N° RG 20/02011 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IPZU
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 18 JANVIER 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du POLE SOCIAL DU TJ D'EVREUX du 26 Mars 2020
APPELANTE :
Société [6] ([6])
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Jérôme DEREUX de la SELARL CARNO AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
URSSAF NORMANDIE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Mme [W] [Z] munie d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 15 Novembre 2022 sans opposition des parties devant Madame DE BRIER, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame DE BRIER, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 15 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 Janvier 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 18 Janvier 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame DE BRIER, Conseillère, pour la Présidente empêchée, Madame BIDEAULT et par M. CABRELLI, Greffier
* * *
FAITS ET PROCÉDURE :
Au cours de l'année 2016, la [6] ([6]) a fait l'objet d'un contrôle comptable d'assiette par l'URSSAF de Haute-Normandie, portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.
A l'issue des opérations de contrôle, l'inspecteur du recouvrement lui a notifié une lettre d'observations du 28 octobre 2016 comportant sept chefs de redressement et a procédé à un redressement forfaitaire d'un montant de 92 501 euros, soit 81 051 euros au titre des cotisations et 11 450 euros au titre des majorations de retard.
Après échange de courriers, l'URSSAF lui a envoyé une lettre de mise en demeure du 19 décembre 2016 sollicitant paiement de la somme de 92 501 euros.
Par courrier recommandé daté du 17 janvier 2017, la société [6] a saisi la commission de recours amiable, qui dans sa séance du 28 juin 2017 a rejeté son recours.
Par requête reçue au greffe le 28 juillet 2017, la société [6] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Eure, dont le contentieux a été transféré au tribunal de grande instance (pôle social) d'Evreux, devenu tribunal judiciaire.
Par jugement du 26 mars 2020, le tribunal a :
- débouté la société [6] de son recours,
- confirmé la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable,
- confirmé le redressement en son entier montant de 92 501 euros, soit 81 051 euros au titre des cotisations et 11 450 euros au titre des majorations de retard,
- condamné la société [6] à payer à l'URSSAF la somme de 92 501 euros,
- condamné la société [6] aux dépens nés après le 1er janvier 2019.
Par déclaration du 26 juin 2020, la société [6] a relevé appel de cette décision en visant chacune de ses dispositions.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Soutenant oralement à l'audience ses conclusions remises à l'audience, la société [6] demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :
- annuler le redressement,
- annuler la mise en recouvrement du 19 décembre 2016,
- par conséquent, débouter l'URSSAF de sa demande et annuler le redressement envisagé à hauteur de 92 501 euros,
- condamner l'URSSAF à lui payer la somme de 1 800 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'URSSAF aux dépens de l'instance.
Soutenant oralement à l'audience ses conclusions remises le 11 août 2022, l'URSSAF de Normandie, venant aux droits de l'URSSAF de Haute-Normandie, demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner la société [6] aux dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
I. Sur la demande d'annulation du redressement
La société [6] soutient qu'il appartient à l'URSSAF de justifier de ce qu'elle s'est effectivement conformée aux dispositions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale en adressant au moins quinze jours avant le début du contrôle, par courrier recommandé avec demande d'avis de réception, un avis du contrôle à intervenir ; qu'à défaut, la cour devra annuler le contrôle, sans qu'il soit nécessaire d'apporter la preuve d'un quelconque grief.
L'URSSAF fait valoir qu'elle a adressé le 18 mai 2016 l'avis de contrôle litigieux à la société [6], qui l'a réceptionné le 20 mai 2016, soit plus de 15 jours avant le début du contrôle fixé au 13 juin 2016.
Sur ce :
La société [6] ne prétend pas ne pas avoir reçu d'avis de contrôle à intervenir, ni ne soutient que les dispositions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale imposant un avis de contrôle à venir n'auraient pas été respectées.
Surabondamment, l'URSSAF verse aux débats le courrier litigieux, daté du 18 mai 2016, accompagné de l'accusé de réception signé le 20 mai et annonçant un contrôle à partir du 13 juin 2016.
Les dispositions de l'article R. 243-59 ayant été respectées, la société [6] ne peut qu'être déboutée de sa demande d'annulation du redressement.
