N° RG 20/02342 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IQRR
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 18 JANVIER 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du POLE SOCIAL DU TJ D'EVREUX du 02 Avril 2020
APPELANTE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'EURE
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me François LEGENDRE, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
S.A. [4]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Katia BEKAS-PONET, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 15 Novembre 2022 sans opposition des parties devant Madame DE BRIER, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame DE BRIER, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 15 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 Janvier 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 18 Janvier 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par M. CABRELLI, Greffier.
* * *
FAITS ET PROCÉDURE :
Mme [K] [R], salariée de la société [4] en qualité de conducteur qualifié, a adressé à la caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) de l'Eure une déclaration de maladie professionnelle datée du 20 octobre 2016 ainsi qu'un certificat médical initial du 13 septembre 2016 faisant état d'une surdité perceptive neurosensorielle bilatérale, maladie inscrite selon le médecin au tableau 42 des maladies professionnelles.
Par lettre du 6 avril 2017, la caisse a notifié à l'employeur sa décision de prendre en charge la maladie 'atteinte auditive provoquée par les bruits lésionnels' au titre de la législation sur les risques professionnels.
La société a contesté cette décision en saisissant la commission de recours amiable de la caisse, qui n'a pas statué dans le délai prescrit.
La société a poursuivi sa contestation devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Eure, devenu le pôle social du tribunal judiciaire d'Évreux.
Par jugement du 2 avril 2020, le tribunal a :
- déclaré inopposable à la société la décision de prise en charge de la maladie déclarée par Mme [K] [R] le 20 octobre 2016,
- invité la caisse à en tirer toutes les conséquences de droit,
- infirmé la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable saisie le 9 juin 2017,
- condamné la caisse aux dépens nés après le 1er janvier 2019.
L'organisme social a régulièrement relevé appel de cette décision le 17 juillet 2020.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions remises le 1er mars 2021, soutenues oralement à l'audience, la caisse demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :
- confirmer sa décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par Mme [K] [R] le 20 octobre 2016 et la dire opposable à l'employeur,
- condamner la société [4] à lui payer une somme de 2 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La caisse fait remarquer que l'employeur ne s'est pas manifesté au cours du délai imparti pour prendre connaissance des pièces du dossier mis à sa disposition. Elle soutient qu'elle n'a pas à communiquer à l'employeur les éléments médicaux constituant les éléments de diagnostic, lorsque la première constatation médicale de l'affection ne résulte pas du certificat médical initial ; que les examens médicaux complémentaires, tel l'audiogramme en cas de surdité, sont des éléments de diagnostic et non des éléments constitutifs de la maladie professionnelle ; qu'ils sont soumis au secret médical ; qu'ils n'ont donc pas à être communiqués à l'employeur.
La caisse soutient par ailleurs que l'audiogramme a bien été réalisé après une cessation de l'exposition au bruit lésionnel d'au moins trois jours ; qu'ainsi, les conditions posées par le tableau 42 sont satisfaites.
Par conclusions remises le 29 août 2022, soutenues oralement à l'audience, la société demande à la cour de confirmer le jugement, de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge et de condamner la caisse à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société [4] reproche à la caisse une violation du principe du contradictoire, dès lors que le dossier constitué par celle-ci ne comprenait pas les audiogrammes obtenus pour objectiver la pathologie de Mme [K] [R]. Elle soutient à cet égard que les audiogrammes ne sont pas des éléments de diagnostic mais des éléments constitutifs de l'affection mentionnée au tableau 42, qui échappent au secret médical et que l'employeur doit pouvoir consulter.
Elle soutient également que la caisse ne rapporte pas la preuve de la réunion des conditions du tableau 42; qu'en effet, le certificat médical initial n'apporte aucune précision sur les éléments de diagnostic ; qu'en outre, les conditions de réalisation de l'examen ayant conduit au diagnostic sont inconnues, alors que le tableau 42 en fixe précisément les modalités ; qu'aucun audiogramme n'a été fourni par la salariée ; qu'aucune information n'est donnée sur le déficit auditif de Mme [K] [R], qui doit être d'au moins 35 dB.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur l'opposabilité de la décision de prise en charge de maladie professionnelle
C'est par de justes motifs, que la cour adopte, que le tribunal a déclaré inopposable à la société la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par Mme [K] [R], en rappelant que la caisse devait permettre à l'employeur de venir consulter les éléments recueillis et susceptibles de lui faire grief, dont fait partie l'audiogramme (qui échappe au secret médical en ce qu'il est nécessaire à la preuve de la réunion des conditions du tableau n° 42), et en relevant qu'il était constant que l'audiogramme évoqué par la caisse, réalisé le 13 septembre 2016 et ayant fondé le diagnostic du médecin conseil, ne figurait pas parmi les pièces consultées par la société.
La cour ajoute qu'il est indifférent que l'employeur n'ait pas effectivement exercé son droit de consultation.
Il y a donc lieu de confirmer la décision du tribunal, sans avoir à examiner les autres moyens au soutien de la demande.
2. Sur les frais du procès
La caisse, partie perdante, est condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à la société [4] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 2 avril 2020 par le tribunal judiciaire d'Évreux,
Y ajoutant :
Condamne la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Eure aux dépens d'appel
Condamne la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Eure à payer à la société [4] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE