N° RG 20/02905 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IRU4
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 12 JANVIER 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DU HAVRE du 10 Août 2020
APPELANT :
Monsieur [J] [N]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Christophe MEYNIEL de la SELARL Tréville Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
S.A.S. FILIASSUR
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Maëlle CARRIER, avocat au barreau de CAEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 23 Novembre 2022 sans opposition des parties devant Madame BERGERE, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. GUYOT, Greffier
DEBATS :
A l'audience publique du 23 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 Janvier 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 12 Janvier 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 7 mai 2013, M. [J] [N] a été engagé par la SAS Filiassur, en qualité de chef de projet marketing par un contrat de travail à durée indéterminée avec prise d'effet au 13 mai 2013.
La relation contractuelle des parties était soumise à la convention collective nationale des entreprises de courtages d'assurance et de réassurance.
Le 1er décembre 2017, M. [J] [N] a été promu directeur des opérations.
Le 16 juillet 2018, il a été convoqué à un entretien préalable aux fins d'un éventuel licenciement et mis à pied à titre conservatoire dans l'attente de la décision à intervenir.
Le 1er août 2018, le licenciement pour faute grave a été notifié au salarié.
Par requête du 4 octobre 2018, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes du Havre aux fins de contestation de son licenciement ainsi qu'en paiement de rappels de salaires et indemnités.
Par jugement du 10 août 2020, le conseil de prud'hommes a jugé que le licenciement de M. [N] repose sur des motifs réels et sérieux et l'a débouté de toutes ses demandes y afférentes, jugé que la convention de forfait en jours est opposable au salarié et l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre, jugé qu'il ne rapporte pas la preuve d'un harcèlement moral, dit que sa demande au titre de la rémunération variable pour l'exercice 2018 est fondée, et en conséquence, condamné la société Filiassur à lui verser la somme de 11 666,66 euros, outre celle de 1 666,66 euros au titre des congés payés y afférents, condamné la société Filiassur à lui payer une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
M. [N] a interjeté appel de cette décision le 7 septembre 2020.
Par conclusions remises le 20 mai 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, M. [J] [N] demande à la cour de réformer et infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau de condamner la société Filliassur à lui verser les sommes suivantes :
20 000 euros bruts à titre de rémunération variable pour 2018, outre la somme de 2 000 euros au titre des congés payés y afférents,
2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution fautive de la convention de forfait,
158 131,87 euros bruts à titre de rappels de salaire pour heures supplémentaires, outre la somme de 15 813,19 euros au titre des congés payés y afférents,
91 022,25 euros bruts à titre de repos compensateur, outre la somme de 9 102,23 euros au titre des congés payés y afférents,
89 026,44 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
28 080,15 euros à titre d'indemnité de préavis, outre la somme de 2 808,02 euros au titre des congés payés y afférents,
3 108,90 euros bruts à titre de salaire au titre de la mise à pied , outre la somme de 310,89 euros au titre des congés payés y afférents,
20 068,04 euros à titre d'indemnité de licenciement,
89 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de plus-value sur titres,
10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'employeur à lui verser la somme de 1 200 euros à titre d'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile et d'y ajouter en condamnant la société à payer au même titre la somme de 3 000 euros au titre de la procédure d'appel, toutes ces sommes portant intérêts aux taux légal conformément aux dispositions applicables, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'employeur à lui remettre des bulletins de paie, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes à la décision à intervenir, débouter la société Filiassur de toutes ses demandes.
