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12/01/2023 | FRANCE | N°20/00609

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 12 janvier 2023, 20/00609


N° RG 20/00609 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IM7D





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SÉCURITÉ SOCIALE



ARRÊT DU 12 JANVIER 2023













DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 26 Décembre 2019









APPELANT :





POLE EMPLOI NORMANDIE

[Adresse 6]

[Adresse 4]

[Localité 2]



représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVO

UE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN











INTIMÉE :





Madame [O] [J]

[Adresse 3]

[Localité 1]



représentée par Me Michel ROSE de la SELARL DPR AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN

































COMPOSITION DE LA ...

N° RG 20/00609 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IM7D

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SÉCURITÉ SOCIALE

ARRÊT DU 12 JANVIER 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 26 Décembre 2019

APPELANT :

POLE EMPLOI NORMANDIE

[Adresse 6]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN

INTIMÉE :

Madame [O] [J]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Michel ROSE de la SELARL DPR AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 16 Novembre 2022 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ALVARADE, Présidente

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 Janvier 2023

ARRÊT :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 12 Janvier 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

Vu le jugement en date du 26 décembre 2019 par lequel le conseil de prud'hommes de Rouen, statuant dans le litige opposant Mme [O] [J] à son employeur, l'établissement public Pôle Emploi Normandie, a reconnu le statut de technicien expérimenté allocataires à la salariée à compter du 1er juin 2012, dit que la salariée devait bénéficier du coefficient 230-0 base au 1er juin 2012, 230-1 (soit 245) au 1er juin 2015, 230-2 (soit 260) au 1er juin 2018, en conséquence a condamné l'employeur à lui verser :

- à titre de rappel de salaire :

2 900,76 euros brut pour la période du 1er juillet 2015 au 31 décembre 2016, coefficient 245 (soit un montant de 2 900,76 euros),

pour un montant brut de salaire de 2 059,20 euros

une prime d'ancienneté d'un montant brut de 234,66 euros

une prime de 13 ème mois pour un montant brut de 249,60 euros

une prime de vacances pour un montant brut de 93,60 euros

une indemnité de congés payés pour un montant brut de 263,70 euros

2 900,76 euros brut pour la période du 1er janvier 2017 au 31 mai 2018 coefficient 245 ( soit un montant de 2 900,76 euros),

pour un montant brut de salaire de 2 059,20 euros

une prime d'ancienneté d'un montant brut de 234,66 euros

une prime de 13 ème mois pour un montant brut de 249,60 euros

une prime de vacances pour un montant brut de 93,60 euros

une indemnité de congés payés pour un montant brut de 263,70 euros

1 000 euros d'indemnité en réparation du préjudice moral subi,

1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- a débouté la salarié de sa demande d'indemnité en réparation du préjudice financier,

- a débouté Pôle Emploi de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a ordonné à Pôle Emploi la délivrance d'un bulletin de salaire de régularisation tenant compte des rappels de coefficient relatif à la période du 1er juillet 2015 au 31 mai 2018 sous astreinte de 20 euros par jour de retard après un mois après la notification du jugement,

- a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- a laissé les dépens à la charge de Pôle Emploi ;

Vu l'appel interjeté par voie électronique le 30 janvier 2020 par Pôle Emploi à l'encontre de cette décision qui lui a été notifiée le 31 décembre précédent ;

Vu la constitution d'avocat de Mme [J], intimée, effectuée par voie électronique le 25 février 2020 ;

Vu les dernières conclusions enregistrées et notifiées par voie électronique le 2 novembre 2022 par lesquelles l'employeur appelant, soutenant que la salariée est correctement positionnée au niveau de technicien hautement qualifié, coefficient 210 base, contestant toute discrimination, sollicite l'infirmation du jugement entrepris, demande que la salariée soit déboutée de sa demande d'attribution du coefficient 230 base, de sa demande d'attribution des coefficients 230-1 et 230-2, de ses demandes de rappels de salaire, prime de vacances, treizième mois et congés payés afférents, de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier, qu'elle soit condamnée au paiement d'une indemnité de procédure (1 500 euros) ;

