N° RG 20/01522 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IOZS
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SÉCURITÉ SOCIALE
ARRÊT DU 08 DÉCEMBRE 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'EVREUX du 21 Février 2020
APPELANTS :
Me [Z] [E] es qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Techni'Chauf Industrie
[Adresse 4]
[Localité 7]
représenté par Me François DELACROIX de la SELARL DELACROIX, avocat au barreau de l'EURE
Société TECHNI'CHAUF INDUSTRIE
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me François DELACROIX de la SELARL DELACROIX, avocat au barreau de l'EURE
INTIMÉS :
Monsieur [X] [M]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté par Me Séverine LANGOT, avocat au barreau de ROUEN
Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 5]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 5]
représenté par Me Thierry BRULARD de la SCP BRULARD - LAFONT - DESROLLES, avocat au barreau d'EURE substituée par Me Carine DESROLLES, avocat au barreau de l'EURE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 13 Octobre 2022 sans opposition des parties devant Madame DE BRIER, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame POUGET, Conseillère
Madame DE BRIER, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DÉBATS :
A l'audience publique du 13 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 08 Décembre 2022
ARRÊT :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 08 Décembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
Vu le jugement en date du 21 février 2020 par lequel le conseil de prud'hommes d'Evreux, statuant en formation de départage dans le litige opposant M. [X] [M] à son ancien employeur, la société Techni Chauf Industrie, a :
- rejeté les demandes au titre de l'application de la convention collective non étendue des cadres du bâtiment,
- condamné l'employeur à verser au salarié une somme totale de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts en lien avec le manquement commis en matière de prévoyance,
- condamné la société redevenue in bonis à verser au salarié la somme de 210 euros net au titre des cotisations mutuelle sans objet de septembre à décembre 2015,
- rejeté la demande de remboursement de frais médicaux à hauteur de 115,25 euros,
- rejeté la demande de dommages et intérêts supplémentaires pour exécution défectueuse du contrat de travail,
- condamné la société au versement de la somme de 1 500 euros au salarié en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société aux dépens,
- constaté qu'aucune demande à titre principal n'était dirigée contre l'Ags Cgea de [Localité 5],
- ordonné l'exécution provisoire de l'entier jugement ;
Vu l'appel interjeté par voie électronique le 14 mai 2020 par la société Techni Chauf Industrie et Me [E] ès qualités, à l'encontre de cette décision régulièrement notifiée ;
Vu la constitution d'avocat de M. [M], intimé, effectuée par voie électronique le 8 juin 2020 ;
Vu la constitution d'avocat de l'Ags CGEA de [Localité 5], effectuée par voie électronique le 8 juin 2020 ;
Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 10 août 2020 par lesquelles l'employeur appelant, soutenant que le salarié n'apporte pas la preuve permettant d'appliquer la convention collective du bâtiment à la relation de travail, affirmant qu'il ne justifie pas du préjudice subi, affirmant qu'il a bénéficié d'une mutuelle jusqu'à ce qu'il fasse valoir ses droits à la retraite, sollicite l'infirmation du jugement entrepris, demande à la cour de débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes, de le condamner au paiement d'une indemnité de procédure ( 5000 euros) ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu les conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 5 novembre 2020 aux termes desquelles le salarié intimé, réfutant les moyens et l'argumentation de la partie appelante, revendiquant l'application de la convention collective des ETAM à la relation de travail, soutenant que l'employeur a manqué à ses obligations légales et conventionnelles en ne mettant pas en place de régime de prévoyance, affirmant ne pas avoir été intégralement rempli de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail, sollicite pour sa part la confirmation partielle de la décision déférée, demande à la cour de:
- débouter la société de ses demandes, fins et conclusions,
- à titre principal:
confirmer le jugement entrepris et dire et juger que la convention collective des ETAM du bâtiment est applicable à la relation de travail,
