N° RG 20/01161 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IOCN
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 15 DECEMBRE 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 27 Février 2020
APPELANTE :
Madame [B] [P]
[Adresse 4]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Herveline DEMERVILLE de la SELARL DEMERVILLE ET ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
Madame [M] [I]
[Adresse 2]
[Localité 5]
présente
représentée par Me Céline BART de la SELARL EMMANUELLE BOURDON-CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Elisabeth MENARD, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 02 Novembre 2022 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DUBUC, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 02 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 Décembre 2022
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 15 Décembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme DUBUC, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [B] [P], embauchée au sein de l'association Domidom le 12 avril 2011 en qualité d'auxiliaire de vie, a été ponctuellement affectée au domicile de M. [K] [Z].
Elle a présenté sa démission à l'association Domidom le 26 mars 2012 et, le 1er avril 2012, elle a été engagée en qualité d'auxiliaire de vie, directement par M. [Z], lequel est décédé à son domicile le 11 mai 2015.
Par courrier du 16 juin 2015, Mme [M] [I], venant aux droits de M. [K] [Z], a informé Mme [P] de la rupture de son contrat de travail.
Par requête du 11 août 2015, Mme [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen en paiement de rappel de salaires et indemnités.
Par jugement du 27 février 2020, le conseil de prud'hommes a débouté Mme [P] de l'intégralité de ses demandes, l'a condamnée à payer à Mme [I] la somme de 332,66 euros à titre d'un trop-perçu au titre de l'indemnité de licenciement, a débouté Mme [I] du surplus de ses demandes et a condamné Mme [P] aux dépens de l'instance.
Mme [P] a interjeté appel de cette décision le 11 mars 2020.
Par conclusions remises le 11 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Mme [P] demande à la cour de :
- constater que la demande de condamnation présentée par Mme [I] dans le cadre de son appel incident au titre de la somme de 78 213,61 euros ayant pour support des sommes perçues en 2013 et 2014 qui ne constituaient pas des éléments de salaire est irrecevable puisque prescrite,
- à titre principal, infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée au paiement d'une somme de 332,66 euros, et statuant à nouveau, condamner Mme [I] au paiement des sommes suivantes :
dommages et intérêts pour absence de convocation à l'entretien préalable : 1 373,09 euros,
heures supplémentaires réalisées et non payées par l'employeur : 20 659,60 euros,
congés payés non réglés : 5 217,75 euros,
- à titre subsidiaire, si la cour devait confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 332,66 euros à Mme [I], procéder à une compensation entre les sommes qui lui sont dues et le prétendu indu dont il est demandé restitution par l'intimée,
- débouter Mme [I] de toutes demandes reconventionnelles et la condamner à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions remises le 16 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Mme [I] demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il l'a déboutée de ses autres demandes reconventionnelles et, statuant à nouveau, de condamner Mme [P] à lui verser la somme de 78 213,61 euros au titre d'un trop perçu au titre de l'indemnité de licenciement, subsidiairement, condamner Mme [P] à lui verser la somme de 78 213,61 euros à titre de dommages et intérêts, outre 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et, très subsidiairement, surseoir à statuer dans l'attente de la plainte pénale.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 2 novembre 2022 avant l'ouverture des débats.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de dommages et intérêts pour absence de convocation à entretien préalable et de mise en oeuvre de la procédure de licenciement
Mme [P] soutient que la convention collective nationale des salariés du particulier employeur ne dispense pas les héritiers de l'employeur décédé du respect des prescriptions relatives à la procédure de licenciement afin, notamment, de permettre aux salariés d'obtenir le règlement des sommes dues.
En réponse, Mme [I] considère qu'en vertu de l'article 13 de cette convention collective, le décès de l'employeur met fin ipso facto au contrat de travail.
Selon l'article 13 de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur, dans sa version applicable au litige, le décès de l'employeur met fin ipso facto au contrat de travail qui le liait à son salarié. Le contrat ne se poursuit pas automatiquement avec les héritiers. La date du décès de l'employeur fixe le départ du préavis. Sont dus au salarié le dernier salaire, les indemnités de préavis et de licenciement auxquelles le salarié peut prétendre compte tenu de son ancienneté lorsque l'employeur décède et l'indemnité de congés payés.
Par ailleurs, il résulte de l'article 12 de cette même convention que si l'employeur particulier est tenu de convoquer à entretien préalable le salarié qu'il envisage de licencier, de s'entretenir avec lui de cette éventualité et de lui notifier un courrier de licenciement en reprenant les motifs, cette procédure à suivre n'est pas applicable en cas de décès de l'employeur, l'exception étant expressément mentionnée dans cet article.
En l'espèce, M. [Z] est décédé le 11 mai et alors qu'elle n'en avait pas l'obligation, Mme [I] a dès le 16 juin transmis un courrier notifiant à Mme [P] son licenciement et ce, en lui précisant les sommes auxquelles elle pouvait prétendre, quand bien même celles-ci n'ont été versées qu'au mois d'août.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.
Sur la demande formulée au titre des congés payés
Mme [P] explique ne pas avoir été réglée de ses congés payés depuis son embauche en avril 2012 et ce, alors qu'elle avait pourtant acquis 25 jours de congés payés par an, soit 95 jours, aussi, en réclame t-elle le paiement.
Néanmoins, comme justement invoqué par Mme [I], il résulte de l'article 16 de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur que lorsque l'employeur et le salarié ont opté pour le chèque emploi-service, le salaire horaire net figurant sur le chèque emploi-service est égal au salaire horaire net convenu majoré de 10 % au titre des congés payés. Dans ce cas, il n'y a pas lieu de rémunérer les congés au moment où ils sont pris.
En l'espèce, Mme [P] était rémunérée par le biais de chèques emploi-service et il ressort très clairement de leur lecture que le salaire net payé comprenait les 10 % de congés payés et il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [P] de sa demande de rappel de congés payés.
Sur la demande de rappel d'heures supplémentaires
Mme [P] sollicite, à compter de son retour d'arrêt maladie le 1er février 2015, le paiement d'heures supplémentaires correspondant à un travail effectué, à la demande de son employeur, sept jours sur sept et 24 heures sur 24, sauf à limiter sa demande de rémunération pour le travail de nuit à huit heures pour 12 heures de présence, conformément au minimum prévu par la convention collective pour les salariés ayant des fonctions de garde-malade. Elle explique qu'au regard de l'isolement de M. [Z], elle a été contrainte de s'installer à son domicile, sachant que celui-ci ne faisait l'objet d'aucune mesure de protection et disposait de ses facultés intellectuelles et cognitives.
En réponse, Mme [I] fait valoir que Mme [P] n'a jamais réclamé d'heures supplémentaires antérieurement à 2016, qu'elle n'en avait d'ailleurs pas mentionnées sur les relevés CESU et ce, alors qu'elle avait isolé M. [Z] et s'occupait de toutes ses démarches administratives et a très certainement rédigé les chèques et retiré l'argent. En outre, elle constate que les attestations qui émanent de son mari et de sa fille, au demeurant sans force probante compte tenu du lien de proximité, ne font nullement état d'un emploi jour et nuit et qu'il ressort des documents mêmes produits par Mme [P] qu'elle n'avait pas à intervenir sur de tels horaires dès lors que sa fille était aussi employée par M. [Z], de même que Mme [D].
Si les dispositions du code du travail relatives à la durée du travail ne sont pas applicables aux employés de maison qui travaillent au domicile privé de leur employeur et sont soumis à la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999, il n'en va pas de même de celles de l'article L. 3171-4 du code du travail relatives à la preuve de l'existence ou du nombre des heures effectuées.
Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte des articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
A l'appui de sa demande, Mme [P] produit l'attestation de sa fille, Mme [S] [P], qui atteste que, bien souvent, elle demandait à sa mère de revenir alors que cela faisait peu de temps qu'elle était partie, que parfois, M. [Z] était en crise d'angoisse ou lui disait 'je préfère que ce soit votre mère qui soit là, ne vous inquiétez pas je vous paierai votre salaire quand même', qu'elle savait que c'était des caprices mais qu'à la longue, elle appelait sa mère car il lui était pénible de s'en occuper, qu'il n'en démordait pas. Elle précise que sa mère a dû prendre, pour elle-même, une association 'contrat services' pour assurer le ménage et le repassage car elle n'avait pas le temps de faire ses démarches, ses courses, son ménage, ce que confirme Mme [F], intervenue dans ce cadre à compter d'avril 2014 et par chèque CESU à compter d'avril 2015.
Par ailleurs, M. [S] [P], son mari, explique, qu'au début, son épouse avait du temps libre mais, qu'au fil des années, M. [Z] avait besoin de plus de présence, cette demande étant certainement liée à l'anxiété mais aussi à la solitude, que pour sa part, l'absence de son épouse n'a nullement été un problème car ils avaient toujours discuté de leurs choix professionnels et que les concessions étaient acceptables au vu du bien-être apporté à M. [Z]. Il souligne que les fêtes familiales telles que Noël, jour de l'an et autres, M. [Z] venait les passer avec eux, sa famille répondant aux abonnés absents.
Il est enfin produit l'attestation de Mme [R], infirmière libérale, qui indique que le dernier mois, alors que l'état de santé de M. [Z] se dégradait et qu'il restait couché toute la journée, Mme [P] ne l'a plus quitté, le veillant jour et nuit malgré sa fatigue et ses problèmes de santé personnels, qu'elle ne rentrait plus chez elle.
Mme [P] produit ainsi des éléments suffisamment précis permettant utilement à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'apporter ses propres éléments sur les heures réellement accomplies, étant néanmoins rappelé que celles-ci doivent être effectuées à la demande de l'employeur et rendues nécessaires par la charge de travail.
En l'espèce, il résulte des éléments du dossier que Mme [P] est intervenue au domicile de M. [Z] alors qu'elle exerçait son activité via l'association Domidom, qu'elle a démissionné de ce poste le 26 mars pour être engagée le 1er avril directement par M. [Z], alors âgé de 90 ans et fortement handicapé par des troubles moteurs résultant de deux accidents vasculaire cérébral, ce qui, sans le priver de ses facultés mentales, le rendait vulnérable comme le reconnaissait Mme [P] elle-même dans un courrier écrit au procureur de la République d'Evreux en 2013.
Au-delà de cette vulnérabilité, il est produit un courrier du frère de M. [Z], envoyé en novembre 2012 au procureur de la République d'Evreux, dans lequel il dénonce l'ascendant pris par Mme [P] 'pouvant faire évoquer un abus de faiblesse', expliquant que si son frère possède des fonctions supérieures conservées, il est vulnérable au niveau affectif, que Mme [P] a ainsi su se rendre indispensable, le persuader qu'il avait besoin d'une présence nocturne, qu'elle s'est installée dans une chambre dont elle garde la clé sur elle, et ce, alors qu'elle est mère de famille et ne le connaît que depuis deux mois et qu'elle n'est a priori pas rémunérée pour cela, ce qui est incompréhensible. Il relate par ailleurs que son frère a déposé plainte contre deux infirmières qui oeuvraient aux côtés de son frère depuis des années avec bienveillance, ce qui a conduit à la fin de la collaboration sans le moindre remerciement de la part de son frère. Il conclut en indiquant que son frère a complètement changé, qu'il ne fait plus confiance à quiconque sauf à Mme [P] qui lui soutire de l'argent pour des raisons fallacieuses alors qu'auparavant il comptait au moindre centime la monnaie rendue.
Si ce courrier doit être examiné avec prudence pour émaner d'un membre de la famille, il est néanmoins corroboré par d'autres pièces et notamment par l'attestation de Mme [W], femme de ménage chez M. [Z] durant une vingtaine d'années jusqu'au mois d'avril 2014, date à laquelle elle explique avoir été licenciée du jour au lendemain après que M. [Z] lui ait dit de ne plus revenir.
Ainsi, elle explique qu'à compter de l'arrivée de Mme [P], l'entente qui existait entre les aides à domicile qui intervenaient via l'association Domidom et M. [Z] a cessé, celui-ci ne faisant plus confiance à personne, excepté Mme [P], qu'il a ainsi cessé sa collaboration avec cette association en septembre 2012, que des infirmières qui intervenaient depuis plusieurs années auprès de M. [Z] ont été remerciées après que Mme [P] ait déposé plainte contre elles devant le conseil de l'ordre des infirmiers, qu'enfin, Mme [P] s'est installée à demeure chez M. [Z], se comportant en véritable maîtresse de maison, occupant une chambre fermée à clé où elle n'avait pas le droit d'entrer, que M. [Z] a commencé à ne plus lui parler et à se montrer distant et méfiant avant de la licencier sans forme en avril 2014.
Or, ce licenciement a été immédiatement suivi de l'embauche de la fille de Mme [P] comme cela résulte de l'attestation Pôle emploi versée aux débats qui démontre que dès le 1er mai, celle-ci intervenait de manière très régulière à son domicile, dans les premiers temps, à raison de 70 heures par mois, puis ce nombre d'heures s'est sensiblement accru à compter de novembre 2014.
Bien plus, peu de temps après le courrier de novembre 2012 dans lequel le frère de M. [Z] s'alarmait du comportement de Mme [P] et de l'isolement dans lequel elle enfermait son frère, celui-ci a établi quatre chèques à l'ordre de Mme [P], à savoir 7 000 euros le 22 avril 2013, 20 000 euros le 22 mai 2013, 2 000 euros le 9 janvier 2014 et 49 212,61 euros le 7 mars 2014.
Parallèlement, il a modifié la clause bénéficiaire de deux contrats d'assurance-vie les 28 mars 2013 et 20 septembre 2013 portant sur des montants conséquents et a apporté des modifications au testament olographe du 22 novembre 2004 les 29 octobre 2013 et 13 octobre 2014, Mme [P] étant désignée légataire à titre particulier de deux terrains situés en Normandie et d'un appartement à [Localité 6].
Aussi, alors que ces éléments sont de nature à établir l'existence d'une emprise de Mme [P] sur M. [Z] et en conséquence, à remettre en cause sa capacité à donner un avis éclairé sur un quelconque accord à l'accomplissement d'heures supplémentaires, il convient d'examiner si les heures supplémentaires revendiquées par Mme [P] étaient nécessaires.
A cet égard, il est versé aux débats un document daté du 20 novembre 2014, signé par Mme [B] [P], Mme [S] [P], Mme [N] [D] et M. [K] [Z] aux termes duquel il est précisé les différentes interventions des trois auxiliaires de vie et la rémunération prévue, étant précisé que Mme [D] a cessé ses fonctions dès janvier 2015.
Ainsi, en ressort-il que Mme [N] [D] devait intervenir sept jours par semaine le soir de 17h45 à 20h45, soit 84 heures par mois, Mme [S] [P] cinq jours par semaine de 11h à 17h et une semaine sur deux le week-end de 10h à 17h, soit deux semaines à 30h et deux semaines à 44h et enfin, Mme [B] [P] sept nuits par semaine de 21h ou 21h15 à 10h tout en restant parfois la journée en cas de déplacements, notamment pour des rendez-vous médicaux, ce qui correspondait à un forfait de 120 heures dans la mesure où elle pouvait se reposer la nuit et qu'elle ne les comptait donc que pour 4 heures.
Néanmoins, si à la lecture de ce document, l'intervention de trois personnes semble nécessaire pour assurer la prise en charge de M. [Z], il apparaît en réalité que Mme [D] n'est intervenue que du 20 novembre 2014 au mois de janvier 2015, soit exactement sur la période d'arrêt de travail de Mme [B] [P], ce qui démontre que sa présence la nuit n'était pas nécessaire et que la seule présence de deux personnes à raison de 84 heures et 150-160 heures, correspondant aux heures effectivement réalisées par Mme [S] [P] durant l'absence de sa mère, étaient suffisantes.