II. Sur le bien fondé des sommes réclamées au titre du redressement
1- sur le chef de redressement n° 1 (rupture non forcée du contrat de travail : assujettissement)
La société [6] soutient que Mme [F] [X] a quitté l'entreprise, non dans le cadre d'un départ volontaire en retraite, mais dans le cadre d'une mise à la retraite d'office, de sorte que son indemnité de départ en retraite n'a pas à intégrer l'assiette des cotisations et contributions sociales. Elle estime que l'erreur sur ce point, qui affecte la DADS, ne doit pas prévaloir sur la réalité économique et juridique.
L'URSSAF rappelle que seules les indemnités versées dans le cadre d'une rupture à l'initiative de l'employeur peuvent bénéficier d'une exclusion d'assiette ; qu'en l'occurrence, la DADS 2013 fait état d'un départ volontaire à la retraite, tandis que le bulletin de salaire mentionne « indemnité de mise à la retraite » ; que la société [6] n'a pas justifié du courrier indiquant le motif exact du départ ; qu'en outre, la salariée n'avait pas atteint, lors de son départ, l'âge à partir duquel il est possible de faire l'objet d'une mise à la retraite d'office par l'employeur.
Sur ce :
L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans ses versions successivement applicables au litige dispose qu'est exclue de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa, dans la limite d'un montant fixé à deux fois la valeur annuelle du plafond mentionné à l'article L. 241-3, la part des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail qui n'est pas imposable en application de l'article 80 duodecies du même code (visant notamment une fraction des indemnités de mise à la retraite).
En l'espèce, la déclaration annuelle des données sociales (DADS) 2013 mentionne un « départ volontaire à la retraite » de Mme [F] [D] épouse [X], et le bulletin de paie de celle-ci portant sur le mois de septembre 2013 fait état d'une « indemnité de mise à la retraite » de 27 416, 67 euros. Il est certes produit une attestation sur l'honneur de M. [C] [X] par laquelle il affirme avoir mis à la retraite la salariée. Mais cette attestation émanant d'une personne à la fois gérante de l'entreprise [8] et conjoint de la salariée en cause n'a pas de véritable valeur probante. En outre, aucune autre pièce ne vient étayer l'allégation de l'employeur :
- l'inspecteur a expressément contesté dans sa réponse à l'employeur du 2 décembre 2016 avoir eu connaissance à un quelconque moment d'une lettre de mise à la retraite, et allègue que « d'après les informations recueillies, Mme [X] est partie à la retraite volontairement afin de reprendre une activité salariée auprès de la [8], dont Monsieur [C] [X], son conjoint, est le gérant » ;
- la lettre du 28 juin 2013 « formalisant la mise à la retraite d'office de Mme [F] [X] », annoncée dans ses conclusions par l'employeur, n'est pas versée aux débats, la pièce n° 5 de la société n'étant composée que de la DADS et du bulletin de paie, ce que l'URSSAF fait d'ailleurs remarquer dans ses conclusions sans que la société ne réagisse.
En outre, à l'époque de son départ de l'entreprise, Mme [X] née en 1950 n'avait que 63 ans et n'était donc pas susceptible de faire l'objet d'une mise à la retraite d'office par son employeur, ainsi qu'il résulte des articles L. 1237-5 du code du travail, L. 351-8, L. 161-17-2 et D. 161-2-1-9 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable en 2013.
En l'absence de preuve d'une mise à la retraite à l'initiative de l'employeur, la réintégration du montant de l'indemnité litigieuse dans l'assiette de cotisations et contributions sociales est justifiée.
Le redressement de ce chef est confirmé.
2- sur le chef de redressement n° 2 (application des CSG et CRDS à la contribution patronale au financement des prestations complémentaires de prévoyance)
La société [6] évoque une erreur de calcul du logiciel utilisé du fait d'un défaut de paramétrage et fait valoir qu'elle a procédé spontanément à la correction des paramètres et changé de logiciel de paie. Elle signale qu'au vu de ces éléments et de la complexité des calculs de cotisations elle a sollicité la remise gracieuse des rappels de cotisations et des contributions.