condamner la société, redevenue in bonis, au paiement de la somme de 35 000 euros net de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier subi du fait du manquement de l'employeur à son obligation conventionnelle de mise en place d'un régime de prévoyance,
- à titre subsidiaire:
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société à lui verser la somme de 35 000 euros net de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier et moral résultant du défaut d'information par l'employeur de l'absence de régime de prévoyance,
- en tout état de cause:
confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur à lui verser la somme de 210 euros net de remboursement de cotisation mutuelle de septembre à décembre 2015,
infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de rappel de prime conventionnelle de vacances et lui allouer à ce titre 3 307,10 euros brut outre 330,71 euros brut de congés payés afférents,
infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail et condamner l'employeur à lui verser à ce titre la somme de 11 650 euros net de dommages et intérêts,
confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner l'appelante à lui verser à titre d'indemnité de procédure la somme de 3 000 euros pour la procédure d'appel ,
condamner l'appelante aux entiers dépens qui comprendront les éventuels frais et honoraires d'exécution du jugement à intervenir ;
Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 30 octobre 2020 aux termes desquelles l'Unédic délégation Ags Cgea de [Localité 5], venant aux droits du Cgea de [Localité 5], intimée, appelante incidente, demande à la cour de constater qu'aucune demande n'est formée à son égard, que la société Techni Chauf Industrie est redevenue in bonis depuis le 29 mai 2019, sollicite sa mise hors de cause et, à titre subsidiaire, s'associe aux observations développées dans l'intérêt de l'appelante, demande à que la cour infirme le jugement entrepris, déboute le salarié de l'intégralité de ses demandes, rappelant en tout état de cause les termes de sa garantie ;
Vu l'absence de conclusions de Me [E] en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 22 septembre 2022 renvoyant l'affaire pour être plaidée à l'audience du 13 octobre 2022 ;
Vu les conclusions transmises le 10 août 2020 par l'appelant et les 30 octobre et 5 novembre 2020 par les intimés auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel ;
SUR CE, LA COUR
M. [M] a été embauché par la société Techni Chauf en qualité de chargé d'affaire, qualification ETAM, à compter du 4 novembre 2013 aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée en date du 31 octobre 2013.
La relation de travail était soumise à la convention collective du bâtiment.
En mai 2015, le dirigeant de la société, constatant l'existence de difficultés, a créé la société Techni Chauf Industrie.
Le contrat de travail de M. [M] a été transféré à la société Techni Chauf Industrie, après acceptation de M. [M], sans formalisation particulière.
A compter du 5 janvier 2017, M. [M] a bénéficié d'un arrêt de travail pour maladie non professionnelle.
Alors que ses bulletins de paie faisaient apparaître des cotisations de prévoyance et de mutuelle, il est apparu que le salarié n'était plus couvert.
M. [M] a sollicité une régularisation auprès de son employeur.
Par jugement du tribunal de commerce d'Evreux du 8 mars 2018, la société Techni Chauf Industrie a été placée en redressement judiciaire.
Estimant que l'employeur avait manqué à ses obligations, revendiquant le statut de cadre, soutenant que la convention collective des cadres du bâtiment était applicable à la relation contractuelle, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evreux le 5 juin 2018.
Le 29 janvier 2019, le salarié a informé son employeur de son intention de faire valoir ses droits à la retraite au 1er avril 2019.
Le 29 mai 2019, le tribunal de commerce d'Evreux a arrêté le plan de redressement de la société Techni Chauf Industrie et désigné Me [E] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Statuant par jugement du 21 février 2020, dont appel, le conseil de prud'hommes d'Evreux s'est prononcé comme indiqué précédemment.
A titre liminaire, il y a lieu de constater qu'à hauteur de cour, M. [M] ne maintient plus sa demande visant à se voir reconnaître le statut de cadre.
1/ Sur la convention collective applicable
M. [M] revendique à hauteur de cour l'application de la convention collective des ETAM du bâtiment et non plus celle relative aux cadres.
Il rappelle que la convention collective était appliquée par la société Techni Chauf.
Le salarié soutient que l'activité principale de la société Techni Chauf Industrie relève de la convention collective, produit en ce sens plusieurs attestations ainsi que la copie de devis réalisés par l'entreprise, précisant en avoir eu connaissance dans le cadre de ses fonctions et considérant en conséquence qu'ils n'ont pas à être écartés des débats.
La société conclut au débouté de la demande et affirme ne relever d'aucune convention collective. Elle indique qu'en application de l'article L 1224-1 du code du travail, le passage de M. [M] de la société Techni Chauf à la société Techni Chauf Industrie a eu pour conséquence d'opérer de plein droit transfert de son contrat de travail, que si ce transfert maintenait les avantages individuels, ce n'était pas le cas pour les accords collectifs, que la situation avait été clairement exposée au salarié.
Elle soutient que la convention collective des ETAM du bâtiment ne lui est pas applicable, rappelle que l'INSEE lui a appliqué le code NAF 35-11-Z en ce qu'elle poursuit des activités dans le domaine de la production d'électricité, de gaz, de vapeur d'eau et d'air conditionné.
L'employeur, rappelant que la charge de la preuve appartient au salarié, demande que la cour écarte des débats les devis produits au motif que les pièces, à les supposer authentiques, ont été obtenues par fraude étant la propriété de la société.
En outre, l'employeur conteste la valeur probante de ces devis au regard de leur faible montant, certains relevant par ailleurs de chantiers accomplis par le précédent employeur.
L'Unédic délégation Ags Cgea de [Localité 5] s'associe aux observations développées par l'employeur.
Sur ce ;
L'article L. 2261-2 du code du travail dispose que la convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur.
En cas de pluralité d'activités rendant incertaine l'application de ce critère pour le rattachement d'une entreprise à un champ conventionnel, les conventions collectives et les accords professionnels peuvent, par des clauses réciproques et de nature identique, prévoir les conditions dans lesquelles l'entreprise détermine les conventions et accords qui lui sont applicables.
Le juge doit donc pour déterminer la convention collective dont relève un employeur, apprécier concrètement la nature de l'activité qu'il exerce à titre principal, sans s'en tenir à ses statuts, ni aux mentions figurant au contrat de travail ou sur des bulletins de paie et autres documents de l'entreprise. La référence à son identification auprès de l'INSEE n'a qu'une valeur indicative et les fonctions exercées par le salarié sont indifférentes .
La charge de la preuve de l'activité réelle incombe à la partie qui demande l'application d'une convention collective.
Une convention collective étendue s'applique à toutes les entreprises relevant de son champ d'application géographique et professionnel.
Il y a lieu de constater que la convention collective des ETAM du bâtiment dont le salarié revendique l'application a été étendue par arrêté ministériel du 5 juin 2007.
Au soutien de sa demande, M. [M] verse aux débats des devis que l'employeur demande d'écarter des débats au motif de leur obtention frauduleuse.
En matière prud'homale, la preuve est libre et un salarié, lorsque cela est strictement nécessaire à l'exercice des droits de sa défense dans le litige l'opposant à son employeur peut produire en justice des documents dont il a eu connaissance à l'occasion de ses fonctions.
En l'espèce, il ne résulte pas des pièces produites par le salarié que celui-ci ait eu accès de façon déloyale aux pièces 10 versées aux débats en ce que ces pièces constituent des devis réalisés par la société Techni Chauf Industrie auxquels le salarié avait nécessairement accès au regard des fonctions exercées au sein de l'entreprise.
Contrairement aux allégations de l'employeur, il s'évince de la lecture de ces devis que ceux-ci ont tous été établis au nom de la société Techni Chauf Industrie et non au nom de la société Techni Chauf, précédent employeur de M. [M].
L'article 1.2 de la convention collective des ETAM du bâtiment précise au titre des activités visées notamment la fabrication et l'installation de matériel aéraulique, thermique, frigorifique, l'installation électrique, le génie climatique, la couverture-plomberie, installation sanitaire.
Il n'est pas contesté que le précédent employeur de M. [M], la société Techni Chauf était soumise à la convention collective des ETAM du bâtiment.
Il ressort de la lecture des devis et des attestations produites aux débats par le salarié que les deux sociétés intervenaient sur le même secteur d'activité.
Ainsi, M. [P], ancien directeur technique de Techni Chauf et de Techni Chauf Industrie indique que l'activité de Techni Chauf Industrie est notamment de développer l'activité génie climatique auprès de l'industrie.
M. [R], frigoriste et M. [L], ancien salarié, attestent que l'activité de la société Techni Chauf Industrie était principalement la plomberie, le chauffage.
M. [F], ancien salarié de la société Techni Chauf, transféré à la société Techni Chauf Industrie, atteste avoir exercé la même activité de plombier chauffagiste pour les deux entreprises.
Les attestations établies par MM [D] et [H] établissent également que la société Techni Chauf Industrie avait une activité principale de plomberie chauffage.
Au regard de ces éléments, non utilement contredits par la société, il y a lieu de juger que l'activité de la société Techni Chauf Industrie relève de la convention collective des ETAM du bâtiment, de sorte que l'employeur est tenu d'en appliquer les dispositions.
2/ Sur l'obligation conventionnelle de l'employeur de mise en place d'un régime de prévoyance
M. [M] soutient qu'en application des dispositions conventionnelles et des dispositions légales en vigueur depuis 2016, l'employeur avait l'obligation de mettre en place un régime de prévoyance.
Il indique qu'en application des dispositions conventionnelles, faute pour l'employeur d'avoir souscrit un régime de prévoyance garantissant chacune des prestations du régime de base, il doit être tenu de verser directement les prestations et/ou indemnités manquantes.
M. [M] reproche à l'employeur de n'avoir souscrit aucun régime de prévoyance et, ce, malgré les prélèvements de cotisations apparaissant sur ses bulletins de salaire de septembre 2015 jusqu'à juin 2017 lui laissant légitimement croire qu'il était couvert par la prévoyance santé.
Il indique que ce non respect par l'employeur de ses obligations l'a privé du maintien de salaire auquel il avait droit au cours de son arrêt de travail, ce qui l'a placé dans une situation financière extrêmement difficile.
Il verse aux débats des éléments indiquant que pour la période de janvier 2017 à mars 2019 ce manque à gagner s'est élevé à 47 351,28 euros brut, sur la base de 1 652 euros brut de perte de revenu pas mois outre les congés payés afférents, sous réserve de la déduction des IJJSS versées directement par l'employeur à hauteur de 7 043,52 euros net.
A ce préjudice financier, s'ajoute un préjudice moral en ce qu'il indique que son salaire était le seul revenu du couple qui avait deux enfants étudiants à charge, que la famille a été contrainte de vivre avec 500 euros par mois au regard des crédits souscrits.
M. [M] affirme que pour mettre un terme à la précarité de sa situation, il a été contraint le 1er avril 2019 de liquider ses droits à la retraite à 60 ans et non 62 ans comme il l'avait envisagé. A titre subsidiaire, il invoque le défaut d'information par l'employeur relatif à l'absence de mise en place de régime de prévoyance.
Le salarié sollicite en conséquence la confirmation du jugement entrepris qui a condamné son employeur à lui verser la somme de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ses différents préjudices.
La société conclut à l'infirmation du jugement entrepris de ce chef.
Elle soutient ne relever d'aucune convention collective, ne pas être soumise à l'obligation de mise en place d'un régime de prévoyance, avoir respecté son obligation d'information du salarié.
L'Unédic délégation Ags Cgea de [Localité 5] s'associe aux observations développées par l'employeur.
Sur ce ;
Il a précédemment été jugé que la société Techni Chauf Industrie relevait de la convention collective ETAM du bâtiment.
L'article 6-2 de la convention collective stipule que les ETAM bénéficient obligatoirement de garanties conventionnelles de prévoyance et en déterminent les conditions d'application.
Il n'est pas contesté que la société n'a pas mis en place de régime de prévoyance au profit de M. [M].
Le salarié justifie de l'existence d'un préjudice subi à l'occasion de son arrêt de travail. Il verse aux débats les éléments nécessaires permettant d'établir la réalité et l'ampleur de son préjudice tant moral que financier au regard de sa situation.
Ainsi, au vu des éléments versés aux débats en cause d'appel, il apparaît que les premiers juges, à la faveur d'une exacte appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, non utilement critiquée en cause d'appel, ont à bon droit fixé le montant du préjudice subi par M. [M] en raison du manquement commis par l'employeur en matière de prévoyance à 35 000 euros.
Toutefois, en présence d'une procédure collective intéressant la société Techni Chauf Industrie, la juridiction doit se borner à déterminer le montant des sommes à inscrire sur l'état des créances sans pouvoir condamner le débiteur à paiement.
Le jugement entrepris sera modifié de ces chefs.
3/ Sur la demande au titre de la prime de vacances
Il est constant que les salariés relevant de la convention collective des ETAM du bâtiment doivent percevoir une prime de vacances.
L'article 5.1.2 de la convention collective prévoit qu'une prime de vacances sera versée, prime égale à 30% de l'indemnité de congés correspondant aux 24 jours ouvrables de congés, institués par la loi du 16 mai 1969, acquis sur la base de 2 jours ouvrables de congés par mois de travail, versée aux ETAM après 6 mois de présence dans une ou plusieurs entreprises relevant d'une caisse de congés payés du bâtiment ou des travaux publics.
Cette prime, qui ne se cumule pas avec les versements qui ont le même objet, est versée en même temps que l'indemnité de congés.
M. [M] revendique, pour les années 2015/2016, 2016/2017, 2017/2018, le bénéfice d'une prime de vacances d'un montant total de 3 307,10 euros outre les congés payés afférents.
L'employeur ne forme aucune observation à hauteur de cour sur cette demande.
Au regard des dispositions conventionnelles applicables, des calculs effectués par le salarié, non spécifiquement contestés dans leur quantum par l'employeur, il sera fait droit à la demande formée par M. [M].
Cependant, la prime de vacances n'ayant pas le caractère de salaire n'ouvre pas droit aux congés payés afférents. Le salarié sera en conséquence débouté de cette demande.
4/ Sur la demande de remboursement des cotisations de mutuelle pour la période de septembre à décembre 2015
Par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont constaté que les bulletins de paie de septembre à décembre 2015 de M. [M] mentionnent une cotisation salariale 'mutuelle employé' pour un montant de 52,50 euros par mois soit 210 euros net alors que la société, pour cette période, n'avait pas souscrit de mutuelle auprès du CIC, celle-ci n'ayant été souscrite qu'à compter du 1er janvier 2016 et qu'elle ne justifie pas du remboursement des sommes indûment prélevées.
Une somme de 210 euros net est en conséquence due au salarié.
Cependant, en présence d'une procédure collective intéressant la société Techni Chauf Industrie, la juridiction doit se borner à déterminer le montant des sommes à inscrire sur l'état des créances sans pouvoir condamner le débiteur à paiement.
Le jugement entrepris sera modifié de ce chef.
5/ Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
M. [M] soutient que la société a commis de nombreux manquements dans l'exécution de son contrat de travail, qu'indépendamment des droits à prévoyance, du défaut d'application de la convention collective et du non paiement des primes de vacances, il déplore des manquements en matière de mutuelle, que la société a été indéniablement déloyale, qu'il a subi un préjudice financier et moral supplémentaire dont il demande réparation à hauteur de 11 650 euros.
La société, qui conclut au débouté de la demande, ne développe pas d'observation spécifique à hauteur de cour sur cette demande.
Sur ce ;
En application de l'article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.
Cependant, aux termes de ses conclusions, M. [M] sollicite des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail en se référant de manière générale aux mêmes manquements de l'employeur évoqués précédemment sans articuler de moyen spécifique et sans établir un préjudice distinct de celui précédemment réparé.
Il n'est ainsi pas démontré de fait générateur distinct des différents manquements allégués de nature à fonder spécifiquement une telle demande d'indemnisation.
Cette demande doit en conséquence, par confirmation du jugement entrepris, être rejetée.
6/ Sur la garantie de l'AGS
Il résulte de la combinaison des articles L622-22 et L631-14 du code de commerce ainsi que des articles L3253-6 et L 3253-20 du code du travail que les sommes dues par l'employeur en exécution du contrat de travail antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective restent soumises, même après l'adoption d'un plan de redressement au régime de la procédure collective, même si la garantie de l'Ags n'a qu'un caractère subsidiaire.
Il convient de dire le présent arrêt opposable à l'Unédic délégation Ags Cgea de [Localité 5] venant aux droits du Cgea de [Localité 5] et de rappeler que la garantie de l'Ags n'est due, toutes créances avancées pour le compte du salarié que dans la limite des plafonds définis notamment aux articles L 3253-17, D 3253-2 et D 3253-5 du code du travail et dans la limite des textes légaux définissant l'étendue de sa garantie à savoir les articles L 3253-8 à L 3253-13, L 3253-15 et L 3253-19 à L 3253-24 du code du travail.
En outre, il sera rappelé que l'Unédic, délégation Ags Cgea de [Localité 5] ne devra être amenée à garantir les éventuelles créances salariales que dans la mesure où l'employeur justifierait de l'impossibilité dans laquelle il se trouve de procéder lui-même au règlement des dites créances et ce en vertu du principe de subsidiarité de la garantie de l'Ags.
Il ne sera en conséquence pas fait droit à la demande de mise hors de cause de l'Unédic, délégation Ags Cgea de [Localité 5].
7 Sur les dépens et frais irrépétibles
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [M] les frais non compris dans les dépens qu'il a pu exposer.
Il convient en l'espèce de condamner l'employeur, appelant succombant dans la présente instance, à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel et de confirmer la condamnation à ce titre pour les frais irrépétibles de première instance.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l'employeur les frais irrépétibles exposés par lui.
Il y a également lieu de condamner la société appelante aux dépens d'appel et de confirmer sa condamnation aux dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort ;
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes d'Evreux du 21 février 2020 sauf en ce qu'il a condamné la société Techni'Chauf Industrie au paiement des condamnations et en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande au titre de la prime de vacances ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant:
Dit que la convention collective des ETAM du bâtiment est applicable à la relation contractuelle ;
Fixe la créance de M. [X] [M] dans la procédure collective de la société Techni Chauf Industrie :
- aux sommes résultant des condamnations prononcées par les premiers juges,
- à la somme de 3 307,10 euros à titre de prime de vacances, sommes qui seront inscrites sur l'état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce ;
Déboute M. [X] [M] de sa demande de congés payés afférents à la prime de vacances ;
Rappelle que le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que tous intérêts de retard et majorations ;
Déclare le présent arrêt opposable à l'Unédic délégation Ags Cgea de [Localité 5];
Dit que l'Unédic délégation Ags Cgea de [Localité 5] ne sera tenue à garantie des créances salariales de M. [X] [M] qu'à défaut de fonds disponibles permettant le règlement des créances par l'employeur ;
Rappelle, en tant que de besoin, que la garantie de l'Unédic délégation Ags Cgea de [Localité 5] n'est due, toutes créances avancées pour le compte de la salariée que dans la limite des plafonds définis notamment aux articles L 3253-17, D 3253-2 et D 3253-5 du code du travail et dans la limite des textes légaux définissant l'étendue de sa garantie à savoir les articles L 3253-8 à L 3253-13, L 3253-15 et L 3253-19 à L 3253-24 du code du travail ;
Condamne la société Techni'Chauf Industrie, assistée de Me [Z] [E] ès qualités à verser à M. [X] [M] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la société Techni'Chauf Industrie, assistée de Me [Z] [E] ès qualités aux entiers dépens.
La Greffière, La Présidente,