Vu les dernières conclusions enregistrées et notifiées par voie électronique le 15 novembre 2022 aux termes desquelles la salariée intimée, réfutant les moyens et l'argumentation de la partie appelante, aux motifs notamment qu'en raison des fonctions exercées elle devait bénéficier du statut de technicien expérimenté allocataire, niveau agent de maîtrise, à compter du 1er janvier 2012, soutenant avoir été victime de discrimination liée à son handicap, demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'elle devait bénéficier du statut 'technicien expérimenté allocataire' niveau agent de maîtrise à compter du 1er janvier 2012,

- dire et juger qu'à raison de la discrimination liée à son handicap elle est en droit de solliciter la réparation intégrale du préjudice subi par l'attribution :

- du coefficient 230-0 base au 1er juin 2012,

- du coefficient 230-1 (245) au 1er juin 2015

- du coefficient 230-2 (260) au 1er juin 2018,

en conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- condamner Pôle Emploi à reconstituer sa carrière sur la base du coefficient 230-2 (260) à compter du 1er juin 2018,

- condamner Pôle Emploi au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 16 novembre 2022 renvoyant l'affaire pour être plaidée à l'audience du même jour ;

Vu les conclusions transmises le 2 novembre 2022 par l'appelant et le 15 novembre 2022 par l'intimée auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel ;

SUR CE, LA COUR

Pôle Emploi est un établissement public créé par la loi du 13 février 2018 relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi, ayant pour objet la mise en place, partir des réseaux ANPE et UNEDIC d'un opérateur unique pour l'accueil, le placement, le service des prestations d'indemnisation et l'accompagnement des demandeurs d'emploi.

Lors de la fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC, au cours de l'année 2009, deux statuts collectifs ont coexisté.

Le 21 novembre 2009, afin d'unifier le statut des agents, la convention collective de Pôle Emploi était signée et est entrée en application le 1er janvier 2010.

Les agents ont eu la possibilité d'opter pour cette convention.

Mme [J] a été embauchée par les ASSEDIC en qualité d'agent qualifié allocataire, coefficient 160-0 aux termes d'un contrat de travail à durée déterminée à compter du 11 décembre 2006.

La relation de travail a ensuite évolué dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Mme [J] a été reconnue travailleur handicapé à compter de 2007.

Depuis le 1er janvier 2016, Mme [J] exerce la fonction de technicien hautement qualifié allocataire, coefficient 230-2, échelon 2 de la convention collective de Pôle Emploi et perçoit un salaire mensuel de base de 1 684,78 euros brut.

Contestant sa classification, revendiquant notamment que lui soit attribué le statut technicien expérimenté allocataires, niveau agent de maîtrise à compter du 1er janvier 2012 et revendiquant les rappels de salaire correspondants, Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen le 2 juillet 2018, qui, statuant par jugement du 26 décembre 2019, dont appel, s'est prononcé comme indiqué précédemment.

1/ Sur la classification revendiquée au 1er janvier 2012

Mme [J] revendique le bénéfice de la classification 'technicien expérimenté allocataires' à compter du 1er janvier 2012.

Elle soutient qu'elle exerçait dès le 1er janvier 2012 les missions prévues pour cette classification.

Elle verse notamment aux débats les fiches fonctions, ses évaluations, des attestation de collègues.

L'employeur, qui conclut au débouté de la demande, observe que la salariée a bénéficié d'une évolution constante et régulière au sein de Pôle Emploi, soutient qu'elle ne démontre pas avoir acquis les compétences pour accéder au statut de technicien expérimenté, qu'elle ne réalisait pas l'ensemble des missions prévues par la classification.

Il indique que dès 2011 la salariée a saisi la commission nationale paritaire de conciliation afin d'obtenir le coefficient 210-2, soit le coefficient 230 au 1er janvier 2011, que par décision en date du 23 mai 2011, la commission a considéré que le déroulement de sa carrière était conforme et a acté l'attribution du coefficient 210 au 1er juillet 2011.

Sur ce ;

La qualification professionnelle d'un salarié se détermine selon les fonctions réellement et concrètement exercées.

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

En cas de différend sur la classification professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, il ya lieu de rechercher la nature de l'emploi effectivement occupé par le salarié et la qualification qu'il requiert au regard de la convention collective applicable.

En l'espèce, l'accord de classification annexé à la convention collective est construit sur la base d'une liste hiérarchisée des emplois génériques associés à une qualification et à un coefficient de base en distinguant plusieurs types de métiers dont les fonctions 'allocataires' dont les activité principales consistent à verser le revenu de remplacement, à concourir à l'information du demandeur d'emploi, à suivre l'évolution des travailleurs privés d'emploi.

Les différents métiers sont regroupés dans des emplois génériques que sont: agent, agent qualifié, agent hautement qualifié, technicien qualifié, technicien hautement qualifié, technicien expérimenté, professionnel ou encadrant, professionnel ou encadrant qualifié, professionnel ou encadrant hautement confirmé, professionnel ou encadrant, professionnel ou encadrant expérimenté.

En application de l'article 20 de la convention collective, le déroulement de carrière s'opère par progression de coefficients qui traduit et reconnaît la montée en qualification de l'agent dans sa fonction et l'acquisition de nouvelles compétences.

A titre liminaire, il sera constaté que contrairement aux allégations de l'employeur, la commission nationale paritaire de conciliation saisie par Mme [J] en 2011 n'a pas rendu un avis unanime ou majoritaire sur sa situation en ce que l'avis rendu le 23 mai 2011 était ainsi libellé :

'Le collège employeur considère que le déroulement de carrière est conforme et acte l'attribution du coefficient 210 au 1er juillet 2011.

Les organisations syndicales unanimes demandent l'attribution du coefficient 220 compte tenu des tâches accomplies notamment l'animation de la plate-forme téléphonique.'

La grille de classification des emplois de la convention collective, fonction allocataires définit l'emploi de technicien hautement qualifié, coefficient 210, de la façon suivante :

'Emploi qui requiert une connaissance de la réglementation générale et/ou une maîtrise dans une spécialisation en matière de prestations ou d'entretiens, de rédactions ou de conduite de réunions.

L'emploi s'exerce dans un cadre d'activités plus large que le niveau précédent et requiert soit la mise en 'uvre de procédures liées à plusieurs techniques, soit la bonne maîtrise d'une technique s'appliquant dans un contexte relativement complexe. Les problèmes à résoudre nécessitent le rapprochement et l'analyse de données en vue soit d'une prise de décision dans un cadre réglementaire, soit d'une restitution orale ou écrite.

Le titulaire de l'emploi peut être habilité à signer des documents quotidiens engageant l'institution. Il est responsable de la gestion des moyens mis à sa disposition.

L'emploi fait l'objet de contrôles centrés plus sur les résultats que sur le mode d'exécution des tâches et sur la qualité du travail fourni, en raison du niveau de compétences exigé.'

Au titre des activités exercée sont indiquées :

'Mise en état et instruction des demandes d'allocations.

Détermination des droits, suivi du paiement des prestations.

Conduite des entretiens prévus par la réglementation, rédaction des comptes rendus.

Suivi de l'actualisation des demandeurs d'emploi.

Animation de réunions collectives.'

L'emploi de technicien expérimenté allocataires, coefficient 230, est ainsi défini :

'Emploi qui requiert une parfaite maîtrise de la réglementation de l'assurance chômage et/ou des techniques d'entretien ainsi qu'une très bonne connaissance des circuits, procédures et outils informatiques.

Il nécessite également des connaissances relatives à la réglementation des organismes sociaux susceptibles de s'appliquer aux travailleurs privés d'emplois. La capacité conduit à exercer une activité de conseil.

L'emploi s'exerce dans un cadre large couvrant généralement plusieurs activités. Il nécessite soit la parfaite maîtrise d'une technique dans un domaine précis, soit la bonne maîtrise d'une technique complétée par la mise en 'uvre de techniques multiples.

Les solutions apportées aux problèmes posés s'appuient sur le transfert de procédures et de méthodes utilisées dans des situations voisines. II implique l'analyse et l'interprétation des données.

La responsabilité est liée à l'impact des décisions prises sur l'entrée et la sortie de fonds. Elle porte sur la fiabilité et la rigueur de l'information donnée.

L'autonomie porte sur le choix des moyens et l'organisation du travail. Le contrôle s'effectue périodiquement sur les résultats, le plus souvent indirectement.'

Au titre des activités exercée sont indiquées :

'Accueil du public.

Traitement de toutes demandes.

Analyse des cas particuliers, conseil, traitement et règlement de dossiers présentant des difficultés particulières.

Contrôle technique.

Participation à l'évolution des outils de travail.

Instruction de toute demande d'allocations et/ou de fonds social et/ou maîtrise des entretiens prévus par la réglementation.'

Il résulte de ces dispositions que la classification de technicien expérimenté nécessite une expertise accrue dans les domaines d'activité du salarié, lui permettant, comme l'indique l'annexe de la convention collective, d'analyser des « cas particuliers » et de s'occuper du « traitement (et) du règlement de dossiers présentant des difficultés particulières », un « contrôle technique » et de participer à « l'évolution des outils de travail », ce qui n'est pas le cas de la qualification de technicien hautement qualifié, celle-ci ne permettant que le traitement des tâches de « mise en état et instruction des demandes d'allocation, détermination des droits, suivi du paiement des prestations, conduite des entretiens prévus par la réglementation, rédaction des comptes rendus, suivi de l'actualisation des demandeurs d'emploi, animation de réunions collectives », mais sans que celles-ci ne constituent ou des cas particuliers ou présentent des difficultés particulières.

Il ressort des documents produits par la salariée et plus spécifiquement des évaluations réalisées par ses responsables, Mme [C] et M.[W] en 2012, 2013, 2014 et 2015 que Mme [J] occupait des fonctions à l'accueil, qu'elle gérait des demandes d'allocations dont des dossiers complexes relevant de l'Union Européenne, qu'elle traitait les dossiers des mandataires sociaux et exerçait des fonctions de tutorat.

Il était également indiqué qu'elle traitait de façon ponctuelle les attentes du site, qu'elle pouvait effectuer des présentations au cours de réunions de service.

Contrairement aux allégations de l'employeur, il s'évince de ces évaluations que Mme [J] participait régulièrement à l'accueil du public, à la demande notamment du responsable d'accueil.

La notion de gestion de dossiers complexes est présente au sein de plusieurs de ses évaluations, ce qui ne revêt pas un caractère ponctuel.

En 2014, elle a co-animé des regroupements sur l'orientation vers l'accompagnement '100 % web.'

Il est indiqué qu'à compter du dernier trimestre 2012 elle a assuré le traitement des dossiers suite aux décisions prud'homales.

Les responsables de Mme [J] constatent que les activités qui lui sont confiées sont réalisées avec rigueur, organisation et efficacité, que la salariée est en appui au collectif, qu'elle maîtrise l'ensemble des activités Gestion des droits et qu'elle est force de proposition pour l'amélioration du service rendu et le travail de ses collègues.

Si l'employeur soutient qu'au sein de comptes-rendus d'entretiens d'évaluation de la salariée aucun niveau d'évaluation n'est précisé, le terme 'réalisé' ne signifiant pas que l'activité a été correctement réalisé, il y a lieu de constater que les trames d'évaluation, conçues par l'employeur lui-même, mentionnent uniquement quatre items ('non applicable', 'non réalisé', 'partiellement réalisé', 'totalement réalisé') et que les croix positionnées dans les colonnes afférentes sont très majoritairement positionnées pour Mme [J] dans la colonne 'totalement réalisé', ce qui permet d'établir que la salariée a correctement rempli ses missions.

Il ressort des attestations établies par Mmes [L], [S] et M. [E] que Mme [J] exerce depuis 2010 les attributions d'un technicien expérimenté allocataires, que l'équipe locale lui demande d'effectuer ce type de travail comme les autres agents, qu'elle est également en charge de dossiers transverses, d'activités manager et de gestion de l'accueil, qu'elle effectue des comptes rendus et est en lien direct avec le médiateur, la salariée souhaitant évoluer vers un poste de responsable d'équipe.

Les témoins attestent de sa maîtrise réglementaire.

M. [E] indique qu'il était confié à Mme [J] des activités de manager telles la gestion des réclamations, la préparation des planning et qu'elle gérait intégralement certains dossiers.

Si l'employeur conteste la valeur probante de ces témoignages, il ne produit pas d'éléments précis corroborant ses allégations.

En outre, la comparaison effectuée par l'employeur entre Mme [J] et Mme [L], M. [E] en termes de rémunération est inopérante en ce que la salariée ne se prévaut pas de l'adage 'à travail égal salaire égal' mais revendique une classification supérieure à la sienne.

Ainsi, au vu des éléments versés aux débats en cause d'appel, il apparaît que les premiers juges, à la faveur d'une exacte appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, non utilement critiquée en cause d'appel, ont à bon droit retenu que la salariée pouvait prétendre au bénéfice du statut de technicien expérimenté allocataires, coefficient 230 au 1er juin 2012, étant observé que la salariée ne verse pas aux débats d'éléments relatifs à la période comprise entre janvier et juin 2012.