L'URSSAF estime que l'erreur du logiciel et la complexité de la législation ne sauraient remettre en cause le redressement opéré. Elle soutient que les cotisations et contributions sociales ne peuvent faire l'objet d'une remise.
Sur ce :
Le principe et le quantum du redressement ne sont pas contestés par la société [6], qui se contente d'évoquer le fait qu'elle aurait sollicité une remise gracieuse.
Mais si l'article L. 256-4 du code de la sécurité sociale prévoit la possibilité d'une réduction de la créance de la caisse à certaines conditions, cette possibilité n'est offerte que pour les créances autres que les cotisations et majorations de retard.
Le fait que le redressement de cotisations et contributions sociales puisse en l'espèce avoir pour origine une erreur de paramétrage d'un logiciel, que l'employeur aurait corrigée ensuite, est indifférent.
Le redressement est confirmé de ce chef.
3- sur le chef de redressement n° 3 (frais professionnels non justifiés : utilisation du véhicule personnel - indemnités kilométriques)
La société [6] soutient que l'URSSAF ne peut remettre en cause les copies des factures d'entretien qui lui ont été communiquées pour justifier du nombre de kilomètres accomplis, en faisant remarquer que le garagiste, qui ne travaille pas sur informatique, n'émet que des factures manuscrites. Elle ajoute que les déplacements de chacun des salariés sont justifiés professionnellement et ont été réalisés dans l'intérêt social de la société.
L'URSSAF reproche à la société [6] d'avoir remboursé plus de kilomètres qu'il n'en a été réellement accomplis, cela concernant trois salariés. Elle reproche à l'employeur de ne pas lui avoir transmis, pour justifier les kilométrages allégués, les originaux des factures d'entretien certifiées conformes à l'original, et de n'avoir transmis aucun document concernant certaines périodes.
Sur ce :
S'agissant des frais professionnels, l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale renvoie à un arrêté interministériel la définition des « conditions et limites » de leur déduction de l'assiette des sommes soumises à cotisation, en l'occurrence à l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale.
En application de l'article 1er de cet arrêté, les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du salarié, que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions.
L'article 2 de l'arrêté précise que l'indemnisation des frais professionnels s'effectue :
- soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié. L'employeur doit alors apporter la preuve que le salarié est contraint d'engager ces frais supplémentaires et produire les justificatifs des dépenses réellement exposées,
- soit sur la base d'allocations forfaitaires. L'employeur est alors autorisé à déduire leurs montants dans les limites fixées par l'arrêté, sous réserve de la démonstration de l'utilisation effectives de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet, étant précisé que cette condition est réputée remplie lorsque les allocations sont inférieures ou égales aux montants fixés par le présent arrêté, notamment à l'article 4.
L'article 4 indique que lorsque le travailleur salarié ou assimilé est contraint d'utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles, l'indemnité forfaitaire kilométrique est réputée utilisée conformément à son objet dans les limites fixées par les barèmes kilométriques annuellement publiés par l'administration fiscale.
En l'espèce :
* s'agissant de M. [C] [X] :
- il n'est pas reproché d'indemnisation excessive avant juillet 2013, période au cours de laquelle M. [X] n'avait en tout état de cause pas de véhicule ;
- il ressort des constatations de l'inspecteur contenues dans la lettre d'observations que pour la période du 1er juillet 2013 au 8 septembre 2015, M. [X] a été indemnisé à hauteur de 44 051,84 kilomètres ; que cependant, les factures produites font état d'un kilométrage à 0 le 3 juillet 2013 et à 33 254 le 8 septembre 2015, et cela alors même que ce véhicule lui est personnel et sert donc également à ses déplacements privés ;
- il ressort de cette même lettre d'observations que pour la période suivante, jusqu'à la fin de la période contrôlée, il n'a été produit par l'employeur que la photocopie d'un duplicata de facture manuscrite datée du 6 décembre 2015, sur laquelle apparaît le cachet du garage et la mention « certifié conforme le 11/10/2016 » sans signature cependant, de sorte que la valeur probante de ce document est faible. En tout état de cause, l'employeur lui-même remet en cause le chiffre de 67 840 kilomètres mentionné sur cette facture, sans apporter aucun autre élément permettant de justifier les kilomètres accomplis jusqu'au 31 décembre 2015.
