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10/02/2023 | FRANCE | N°20/02567

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 10 février 2023, 20/02567


N° RG 20/02567 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IQ7Y





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE





ARRET DU 10 FEVRIER 2023











DÉCISION DÉFÉRÉE :



15/00220

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DU HAVRE du 22 Juin 2020







APPELANTE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU HAVRE

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN











INTIMEE :



Société [5]

[Adresse 4]

[Localité 3]



représentée par Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de TOULOUSE substituée par Me Virginie VOULAND, avocat au barreau de MARSEILLE

























COMPOSIT...

N° RG 20/02567 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IQ7Y

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 10 FEVRIER 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

15/00220

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DU HAVRE du 22 Juin 2020

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU HAVRE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

Société [5]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de TOULOUSE substituée par Me Virginie VOULAND, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 13 Décembre 2022 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. CABRELLI, Greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 13 Décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 Février 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 10 Février 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par M. CABRELLI, Greffier.

* * *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [F], ancien salarié de la société [6] en qualité d'agent technique, a établi, le 17 juin 2014, une déclaration de maladie professionnelle au titre d'une asbestose avec fibrose. A l'appui de cette déclaration était joint un certificat médical initial en date du 23 mai 2014 faisant état de : 'Fibrose pulmonaire typique en rayon de miel. Epaississement pleuraux en plaques avec calcification typique. Maladie professionnelle 30 A et B'.

La caisse primaire d'assurance maladie du Havre (la caisse) a instruit deux dossiers : l'un au titre d'épaississements pleuraux en plaques avec calcification typique et l'autre au titre d'une fibrose pulmonaire typique.

Le 25 novembre 2014, la caisse a notifié à la société [5] (la société), venant aux droits de la société [6], sa décision de prise en charge de ces deux maladies au titre de la législation sur les risques professionnels.

La société a saisi la commission de recours amiable (la CRA) d'une demande d'inopposabilité de la décision de la caisse du 25 novembre 2014. En sa séance du 2 mars 2015, la CRA a rejeté son recours.

La société a formé un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, devenu pôle social du tribunal judiciaire qui, par jugement du 22 juin 2020, a :

dit inopposables à la société les décisions de prise en charge des pathologies dont souffre M. [F] au titre de la législation professionnelle et notifiées à l'employeur le 25 novembre 2014.

La caisse a relevé appel de ce jugement le 23 juillet 2020.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions remises le 9 décembre 2022, soutenues oralement à l'audience, la caisse demande à la cour de :

constater l'effet dévolutif de l'appel,

infirmer le jugement rendu le 22 juin 2020 par le tribunal judiciaire du Havre,

déclarer opposables à la société les décisions de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, des pathologies dont est atteint M. [F].

Par conclusions remises le 8 décembre 2022 modifiées et soutenues oralement, à l'audience, la société, qui a indiqué abandonner son moyen tiré de l'absence d'effet dévolutif de l'appel, demande à la cour de :

confirmer le jugement dont appel en ce qu'il lui a jugé inopposables les deux décisions de prise en charge en date du 25 novembre 2014,

à titre subsidiaire: désigner tel expert médical qu'il plaira qui devra avoir pour mission de :

se faire communiquer l'entier médical de M. [F] et de toutes pièces utiles,

déterminer la date de première constatation de chacune des pathologies déclarées par M. [F],

dire à quelle date M. [F] a été informé d'un lien de causalité entre sa ou ses pathologies et son activité professionnelle,

condamner la caisse aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé détaillé de leurs moyens et arguments.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il y a lieu de constater qu'à l'audience la société [5] a renoncé au moyen tiré de l'absence d'effet dévolutif de l'appel.

1/ Sur le moyen tiré de la prescription de la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle

La société fait valoir que la demande de prise en charge de sa pathologie au titre de la législation sur les risques professionnels présentée le 17 juin 2014 par M. [F] se heurte à la prescription biennale dès lors qu'il ressort du colloque médico administratif et de la déclaration de maladie professionnelle que la date de la première constatation de la pathologie date du 16 avril 2005.

La société verse aux débats le rapport de son médecin conseil, le docteur [P], qui indique qu'il ressort du rapport médical d'évaluation du taux d'IPP de M. [F] que les pathologies ont été découvertes dans le cadre d'un bilan d'amiante, ce qui signifie que M. [F] bénéficiait d'un suivi médical post- professionnel ; qu'un compte rendu de scanner du 16 avril 2005 indiquait 'très discrètes plaques pleurales calcifiées.. peut être en relation avec l'exposition à l'amiante'.

