N° RG 17/05848 - N° Portalis DBV2-V-B7B-HWRT
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 12 JANVIER 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE BERNAY du 04 Décembre 2017
APPELANTE :
Madame [A] [U]
[Adresse 3]
[Localité 1]
présente
représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Mathilde LAMBINET, avocat au barreau de CAEN
INTIMÉES :
S.C. GROUPEMENT FORESTIER
[Adresse 9]
[Localité 4]
représentée par Me Michel BOUTICOURT de la SELASU BOUTICOURT AVOCAT, avocat au barreau de l'EURE
S.A.R.L. SCIERIE DE LA CROIX MAITRE RENAULT
[Adresse 10]
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Olivier COTE de la SELARL COTE JOUBERT PRADO, avocat au barreau de l'EURE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 16 Novembre 2022 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ALVARADE, Présidente
Madame POUGET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DUBUC, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 16 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 Janvier 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 12 Janvier 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [A] [U] a été embauchée par la société Scierie de la Croix Maître Renault (la société SCMR) en qualité de secrétaire comptable aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 septembre 1991.
A compter du 1er octobre 2001, Mme [U] est devenue attachée de direction.
La salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Bernay le 25 mars 2014 aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que soit reconnue la qualité de co-employeurs de la société SCMR et du groupement [Adresse 7] (le groupement forestier). Cette affaire a fait l'objet d'une radiation.
Après plusieurs mois d'arrêt de travail, Mme [U] a été déclarée inapte à son poste de travail en raison d'un danger immédiat pour sa santé le 14 avril 2014.
Mme [U] a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement le 30 mai 2014.
Le 15 décembre 2016, elle a sollicité la réinscription du dossier au rôle du conseil de prud'hommes qu'elle a saisi de nombreuses demandes à l'encontre des deux sociétés en rapport notamment avec un non-respect du temps de travail, un manquement à l'obligation de sécurité, un harcèlement moral, un licenciement abusif, le défaut de transmission d'une déclaration d'accident de travail, sollicitant également le prononcé de la résiliation judiciaire de ses contrats de travail.
Par jugement du 4 décembre 2017, le conseil de prud'hommes s'est déclaré matériellement incompétent au profit du tribunal de commerce de Bernay estimant que les parties n'apportaient aucune preuve de l'existence d'un contrat de travail et que Mme [U] agissait en tant que gérante de fait.
Mme [U] a interjeté appel de cette décision le 18 décembre 2017.
Par ordonnance en date du 20 décembre 2017, elle a été autorisée à assigner à jour fixe, la date d'audience étant fixée au 22 février 2018.
Par arrêt en date du 7 mars 2019, la cour d'appel de Rouen a infirmé le jugement entrepris, statuant à nouveau, a constaté l'existence d'un contrat de travail entre Mme [U] et la société Scierie de la Croix Maître Renault pour les périodes du 3 septembre 1991 au 1er janvier 2006 puis du 1er juillet 2013 au 30 mai 2014, a évoqué, a ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience du 16 octobre 2019 en invitant les parties à conclure sur le fond selon un calendrier de procédure, a réservé les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et concernant les dépens.
Mme [U] a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt du 7 mars 2019.
Par arrêt en date du 29 octobre 2020, la cour d'appel de Rouen a sursis à statuer dans l'attente du pourvoi en cassation formé par Mme [U].
Par arrêt en date du 25 novembre 2020, la chambre sociale de la cour de cassation a rejeté les pourvois tant principal qu'incident, a laissé à chacune des parties la charge de ses dépens, a rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile au motif que les moyens uniques de cassation annexés aux pourvois principal et incident, invoqués à l'encontre de la décision attaquée, n'étaient manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Par dernières conclusions récapitulatives enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 19 octobre 2022, Mme [U] demande à la cour d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 4 décembre 2017, de juger qu'elle a travaillé indifféremment pour la société SCMR et le groupement forestier, qui avaient la qualité de co-employeurs pour les périodes allant du 3 septembre 1991 au 1er janvier 2006 puis du 1er juillet 2013 au 30 mai 2014, qu'elle avait en outre la qualité de salariée du groupement forestier pour la période comprise entre le 1er janvier 2006 et le 1er juillet 2013.
Elle demande à la cour de :
- condamner le groupement forestier à lui verser un rappel de salaire pour défaut de paiement des heures supplémentaires à hauteur de 30 528,16 euros outre 3 052,82 euros au titre des congés payés afférents,
- condamner le groupement forestier à lui verser la somme de 195 534 euros à titre de rappel de salaire outre 19 553 euros au titre des congés payés afférents,
- condamner le groupement forestier à lui verser la somme de 1 265,10 euros à titre de dommages et intérêts pour non octroi des repos compensateurs et 126,51 euros au titre des congés payés afférents,
- condamner le groupement forestier à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à sa santé et à sa sécurité,
- condamner solidairement la société SCMR et le groupement forestier à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du harcèlement moral subi,
- juger que les deux sociétés ont refusé d'établir et transmettre la déclaration d'accident du travail dont elle a été victime le 5 novembre 2013 et les condamner solidairement à lui verser 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
- condamner le groupement forestier à lui verser la somme de 2 239,12 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
- prononcer la résiliation judiciaire des contrats de travail conclus avec la société SCMR et le groupement forestier et dire que cette résiliation judiciaire produit à titre principal les effets d'un licenciement nul et, à titre subsidiaire, les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- à titre infiniment subsidiaire, juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamner solidairement les sociétés SCMR et groupement forestier à lui verser les sommes suivantes :
11 119,56 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, sauf à parfaire, outre 1 111,95 euros au titre des congés payés afférents,
135 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi,
- condamner solidairement les sociétés SCMR et groupement forestier à lui verser la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 3 novembre 2022, la société SCMR, intimée, réfutant les moyens et l'argumentation de la partie appelante sollicite pour sa part que Mme [U] soit déboutée de l'intégralité des demandes formées à son encontre, qu'elle soit condamnée à lui rembourser la somme de 23 006,52 euros au titre du trop perçu sur l'indemnité légale de licenciement, qu'elle soit condamnée lui payer une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et qu'elle soit condamnée aux entiers dépens.
Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 2 janvier 2020, la société groupement forestier, intimée, demande à la cour :
- à titre principal, de prononcer un sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour de cassation,
- à titre subsidiaire de prononcer sa mise hors de cause en l'absence de tout contrat de travail entre elle et Mme [U],
- à titre infiniment subsidiaire, de constater l'inexistence d'un contrat de travail avec Mme [U] en l'absence de lien de subordination,
- en tout état de cause déclarer irrecevables les demandes de Mme [U] en ce qu'elles prennent en compte de façon erronée une ancienneté du 2 janvier 2006 au 30 juin 2013, en l'absence de contrat de travail sur cette période,
- condamner l'appelante à lui verser la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture en date du 3 novembre 2022 a renvoyé l'affaire pour être plaidée à l'audience du 16 novembre 2022.
A l'audience du 16 novembre 2022, les parties ont accepté un rabat de l'ordonnance de clôture ainsi qu'une nouvelle clôture le 16 novembre 2022 pour régularisation de nouvelle constitution d'avocat en lieu et place du groupement forestier.
Il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel aux écritures des parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur la qualité d'employeur de la société groupement forestier
A titre liminaire, il y a lieu de constater qu'aucun chef du dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Rouen du 7 mars 2019 ne concerne l'existence ou non d'un contrat de travail ou d'un coemploi à l'égard du groupement forestier.
Au sein de sa motivation, l'arrêt précise que la question du lien juridique entre Mme [U] et le groupement forestier doit être examinée avec le fond de l'affaire.
Mme [U] soutient être liée par un contrat de travail au groupement forestier depuis 1991. Elle indique n'avoir jamais conclu de contrat de travail et ne pas avoir été rémunérée pour ce poste. Néanmoins, elle soutient avoir travaillé pour le compte du groupement rappelant que celui-ci appartenait, comme la société SCMR à M et Mme [E], qu'elle appelait Monsieur le Comte et Madame la Comtesse.
Elle indique qu'elle avait comme supérieur hiérarchique M. [G] [S], que dès 1991 elle avait la charge de la gestion de la comptabilité et de l'administratif du groupement et qu'à la suite du décès de son supérieur hiérarchique en 2004 elle a assumé la gestion totale du groupement forestier.
Au titre des fonctions exercées, Mme [U] liste les tâches suivantes : encaissement des actions de chasse, encaissement des ventes de stères de bois, encaissement de la vente de la viande de gibier, préparation de l'ouverture de la chasse, réalisation du bilan comptable, préparation des assemblées générales, déclaration des accidents de la route provoqués par le grand gibier, prose des dépositions de riverains de la forêt suite aux dégâts commis par le grand gibier, présence aux réunions de la fédération départementale des chasseurs, prise de photos et comptabilisation des animaux tués après chaque chasse et classement des documents, ouverture et fermeture des barrières du chemin accédant au pavillon de chasse, achats des bracelets à la fédération départementale des chasseurs à [Localité 6], gestion d'un contrôle fiscal.
Elle précise en outre qu'elle assumait la charge de missions délicates puisqu'elle s'occupait de la 'caisse noire' du groupement exposant que des versements non déclarés pour les chasses pour une somme de plus d'un million d'euros ont été encaissés depuis 2006.
Au soutien de ses allégations, Mme [U] verse aux débats une attestation du garde chasse, M. [Z], un email de M. [J], fonctionnaire à la direction départementale de l'agriculture et de la forêt de l'Eure, un courrier de l'agence de service et de paiement pour le groupement adressé à son nom, des courriers au sein desquels il est précisé qu'elle représente les intérêts du groupement forestier, de nombreux emails, des comptes rendus de réunions.