Par conclusions remises le 24 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la société Filiassur demande à la cour, à titre principal, de déclarer dépourvue d'effet dévolutif la déclaration d'appel régularisée le 7 septembre 2020, en conséquence constater que la cour n'est saisie d'aucun chef du jugement et d'aucune demande d'infirmation ;
- à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a :
- dit que le licenciement pour faute grave repose sur des motifs réels et sérieux et a débouté le salarié de toutes les demandes y afférents ;
- dit et jugé que la convention de forfait est opposable au salarié et l'a débouté de ses demandes y afférentes ;
- dit et jugé que le salarié ne rapporte pas la preuve d'un harcèlement moral et l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts ;
- débouté M. [J] [N] de sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance de plus-value sur titre ;
- en conséquence, le débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- à titre très subsidiaire, si la cour devait infirmer le jugement en ses chefs ayant dit opposable à M. [J] [N] la convention de forfait jours :
- le débouter de ses demandes de dommages et intérêts, de rappel d'heures supplémentaires, de repos compensateur et de travail dissimulé ;
- condamner M. [J] [N] à lui rembourser la somme de 11 077,23 euros bruts au titre des 36 jours de RTT acquis sur la période en exécution de la clause de forfait jours ;
- en tout état de cause, infirmer le jugement en ce qu'il a :
- dit et jugé que la demande d'[J] [N] au titre de la rémunération variable pour l'exercice 2018 est fondée, et condamné la société Filliasur à lui verser les sommes suivantes :
rémunération variable au titre de l'exercice 2018 : 11 666,66 euros ;
congés payés y afférents : 1 166,66 euros ;
article 700 du code de procédure civile : 1 200 euros ;
- en ce qu'il l'a condamnée à lui remettre un bulletin de salaire et attestation pôle emploi rectifiés dans un délai de 30 jours à compter de la notification du jugement, et aux éventuels dépens et frais d'exécution,
- en conséquence, statuant à nouveau, débouter M. [J] [N] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions, très subsidiairement, si la cour devait entrer en voie de condamnation, limiter le montant de celles-ci a de plus justes proportions en retenant un salaire de référence de 6 667 euros bruts et si la cour devait confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Filiassur à verser à M. [J] [N] la rémunération variable au titre de l'exercice 2018, limiter le montant correspondant à la somme de 11 666,66 euros à titre de rémunération variable pour l'exercice 2018,
- en tout état de cause, condamner le salarié à la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 20 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I - Sur l'effet dévolutif de l'appel
Aux termes de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa version en vigueur du 1er septembre 2017 au 1er janvier 2020, la déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l'article 58, et à peine de nullité :
1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;
2° L'indication de la décision attaquée ;
3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.
En vertu de l'article 562 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.
Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d'appel n'aurait pas été sollicitée par l'intimé.
Ainsi, il résulte de l'arrêt rendu par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation le 20 juillet 2020 (pourvoi n°19-16.954) que lorsque la déclaration d'appel se borne à solliciter la réformation et/ou l'annulation de la décision sur les chefs qu'elle énumère et que l'énumération ne comporte que l'énoncé des demandes formulées devant le premier juge, la cour d'appel n'est saisie d'aucun chef du dispositif du jugement, sans que cette absence d'effet dévolutif ne méconnaisse les dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En l'espèce, la déclaration d'appel de M. [N] du 7 septembre 2020 est formulée comme suit : 'mon client entend faire appel du jugement rendu le 10 août 2020 par la formation paritaire de la section encadrement du conseil de prud'hommes du Havre (RG n° F 18/ 00406). [...] L'appel est limité aux points suivants :
20 000 € bruts à titre de rémunération variable de l'exercice 2018 ;
2 000 € bruts à titre de congés payés afférents ;
2 500 € à titre de dommages et intérêts pour inexécution fautive de la convention de forfait
158 131,87 € bruts à titre d'heures supplémentaires ;
15 813,19 € à titre de congés payés afférents ;
91 022,25 € bruts à titre de repos compensateurs ;
9 102,23 € bruts de congés payés afférents ;
89 026,44 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé;
28 080,15 € bruts d'indemnité de préavis ;
2 808,02 € bruts à titre de congés payés sur préavis;
3 108,90 € bruts à titre de salaire au titre de la mise à pied ;
310,89 € à titre de congés payés y afférents;
20 068,04 € à titre d'indemnité légale de licenciement ;
89 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
15 000 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de plus-value sur titres ;
10 000 € à titre de dommages et intérêts harcèlement moral ;
2 500 € à titre d'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile,
ordonner à la société Filiassur de remettre à Monsieur [N] des bulletins de paie et des documents sociaux conformes à la décision à intervenir ; condamner la société Filiassur aux entiers dépens.'
