N° RG 20/04077 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IUBQ
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 23 FEVRIER 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 24 Novembre 2020
APPELANT :
Monsieur [G] [N]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Stéphane SELEGNY de la SELARL AXLAW, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Séverine LEBRET, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
Société VERRE SOLUTIONS anciennement dénommée Société SAINT GOBAIN GLASS SOLUTIONS GRAND OUEST qui venait aux droits de la Société SAINT GOBAIN GLASS SOLUTIONS PARIS CENTRE NORMANDIE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me François HUBERT, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 03 Janvier 2023 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 03 Janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 Février 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 23 Février 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [G] [N] a été engagé par la société Sonen exerçant sous l'enseigne Point P en qualité de chef de site par contrat à durée indéterminée du 7 avril 2008.
A la suite d'une convention tripartite établie entre M. [G] [N], la société Sonen et la société Glassolutions Paris Normandie du 3 avril 2015 en vue de la mutation concertée du salarié, un contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1er mai 2015 a été régularisé entre M. [G] [N] et la société Saint Gobain Glass Solutions Paris Centre Normandie aux droits de laquelle est venue la société Saint Gobain Glass Solutions Grand Ouest pour occuper le poste de directeur d'établissement s'agissant de celui de [Localité 3].
Ce dernier contrat était soumis à la convention collective de la Miroiterie, de la transformation et du négoce du verre.
Par suite d'une cession, la société Verre solutions se trouve aux droits de la société Saint Gobain Glass Solutions Grand Ouest.
Absent du 6 au 8 février 2017, du 22 février au 12 mars 2017, puis de manière continue à compter du 13 juin 2017, le licenciement pour absence prolongée et nécessité de procéder à son remplacement définitif a été notifié au salarié le 22 novembre 2017.
Le salarié, qui a contesté le licenciement, a signé un protocole d'accord transactionnel le 1er décembre 2017 avec la société prévoyant le versement de 55 600 euros en échange de la renonciation à agir à son encontre.
Le 19 novembre 2018, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen en contestation de la validité du protocole d'accord transactionnel ainsi qu'en nullité de son licenciement, outre diverses demandes indemnitaires et salariales.
Par jugement du 24 novembre 2020, le conseil de prud'hommes a :
- dit et jugé le protocole de transaction valable,
- dit et jugé bien fondé le licenciement de M. [N],
- dit et jugé opposable à M. [N] le statut de cadre dirigeant,
- dit que la société n'était redevable d'aucune somme au titre de la part variable de la rémunération du salarié pour la période du 1er mai 2015 au 22 février 2018,
- constaté l'absence de manquement à l'obligation de sécurité de résultat de la part de la société,
- constaté l'absence de manquement à l'obligation de formation et d'adaptation de la part de la société,
- constaté l'absence de clause de non-concurrence entre la société et le salarié,
- constaté l'absence de tout manquement de la société à l'égard du salarié,
- débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions principales et subsidiaires,
- condamné le salarié à payer à la société la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné le salarié aux dépens.