Mme [U] soutient qu'elle a toujours travaillé sous l'autorité d'un employeur qui lui donnait des ordres et des directives et contrôlait l'exécution du contrat de travail. Elle affirme qu'elle ne disposait d'aucun pouvoir de décision et sollicitait toujours l'aval de M. et Mme [E], lesquels étaient domiciliés à [Localité 8] et avec lesquels elle correspondait par email ou téléphone.
Mme [U] verse aux débats des emails aux fins d'établir la réalité du lien de subordination, précisant que M. [E] était présent à chaque assemblée générale.
Le groupement forestier, après avoir rappelé qu'en l'absence de contrat de travail apparent, il appartient à Mme [U] de rapporter la preuve de l'existence d'un contrat de travail, conteste l'existence d'une relation contractuelle.
Il indique que le lien de subordination avec Mme [U] était inexistant, qu'elle avait tous pouvoirs pour représenter Mme [E], gérante de droit, et agir tant vis à vis des tiers que des banques, pour la bonne marche du groupement forestier, que ces constatations ont été reprises par la cour d'appel en son arrêt du 7 mars 2019.
Le groupement indique que si la cour, dans son arrêt de 2019, indique qu'à compter de la reprise de la gestion effective de la scierie par M. [H] en juillet 2013, un lien de subordination a été rétabli, il n'est versé aucun élément aux débats pour démontrer que Mme [U] aurait exercé une activité sous le contrôle du groupement forestier à compter de cette date.
Sur ce ;
Il résulte des articles L 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.
L'apparence d'un contrat de travail se déduit d'un examen de fait. Elle peut découler d'un élément déterminant ou d'un faisceau d'indices.
En présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui en conteste la réalité d'en démontrer le caractère fictif, notamment en établissant que l'état de subordination juridique du salarié, élément caractéristique du contrat de travail, fait défaut.
En l'absence de contrat de travail apparent, il appartient à celui qui se prévaut de l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve.
En l'espèce, il n'est pas contesté l'absence de contrat de travail apparent.
Il appartient en conséquence à Mme [U] de rapporter la preuve d'un contrat de travail la liant au groupement forestier.
Il ressort des éléments produits que Mme [U] a effectivement travaillé pour le compte du groupement, dont les propriétaires étaient les mêmes que ceux de la société SCMR avec laquelle elle a été liée par un contrat de travail.
Cependant, il résulte des pièces produites que Mme [U] disposait des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom du groupement forestier et accomplissait régulièrement et de manière continue des actes positifs de gestion et de direction engageant le groupement.
Ainsi, elle a reçu le 27 octobre 2004 tous pouvoirs pour représenter Mme [E], gérante de droit du groupement, et agir, tant vis-à-vis des tiers que des banque, pour la bonne marche du groupement forestier, conformément aux droits conférés par les statuts.
Elle avait reçu procuration générale sur les comptes bancaires du groupement depuis 2004. Il est ainsi établi par le groupement que Mme [U] décidait directement avec la banque du montage des dossiers de crédits, qu'elle a effectué des transferts de fonds importants (100 000 euros à plusieurs reprises en 2010, 2011 et 2012) d'initiative, sans que la représentante légale de la société ne soit mise en copie des ordres donnés, sans qu'il ne soit justifié des directives adressées.
En outre, en 2009, elle a sollicité des augmentations de découvert importantes et le déblocage d'un compte capital du groupement pour un montant de 50 000 euros.
Il est justifié de l'engagement par Mme [U] du groupement pour diverses opération financières, pour diverses demandes d'aval ou de caution en 2009, 2010 et 2012.
Il ressort des pièces produites que Mme [U] a signé les contrats de travail pour le compte du groupement, effectué les déclarations d'embauche.
Elle était l'interlocutrice des entreprises de travail temporaires, signait les contrats de mission et de mise à disposition.
A l'égard des tiers, Mme [U] se présentait en qualité de mandataire du groupement forestier. Ainsi, le 26 avril 2011, en sa qualité de 'mandataire du groupement forestier', elle a délégué l'instruction d'un dossier à un expert forestier.
Enfin, il ressort des pièces produites que Mme [U] donnait son accord pour les investissements réalisés par le groupement forestier, procédait au règlement des dépenses, qu'elle gérait les relations avec les fournisseurs.
Sur le plan fiscal et comptable, Mme [U] a signé la déclaration de contribution sociale de solidarité des sociétés en 2013, la déclaration de TVA de 2010, 2011 et 2012 ainsi que la déclaration d'impôts sur les sociétés de 2012.
S'il ressort des mails versés aux débats par Mme [U] qu'elle tenait informée M. et Mme [E] de la gestion du groupement, il n'est pas établi que le gérant de droit était mis en copie des courriels engageant la société, qu'elle recevait des directives précises ou qu'elle sollicitait des demandes d'autorisation.
Les mails produits sont essentiellement relatifs à la chasse.
Enfin, il sera constaté qu'au cours de la prétendue relation contractuelle, Mme [U] n'a jamais sollicité le paiement des salaires qui lui étaient dus.
Au sein du courrier adressé à l'inspection du travail le 16 janvier 2014, Mme [U] écrivait qu'elle assurait seule la gestion du groupement forestier ainsi que la gestion du patrimoine personnel du comte et de la comtesse [E] et précisait que chaque année elle effectuait un virement de 35 000 euros du groupement forestier sur le compte de la scierie, que le repreneur de la scierie lui avait interdit à partir du 10 septembre 2012 de régler quoi que ce soit sans son accord.
Mme [U] ne verse aux débats aucun élément relatif au pouvoir disciplinaire du groupement forestier à son encontre.
Il ressort de ces éléments que Mme [U] s'est comportée en gérante de fait du groupement forestier dans des conditions qui excluent tout lien de subordination et par conséquent l'existence d'un contrat de travail.
Si l'existence d'un contrat de travail entre la scierie et Mme [U] a été reconnue pour les périodes comprises entre le 3 novembre 1991 et le 1er janvier 2006 puis entre le 1er juillet 2013 et le 30 mai 2014 au regard des éléments produits par l'appelante concernant sa relation avec la scierie, il y a lieu de constater que cette dernière ne produit pas d'éléments contemporains concernant ses relations avec le groupement forestier.
Elle n'établit pas l'existence d'une prestation de travail sous un lien de subordination pour le compte du groupement forestier à compter de juillet 2013, les éléments produits tendant à établir que Mme [E] a repris seule la gestion du groupement.
En conséquence, il sera jugé que Mme [U] n'a jamais été liée au groupement par un contrat de travail.
Par voie de conséquence, l'appelante doit être déboutée de sa demande relative au co-emploi ainsi que des demandes dirigées à l'égard du groupement concernant l'exécution et la rupture du contrat de travail.
Il sera rappelé qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
Mme [U] ne formant des demandes de rappel de salaire, de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, au titre des repos compensateurs, de dommages et intérêts pour atteinte à sa santé qu'à l'encontre du groupement forestier, il y a lieu de la débouter de celles-ci.
2/ Sur la demande de dommages et intérêts pour absence de déclaration d'accident du travail effectuées par la société SCMR
Mme [U] indique avoir tenté de mettre fin à ses jours le 5 novembre 2013, avoir occasionné un grave accident de la circulation alors qu'elle se rendait à la barrière du chemin accédant au pavillon de chasse afin de vérifier qu'elle était bien ouverte pour permettre au marchand de gibier d'y accéder.
Elle soutient que son employeur a refusé d'effectuer une déclaration d'accident du travail, ce qui lui a causé un préjudice dont elle demande réparation par l'allocation de 50 000 euros de dommages et intérêts.
Elle conteste les allégations de son employeur selon lesquelles elle n'aurait pas emprunté son trajet habituel.
L'employeur conteste les allégations de la salariée. Il indique que Mme [U] n'a pas demandé qu'une déclaration d'accident du travail soit effectuée, qu'il ne lui a jamais opposé un quelconque refus.
En outre, il conteste la version des faits donnée par Mme [U], affirmant d'une part que la barrière avait été ouverte le 5 novembre 2013 vers 4h30/5h par M. [F], chauffeur de M. [Y] et d'autre part que l'accident était survenu en dehors du trajet habituel de la salariée.
Sur ce ;
Il y a lieu de rappeler qu'en application des dispositions de l'article L 411-2 du code de la sécurité sociale, la déclaration d'accident du travail peut être effectuée par l'employeur, la victime ou ses représentants.
En l'espèce, en l'absence de précisions relatives aux horaires de travail habituels de Mme [U], la cour n'est pas en mesure de déterminer si l'accident survenu le 5 novembre 2013 aux environs de 7h55 par la salariée était un accident du travail ou un accident de trajet.
En tout état de cause, Mme [U] ne justifie pas du refus de son employeur d'effectuer une déclaration d'accident du travail. Elle ne démontre pas lui en avoir formulé la demande, l'employeur justifiant en outre de ce que les arrêts de travail de la salariée ont été des arrêts de travail pour 'maladie simple' et non des arrêts de travail en lien avec un accident du travail.
Au vu de ces éléments, Mme [U] n'établissant pas l'existence d'un comportement fautif de son employeur, il y a lieu de la débouter de sa demande.
3/ Sur la demande au titre du harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale de compromettre son avenir professionnel.