Le nombre de kilomètres effectivement parcourus à des fins professionnelles justifiant l'exclusion de l'assiette de cotisations n'est donc pas établi.
* s'agissant de Mme [L] [I] [X], il ressort des constatations de l'inspecteur contenues dans la lettre d'observations et des factures (copies de duplicata manuscrits) produites que :
- pour la période du 1er janvier au 31 mai 2013, la salariée a été indemnisée à hauteur de 17 148,50 kilomètres alors que les relevés kilométriques au compteur ne laissent apparaître que 13 052 kilomètres parcourus, et cela sur une période plus longue (entre le 17 octobre 2012 et le 23 mai 2013) et alors que son véhicule sert tant aux déplacements professionnels que personnels ;
- pour la période du 1er juillet 2013 au 30 juin 2015, elle a été indemnisée à hauteur de 90 249,50 kilomètres alors que le relevé kilométrique au compteur ne laissait apparaître que 46 572 kilomètres parcourus, et cela alors que son véhicule sert tant aux déplacements professionnels que personnels ;
- il n'est pas produit d'autre justificatif des kilomètres effectivement parcourus sur les six derniers mois de l'année 2015. En outre, le kilométrage parcouru entre juillet 2015 et juillet 2016 apparaît encore une fois nettement inférieur (26 928 km) au nombre de kilomètres indemnisés sur cette même période (44 051,84 euros).
Le nombre de kilomètres effectivement parcourus à des fins professionnelles justifiant l'exclusion de l'assiette de cotisations n'est donc pas établi.
* s'agissant de M. [G] [A], il ressort des constatations de l'inspecteur contenues dans la lettre d'observations et des factures produites que :
- il n'a pas été produit de justificatif des kilomètres parcourus avant le 27 février 2015. L'employeur admet que le salarié a pu utiliser un véhicule de location et l'a rendu de sorte qu'il n'était pas en mesure de communiquer le carnet d'entretien mentionnant le kilométrage effectué.
- pour la période du 1er mars au 31 décembre 2015, le salarié a été indemnisé à hauteur de 49 281 kilomètres alors que les relevés de compteur laissent apparaître, sur une période plus longue (du 27 février 2015 au 26 février 2016) un kilométrage moindre (15 330 kilomètres). Et cela, encore une fois, alors que le véhicule servait aux déplacements tant professionnels que personnels du salarié.
Le nombre de kilomètres effectivement parcourus à des fins professionnelles justifiant l'exclusion de l'assiette de cotisations n'est donc pas établi.
Par ailleurs, la société [6] ne peut sérieusement soutenir que le montant du redressement opéré procède d'un calcul forfaitaire alors qu'elle admet qu'ont donné lieu à redressement 33 951 kilomètres indemnisés au profit de M. [A], 10 797 kilomètres indemnisés au profit de M. [X] et 43 677 kilomètres indemnisés au profit de Mme [L] [I] - [X]. Les débats mettent en évidence que le montant redressé repose sur le nombre exact de kilomètres litigieux.
Il en résulte que le redressement est justifié de ce chef.
4- sur le chef de redressement n° 4 (frais professionnels non justifiés : restauration hors des locaux de l'entreprise)
La société [6] fait valoir que les trois sociétés [6], [8] et [7], dont M. [X] est le gérant, sont liées par une convention de prestations de service qui prévoit un mécanisme de refacturation. Elle affirme que les frais professionnels litigieux sont justifiés et ont été réalisés dans l'intérêt social de la société.
L'URSSAF reproche à la société [6], qui a remboursé à Mme [I] [X] des indemnités forfaitaires de repas lorsqu'elle se rendait à [Localité 5] dans les locaux de la société [8], d'indemniser des déplacements effectués pour le compte de ce tiers, qui de ce fait ne sont pas nécessairement des déplacements professionnels au sens de l'article 3 de l'arrêté de 2002. Elle ajoute que l'indemnisation accordée à hauteur de 20 euros par repas excède les limites d'exonération.