La société reproche à la caisse, au regard du temps écoulé entre 2005 et le 23 mai 2014, date du certificat médical initial, de ne pas avoir recherché si le salarié avait eu connaissance du lien de causalité entre sa pathologie et sa situation professionnelle avant le 23 mai 2014, de ne pas avoir versé aux débats les éléments médicaux, la preuve des examens réalisés dans le cadre notamment du suivi médical post-professionnel.

Ainsi, à titre subsidiaire, la société demande à la cour d'ordonner une mesure d'expertise afin de déterminer, au vu de l'entier dossier médical de M. [F], à quelle date ce dernier a été informé d'un lien de causalité entre ses pathologies et son activité professionnelle.

La caisse soutient que le certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'activité professionnelle est le certificat médical initial daté du 23 mai 2014.

Elle indique que le compte rendu du scanner thoracique du 16 avril 2005 cité par le docteur [P] dans son rapport ne fait aucunement mention d'un possible lien avec le travail de M. [F], précise que la date de la première constatation médicale de la pathologie, n'est aucunement suffisante pour faire courir le délai de prescription puisqu'elle constitue seulement la date à laquelle la maladie a été révélée, indépendamment de tout lien avec le travail.

Sur ce ;

Il résulte de la combinaison des articles L 461-1 et L 431-2 du code de la sécurité sociale que le point de départ du délai de prescription de deux ans applicable à la demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle est la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle.

Le délai ne court qu'à compter de cette date quand bien même le salarié aurait suspecté un rapport entre sa maladie et son travail plusieurs années auparavant. Le lien entre la maladie et le travail ne peut pas résulter d'hypothèses émises par le salarié, en ce qu'il résulte d'un avis médical établissant ce lien.

Il appartient à la caisse, de démontrer que les conditions de prise en charge de la maladie de M. [F] sont remplies et que son action n'était pas prescrite.

En l'espèce, la caisse soutient que la date de délivrance du certificat médical initial, à savoir le 23 mai 2014, correspond à celle à laquelle M. [F] a eu connaissance du lien possible entre sa maladie et son activité professionnelle, ce certificat faisant expressément le lien entre la maladie et l'activité professionnelle.

Il ressort des éléments produits que si le salarié a effectué un scanner thoracique le 16 avril 2005, que de discrètes plaques pleurales calcifiées ont été constatées, il ressort du compte rendu médical du docteur [H] qu'une éventuelle exposition à l'amiante est évoquée, sans que ce compte rendu ne fasse le lien avec l'activité professionnelle de M. [F].

Etant rappelé que le seul diagnostic formé sur une pathologie ne constitue pas une information sur le lien possible entre la maladie et l'activité professionnelle, constatant que la société ne verse pas aux débats d'éléments suffisants tendant à établir qu'un certificat établissant ce lien ait été rédigé antérieurement, la cour considère qu'il résulte des éléments du dossier que ce lien n'a été établi que par le certificat médical du 23 mai 2014.

M. [F] ayant formalisé une demande de reconnaissance de maladie professionnelle le 17 juin 2014, soit dans le délai de deux ans, il y a lieu, par infirmation du jugement entrepris de dire non prescrite son action.

2/ Sur le moyen tiré de l'absence de preuve du caractère professionnel de la pathologie

La société soutient que la caisse ne rapporte pas la preuve que les éléments médicaux précisés par le tableau ont été vérifiés par le médecin.

Concernant la première maladie prise en charge au titre du tableau 30 B, la société indique que la preuve 'd'épaississements de la plèvre viscérale ...associés à des bandes parenchymateuses ou à une atélectasie par enroulement' n'est pas rapportée, le colloque médico administratif du 24 octobre 2014 produit par la caisse ne faisant état que de plaque pleurales, contestant l'allégation de la caisse selon laquelle il s'agirait de la même pathologie.

Concernant la seconde maladie prise en charge au titre du tableau 30 A, la société considère que la caisse ne rapporte pas la preuve du fait que M. [F] ait présenté une 'absestose: fibrose pulmonaire diagnostiquée sur des signes radiologiques spécifiques, qu'il y ait ou non des modifications des explorations fonctionnelles respiratoires', le colloque ne précisant pas quels sont les signes radiologiques spécifiques relevés qui justifieraient le bien fondé de la prise en charge et n'indiquant pas si les explorations fonctionnelles obligatoires ont été réalisées.

La caisse soutient avoir rempli son obligation, précisant que les conditions prévues par les tableaux sont remplies.

Elle rappelle que l'examen tomodensitométique est un élément de diagnostic qui n'a pas à figurer au dossier de l'assuré. Elle indique que la preuve de la réalisation de cet examen est établie dans la fiche du colloque médico-administratif du 24 octobre 2014, le médecin conseil ayant pris connaissance des éléments médicaux du dossier de M. [F].

La caisse précise que les plaques pleurales sont des épaississements pleuraux avec une atteinte de la plèvre pariétale.