2/ Sur les coefficients revendiquées au 1er juin 2015 et au 1er juin 2018

Mme [J] revendique le bénéfice du coefficient 230-1 (245) à compter du 1er juin 2015 et le bénéfice du coefficient 230-2 (260) à compter du 1er juin 2018, demandant en outre que l'employeur soit condamné à reconstituer sa carrière sur la base de ce dernier coefficient à compter du 1er juin 2018.

A l'appui de ses demandes, elle invoque l'existence d'une discrimination au regard de son handicap (surdité progressive), soutenant avoir été privée de promotion professionnelle correspondant à l'évolution de ses fonctions.

Au regard du principe de réparation intégrale de son préjudice, elle revendique un rappel de coefficient calculé sur l'ancienneté moyenne soit 3,03 années pour les salariées femmes.

L'employeur conclut au débouté des demande. Il constate que la salariée évoque pour la première fois à hauteur de cour l'existence d'une discrimination, rappelle qu'il n'existe aucun droit acquis à une évolution systématique ou à une promotion professionnelle tous les trois ans, qu'il lui appartient d'étudier individuellement chaque cas.

Il conteste l'existence de toute discrimination, affirme que Mme [J] a bénéficié d'un positionnement en parfaite adéquation avec ses compétences et les activités effectuées, qu'elle a bénéficié d'une évolution de carrière et que sa situation de travailleur handicapé a été prise en compte au titre des campagnes de promotion et de l'accord Travailleur Handicapé.

Sur ce ;

Dans sa version applicable au litige, l'article L.1132-1 du code du travail dispose qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

Selon l'article L.1134-1 du code du travail, en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, Mme [J] soutient n'avoir pas bénéficié d'une évolution professionnelle, de promotions en raison de son handicap reconnu depuis le 27 novembre 2007. Elle affirme que l'employeur n'a pas respecté le dispositif prévu aux articles 19 et 20 de la convention collective, qu'à aucun moment lors des entretiens annuels et professionnels son statut de travailleur handicapé n'a été abordé.

A l'appui de ses allégations, la salariée verse aux débats :

- les dispositions conventionnelles et l'accord Travailleur Handicapé en vigueur,

- des attestations établies par Mmes [V] et [N], travailleurs handicapés, indiquant rencontrer les mêmes difficultés avec la direction des ressources humaines,

- les avis rendus par le médecin du travail en décembre 2020 suite à une situation de longue maladie préconisant son affectation dans un autre contexte relationnel ainsi qu'un placement en télétravail en attendant le changement d'agence,

- sa candidature sur deux postes situés à l'agence d'[Localité 5] le 21 décembre 2021 ainsi que le refus obtenu,

- le courrier du médecin du travail en date du 21 octobre 2021 préconisant des aménagements de poste,

- le courrier de la RH en date du 23 décembre 2021 lui reprochant de ne pas s'être positionnée sur un poste ouvert à l'agence de [Localité 7] sans consultation préalable du médecin du travail, en contradiction avec l'accord handicap,

- les justificatifs de ses rejets de candidature par l'employeur depuis 2019,

- le courrier de l'employeur adressé au médecin du travail en mars 2022 lui demandant de réexaminer son aptitude au regard des difficultés rencontrées dans l'aménagement de son poste,

- les avis rendus par le docteur [X], psychiatre les 12 janvier 2022, 21 mars 2022 et 27 mai 2022 indiquant que son état de santé justifiait impérativement le télétravail à 100 % rattaché à l'agence d'Evreux,

- le dernier avis rendu par le médecin du travail le 10 novembre 2022,

- les nombreux mails adressés à son employeur concernant la demande de révision de sa carrière.

A titre liminaire, il y a lieu de constater que la salariée n'invoque l'existence d'une discrimination en lien avec son handicap qu'à hauteur de cour d'appel.

Il ressort des pièces produites que la salariée communique un grand nombre d'éléments en lien avec sa situation médicale sans toutefois soutenir un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ou former de demande en lien avec l'exécution déloyale du contrat de travail.

Non seulement il ne ressort pas des éléments produits l'existence d'un non-respect par l'employeur des préconisations du médecin du travail mais en outre Mme [J] n'expose pas en quoi ce non-respect, à le supposer avéré, constituerait un élément laissant présumer l'existence d'une discrimination dans le déroulement de sa carrière en lien avec son handicap.