Il convient de préciser que le dispositif de la décision attaquée est rédigé comme suit :
'Ordonne la jonction des affaires inscrites par Monsieur [J] [N] sous les numéros RG 18/406 et RG 19/433,
Dit et juge que l'instance unique sera poursuivie sous le N°RG 18/406,
Prend acte qu'aucune demande n'est formée à l'encontre de la SARL SGP en la personne de son représentant légal,
Dit que le licenciement pour faute grave de Monsieur [J] [N] repose sur des motifs réels et sérieux, et le déboute de toutes les demandes y afférents': dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, préavis, congés payés y afférent, indemnité de licenciement légale, mise à pied),
Dit et juge la convention de forfait opposable à Monsieur [J] [N] et le déboute de sa demande de dommages et intérêts, des heures supplémentaires, repos compensateur et travail dissimulé,
Dit et juge que Monsieur [J] [N] ne rapporte pas la preuve d'un harcèlement moral et le déboute de sa demande de dommages et intérêts,
Déboute Monsieur [J] [N] de sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance de plus-value sur titre,
Dit et juge que la demande de Monsieur [J] [N] au titre de la rémunération variable pour l'exercice 2018 est fondée,
En conséquence, Condamne la SAS FILIASSUR en la personne de son représentant légal à verser à Monsieur [J] [N] les sommes suivantes':
- 11'666,66 € (onze mille six cent soixante-six euros et soixante six centimes) à titre de rémunération variable de l'exercice 2018,
- 1.166,66 Euros (mille cent soixante six euros et soixante six centimes) au titre des congés payés afférents,
Rappelle que l'exécution provisoire est de droit pour les salaires et accessoire de salaire,
- 1'200,00 € (mille deux cents euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Dit que lesdites sommes seront assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du jugement,
Condamne la SAS FILIASSUR en la personne de son représentant légal à remettre à Monsieur [J] [N] un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi rectifiés dans un délai de 30 jours à compter de la notification du jugement et ce sans astreinte,
Fixe en application de l'article R.1454-28 du Code du travail, la moyenne des trois derniers mois de salaire de Monsieur [J] [N] à la somme de 7.141,08 euros (sept mille cent quarante et un euros et huit centimes),
Condamne la SAS FILIASSUR en la personne de son représentant légal aux éventuels dépens et frais d'exécution du présent jugement.'
Entendant se prévaloir de la jurisprudence sus-visée, la société Filliassur soutient que cette déclaration d'appel ne vise aucun des chefs de jugements de la décision critiquée, se contentant d'énumérer l'énoncé des demandes formulées devant les premiers juges, dont l'appelant a été débouté, de sorte qu'aucun effet dévolutif ne peut lui être accordé.
M. [N] conteste l'application de cette jurisprudence au motif qu'elle ne serait applicable qu'aux 'appels généraux' tendant à la réformation ou à l'annulation de l'intégralité de la décision de première instance et non aux 'appels limités, sur lesquels il n'existe aucun doute quant au but de réformation poursuivi.
Cette contestation est mal fondée car l'arrêt sus-visé rendu le 20 juillet 2020 vise, au contraire, exclusivement le cas d'un appel limité 'aux chefs de jugements suivants'.
De même, l'argument tendant à soutenir que la régularité de l'acte d'appel doit uniquement s'envisager sous l'angle de la nullité de la déclaration d'appel, qui en l'espèce, en l'absence de grief, ne saurait être retenue, n'est pas pertinent, dans la mesure où l'effet dévolutif de l'appel est une notion indépendante de la régularité de l'acte d'appel, qui, lors qu'il fait défaut, fait obstacle à la saisine de la cour d'appel, ce peu important que l'irrégularité en cause soit ou non sanctionnée par une nullité.
Enfin, sur les chefs de jugements critiqués, M. [N] fait valoir qu'en visant les demandes sur lesquelles il a été débouté, il a implicitement mais nécessairement visé les points tranchés en ce sens dans le dispositif du jugement, ce qui correspond, selon la circulaire d'application du décret n°2017-891 du 6 mai 2017 à la définition de la notion de 'chef de jugement', de sorte que son appel peut opérer effet dévolutif sur ces points.
Ce raisonnement ne peut être retenu par la cour. En effet, il convient de rappeler que le but de l'exigence d'énumération des chefs de jugements critiqués est de déterminer les contours de l'appel. Or, la seule référence aux demandes présentées en première instance, sans indiquer les chefs du dispositif correspondant ayant statué sur ces demandes, ne permet pas de définir l'enjeu du recours, puisque ces demandes peuvent avoir subi des sorts différents (irrecevabilité, rejet, condamnation') que l'appelant n'a pas nécessairement l'intention de critiquer en leur totalité.
Ainsi, en rappelant uniquement dans sa déclaration d'appel les chefs de demande présentés devant les premiers juges, sans préciser les chefs de jugement correspondant, il ne peut être considérer que M. [N] a visé dans ladite déclaration les points tranchés dans le dispositif du jugement qu'il entendait critiquer.
En conséquence, la cour constate qu'elle n'est saisie d'aucune demande de M. [N] tendant à voir réformer ou infirmer telle ou telle disposition du jugement entrepris.