En outre, la caisse indique que le médecin conseil a pris connaisance de l'examen tomodensitométique et a considéré que les conditions tant du tableau 30 B que du tableau 30 A étaient remplies.

Sur ce ;

Selon l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, une maladie est présumée d'origine professionnelle si elle est mentionnée dans un tableau de maladies professionnelles et qu'elle remplit les conditions prévues par ce dernier.

Dans les rapports caisse/employeur, il appartient à la caisse de démontrer que les conditions du tableau des maladies professionnelles dont elle invoque l'application sont remplies, et en particulier que la pathologie décrite dans le certificat médical accompagnant la déclaration de maladie professionnelle mentionne la maladie telle qu'elle est désignée dans le tableau, ou que des éléments objectifs du dossier constitué au moment de l'instruction permettent de démontrer cette adéquation.

En l'espèce, M. [F] a transmis le 17 juin 2014 à la caisse une déclaration de maladie professionnelle au titre d'une 'abestose avec fibrose pulm'.

A l'appui de cette déclaration était joint un certificat médical initial établi le 23 mai 2014 par le docteur [D], pneumologue libellé comme suit: 'Fibrose pulmonaire typique en rayon de miel. Epaississements pleuraux en plaques avec calcification typique. Maladie professionnelle 30 A et B.

La caisse a instruit deux dossiers, l'un au titre des épaississements pleuraux en plaques avec calcification typique, tableau 30 B des maladies professionnelles et l'autre au titre de la fibrose pulmonaire typique, tableau 30 A des maladies professionnelles.

En ce qui concerne la maladie déclarée au titre du tableau 30 A ( asbestose), ce dernier exige que cette maladie soit diagnostiquée sur des signes radiologiques spécifiques.

Figure aux débats, produits par la caisse, le certificat médical initial faisant apparaître le diagnostic d'asbestose et le colloque médico-administratif du 20 octobre 2014 faisant apparaître l'accord de son praticien-conseil et la réalisation d'un examen tomodensitométique .

L'employeur ne prouve pas que le diagnostic porté par le médecin traitant du salarié et par le praticien-conseil de la caisse est erroné et n'offre pas de le remettre en cause en sollicitant une mesure d'instruction.

Il convient dans ces conditions de dire que la preuve de la maladie est suffisamment établie par les éléments produits aux débats et que la condition médicale du tableau 30 A est satisfaite.

Le tableau n'exigeant pas qu'il y ait des modifications des fonctions respiratoires, il importe peu qu'il ne soit pas mentionné si des explorations fonctionnelles respiratoires ont été ou non réalisées.

En ce qui concerne la maladie déclarée au titre du tableau 30B, ce dernier exige que les plaques calcifiées soient confirmées par un examen tomodensitométrique.

La caisse produit aux débats le certificat médical initial faisant apparaître le diagnostic d'épaississements pleuraux en plaques avec calcification typique et le colloque médical du 20 octobre 2014 faisant apparaître l'accord du praticien-conseil de la caisse avec le diagnostic de plaques pleurales et la réalisation d'un examen tomodensitométrique.

L'employeur produit le rapport de son médecin-conseil dans lequel ce dernier fait valoir qu'il semble difficile que M. [F] soit indemnisé pour deux pathologies identiques sans qu'il persiste de séquelles fonctionnelles et qui prend position sur le taux d'IPP à accorder à M. [F].

Ce rapport n'établit en aucun cas que le scanner n'aurait pas fait apparaître de plaques pleurales puisqu'il révèle bien au contraire que le radiologue a indiqué que son examen avait montré quelques plaques pleurales calcifiées.

Le rapport de son médecin-conseil produit par l'employeur ne prouve donc pas que le diagnostic porté par le médecin-traitant de la victime et par le praticien-conseil de la caisse est erroné.

Le diagnostic de ces deux praticiens étant étayé par la référence à un scanner, dont il est au surplus établi que le compte rendu contient le constat de l'existences de plaques pleurales, et la fausseté de ce diagnostic ne faisant l'objet d'aucune preuve ni offre de preuve émanant de l'employeur, il convient de dire que la condition médicale du tableau 30B est satisfaite.

Les conditions médicales étant établies, il convient de déclarer opposables à la société [5] les décisions de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels des pathologies dont est atteint M. [F].

Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

3/ Sur les dépens

La société succombante est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort ;

Infirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire du Havre du 22 juin 2020 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

Rejette le moyen tiré de la prescription de l'action en reconnaissance de maladie professionnelle de M. [F] ;

Déboute la société [5] de ses demandes ;

Déclare opposables à la société [5] les décisions de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels des pathologies dont est atteint M. [F] ;

Condamne la société [5] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/02567
Date de la décision : 10/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-10;20.02567 ?
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