Aussi, le paiement à Mme [B] [P] de 100 heures en février 2015, 130 en mars 2015, 140 en avril 2015 et 70 pour 11 jours en mai 2015 et parallèlement le paiement à Mme [S] [P] de 120 heures en février et mars 2015, 140 en avril 2015 et 70 pour 11 jours en mai 2015 couvraient parfaitement les besoins de M. [Z] et sont conformes à l'aggravation de son état de santé.
Dès lors, et quand bien même Mme [P] serait restée en permanence au domicile de M. [Z] le dernier mois comme l'indique Mme [R], il ressort suffisamment de ces éléments que les heures revendiquées n'étaient pas nécessaires et que M. [Z] n'a pas valablement donné son accord à leur réalisation, étant au surplus noté que la rédaction même de ce document de novembre 2014 confirme encore l'ascendant pris par Mme [P] sur M. [Z] et la vulnérabilité de celui-ci en ce sens que, s'il l'a signé, il a de manière évidente été rédigé par Mme [P] en des termes qui démontrent l'incapacité de M. [Z] à prendre lui-même les décisions le concernant comme en témoigne la phrase concluant ce document, à savoir 'Avant d'être malade, il n'y avait pas [N] et c'est moi qui assurait avec [S] sa prestation mais plus nous en faisions plus monsieur demandait. Etant très fatiguée j'ai instauré avec son consentement cette prestation sans trop exagérer point de vue salaire pour ne pas trop profiter mais surtout pour nous reposer comme cela monsieur nous demande moins ou fait moins de caprices!'.
Dès lors, il convient de débouter Mme [P] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires à défaut de nécessité de les effectuer et d'accord valablement donné par M. [Z].
Sur la demande relative à l'indemnité de licenciement
Selon l'article L. 7221-2 du code du travail, dans sa version applicable au litige, sont seules applicables au salarié défini à l'article L. 7221-1 les dispositions relatives :
1° Au harcèlement moral, prévues aux articles L. 1152-1 et suivants, au harcèlement sexuel, prévues aux articles L. 1153-1 et suivants ainsi qu'à l'exercice en justice par les organisations syndicales des actions qui naissent du harcèlement en application de l'article L. 1154-2 ;
2° A la journée du 1er mai, prévues par les articles L. 3133-4 à L. 3133-6 ;
3° Aux congés payés, prévues aux articles L. 3141-1 à L. 3141-31, sous réserve d'adaptation par décret en Conseil d'Etat ;
4° Aux congés pour événements familiaux, prévues par les articles L. 3142-1 et suivants ;
5° A la surveillance médicale définie au titre II du livre VI de la quatrième partie.
Il s'ensuit qu'il convient d'appliquer la convention collective nationale des salariés du particulier employeur en ce qui concerne le calcul de l'indemnité de licenciement, laquelle prévoit au regard de l'ancienneté de Mme [P] une indemnité de 1/10ème de mois par année d'ancienneté de services continus chez le même employeur.
Aussi, et alors que la moyenne des trois derniers mois, soit 1 373,33 euros, est la plus favorable, Mme [P] pouvait prétendre à 423,34 euros comme justement calculé par le conseil de prud'hommes qui a retenu une ancienneté d'un an et un mois.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné à Mme [P] de restituer 332,66 euros à Mme [I].
Sur la demande de restitution de la somme de 78 213,61 euros
Rappelant que le pénal ne tient plus le civil en l'état et expliquant que Mme [P] a perçu par chèque, sans motif, les sommes de 7 000 euros le 22 avril 2013, 20 000 euros le 22 mai 2013, 2 000 euros le 9 janvier 2014 et 49 212,61 euros le 7 mars 2014, Mme [I] en sollicite la restitution en indiquant qu'elles ne sont manifestement pas la contrepartie résultant du contrat de travail, qu'elles ont été versées sans motif et qu'elle apporte la preuve de l'attitude malveillante et frauduleuse de Mme [P].
A titre subsidiaire, elle demande la condamnation de Mme [P] à lui payer des dommages et intérêts à hauteur de la somme de 78 213,61 euros dès lors qu'elle a été abusivement soustraite à M. [Z], Mme [P] ayant profité de sa vulnérabilité.
En réponse, Mme [P] soutient que cette demande ne relève pas de la compétence du conseil de prud'hommes, s'agissant de dons, dont rien ne permet d'envisager qu'ils correspondaient à des versements de salaires indus et qu'en tout état de cause, cette demande est prescrite. Enfin, elle note que la procédure pénale n'a jamais donné lieu à de quelconque poursuites et que l'argumentaire repose sur une simple analyse morale de la situation, considérant qu'une auxiliaire de vie ne saurait bénéficier de quelconques sommes d'argent ou dispositions testamentaires en lieu et place des ayant-droits.
A cet égard, elle note que ses relevés de compte permettent de confirmer qu'elle n'a pas perçu de sommes en espèces, au-delà de ces chèques perçus de manière non dissimulée, que M. [Z] est toujours resté entouré d'autres personnes qu'elle-même, notamment de Mme [R], infirmière qui passait plusieurs fois par jour au domicile et enfin qu'elle transmettait les informations médicales tant au Dr [J] qu'au frère de M. [Z].
Selon l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti.
Par ailleurs, selon l'article 51 du code de procédure civile, le tribunal de grande instance connaît de toutes les demandes incidentes qui ne relèvent pas de la compétence exclusive d'une autre juridiction. Sauf disposition particulière, les autres juridictions ne connaissent que des demandes incidentes qui entrent dans leur compétence d'attribution.
Néanmoins, selon l'article 90 du code de procédure civile, lorsque le juge s'est déclaré compétent et a statué sur le fond du litige dans un même jugement rendu en premier ressort, celui-ci peut être frappé d'appel dans l'ensemble de ses dispositions. Lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente. Si elle n'est pas juridiction d'appel, la cour, en infirmant du chef de la compétence la décision attaquée, renvoie l'affaire devant la cour qui est juridiction d'appel relativement à la juridiction qui eût été compétente en première instance. Cette décision s'impose aux parties et à la cour de renvoi.
En l'espèce, outre qu'il n'est pas demandé à la cour de se déclarer incompétente aux termes du dispositif qui seul saisit la cour conformément à l'article 954 du code de procédure civile, en l'espèce, le conseil de prud'hommes ne s'est pas déclaré incompétent mais a statué sur le fond en déboutant Mme [I] de cette demande au motif que la plainte pénale était toujours en cours et que les éléments versés au dossier ne lui permettaient pas de faire droit à cette demande.
Aussi, et alors que la cour est juridiction d'appel du tribunal de grande instance compétent pour statuer sur cette demande, il convient de statuer sur le fond du litige.
Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En l'espèce, c'est au plus tôt à la date du décès, soit le 11 mai 2015, que Mme [I], nièce et héritière de M. [Z], a pu avoir connaissance du versement des sommes dont elle demande restitution, aussi, et alors que la demande de restitution a été formulée par voie de conclusions déposées à l'audience du 24 janvier 2019, aucune prescription n'est encourue.
Sur le fond, il est versé aux débats la copie des chèques litigieux, à savoir deux chèques de banque s'agissant des sommes de 20 000 euros et 49 212,61 euros et deux autres chèques de 2 000 et 7 000 euros remplis et signés par M. [Z], lesdits chèques ayant tous été remis à Mme [P] et encaissés par elle.
Alors que Mme [I] conteste l'existence d'un don manuel, arguant que ces chèques ont été remis sans motif, le donataire est cependant protégé par l'article 2276 du code civil qui prévoit qu'en fait de meubles, la possession vaut titre, et il appartient donc à Mme [I] de rapporter la preuve que la possession dont se prévaut Mme [P] ne réunirait pas les conditions légales pour être efficace, celle-ci devant être selon l'article 2261 du code civil continue, non interrompue, paisible, publique et non équivoque.
Or, s'il n'existe aucune difficulté quant au caractère continu et non interrompu de la possession, les développements précédents mettent en lumière la vulnérabilité de M. [Z] liée à son âge et aux graves troubles moteurs dont il souffrait, renforcée par l'attitude adoptée par Mme [P] qui a oeuvré à son isolement en obtenant un contrat de travail conclu directement avec lui après avoir travaillé en tant que remplaçante à son domicile en mars 2012 via l'association Domidom, puis en s'installant très rapidement à son domicile la nuit, et ce, sans nécessité, sachant que concomitamment à l'ascendant ainsi pris sur lui et décrit tant par son frère dès novembre 2012 que par Mme [W], femme de ménage durant une vingtaine d'années auprès de M. [Z], ce dernier a rompu dès septembre 2012 le contrat qui le liait encore avec l'association Domidom et qui permettait le maintien d'une auxiliaire de vie tierce à son domicile, et ce, dans un contexte de soupçons de vol pesant sur Mme [P], et non sur l'autre auxiliaire de vie, puis a remercié sans autre forme les deux infirmières qui s'occupaient de sa prise en charge depuis de très nombreuses années, et ce, suite à une plainte déposée par Mme [P] le 22 octobre 2012, finalement retirée un mois plus tard, et enfin a mis un terme à l'embauche de Mme [W] en avril 2014 pour engager dès le 1er mai 2014 la fille de Mme [P].
S'il est exact qu'une autre infirmière est intervenue à compter de 2013, ce qui s'imposait au regard de l'état de santé de M. [Z], l'éviction de tous les personnels oeuvrant auprès de lui depuis de très nombreuses années, couplée à une présence organisée au-delà des besoins de M. [Z], a permis de créer une dépendance, à tout le moins affective, de nature, à créer une contrainte morale au regard de la vulnérabilité de M. [Z], ce qui était d'autant plus aisé à mettre en oeuvre au regard des fonctions exercées par Mme [P] et il convient donc de retenir que cette possession n'était pas paisible.
En tout état de cause, ces éléments sont de nature à vicier la possession de Mme [P], d'autant que si elle indique que ces remises de chèques, qui constitueraient des dons, ont été faites en toute transparence, il ne peut qu'être constaté que la famille de M. [Z] n'en était pas informée et qu'alors même qu'elle écrit au procureur de la République le 20 octobre 2013 pour se plaindre des calomnies dont elle fait l'objet en lien avec la main-courante déposée en août 2012 par le frère de M. [Z] pour abus de faiblesse et qu'elle évoque son fort préjudice financier, à aucun moment elle ne mentionne les deux chèques déjà remis par M. [Z] pour un montant de 27 000 euros les 28 mars et 22 avril 2013, sachant qu'il n'est pas plus justifié d'une quelconque déclaration de don manuel au service des impôts.
Il résulte de ces différents éléments que la possession, à la supposer publique en ce que la banque en était informée, était à tout le moins équivoque et non paisible.
Aussi, et alors que Mme [P] ne produit aucun élément de nature à établir l'intention libérale de M. [Z], il convient d'infirmer le jugement et d'ordonner à Mme [P] de restituer la somme de 78 213,61 euros à Mme [M] [I].
Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner Mme [P] aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à Mme [I] la somme de 2 000 euros sur ce même fondement.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Mme [M] [I] de sa demande de restitution de la somme de 78 213,61 euros ;
L'infirmant de ce chef et statuant à nouveau,
Déclare recevable la demande de restitution présentée par Mme [M] [I] et condamne Mme [B] [P] à rembourser à Mme [M] [I] la somme de 78 213,61 euros ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [B] [P] à payer à Mme [M] [I] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute Mme [B] [P] de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [B] [P] aux entiers dépens.
La greffière La présidente