M. [N] a interjeté appel de la décision le 15 décembre 2020.
Par conclusions remises le 8 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [N] demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris ;
- prononcer la nullité de la transaction régularisée entre les parties ;
- prononcer la nullité du licenciement et condamner la société à lui payer la somme de 163 584 euros à titre de dommages et intérêts ;
- subsidiairement, déclarer sans cause réelle ni sérieuse le licenciement et condamner la société à lui payer la somme de 64 800 euros à titre de dommages et intérêts ;
- constater l'irrégularité de la procédure de licenciement à défaut de tenue d'un entretien préalable et condamner la société à lui payer la somme de 7 200 euros à titre d'indemnité ;
- condamner la société à lui payer la somme de 106 704 euros à titre de rappel de salaire sur la période couverte par la garantie d'emploi prévue par la convention collective,
- condamner la société à lui payer la somme de 36 876,20 euros à titre de rappel de salaire sur rémunération variable ;
- subsidiairement, condamner la société à lui payer la somme de 29 920,60 euros à titre de rappel de salaire sur rémunération variable ;
- constater qu'il ne relevait pas du statut de cadre dirigeant et condamner la société à lui payer les sommes suivantes :
heures supplémentaires 2015 : 19 006,48 euros
congés payés afférents : 1 900,65 euros
contrepartie obligatoire en repos 2015 (au-delà contingent annuel) : 10 083,30 euros
heures supplémentaires 2016 : 31 112,76 euros
congés payés afférents : 3 111,28 euros
contrepartie obligatoire en repos 2016 (au-delà contingent annuel) : 18 816,65 euros
heures supplémentaires 2017 : 11 775,72 euros
congés payés afférents : 1 177,58 euros
contrepartie obligatoire en repos 2017 (au-delà contingent annuel) : 4 931,45 euros
indemnité pour travail dissimulé : 43 200,00 euros
- condamner la société à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation ;
- condamner la société à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat ;
- condamner la société à lui payer la somme de 23 760 euros à titre de contrepartie financière à la clause de non-concurrence ;
- Subsidiairement, condamner la société à lui payer la somme de 19 800 euros à titre de contrepartie financière à la clause de non-concurrence ;
- condamner la société à lui remettre des bulletins de salaire, outre des documents de rupture rectifiés conformes à l'arrêt à intervenir et ce sous astreinte de 30 euros par jour de retard et par document passé un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision ;
- débouter la société de sa demande d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner à lui payer une indemnité de 4 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions remises le 7 décembre 2022,auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Verre solutions demande à la cour de :
- dire et juger M. [N] irrecevable et, en tout état de cause, mal fondé en son appel,
- confirmer l'ensemble des dispositions du jugement entrepris notamment en ce qu'il a dit et jugé valable le protocole d'accord transactionnel intervenu entre les parties, dit et jugé valable le licenciement de M. [N], dit et jugé que la société n'avait aucun commis aucun manquement à l'égard de ce dernier et a débouté M. [N] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions et l'a condamné à payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
En tout état cause,
A titre principal,
- dire et juger valable le protocole d'accord transactionnel du 1er décembre 2017 intervenu entre les parties,
- déclarer M. [N] irrecevable en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et, partant, les rejeter,
Subsidiairement, si la Cour devait juger que la transaction intervenue entre les parties devait être annulée
- condamner M. [N] à restituer la somme de 55 600 euros perçue à titre d'indemnité transactionnelle, avec intérêts au taux légal à compter de la date de son versement effectué par la société le 22 février 2018,
- dire et juger valable et bien-fondé le licenciement notifié à M. [N],
- dire et juger opposable à M. [N] le statut de cadre dirigeant,
- dire et juger que la société n'est redevable d'aucune somme au titre de la prime variable pour les années 2015 à 2018,
- dire et juger que la société n'a commis aucun manquement au titre de son obligation de sécurité,
- dire et juger que la société n'a commis aucun manquement au titre de son obligation de formation et d'adaptation,
- dire et juger l'absence de clause de non-concurrence opposable à la société,
- dire et juger que la société n'a commis aucun manquement à l'égard de M. [N],
En conséquence :
- débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [N] à verser à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner également aux dépens.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 15 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I - Sur la nullité de transaction
M. [G] [N] soulève la nullité de la transaction signée le 1er décembre 2017 aux motifs que son consentement a été vicié comme étant en grave dépression au moment de sa signature, le délai de saisine de la juridiction prud'homale s'expliquant par son incapacité à initier plus tôt cette procédure, alors que par ailleurs, sa signature en toute connaissance de cause ne peut se déduire du seul fait qu'il a signé une délégation de pouvoir, ni d'une formation sur une seule journée sur le thème du droit du travail, la nullité étant aussi encourue comme ne contenant pas de concessions réciproques au regard de la convention collective et de sa maladie, l'employeur étant tenu par une garantie d'emploi pendant deux ans jusqu'au 13 juin 2019, de sorte qu'il était dès lors tenu de lui verser au moins le salaire de la date de notification du licenciement jusqu'au 13 juin 2019, soit 137 444,69 euros et en ne lui versant que 55 600 euros bruts, aucune concession n'a été consentie par l'employeur.
La société Verre solutions, s'étonnant de l'absence de célérité du salarié pour en contester la validité en considération d'une saisine du conseil de prud'hommes le 19 novembre 2018, alors que le licenciement a été notifié le 22 novembre 2017, s'oppose à la nullité de la transaction aux motifs que le consentement du salarié n'a pas été vicié et que la transaction comporte des concessions réciproques.
Selon l'article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître.
Ce contrat doit être rédigé par écrit.
Elle ne peut être valablement conclue par le salarié licencié que lorsqu'il a eu connaissance effective des motifs du licenciement par la réception de la lettre de licenciement prévue à l'article L. 1232-6 du code du travail.
L'existence de concessions réciproques, qui conditionne la validité d'une transaction doit s'apprécier en fonction des prétentions des parties au moment de la signature de l'acte. Si, pour déterminer si ces concessions sont réelles, le juge peut restituer aux faits, tels qu'ils ont été énoncés par l'employeur dans la lettre de licenciement, leur véritable qualification, il ne peut, sans heurter l'autorité de chose jugée attachée à la transaction, trancher le litige que cette transaction avait pour objet de clore en se livrant à l'examen des éléments de fait et de preuve.
Il n'y a pas transaction lorsqu'une partie abandonne ses droits pour une contrepartie si faible qu'elle est pratiquement inexistante.
En l'espèce, le 1er décembre 2017, la société employeur, représentée par le responsable ressources humaines, et M. [G] [N] ont signé un protocole de transaction à la suite de la notification du licenciement pour absences répétées et nécessité de procéder à son remplacement définitif aux termes duquel, en contrepartie du versement de la somme de 55 600 euros à titre transactionnel, global, forfaitaire et définitif, en sus du préavis non effectué et payé du 23 novembre 2017 au 22 février 2017, M. [G] [N] se déclarait entièrement rempli de tous ses droits, de quelque nature qu'ils soient, résultant tant de l'exécution que des conditions et conséquences de la rupture du contrat de travail, de sorte qu'il renonçait à toute instance et action devant quelque juridiction que ce soit à l'encontre de la société SGGS Paris-Centre-Normandie, mettant ainsi un terme définitif à leur différent.
M. [G] [N] a perçu cette somme ainsi que l'indemnité conventionnelle de licenciement d'un montant de 20 184,32 euros.
Il n'est pas discuté que ce protocole a été régularisé après la notification du licenciement du 22 novembre 2017, même si le salarié allègue que l'employeur a souhaité négocier son départ en lui faisant deux propositions successives, ce qui n'est corroboré par aucun élément, comme il n'établit pas que sa convocation à entretien préalable ait été antidatée afin que la situation ait l'apparence de la régularité lorsque la transaction a été signée le 1er décembre 2017, la suspension du contrat de travail pour maladie ne suffisant pas à établir que la remise de la convocation à l'entretien préalable n'a pu s'effectuer par remise en mains propres le 25 octobre 2017 pour un entretien fixé au 9 novembre 2017, ainsi qu'il l'a lui-même mentionné sur le document écrit en tenant lieu, ni même qu'il lui aurait été demandé de ne pas ouvrir la lettre recommandée avec accusé de réception qu'il recevrait pour lui notifier son licenciement, alors qu'il a reçu une telle lettre datée du 22 novembre 2017, le 24 novembre suivant.
I-1Sur la validité du consentement du salarié lors de la signature du protocole
Selon l'article 1129 du code civil, il faut être sain d'esprit pour consentir valablement à un contrat.
M. [G] [N] invoque son état de grande dépression au moment de la signature de la transaction, l'empêchant ainsi de donner un consentement libre et éclairé, ce que savait la société compte tenu du contexte.
S'il est indéniable que M. [G] [N] a été recruté dans son dernier poste de directeur d'établissement, dans un contexte totalement nouveau pour lui par rapport à son poste antérieur et qu'il a été confronté à diverses difficultés en lien avec la découverte d'un univers industriel très différent de ce qu'il connaissait, avec la gestion d'un responsable de production ayant des problèmes personnels qualifiés lourds et un contexte économique donnant lieu à des résultats dégradés, de sorte qu'il s'est beaucoup investi pour réussir ce qu'il qualifiait, lors de son évaluation pour l'année 2015, de nouveau challenge, avec un impact sur son équilibre personnel, néanmoins, il n'a pas manifesté de souffrance particulière et d'ailleurs pour l'évaluation au titre de l'année 2016, dont l'entretien s'est déroulé le 9 février 2017, il indiquait avoir le sentiment aujourd'hui d'être à sa place, l'année 2016 ayant été bien différente de 2015 et si la charge de travail restait importante en terme d'animation, contrôle et reporting, il précisait parvenir plus facilement à préserver un équilibre vie privée/vie professionnelle, étant précisé que l'employeur justifie de ce qu'il a bénéficié de neuf journées de formation dispensées entre les 23 décembre 2015 et 29 mai 2017 pour l'accompagner dans cette évolution.
Il convient d'observer que ce dernier entretien d'évaluation est intervenu le 9 février 2017, alors que trois jours plus tôt, le 6 février 2017, M. [G] [N] s'était présenté aux urgences de la clinique de l'Europe pour un épisode d'oppression thoracique diffuse avec tremblement, sueurs, angoisse survenu sur le lieu de travail et que le salarié n'a alors pas estimé utile de l'évoquer pour justifier d'une fragilité naissante, puisqu'au contraire, il affirmait lui-même être à sa place dans son poste de directeur d'établissement.
Le salarié produit également :
- son arrêt de travail du 13 juin 2017, lequel a été renouvelé sans discontinuité jusqu'à la rupture du contrat de travail,
- son dossier médical dans le cadre du suivi par M. [T] [J] entre les 12 juin 2017 et 11 octobre 2017, consulté pour anxiété, crise d'angoisse, anhédonie stress lié à l'emploi, charge de travail et appréhension des problèmes, asthénie, le médecin posant le diagnostic de dépression,
- la justification de la mise en place du suivi par un psychiatre rencontré les 17 novembre 2017 et 10 janvier 2018
- les rendez-vous auprès du psychologue du travail du service de santé au travail les 4 et 25 octobre 2017,
- l'écrit de M. [D] [K], médecin du travail à la suite de la visite de pré-reprise du 13 septembre 2017, dans lequel il informait l'employeur qu'il fallait anticiper une inaptitude au poste de directeur dans ce domaine d'activité, notamment lorsque les décisions ne peuvent être prises de façon collégiale. Il est possible de proposer un autre poste correspondant aux compétences du salarié, éventuellement par le biais d'une formation.
Outre que ces éléments reposent pour l'essentiel sur les doléances émises par le salarié, il ne s'en déduit pas que le diagnostic de dépression posé en des termes très généraux, ait eu des conséquences sur les capacités cognitives et de réflexion générale du salarié au point de lui reconnaître une insanité d'esprit au sens de l'article 1129 du code civil, d'ailleurs contredite par l'avis du médecin du travail qui, s'il envisageait une inaptitude au poste de directeur dans son domaine d'activité, indiquait aussi qu'il pouvait lui être proposé un autre poste correspondant à ses compétences.
Ainsi, alors que compte tenu de ses responsabilités, M. [N] connaissait le sens à accorder à la signature d'un protocole d'accord transactionnel, que les praticiens qu'il a rencontrés, n'évoquent pas une atteinte de ses capacités l'empêchant de consentir librement, il n'est pas établi qu'il se trouvait dans un état de fragilité ou de vulnérabilité tel qu'il n'était pas en mesure d'apprécier la portée de son engagement en signant le protocole litigieux.
Il convient d'observer qu'aucun autre vice du consentement au sens de l'article 1130 du code civil (erreur, dol, violence) n'est évoqué.
I-2 Sur l'existence de concessions réciproques
Pour apprécier l'existence des concessions réciproques, le juge est tenu d'examiner l'ensemble des éléments participant aux droits et prétentions des parties au moment de la signature de l'acte, en ce compris les conditions de la garantie conventionnelle d'emploi dès lors qu'elle était applicable au moment de la signature de l'acte.
La société Verre solutions fait valoir que l'existence des concessions réciproques s'apprécie au regard de la motivation de la lettre de licenciement qui en l'espèce répond aux exigences jurisprudentielles comme visant les absences prolongées depuis le 13 juin ayant pour conséquence une perturbation très importante du fonctionnement de l'entreprise, de nature à imposer son remplacement définitif, qu'elles s'apprécient aussi en fonction des prétentions des parties au moment de la signature de la transaction, lesquelles en l'espèce portaient sur la rupture du contrat de travail, mettant ainsi fin à tout litige portant sur cette rupture en ce compris la clause de garantie d'emploi alléguée, laquelle en tout état de cause a été respectée.
L'examen de la lettre de licenciement montre qu'elle répond aux conditions fixées en ce qu'elle vise tant les absences prolongées du salarié que leur incidence sur le fonctionnement de l'entreprise, nécessitant qu'il soit procédé à son remplacement définitif, lequel a été effectif le 1er janvier 2018, soit dans un délai raisonnable compte tenu de la nature de l'emploi, directeur de site, rendant la procédure de recrutement nécessairement plus spécifique et longue.
S'agissant de la garantie conventionnelle d'emploi, l'article 11 de l'annexe encadrement de la convention collective de la miroiterie, de la transformation et du négoce du verre dispose que les absences résultant de maladie ou d'accident justifiées au plus tôt par l'intéressé et confirmées dans un délai d'envoi maximum de 48 heures, sauf cas de force majeure, ne constituent pas pendant 2 ans en principe, une rupture du contrat de travail pour le personnel d'encadrement comptant au moins 1 an d'ancienneté dans l'entreprise. L'employeur peut exiger un certificat médical.
L'article 12 précise que si l'absence impose le remplacement effectif de l'intéressé, ce remplacement ne pourra être que provisoire pendant une période d'absence de :
- 3 mois, si l'intéressé compte entre 6 mois et 1 an d'ancienneté ;
- 6 mois, si l'intéressé compte entre 1 an et 10 ans d'ancienneté ;
- 9 mois, si l'intéressé compte au moins 10 ans d'ancienneté.
Le remplaçant doit être informé du caractère provisoire de son emploi.
Il conserve sa classification et le coefficient y afférent pendant la durée de ce remplacement.
2. Le remplacement provisoire, effectué dans un emploi de classification inférieure, n'entraîne pas réduction d'appointements.
3. En cas de remplacement provisoire, effectué dans un emploi de classification supérieure, le remplaçant qui assure la responsabilité totale du poste bénéficie proportionnellement au temps passé d'une indemnité compensatrice lui assurant au moins le salaire minimum professionnel pratiqué dans l'emploi provisoire et perçoit les compléments de rémunération qui peuvent être prévus dans ce même emploi.
4. Si, après la durée du remplacement provisoire prévue ci-dessus, le remplaçant continue à assurer les fonctions qui lui ont été confiées à titre provisoire, il est promu à la classification correspondant aux fonctions exercées. Notification lui en est alors faite, conformément à l'article 22 de la présente convention.
5. Passé la période fixée ci-dessus en fonction de l'ancienneté, et sous réserve de la protection due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, si l'employeur est dans la nécessité de procéder à un remplacement définitif, la notification de ce remplacement définitif permettra, dans le cadre de la procédure légale, le licenciement du salarié remplacé avec paiement de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de licenciement.
Les employeurs s'engagent à ne procéder à un tel licenciement qu'en cas de nécessité et s'il n'a pas été possible de recourir à un remplacement provisoire.
6. Le personnel d'encadrement dont le contrat se trouverait rompu dans les conditions prévues au paragraphe précédent bénéficiera d'une priorité de réembauchage conformément aux dispositions de l'article 23 des clauses générales.
7. Au cours de l'absence pour maladie ou accident, la rupture du contrat peut cependant intervenir en cas de licenciement collectif ou suppression d'emplois pour raisons d'ordre économique.
En l'espèce, M. [G] [N] a été en arrêt de travail continu depuis le 13 juin 2017.
Compte tenu des dispositions conventionnelles, dès lors que le licenciement était notifié pour nécessité de procéder au remplacement définitif du salarié absent, l'exception au principe de la garantie d'emploi de deux ans prévue par l'article 11 s'applique et compte tenu de l'ancienneté du salarié de neuf ans, l'employeur ne pouvait pas procéder à son remplacement définitif avant un délai de six mois, soit le 13 décembre 2017, voire même le 1er janvier 2018, date de son remplacement définitif.
En l'espèce, le licenciement a été notifié le 22 novembre 2017, soit avant le terme du délai de protection, ce qui en soi n'a pas pour effet d'entraîner la nullité de la transaction.
En effet, si pendant la durée de l'exécution du contrat de travail un salarié ne peut renoncer même par voie de transaction aux avantages prévus par une convention collective, en revanche, lors de la rupture, dès lors que dans le cadre de la transaction chacune des parties concède des concessions, rien n'interdit de renoncer aux effets de dispositions conventionnelles.
Les concessions réciproques devant s'apprécier au regard des droits du salarié, prenant en compte le fait que son salaire lui était dû pendant toute la période de protection, laquelle s'achevait le 13 décembre 2017, voire à la date de son remplacement définitif le 1er janvier 2018 par M.[C] [A] ainsi que cela résulte du registre du personnel, soit un rappel correspondant au maximum à un mois et 8 jours, et qu'un tel licenciement est sans cause réelle et sérieuse, en considération du salaire mensuel de 5 616 euros, de l'ancienneté du salarié qui lui aurait permis de percevoir une indemnité maximale de 9 mois de salaire en application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, étant précisé que ce texte prévoit aussi qu'il peut être tenu compte des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, soit en l'espèce 20 184,32 euros, en lui versant la somme de 55 600 euros au titre de l'indemnité transactionnelle, correspondant à près de 10 mois de salaire, se trouvent caractérisées des concessions réciproques.
Aussi, alors que le protocole transactionnel est valide et qu'en application de l'article 2052 du code civil, la transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet, la cour déclare les demandes en lien avec l'exécution et la rupture du contrat de travail irrecevables, infirmant en ce sens le jugement entrepris.
II - Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie principalement succombante, M. [G] [N] est condamné aux entiers dépens, débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamné à payer à la société Verre solutions la somme de 1 000 euros en cause d'appel, en sus de la somme allouée en première instance pour les frais générés par l'instance et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
Dit M. [G] [N] irrecevable en ses demandes en lien avec l'exécution et la rupture du contrat de travail ;
Condamne M. [G] [N] aux entiers dépens de première d'instance et d'appel ;
Condamne M. [G] [N] à payer à La société Verre solutions la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;
Déboute M. [G] [N] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en appel.
La greffière La présidente