II - Sur la demande au titre de la rémunération variable pour l'année 2018
Le contrat de travail impose au salarié de fournir une prestation de travail qui est la contrepartie du salaire. La possibilité est donnée à l'employeur de préciser encore ses attentes par la formulation d'objectifs professionnels plus précis, de manière à prendre en compte des situations nouvelles et évolutives qui ne peuvent être prévues au moment même de la conclusion du contrat de travail. Ces objectifs professionnels précis peuvent se présenter sous la forme d'une clause d'objectifs ou de résultat. Les objectifs peuvent être définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction. L'accord du salarié n'est pas nécessaire.
En outre, lorsqu'une prime d'objectifs constitue la partie variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité, elle s'acquiert au prorata du temps de présence du salarié dans l'entreprise au cours de l'exercice, peu important que les objectifs aient été ou non fixés. Il en va différemment uniquement lorsque le contrat de travail ou une disposition conventionnelle subordonnent expressément le paiement de la rémunération variable à la présence du salarié dans l'entreprise à la date de son versement. Dans cette hypothèse, le versement prorata temporis n'est plus de droit et doit résulter d'un usage ou d'une stipulation contractuelle pour que le salarié puisse y prétendre.
Enfin, si l'employeur peut valablement prévoir, en plus du salaire fixe, un élément de rémunération laissé à sa discrétion, ce caractère discrétionnaire ne doit néanmoins pas le conduire à traiter différemment des salariés placés dans une situation comparable. Une différence de rémunération entre des salariés exerçant un travail égal est licite, dès lors qu'elle est justifiée par des critères objectifs et pertinents, étrangers à toute discrimination. Si la différence de traitement découle d'une décision unilatérale de l'employeur, celui-ci doit nécessairement en justifier.
En l'espèce, par avenant signé le 30 avril 2015 applicable à compter du 1er mai 2015, les parties ont convenu de modifier le contrat de travail de M. [N] et d'arrêter sa rémunération comme suit : 'ARTICLE 5 : REMUNERATION La rémunération annuelle brute de Monsieur [J] [N] sera de :
' 80 000 € (quatre vingt mille euros), soit un brut mensuel de 6 667 € (six mille six cent soixante sept euros) sur 12 mois.
Le montant de la partie variable de la rémunération annuelle brute pourra atteindre 20 000 € (vingt mille euros) soumis à la réalisation des objectifs de chiffre d'affaires et de rentabilité qui sont décomposés comme suit :
' 12 k€ sur résultats vente;
' 8 k€ sur objectifs digitaux;
Les autres articles du contrat de travail restent inchangés.'
La société Filiassur ne conteste pas qu'aucun objectif n'a été fixé à M. [N] en 2018, de sorte qu'il pourrait prétendre à obtenir le maximum de la rémunération variable prévue à son contrat. Elle s'oppose néanmoins à cette demande en faisant valoir qu'il s'agit d'une rémunération variable couvrant l'année entière, de sorte que, n'étant pas présent à la date du versement de la prime, il ne peut en bénéficier, soulignant, en tout état de cause, qu'il ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un usage dont il résulterait un paiement prorata temporis.
Il ressort de l'analyse des pièces du dossier qu'aucune disposition principale ou annexe du contrat de travail ne subordonne expressément le paiement de la rémunération variable revendiquée par M. [N] à la présence du salarié dans l'entreprise à la date de son versement. De même, il est constant qu'aucune disposition conventionnelle n'est édictée en ce sens.
Dans ces conditions, et alors que, par ailleurs, il n'est pas sérieusement contesté que la prime d'objectifs litigieuse est versée au salarié en contrepartie de son activité, c'est à juste titre que les premiers juges ont alloué à M. [N], pour l'année 2018, une rémunération variable calculée sur la base d'une somme de 20 000 euros au prorata de son temps de présence sur l'exercice 2018.
En conséquence, le jugement entrepris est confirmé sur ce point, en ce compris sur les congés payés y afférents, s'agissant d'une contrepartie à la prestation de travail.
Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société Filiassur aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. [N] la somme de 1 800 euros au titre de ces mêmes dispositions pour les frais exposés en appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, dans la limite de sa saisine, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe ,
Constate l'absence d'effet dévolutif de l'appel interjeté par M. [J] [N], sa déclaration d'appel du 7 septembre 2020 ne saisissant la cour d'aucune demande tendant à voir infirmer ou réformer une ou plusieurs dispositions du jugement entrepris ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société Filiassur aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Déboute la société Filliassur de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Filiassur à payer à M. [J] [N] la somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente