N° RG 17/05434 - N° Portalis DBV2-V-B7B-HVX2
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 15 DECEMBRE 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE BERNAY du 20 Octobre 2017
APPELANTE :
Madame [W] [B]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Valérie-Rose LEMAITRE de la SCP LEMAITRE, avocat au barreau de l'EURE
INTIMES :
SELAFA MANDATAIRES JUDICIAIRES ASSOCIES, prise en la personne de Me Axel CHUINE, Mandataire ad'hoc de la Société KANEL
[Adresse 1]
[Localité 6]
n'ayant pas constitué avocat
régulièrement assigné par acte d'huissier en date du 12/05/2022
CGEA ORLEANS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 5]
n'ayant pas constitué avocat
régulièrement assigné par acte d'huissier en date du 12/05/2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 08 Novembre 2022 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 08 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 Décembre 2022
ARRET :
REPUTE CONTRADICTOIRE
Prononcé le 15 Décembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme DUBUC, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [W] [B] a été engagée par la SARL Kanel en qualité de conseillère de vente par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 23 août 2011.
Par avenant du 30 septembre 2011, Mme [W] [B] a été promue vendeuse responsable à effet du 1er octobre 2011.
Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective de l'habillement et articles de textiles (commerce de détail) n°3241.
Le licenciement pour faute grave a été notifié à la salariée le 18 décembre 2013.
Mme [W] [B] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evreux en contestation de la rupture du contrat de travail et paiement d'indemnités.
En vertu de l'ordonnance du Premier Président de la cour d'appel de Rouen du 7 octobre 2014, la procédure a été transférée au conseil de prud'hommes de Bernay.
Par jugement du 20 octobre 2017, le conseil de prud'hommes a dit le licenciement de Mme [W] [B] reposant sur une faute grave justifié, a débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes, la SARL Kanel de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile et mis les dépens à la charge de la salariée.
Mme [W] [B] a interjeté appel le 17 novembre 2017.
Par jugement du 6 septembre 2018, le tribunal de commerce de Versailles a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL Kanel désignant la SELAFA MJA prise en la personne de M. [O] [R], en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 21 janvier 2021, le tribunal de commerce de Versailles a prononcé la clôture de la liquidation judiciaire de la société Kanel pour insuffisance d'actif.
Par ordonnance du 29 avril 2022, le tribunal de commerce de Versailles a désigné la SELAFA MJA prise en la personne de M. [O] [R] en qualité de mandataire ad hoc de la société Kanel.
Par conclusions remises le 6 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, Mme [W] [B] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de dire que son licenciement ne repose pas sur une faute grave et est dépourvu de cause réelle et sérieuse, fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Kanel comme suit :
rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire : 1 926,58 euros
congés payés sur rappel de salaire : 192,65 euros
indemnité compensatrice de préavis : 4 660,04 euros
congés payés sur préavis : 466,00 euros
indemnité conventionnelle de licenciement : 1 160,63 euros
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 13 980,12 euros
indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros
- dre que ses créances au passif de la SARL Kanel seront garanties par l'Unedic Délégation AGS CGEA d'Orléans, ordonner à la SELAFA MJA, en qualité de mandataire ad hoc de la SARL Kanel de lui remettre un bulletin de salaire pour celles des condamnations ayant le caractère de salaire ou accessoire de salaire conforme à l'arrêt à intervenir,
- mettre les dépens à la charge de la liquidation judiciaire de la SARL Kanel.
Assignée en intervention forcée par acte du 12 mai 2022, avec signification des conclusions d'appelante, la SELAFA MJA prise en la personne de M. [O] [R] n'a pas constitué avocat.
L'Unedic délégation AGS CGEA d'Orléans n'a pas davantage constitué avocat, informant la cour de ce que le CGEA ne serait ni présent ni représenté sur l'instance.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 20 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'intimé qui ne conclut pas, ou dont les conclusions sont irrecevables, est réputé adopter les motifs de la décision de première instance, sans pouvoir se référer à ses conclusions ou pièces déposées devant la juridiction de première instance.
Sur le licenciement
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, il est reproché à Mme [W] [B] d'avoir adopté à l'égard de Mme [T] un comportement relevant de la législation sur le harcèlement moral, ainsi que celle-ci l'a dénoncé par courrier complété d'une attestation, déposant également plainte de ce chef.
Pour dire le licenciement pour faute grave fondé, la juridiction de première instance retient que :
- la SARL Kanel exploite la boutique de prêt à porter féminin sous l'enseigne Sélecte à [Localité 7] sous la direction de M. [J], lequel n'était pas présent au quotidien dans la boutique, et dont la responsabilité a été confiée à Mme [W] [B] à compter du 1er octobre 2011, après avoir été recrutée comme conseillère de vente ;
- le 5 novembre 2013, Mme [T] a informé son employeur qu'elle subissait depuis plusieurs mois un harcèlement de la part de Mme [B], faits concernant lesquels elle a déposé plainte, laquelle a fait l'objet d'un classement sans suite. A ce titre, le conseil de prud'hommes considère que l'employeur n'est pas concerné par l'issue de cette procédure pénale ;
- lors de l'entretien préalable, Mme [W] [B] a fait preuve d'un comportement très agressif et s'est contentée de nier les accusations portées contre elle,
- le comportement de la salariée est constitutif de harcèlement moral et l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité, a pris la mesure appropriée pour le faire cesser.
Devant la cour, l'employeur, qui a la charge de la preuve de la faute qu'il invoque au soutien du licenciement, n'apporte aucun élément.
Outre les doléances de Mme [T] se prétendant victime de harcèlement moral, dont la plainte pour ces faits a été classée sans suite le 19 octobre 2016, il n'est versé aucun élément objectif corroborant les accusations ainsi portées, par ailleurs contredites par les éléments produits par la salariée, qui les a toujours contestées.
En effet, Mme [P] [V], retoucheuse, atteste n'avoir jamais remarqué que Mme [W] [B] ait manqué de respect à l'égard de Mme [T], plusieurs clientes (Mmes [Y], [F], [L], [A], [K]) indiquent n'avoir décelé aucune animosité ou tension, manque de respect de la part de Mme [W] [B] à l'égard de sa collègue, montrant au contraire de la sollicitude, voire même de la complicité, décrivant une ambiance agréable, Mme [M], commerçante expliquant quant à elle que tous les matins les deux collègues venaient prendre ensemble le café.
Aussi, alors que les faits décrits par Mme [T] dans sa plainte auprès de l'employeur ne repose que sur ses seules déclarations, la preuve de la réalité du harcèlement moral dénoncé n'est pas rapportée et dès lors, le licenciement est abusif.
La cour infirme donc le jugement entrepris ayant débouté Mme [W] [B] de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail.
Sur les conséquences du licenciement
En considération d'un effectif inférieur à onze salariés, d'un salaire moyen mensuel au cours des douze derniers mois de 2 330,02 euros, de l'ancienneté de deux ans et trois mois, la créance de Mme [W] [B] au passif de la SARL Kanel est fixée comme suit :
rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire : 1 926,58 euros
congés payés afférents : 192,65 euros
indemnité compensatrice de préavis : 4 660,04 euros
congés payés afférents : 466,00 euros
indemnité conventionnelle de licenciement avec ancienneté incluant la durée du préavis : 1 160,63 euros
dommages et intérêts pour licenciement abusif :
à la suite de la rupture du contrat de travail, la salariée justifie avoir perçu l'allocation de retour à l'emploi pour un montant brut journalier de 43,97 euros.
Elle a retrouvé des emplois de conseillère de vente à compter de février 2016 dans le cadre de contrats précaires.
Aussi, la cour lui alloue la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts.
La SELAFA MJA, prise en la personne de M. [O] [R], devra remettre à Mme [W] [B] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes à caractère salarial allouées.
Sur la garantie de l'UNEDIC délégation AGS CGEA d'Orléans
Compte tenu de la nature des sommes allouées, l'AGS CGEA doit sa garantie dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, à défaut de fonds disponibles.
Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie principalement succombante, la procédure collective de la SARL Kanel est condamnée aux entiers dépens, y compris de première instance et condamnée à payer à Mme [W] [B] la somme de 2 000 euros pour les frais générés par l'instance et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
Dit le licenciement de Mme [W] [B] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Fixe comme suit la créance de Mme [W] [B] au passif de la SARL Kanel :
rappel de salaire au titre de la mise à pied
conservatoire : 1 926,58 euros
congés payés afférents : 192,65 euros
indemnité compensatrice de préavis : 4 660,04 euros
congés payés afférents : 466,00 euros
indemnité conventionnelle de licenciement : 1 160,63 euros
dommages et intérêts pour licenciement abusif : 4 000,00 euros
Ordonne la remise par la SELAFA MJA, prise en la personne de M. [O] [R], à Mme [W] [B] d'un bulletin de salaire récapitulatif des sommes à caractère salarial allouées ;
Dit que l'AGS CGEA doit sa garantie dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, à défaut de fonds disponibles ;
Condamne la procédure collective de la SARL Kanel à payer à Mme [W] [B] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la procédure collective de la SARL Kanel aux entiers dépens de première d'instance et d'appel.
La greffière La présidente