L'article L. 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié présente des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
La deuxième partie de ce texte présuppose que les éléments de fait présentés par le salarié soient des faits établis puisqu'il n'est pas offert à l'employeur de les contester mais seulement de démontrer qu'ils étaient justifiés.
Mme [U] soutient avoir été victime de harcèlement moral à compter du mois de juillet 2013, suite à l'arrivée de M. [H] au sein de la scierie. Elle évoque une surcharge de travail, un comportement inaproprié de M. [H] à son égard, une pression constante afin notamment qu'elle maîtrise l'outil informatique qu'elle ne connaissait pas, l'envoi d'emails à des heures tardives, une accusation infondée de vol et la dépossession d'une partie de ses fonctions indiquant que de nouvelles tâches lui étaient confiées comme l'inventaire des stocks, le relevé des plaquettes de grumes.
Mme [U] indique que son état de santé s'est dégradé, que son comportement s'est modifié, qu'elle a tenté de mettre fin à ses jours en occasionnant un grave accident de voiture le 5 novembre 2013, exposant que son employeur a refusé d'effectuer une déclaration d'accident du travail.
Au soutien de ses allégations, Mme [U] verse aux débats :
- des attestations de M. [T], installateur du logiciel informatique, de M. [C], ancien salarié, de M. [Z], garde chasse, témoignant de son changement d'humeur après l'été 2013, de son manque d'entrain,
- l'attestation de M. [M] indiquant avoir aidé M. [H] à cuber des grumes de hêtres,
- l'attestation de sa fille Mme [W], secrétaire de la scierie exposant que sa mère supportait la présence et la surveillance permanente de M. [H], qu'elle vivait dans un stress permanent, et qu'elle a été accusée à tort par la comtesse de malversations,
- des attestations de salariés de la scierie indiquant que M. [H] adoptait un comportement désagréable, qu'il parlait mal, qu'il avait poussé à bout de force M. [D] qui a fait une tentative de suicide,
- ses arrêts de travail, des certificats médicaux faisant état d'un syndrome dépressif,
- les courriers de la banque l'informant du retrait de ses procurations et de la résiliation du coffre bancaire,
- la copie des courriers adressés à l'inspection du travail en janvier, mars et avril 2014,
- son avis d'inaptitude à son poste de travail en raison d'un danger immédiat sur sa santé rendu le 14 avril 2014.
Il y a lieu de rappeler que la cour a précédemment retenue l'existence d'un contrat de travail liant Mme [U] à la société SCMR à partir du 1er juillet 2013 en raison notamment de l'existence d'un lien de subordination.
L'employeur conteste la matérialité des faits évoqués par la salariée indiquant que le mal être de Mme [U] est en lien avec l'usage du pouvoir de direction et de contrôle auquel elle n'était pas préalablement soumise.
Il ressort des éléments produits qu'à compter de l'arrivée de M. [H] au sein de la scierie en juillet 2013, Mme [U] a été tenue de rendre compte de l'ensemble de ses activités, qu'elle a été privée des moyens mis à sa disposition en qualité de gérante de fait de la société SCMR. Cet élément ne peut constituer un acte laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral en ce que la salariée a été soumise au pouvoir de direction et de contrôle de son employeur.
Si Mme [U] indique que M. [H] lui parlait mal, exerçait une pression constante à son encontre, elle ne verse pas aux débats d'éléments précis, circonstanciés relatifs à la teneur des propos tenus.
La valeur probante du témoignage de M. [D] est contestée en ce que ce denier n'a pas rédigé lui-même l'attestation et que l'employeur établit qu'il aurait commis une tentative de suicide en 2009 et non à compter de l'arrivée de M. [H] au sein de l'entreprise.
L'employeur établit que M. [I], qui témoigne du comportement désagréable de M. [H] à son encontre a été dans un premier temps embauché en contrat de travail à durée déterminée puis a accepté la signature d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 19 mai 2014, soit une année après l'arrivée de M. [H].
L'employeur verse aux débats des emails de Mme [U] en date des mois d'août et septembre 2013 aux fins d'établir qu'elle avait commis une erreur concernant les virements bancaires effectués entre la scierie et le groupement forestier, qu'elle se retrouvait en grave difficulté selon ses propres propos.
L'employeur verse aux débats un email de la banque CIC en date du 12 novembre 2013 l'informant de ce que le 6 novembre 2013, [P], la fille de Mme [U], s'est rendue dans leurs locaux afin de pouvoir accéder au coffre personnel de M. [E] qu'il louait conjointement avec Mme [U] alors que cette dernière avait été informée de la fermeture du dit coffre et qu'elle était en arrêt de travail.
Seule l'attestation de la fille de Mme [U] fait état d'une pression constante, d'une surveillance accrue de Mme [U]. Ce témoignage dont la valeur probante doit être appréciée au regard des liens familiaux existant n'est pas corroboré par d'autres éléments.
Si Mme [U] soutient que son employeur lui envoyait des mails à des heures tardives, il y a lieu de constater que les mails produits sont antérieurs au 1er juillet 2013 à l'exception d'un seul adressé par M. [E] et non M. [H], le 25 mai 2013 à 00h06. Ce seul mail adressé à une heure tardive ne saurait caractériser un acte susceptible de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral.
Si Mme [U] soutient que des tâches supplémentaires comme le relevé des stocks lui ont été confiées, elle ne l'établit pas en ce que les pièces produites permettent uniquement d'établir que les relevés de stocks et de grumes ont été effectués par M. [H]. En outre, en l'absence de définition précise des missions confiées à la salariée, la cour n'est pas en mesure de constater leur augmentation ou leur modification.
Si Mme [U] évoque une pression liée à la mise en place du système informatique, il s'évince du témoignage de M. [T], installateur du logiciel informatique, qu'il intervenait régulièrement au sein de l'entreprise pour effectuer la maintenance et assurer les formations de Mme [U] et [W], ce qui ne permet pas de déduire la mise en place subite et pressante d'un nouveau logiciel.
Il a été précédemment jugé que l'employeur n'avait pas commis de faute en lien avec une éventuelle déclaration d'accident du travail.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de constater que la salariée n'établit pas l'existence de faits matériels susceptibles de laisser présumer un harcèlement moral.
S'il est établi une dégradation de l'état de santé de Mme [U], celle-ci apparaît en lien avec la mise en oeuvre du lien de subordination par l'employeur et par la découverte par ce dernier d'irrégularités comptables.
Mme [U] est déboutée de sa demande au titre du harcèlement moral.
4/ Sur la rupture du contrat de travail de Mme [U] avec la société SCMR
A titre principal, Mme [U] sollicite que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail, cette résiliation produisant les effets d'un licenciement nul ou subsidiairement d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A titre subsidiaire, elle conteste la légitimité de son licenciement.
En cas d'action en résiliation judiciaire suivie en cours d'instance d'un licenciement, l'examen de la résiliation judiciaire revêt un caractère préalable, dans la mesure où si la résiliation du contrat est prononcée, le licenciement ultérieurement notifié par l'employeur se trouve privé d'effet. L'examen de la légitimité du licenciement n'a donc lieu d'être opéré qu'en cas de rejet de la demande de résiliation judiciaire.
En l'espèce, Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail le 25 mai 2014 et a été licenciée en cours de procédure le 30 mai 2014, de sorte que l'examen de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail revêt un caractère préalable.
4.1/ Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
La voie de la résiliation judiciaire n'est ouverte qu'au salarié et à lui seul. Elle produit, lorsqu'elle est accueillie, tous les effets attachés à un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse.
Lorsque les manquements de l'employeur à ses obligations légales, conventionnelles ou contractuelles sont établis, ont revêtus une gravité suffisante et empêchent la poursuite du contrat de travail, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doit être accueillie, avec effet à la date de la décision la prononçant, lorsqu'à cette date le contrat de travail est toujours en cours.
Des griefs anciens dont le salarié a tardé à se saisir pour introduire son action en résiliation judiciaire peuvent faire apparaître qu'ils n'étaient pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail et donc à justifier la résiliation judiciaire du contrat.
Il appartient au salarié de rapporter la preuve d'un manquement suffisamment grave de l'employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail.
Au soutien de sa demande, Mme [U] invoque au titre des manquements de l'employeur le harcèlement moral subi ainsi que le défaut de paiement des heures supplémentaires.
Mme [U] a été précédemment déboutée de sa demande au titre du harcèlement moral et il a été constaté que la salariée ne formait pas de demande au titre des heures supplémentaires à l'encontre de la société SCMR.
En conséquence, la salariée doit être déboutée de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.
4-2/ Sur le licenciement
Mme [U] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 22 mai 2014 par lettre du 12 mai précédent, puis licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 mai 2014 motivée comme suit :
'Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 mai 2014, nous vous avons adressé une lettre de convocation à un entretien préalable en vue d'examiner la mesure de licenciement envisagée à votre égard.
Convoqué le 22 mai 2014 à 11h30, dans nos locaux sis [Adresse 2], vous nous avez fourni un certificat médical nous informant que vous ne pouviez pas vous présenter à cet entretien pour raison de santé.
Par lettre en date du 21 mai 2014 tenant compte de votre impossibilité de venir à l'entretien, nous vous avons demandé vos éventuelles observations étant précisé que dans le cadre de la lettre de convocation à l'entretien préalable nous vous avions informé des motifs qui amenaient à envisager la rupture de votre contrat de travail.
Nous n'avons pas reçu de réponse à cette correspondance.
Nous avons donc le regret de vous informer que nous sommes contraints de procéder à votre licenciement.
Les raisons qui nous conduisent à vous licencier sont les suivantes :
Vous avez été embauchée le 3 septembre 1991 et exercez l'emploi d'attachée de direction dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.
Depuis le 5 novembre 2013, vous êtes absente suite à un arrêt de travail pour maladie non professionnelle.
Le 14 avril 2014, vous avez été convoqué pour une visite médicale de reprise du travail, à votre demande, à la médecine du travail.
Le médecin du travail a statué d'emblée sur votre inaptitude au poste d'attachée de direction.
En outre, les conclusions du médecin indiquent :
'Inapte en un seul examen avec un danger immédiat. Pas de reclassement possible en application de l'article R4624-31".
Malgré nos recherches de reclassement, en lien avec le médecin du travail, il apparaît que nous sommes dans l'impossibilité de vous proposer un autre emploi.
Compte tenu de tous ces éléments, nous n'avons pas d'autre choix que de vous licencier. (...)'
A titre principal, Mme [U] invoque la nullité du licenciement prononcé son inaptitude ayant pour cause le harcèlement moral subi.
La salariée ayant été déboutée de sa demande au titre du harcèlement moral, il y a lieu de la débouter de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du licenciement.
A titre subsidiaire, la salariée soutient que l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement, qu'elle n'a reçu aucune proposition de reclassement au sein du groupe et que l'employeur ne justifie pas des démarches entreprises.
La société SCMR soutient avoir pleinement et loyalement rempli son obligation de reclassement.
A titre liminaire, il sera constaté qu'au regard de la date de prononcé du licenciement de Mme [U] les dispositions applicables sont antérieures aux ordonnances de 2017.
Selon l'article L.1226-2 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce ' lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail'.
Ainsi définie, l'obligation de reclassement des salariés physiquement inaptes mise à la charge de l'employeur s'analyse en une obligation de moyen renforcée, dont le périmètre s'étend à l'ensemble des sociétés du même secteur d'activité avec lesquelles l'entreprise entretient des liens ou compose un groupe, dont la localisation et l'organisation permettent la permutation de tout ou partie du personnel, et il appartient à l'employeur, débiteur de cette obligation, de démontrer par des éléments objectifs qu'il y a satisfait et que le reclassement du salarié par le biais de l'une des mesures prévues par la loi s'est avéré impossible, soit en raison du refus d'acceptation par le salarié d'un poste de reclassement adapté à ses capacités et conforme aux prescriptions du médecin du travail, soit en considération de l'impossibilité de reclassement à laquelle il se serait trouvé confronté. La seule référence à l'avis du médecin du travail suivant lequel le reclassement du salarié dans l'entreprise aurait été recherché et se serait avéré impossible étant à elle seule impuissante à établir le respect par l'employeur de son obligation préalable de reclassement.
La déclaration d'inaptitude définitive ' à tous postes de l'entreprise' faite par le médecin du travail ne dispense pas l'employeur de son obligation de rechercher par tous moyens le reclassement du salarié.
En l'espèce, l'employeur verse aux débats le certificat du médecin du travail en date du 7 mai 2014 qui indique avoir vu Mme [U] en consultation de préreprise à sa demande le 4 avril 2014, avoir procédé le même jour à une étude de son poste avec M. [H], avoir rendu un avis d'inaptitude et en pas avoir de proposition de reclassement ou d'aménagement à formuler.
L'employeur verse aux débats le courrier adressé au groupement forestier le 17 avril 2014 en vue d'un reclassement de la salariée au sein du groupement.
Il verse en outre aux débats les courriers du médecin du travail rappelant que la salariée est inapte à son poste, aux autres poste de l'entreprise ainsi qu'à un poste au sein du groupement forestier du domaine de [Localité 4].
Au regard de ces éléments, il y a lieu de constater que la société ne justifie pas de la réponse du groupement forestier à son courrier du 17 avril 2014.
L'employeur ne verse aux débats aucun élément objectif (notamment le livre d'entrée et de sortie du personnel) relatif à l'organisation, la structure de ses effectifs et la répartition catégorielle des emplois de l'entreprise de nature à corroborer ses affirmations selon lesquelles aucun poste n'était disponible dans son entreprise. Il ne produit pas davantage d'éléments concernant le groupement forestier avec lequel il ne conteste pas entretenir des liens permettant la permutation de tout ou partie du personnel.
Aucun élément n'est au demeurant communiqué sur la structure du groupe auquel appartient la société SCMR ne permettant pas dans ces conditions de considérer que l'obligation de reclassement a été pleinement respectée, en sorte que le licenciement de Mme [U] ne peut être considéré comme reposant sur une cause réelle et sérieuse.
Le salarié licencié pour inaptitude physique d'origine non professionnelle peut prétendre à une indemnité de licenciement calculée conformément aux dispositions légale ou, si elles sont plus favorables, aux dispositions conventionnelles. Il est également en droit de prétendre, en cas de licenciement illégitime, à des dommages et intérêts, calculés, selon son ancienneté et l'effectif de l'entreprise, sur le fondement de l'article L.1235-3 ou de l'article L 1235-5 du code du travail, dans leurs versions applicables.
Il ne peut en revanche prétendre à une indemnité compensatrice pour un préavis qu'il est dans l'impossibilité physique d'exécuter, sauf dans l'hypothèse où la rupture est imputable à l'employeur en raison du manquement de celui-ci à l'obligation de reclassement mise à sa charge par l'article L 1226-2.
Il a été précédemment jugé par la cour d'appel de Rouen le 7 mars 2019 que Mme [U] était liée par un contrat de travail à la société SCMR pour les périodes du 3 septembre 1991 au 1er janvier 2006 puis du 1er juillet 2013 au 30 mai 2014, cet arrêt étant définitif.
Elle avait acquis une ancienneté de 15 ans et 3 mois à la date de rupture du contrat de travail.
Il n'est pas contesté que la relation contractuelle était soumise à la convention collective du travail mécanique du bois, des scieries, du négoce et de l'importation des bois.
Le salaire de référence de Mme [U] est de 3 706,52 euros.
En application des dispositions conventionnelles, du non-respect par l'employeur de son obligation de reclassement, Mme [U] peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis équivalente à trois mois de salaire.
Justifiant d'une ancienneté supérieure à deux ans, l'entreprise occupant habituellement plus de onze salariés, Mme [U] peut prétendre à l'indemnisation de l'illégitimité de son licenciement sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce.
En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui lui est due à la somme qui sera indiquée au dispositif de l'arrêt.
La salariée ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient de faire application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce et d'ordonner à l'employeur de rembourser à l'Antenne Pôle Emploi concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressée depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations.
5/ Sur la demande reconventionnelle en remboursement du trop perçu
La société SCMR demande que Mme [U] soit condamnée à lui rembourser le trop perçu au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
Elle expose en effet lui avoir versé la somme de 23 685,94 euros alors qu'en application de l'arrêt rendu le 7 mars 2019, elle ne bénéficiait que d'une ancienneté de 11 mois et aurait dû percevoir la somme de 679,52 euros.
Elle sollicite en conséquence la condamnation de Mme [U] à lui rembourser la somme de 23 006,52 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2019.
La salariée ne conclut pas spécifiquement sur cette demande.
Sur ce ;
En application de l'arrêt du 7 mars 2019, Mme [U] ayant acquis une ancienneté de 15 ans et 3 mois, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société SCMR.
6/ Sur les dépens et frais irrépétibles
La société SCMR partie succombante est condamnée aux dépens d'appel.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [U] les frais non compris dans les dépens qu'elle a pu exposer. Il convient en l'espèce de condamner la société SCMR à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.
Aucune considération tirée de l'équité ou de la situation respective des parties ne conduit à faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit du groupement forestier.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société SCMR et du groupement forestier les frais irrépétibles exposés par eux.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture du 3 novembre 2022 afin de régularisation de la constitution d'avocat du groupement forestier et fixe la clôture au 16 novembre 2022 ;
Vu l'arrêt de la cour d'appel de Rouen du 7 mars 2019 et l'arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 25 novembre 2020 rejetant le pourvoi à son encontre ;
Dit que Mme [A] [U] n'était pas liée par un contrat de travail au groupement forestier dit [Adresse 7] ;
Déboute Mme [A] [U] de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre du groupement forestier dit [Adresse 7] ;
Déboute Mme [A] [U] de sa demande au titre du co-emploi ;
Déboute Mme [A] [U] de ses demandes au titre du harcèlement moral, du préjudice subi par l'absence de déclaration du travail formées à l'encontre de la société Scierie Croix Maître Renault (SCMR) ;
Déboute Mme [A] [U] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail la liant à la société Scierie Croix Maître Renault (SCMR) ;
Dit le licenciement de Mme [A] [U] par la société Scierie Croix Maître Renault (SCMR) dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société Scierie Croix Maître Renault (SCMR) à verser à Mme [A] [U] les sommes suivantes :
11 119,56 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 111,95 euros au titre des congés payés afférents, Avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation,
48 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Déboute la société Scierie Croix Maître Renault (SCMR) de sa demande de remboursement du trop perçu au titre de l'indemnité de licenciement ;
Condamne la société Scierie Croix Maître Renault (SCMR) à verser à l'organisme concerné le montant des indemnités chômage versées à Mme [A] [U] depuis son licenciement dans la limite de 3 mois de prestations ;
Condamne la société Scierie Croix Maître Renault (SCMR) à verser à Mme [A] [U] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;
Déboute la société Scierie Croix Maître Renault (SCMR) et le [Adresse 7] de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la société Scierie Croix Maître Renault (SCMR) aux entiers dépens d'appel.
La greffière La présidente