Sur ce :
L'article 3 de l'arrêté du 20 décembre 2002 ci-dessus évoqué prévoit que les indemnités liées à des circonstances de fait qui entraînent des dépenses supplémentaires de nourriture sont réputées utilisées conformément à leur objet pour la fraction qui n'excède pas 15 euros par repas lorsque le travailleur salarié ou assimilé est en déplacement professionnel et empêché de regagner sa résidence ou lieu habituel de travail (« indemnité de repas »).
La société [6] verse aux débats les « contrats de prestation de service » par lesquels elle a convenu avec [8] d'une part, avec [7] d'autre part, d'effectuer pour le compte de ces dernières une prestation de « gestion de la comptabilité et de l'administratif général de la société », prestation rémunérée au prix de 11 euros HT par heure, devant faire l'objet d'une facturation mentionnant notamment la date et le lieu d'exécution de la prestation, le décompte détaillé de la prestation fournie, la somme à payer. Ces conventions sont susceptibles de justifier des déplacements professionnels de Mme [X], salariée de la société [6] effectuant pour le compte de son employeur la prestation ci-dessus décrite.
Pour autant, il n'est versé aucun justificatif, ni des facturations litigieuses, ni des frais engagés et indemnisés dans le cadre de cette prestation de service.
L'employeur ne justifie donc pas remplir les conditions lui permettant d'exclure de l'assiette de cotisations les indemnités allouées.
Le redressement est donc justifié de ce chef.
5- sur le chef de redressement n° 5 (frais professionnels non justifiés : frais inhérents à l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) - frais de téléphone)
La société [6] expose n'avoir pas fourni de téléphone à ses salariés comme le prévoyaient les contrats de travail, mais avoir en revanche remboursé les forfaits des téléphones personnels des salariés, qui permettaient à ces derniers de correspondre à tout moment avec les clients et partenaires de la société. Elle en déduit que ces frais ont été engagés dans l'intérêt social de la société et qu'ils sont justifiés.
L'URSSAF expose que la société rembourse des factures de téléphone portable personnel à Mme [L] [I] [X] et à M. [A] ; qu'elle rembourse en outre à ce dernier des factures d'abonnement internet ; que cependant, les contrats de travail ne qualifient pas de frais professionnels l'utilisation des outils issus des NTIC que les salariés possèdent personnellement ; que les avenants au contrat de travail, à effet rétroactif, précisent que les salariés seront remboursés à hauteur de 40 euros par mois pour le téléphone ; que ceux-ci ne précisent pas dans quelles proportions ils utilisent leur téléphone personnel à des fins professionnelles. L'URSSAF ajoute, concernant M. [A], que l'avenant au contrat de travail ne porte pas sur l'utilisation d'internet.
Sur ce :
L'article 7 du décret de 2002 précité énonce que les frais engagés par le travailleur salarié ou assimilé à des fins professionnelles, pour l'utilisation des outils issus des nouvelles technologies de l'information et de la communication qu'il possède, sont considérés comme des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi conformément au contrat de travail. Les remboursements effectués par l'employeur doivent être justifiés par la réalité des dépenses professionnelles supportées par le travailleur salarié ou assimilé.
Lorsque l'employeur ne peut pas justifier la réalité des dépenses professionnelles supportée par le travailleur salarié ou assimilé, la part des frais professionnels est déterminée d'après la déclaration faite par le salarié évaluant le nombre d'heures à usage strictement professionnel, dans la limite de 50 % de l'usage total.
En l'espèce, il est versé aux débats deux avenants aux contrats de travail de Mme [L] [X] et de M. [A], selon lesquels ces derniers utilisent leur téléphone privé à des fins professionnelles et perçoivent une indemnité forfaitaire de 40 euros par mois. Tous deux attestent avoir utilisé leur téléphone portable à des fins professionnelles pour la société [6]. Pour autant, ils ne précisent pas dans quelle proportion ils utilisaient leur téléphone à des fins professionnelles et il n'est produit aucune facture de téléphone. En outre s'agissant de M. [A], il n'est justifié ni des factures d'abonnement internet, ni de l'utilisation de cet outil à des fins professionnelles.
