N° RG 20/03858 - N° Portalis DBV2-V-B7E-ITSY
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 02 MARS 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 27 Octobre 2020
APPELANT :
Monsieur [T] [O]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Vanessa JONES de la SELARL VANESSA JONES, avocat au barreau du HAVRE
INTIMEE :
Société THELEM ASSURANCES
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Valérie GRAY de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 13 Décembre 2022 sans opposition des parties devant Madame ALVARADE, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame ALVARADE, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DUBUC, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 13 Décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 02 Février 2023, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 02 Mars 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 02 Mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame ALVARADE, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
FAITS ET PROCÉDURE
La Société Thélem Assurances est une société d'assurance mutuelle qui dispose d'un réseau d'agences générales réparties sur le territoire national pour la commercialisation de ses produits d'assurance et la gestion de son portefeuille clients. Ses relations avec ses agents généraux sont définies aux termes d'un mandat dénommé « Traité de nomination ».
C'est dans ce cadre que le 30 mai 2008, la société Thélem assurances et M. [T] [O], exerçant la profession d'agent général indépendant, ont conclu un traité de nomination - mandat de gestion du portefeuille de clients au sein des agences de [Localité 6] et [Localité 3], et en dernier lieu, [Localité 4].
Le 27 mars 2015, l'inspecteur régional a réalisé un bilan de l'activité commerciale et du développement de l'agence à la suite duquel il a établi un compte-rendu le 7 avril 2015 permettant de relever des résultats négatifs et émis une alerte quant à la performance globale de l'agence.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 1er février 2019, la société a adressé à M. [O] une mise en garde formelle conformément aux dispositions du protocole d'accord du 17 décembre 1996 intégré au mandat d'agent général, lui indiquant envisager de prononcer la révocation du mandat pour insuffisance de production en l'absence d'évolution significative de l'activité commerciale au 30 avril 2019.
Par courrier recommandé du 1er avril 2019, M. [O] a, par la voie de son conseil, revendiqué l'existence d'un contrat de travail et mis en demeure la société de régulariser sa situation.
Suivant requête du 9 mai 2019, il a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la requalification de son mandat en contrat de travail à durée indéterminée.
Le 29 mai 2019, la société a prononcé la révocation du mandat qui lui a été confié pour insuffisance de production.
Par jugement du 27 octobre 2020, le conseil de prud'hommes de Rouen a jugé l'action de M. [O] recevable mais dit n'y avoir lieu à requalification du mandat d'agent général en contrat de travail, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à verser à la société la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
M. [O] a interjeté appel le 27 novembre 2020.
Par conclusions remises le 25 mai 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, M. [O] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté de l'ensemble de ses demandes ;
Statuant à nouveau,
- requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée ;
- fixer son salaire mensuel de référence à la somme de 5 749,83 euros brut ;
- en conséquence, condamner la société à lui verser les sommes suivantes :
5 749,83 euros au titre de l'indemnité de requalification ;
233.832 euros à parfaire en remboursement des salaires et cotisations salariales et patronales et autres sommes indûment réglées sur les trois dernières années non prescrites ;
84 903,48 euros à parfaire en remboursement des cotisations et charges sociales indûment réglées sur les trois dernières années non prescrites ;
221 650,04 euros à titre de remboursement du prêt outre les intérêts à parfaire ;
- constater que la société a commis des agissements caractérisant une situation de travail dissimulé ;
- en conséquence, condamner la société à lui régler la somme de 34 499 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé ;
- constater les manquements graves de la société ;
- en conséquence prononcer la résiliation judiciaire de la relation aux torts de la société ;
- fixer la résiliation judiciaire au jour de la rupture notifiée par la société le 31 mai 2019 ;
- en conséquence, condamner la société à verser à M. [O] les sommes suivantes :
17 249,50 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;
60 373 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
5 000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice moral et de carrière ;
- ordonner la remise sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par document à compter du prononcé de la décision :
- des bulletins de paie pour la période de mai 2008 à novembre 2019 jour de la rupture effective de la relation de travail ;
- des documents de fin de travail inhérents à la relation écoulée de mai 2008 au jour de la rupture effective de la relation de travail (solde de tout compte, attestation pôle emploi et certificat de travail) ;
- assortir l'ensemble des condamnations des intérêts au taux légal courant à compter de la date de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation pour les créances salariales, soit le 14 mai 2019, et à compter de la date du prononcé de la décision pour les autres sommes ;
- débouter la société de l'ensemble de ses conclusions, fins et demandes ;
- condamner la société à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions remises le 19 mai 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il dit M. [O] recevable en son action ;
Statuant à nouveau,
- dire la demande de requalification du mandat en contrat de travail prescrite et donc irrecevable et le débouter par voie d'incidence de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Subsidiairement,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il dit n'y avoir lieu à requalification du mandat en contrat de travail ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [O] de l'ensemble de ses demandes ;
- confirmer le jugement en sa condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant,
- condamner M. [O] à verser à la société la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel et en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel et dire que la Selarl Gray Scolan, avocats associés, sera autorisée à recouvrir pour ceux la concernant conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 24 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la prescription
A l'action en requalification du contrat de mandat en contrat de travail, la société oppose la prescription en application de la loi 2013-504 du 14 juin 2013 portant le délai de prescription de cinq ans à deux ans, dont les dispositions ne trouvent à s'appliquer qu'aux prescriptions encore en cours à la date de sa promulgation.