Il sera rappelé que la situation de handicap de Mme [J] était connue de l'employeur et non contestée par celui-ci.

Si Mme [J] verse aux débats des attestations de salariées, travailleuses handicapées, indiquant rencontrer 'les mêmes difficultés' avec la direction des ressources humaines, il y a lieu de constater que ces témoignages ne sont pas étayés par des éléments relatifs aux propres évolutions de carrière des intéressées. Ainsi, la cour, qui ne dispose pas d'élément relatif à leur carrière, n'est pas en mesure d'apprécier le positionnement des salariées au sein de Pôle Emploi au regard de leur ancienneté, de leurs fonctions.

L 'article 20 de la convention collective prévoit :

1. L'évolution des capacités professionnelles et de la technicité des agents est valorisée dans leur déroulement de carrière. Une démarche de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences est mise en place de façon négociée pour se donner les capacités d'anticipation nécessaire sur les évolutions des métiers et les adaptations des ressources humaines aux missions de Pôle emploi. Un accord annexé à la présente convention collective prévoit notamment dans ce cadre des dispositifs précis et concrets en vue d'assurer la suppression des inégalités salariales entre les hommes et les femmes et des perspectives de déroulement de carrière égales entre les hommes et les femmes. Il définit des mesures correctrices après réalisation d'un bilan des écarts de rémunérations entre les hommes et les femmes.

Il prévoit également des objectifs précis en matière d'évolution de l'emploi, de développement des compétences et de perspectives de déroulement de carrière (promotion).

Le déroulement de carrière doit permettre une réelle promotion des agents en proposant différentes possibilités d'évolution professionnelle. Les agents ont vocation à accéder à l'ensemble des niveaux de coefficients et de qualification de la classification des emplois, en lien avec leurs activités.

2. Le parcours professionnel valorise l'enrichissement et l'élargissement des connaissances et des compétences, quel que soit le type de parcours suivi, et permet l'adaptation des compétences des agents aux évolutions d'emplois rendues nécessaires par les modifications techniques, réglementaires ou de l'offre de service.

3. Le déroulement de carrière s'opère par progression de coefficient qui traduit et reconnaît la montée en qualification de l'agent dans sa fonction. L'attribution d'un échelon dans le niveau de qualification détenu traduit et reconnaît la maîtrise des compétences et l'expérience acquise dans le poste. Ainsi, il est légitime, dans le cadre du maintien dans un même emploi de reconnaître l'expérience acquise du fait de la pratique courante et continue des activités professionnelles. L'agent peut également progresser par changement de fonction.

4. La situation d'un agent n'ayant pas vu sa situation professionnelle modifiée depuis 3 ans fait l'objet d'un examen systématique par la hiérarchie, en vue de l'attribution d'un échelon supérieur sans exclure la possibilité d'un relèvement de traitement dans le cadre de l'article 19.2 de la convention collective si la première mesure s'avère épuisée. Ce relèvement de traitement ne peut avoir comme conséquence le report du délai visé ci-dessus. En cas de non-attribution d'un échelon supérieur, celle-ci est justifiée par écrit à l'agent sur la base de critères objectifs relatifs à la qualité de son activité professionnelle.

Les désaccords éventuels peuvent faire l'objet d'un recours par l'intermédiaire des délégués du personnel et la réponse de l'établissement doit être argumentée.

Par ailleurs afin de favoriser la reprise de son déroulement de carrière, le supérieur hiérarchique propose à l'agent concerné un plan de progrès (immersion, bilan de compétences, formation, reconversion...) comprenant toute mesure favorable à son développement professionnel.

Si conformément à ces dispositions, le salarié qui n'a pas bénéficié d'une évolution de sa situation depuis trois ans doit faire l'objet d'un examen systématique de la part de sa hiérarchie, il n'en découle pas systématiquement un relèvement de l'échelon puisqu'en cas de non relèvement, cette décision peut faire l'objet d'un recours.

A ce titre, il a été précédemment constaté que la salariée avait déjà saisi la commission de recours, ce qu'elle ne justifie pas avoir fait depuis 2012.

Les évolutions individuelles d'échelon ne présentent aucun caractère d'automaticité et il y a lieu de constater que la salariée n'évoque pas, et, partant, ne produit aucun élément précis démontrant la progression de collègues auxquels elle pouvait utilement se comparer.

L'article 3.1 de l'accord TH Pôle emploi 2015 prévoit que les responsables hiérarchiques doivent être particulièrement attentifs au fait que le handicap ne doit pas constituer un frein à l'évolution de la personne handicapée dans l'exercice de ses responsabilités professionnelles.

Si la salariée établit avoir candidaté sur un poste au sein de l'agence d'[Localité 5], il ne ressort pas des éléments produits que ce rejet de candidature soit lié à la situation de handicap de l'intéressée en ce qu'il ressort des pièces et documents du dossier que depuis 2018, Mme [J] a postulé sur 8 postes différents, sans qu'aucune candidature ne se soit portée sur un poste de conseillère de gestion des droits, Mme [J] ayant postulé sur des postes dont elle ne maîtrisait pas les compétences. Ainsi, il ressort des éléments produits que la salariée a notamment postulé sur les postes de gestionnaire contentieux et chargée de maîtrise des risques, sans qu'il ressorte des éléments produits qu'elle disposait des pré-requis nécessaires.

Enfin, si la salariée soutient qu'au sein de Pôle Emploi, les salariées femmes changent de coefficient toutes les 3,03 années en moyenne, elle ne produit pas d'éléments en ce sens.

Au vu de ces éléments, la cour constate l'absence d'éléments de nature à laisser présumer l'existence d'une discrimination en lien avec le handicap.

Par infirmation du jugement entrepris, Mme [J] doit être déboutée de ses demandes d'attribution des coefficients 230-1 (245) à compter du 1er juin 2015 et 230-2 (260) à compter du 1er juin 2018 ainsi que de sa demande de condamnation de Pôle Emploi à reconstituer sa carrière sur la base du coefficient 230-2 (soit 260) à compter du 1er juin 2018.

3/ Sur la demande au titre du préjudice moral

Mme [J] sollicite la réparation du préjudice moral résultant de son positionnement sur un coefficient ne correspondant pas à la réalité de ses missions, du non respect des dispositions de l'accord TH Pôle emploi relatif à la prise en compte de la situation des travailleurs handicapés, reprochant notamment à l'employeur de ne pas avoir pris en compte ses commentaires développées lors de ses entretiens professionnels annuels.

Pôle emploi Normandie s'y oppose au motif que la situation de travailleur handicapé de Mme [J] a été prise en compte à travers l'évolution de ses missions, indiquant que sur la liste de 66 personnes ayant la même ancienneté que la salariée 32 ont un coefficient inférieur à celui de Mme [J], 28 ont le même coefficient et seulement 6 personnes ont un coefficient supérieur.

En outre, l'employeur considère que la salariée ne justifie pas de son préjudice.

Sur ce ;

L'article 3.1 de l'accord TH Pôle emploi 2015 prévoit que les responsables hiérarchiques doivent être particulièrement attentifs au fait que le handicap ne doit pas constituer un frein à l'évolution de la personne handicapée dans l'exercice de ses responsabilités professionnelles.

Il résulte des développements qui précèdent que dans les faits, l'employeur a pris en compte la situation de santé de Mme [J] pour lui confier des fonctions adaptées.

Néanmoins, l'employeur ne lui a pas reconnu spontanément la classification de technicien expérimenté ce qui lui a causé un préjudice moral dont la réparation a été justement appréciée par les premiers juges.

Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

4/ Sur les dépens et frais irrépétibles

Chacune des parties succombant partiellement dans ses prétentions conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement, en dernier ressort ;

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Rouen du 26 décembre 2019 sauf en ce qu'il a accordé à Mme [O] [J] le bénéfice du coefficient 230-1 (soit 245) à compter du 1er juin 2015 et le bénéfice du coefficient 230-2 (soit 260) à compter du 1er juin 2018 ainsi que les rappels de salaire y afférents ;

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant :

Déboute Mme [O] [J] de ses demandes tendant à obtenir le bénéfice du coefficient 230-1 (soit 245) à compter du 1er juin 2015 et le bénéfice du coefficient 230-2 (soit 260) à compter du 1er juin 2018 et des rappels de salaire y afférents ;

Déboute Mme [O] [J] de sa demande de condamnation de Pôle Emploi à reconstituer sa carrière sur la base du coefficient 230-2 (soit 260) à compter du 1er juin 2018 ;

Rejette toute autre demande ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens à hauteur d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00609
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;20.00609 ?
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