Le redressement est donc justifié de ce chef.
6- sur le chef de redressement n° 6 (réduction générale des cotisations)
La société [6] fait valoir que les modalités de calcul de la réduction d'impôts « loi Fillon » ont été paramétrées par son logiciel et estime que les calculs de réduction de cotisations ont été correctement effectués.
L'URSSAF expose que la société n'a pas procédé au calcul de la réduction générale des cotisations pour M. [K] en 2013 ; que ce calcul a généré un crédit ; que la société n'a pas procédé au calcul de cette même réduction pour Mme [I] [X] en 2013 et 2014 ; qu'en raison des réintégrations opérées dans le cadre du contrôle, il y avait lieu à un nouveau calcul, qui a généré concernant celle-ci une régularisation débitrice au titre de l'année 2015. L'URSSAF fait valoir que dans la mesure où les chefs de redressement sont maintenus, le recalcul opéré par l'inspecteur est justifié.
Sur ce :
Dès lors que les précédents chefs de redressement ont donné lieu à réintégration de certaines sommes dans l'assiette de cotisations et contributions sociales, il y avait lieu de procéder à un nouveau calcul des réductions Fillon, de sorte que le moyen présenté par la société, qui n'évoque que le calcul initial, effectué par elle avant le contrôle, est inopérant.
En outre, la société [6] n'apporte pas la preuve du caractère erroné du calcul opéré par l'URSSAF :
- qui lui est favorable s'agissant de l'année 2013, puisque le calcul aboutit à un crédit de 1 335 euros en faveur de la société, qui n'avait cette année-là pas procédé au calcul de la réduction générale des cotisations, notamment concernant M. [K].
- qui lui est défavorable s'agissant de l'année 2015, compte tenu de la réintégration dans l'assiette de cotisations des sommes litigieuses évoquées aux points 3, 4 et 5 du redressement.
Ce chef de redressement est justifié.
7- sur le chef de redressement n° 7 (réduction du taux de cotisations Allocations Familiales sur les bas salaires)
La société [6] fait valoir que les modalités de calcul de la réduction du taux de la cotisation AF sur les bas salaires ont été paramétrées par son logiciel et estime que les calculs de réduction de cotisations ont été correctement effectués
L'URSSAF expose avoir procédé, en raison des réintégrations opérées dans le cadre du contrôle, à un nouveau calcul de la réduction générale des cotisations, qui a généré pour Mme [I] [X] une annulation totale de cette réduction. Elle fait valoir qu'en effet, son salaire étant supérieur à 1, 6 fois le SMIC, la majoration de 1, 8% du taux de la cotisation d'allocations familiales était due sur le montant de ces rémunérations. L'URSSAF fait valoir que dans la mesure où les chefs de redressement sont maintenus, le recalcul opéré par l'inspecteur est justifié.
Sur ce :
Les précédents chefs de redressement ont donné lieu à réintégration de certaines sommes dans l'assiette de cotisations et contributions sociales, de sorte que la rémunération totale de Mme [I] [X] a excédé en 2015 le seuil de 27 984, 94 euros correspondant à 1, 6 fois le SMIC annuel tel que déterminé pour le calcul du coefficient de la réduction générale des cotisations. C'est donc à bon droit que l'URSSAF a exclu la réduction de 1, 8 point du taux des cotisations d'allocations familiales.
Le calcul initialement opéré par la société, avant contrôle, en appliquant une réduction de 1, 8 point au taux de cotisations allocations familiales, ne peut donc être retenu. Le moyen présenté par la société est donc inopérant.
Le redressement est justifié de ce chef.
8- Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.
III. Sur les frais du procès
En qualité de partie succombante, la société [6] est condamnée aux dépens d'appel.
Par suite, elle est déboutée de sa demande d'indemnité formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt rendu publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Déboute la société [6] de sa demande d'annulation du redressement,
Confirme le jugement rendu le 26 mars 2020 par le tribunal judiciaire d'Evreux, pôle social, en toutes ses dispositions,
Et y ajoutant,
Condamne la société [6] aux dépens d'appel,
Déboute la société [6] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA CONSEILLERE