant refusé ce poste le 14 octobre en faisant valoir qu'elle ne disposait pas d'un bac+2, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 24 novembre 2016.

Si Mme [I] fait valoir qu'on ne peut connaître la qualité des destinataires du mail du 19 août 2016, il ressort des sept courriers de réponse qu'il s'agit des responsables ressources humaines du groupe, sachant qu'à l'exception des sociétés d'[Localité 5] et Martel, tous les responsables des sociétés françaises, telles que ressortant de l'organigramme produit, ont répondu, sans que Mme [I] n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la pertinence de cet organigramme.

Or, si Mme [I] met en avant l'implantation internationale du groupe et l'absence de preuve d'une consultation de toutes les sociétés, il doit néanmoins être rappelé que l'employeur peut tenir compte des souhaits émis par le salarié dans un questionnaire de reclassement, sachant qu'en l'espèce, il ressort du questionnaire rempli par Mme [I] le 9 août 2016 qu'elle y indiquait avoir une mobilité de 30 kms.

Aussi, dès lors que les sociétés du groupe les plus proches géographiquement ont répondu, il ne saurait être reproché à la société Pochet du Courval de ne pas avoir sollicité, ou relancé, les autres sociétés, toutes très éloignées géographiquement, étant au surplus noté, s'agissant des sociétés situées à l'étranger, que Mme [I] reproche précisément à son employeur de lui avoir proposé un poste nécessitant de parler un anglais courant alors qu'elle ne le maîtrise pas, même de manière basique.

Néanmoins, et alors que pour les sociétés comptant plus de cinquante salariés, l'article L. 1226-10 prévoit que le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté, il doit être constaté que le médecin du travail n'a été saisi d'aucune demande complémentaire en ce sens par la société Pochet du Courval.

Bien plus, alors que ce même article dispose que l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail, en l'occurrence, le poste proposé, légitimement refusé par Mme [I] au vu de ses diplômes et de son propre parcours qui ne lui aurait pas permis d'avoir les compétences pour l'occuper, ne peut être assimilé à un poste comparable, sans qu'aucun élément ne permette de s'assurer qu'il ne pouvait être envisagé une transformation de son poste.

A cet égard, et si l'avis d'inaptitude est en lui-même régulier à défaut de contestation élevée par Mme [I] devant l'inspecteur du travail dans les délais prévus, il n'en demeure pas moins qu'il appartenait à l'employeur, à défaut d'étude de poste et des conditions de travail, de solliciter le médecin du travail pour évaluer avec lui les possibilités de transformation et d'aménagement du poste quand bien même les restrictions étaient importantes.

A défaut de l'avoir fait, et alors que l'employeur se contente d'indiquer, sans produire aucun registre unique du personnel ou aucun autre document permettant à la cour de s'en assurer, que les postes disponibles étaient incompatibles avec les restrictions médicales pour être essentiellement tournés vers la production industrielle, il convient de dire que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse à défaut pour la société Pochet du Courval de justifier suffisamment d'une recherche loyale et sérieuse de reclassement.

Aussi, conformément à l'article L. 1226-15 du code du travail, dans sa version applicable au litige, il convient de condamner la société Pochet du Courval à payer à Mme [I] la somme de 27 829,44 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à douze mois de salaire, sans que Mme [I] n'ait à justifier d'un préjudice à hauteur de cette somme dès lors qu'il s'agit d'un minimum prévu par ce texte.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société Pochet du Courval aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à Mme [I] la somme de 1 300 euros sur ce même fondement, en plus de la somme allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf sur la date de prescription, le montant alloué au titre du treizième mois mais aussi en ce qu'il a accordé des RTT, RH et RC à Mme [I] et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

L'infirme de ces chefs ;

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevables les demandes en paiement de Mme [D] [I] portant sur la période antérieure au 1er février 2015 ;

Dit que le licenciement de Mme [D] [I] est sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SAS Pochet du Courval à payer à Mme [D] [I] les sommes suivantes :

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 27 829,44 euros

rappel de salaire au titre du treizième mois, congés payés compris : 2 439,80 euros

Déboute Mme [D] [I] de sa demande formulée au titre des RTT, RH et RC ;

Y ajoutant,

Condamne la SAS Pochet du Courval à payer à Mme [D] [I] la somme de 1 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SAS Pochet du Courval de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Pochet du Courval aux entiers dépens.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/01371
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;20.01371 ?
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