Elle fait valoir que le point de départ du délai de prescription de l'action en requalification d'un contrat, quelqu'il soit, en contrat de travail se fixe à la date de signature de ce dernier,
que M. [O] avait connaissance dès le début de la collaboration des éléments qu'il avance pour contester son statut d'agent général d'assurance, ceux-ci étant inscrits au contrat de mandat signé le 30 mai 2008,
que compte tenu du délai de prescription qui était de cinq ans et expirait au 30 mai 2013, l'action qui a été introduite le 9 mai 2019, soit 11 ans après la signature de son premier mandat, est irrecevable.
Il est toutefois acquis que l'action tendant à qualifier un contrat dont la nature est incertaine en contrat de travail est une action personnelle qui relève de la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil, lequel prévoit que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer », le point de départ se fixant à la date à laquelle la relation contractuelle a cessé, puisque la qualification du contrat dépend des conditions dans lesquelles était exercée l'activité et que c'est seulement à cette date que le titulaire est en mesure de connaître tous les faits lui permettant d'exercer son action.
Au cas d'espèce, si la société n'avait pas encore mis un terme à la relation contractuelle, le point de départ peut être fixé au 1er avril 2019, date à laquelle M. [O], par l'intermédiaire de son conseil, l'a mise en demeure de procéder à la régularisation de sa situation en se prévalant de l'existence d'un contrat de travail. L'action initiée le 9 mai 2019 est dès lors recevable.
Sur la demande de requalification du mandat d'agent général en contrat de travail
M. [O] soutient que son contrat de mandat et son immatriculation constituent une présomption simple de non-salariat qu'il est possible de renverser en apportant la preuve contraire. Il invoque un faisceau d'indices établissant un lien de subordination : une présentation comme un salarié responsable d'agence, une activité pour le compte d'un seul client, la société Thélem assurances, l'utilisation d'outils de travail imposés, la soumission à des directives et à un pouvoir de direction très strict par l'absence de gestion directe de son portefeuille, l'absence de choix de son lieu de travail et de son habitation personnelle, l'absence d'autonomie et l'application de sanction.
En réponse la société conteste l'existence d'une relation de nature salariale et d'un lien de subordination rappelant le statut spécifique d'agent général qui a été approuvé par décret du 15 octobre 1996 après avoir été négocié et établi par les organisations professionnelles.
Elle fait valoir que l'agent général est tenu par une exclusivité de production, principe posé par la convention de 1996, un nouvel accord du 6 juillet 2012 étant venu régir les mandats désormais dénommés traités de nomination,
que le mandataire s'engage à consacrer la totalité de sa production au mandant, lequel s'engage en contrepartie à lui apporter les moyens techniques, commerciaux et financiers nécessaires, le portefeuille confié restant la propriété du mandant, l'agent général étant tenu du reste de s'acquitter d'un droit d'exploitation,
que M. [O] fait une totale abstraction de la nature juridique du contrat qui les lie et du statut réglementaire dont il relève en sa qualité d'agent général d'assurances,
que plusieurs indices viennent démontrer l'absence de relation salariale : l'autonomie et l'indépendance de M. [O] dans l'exercice de son activité, la rémunération sous forme de rétrocession de commissions, l'absence de directives, de contrôle et de sanction et de tous d'éléments susceptibles de caractériser un lien de subordination.
L'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté des parties ni de la qualification donnée à la prestation effectuée mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.
Est considéré comme travailleur salarié celui qui accomplit une prestation de travail pour un employeur, contre le versement d'une rémunération, dans un lien de subordination juridique permanent défini comme l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Il existe, en vertu de l'article L. 8221-6 du code du travail, une présomption simple de travail indépendant et d'absence de contrat de travail d'une personne immatriculée au registre du commerce en qualité de travailleur indépendant.
Cette présomption peut être levée lorsque cette personne fournit directement ou par personne interposée des prestations à un donneur d'ouvrage dans les conditions qui la placent dans un lien de subordination comparable à celui existant entre le salarié et son employeur.
Il appartient donc à M. [O] en qualité de travailleur indépendant de rapporter la preuve d'une relation salariée.
Il invoque un faisceau d'indices établissant un lien de subordination caractérisé par :
- sa présentation comme un salarié, responsable d'agence générale, placé sous l'autorité de l'inspecteur commercial, M. [S],
- l'utilisation des outils et moyens mis à sa disposition par la société, et en particulier celle de logiciels définissant, traitant et contrôlant la tarification, la gestion, la comptabilité, la messagerie, le logiciel de comptabilité notamment fonctionnant sur une plate-forme hébergée par la compagnie qui pouvait donc à tout moment en prendre connaissance et contrôler son activité (courriel du 20 décembre 2018 de la société imposant la clôture des comptes, courriel du 31 décembre 2018 l'informant de l'existence d'un nouveau procédé de suivi comptable automatique), le contrat prévoyant en outre que le non-respect de l'engagement et le refus d'utiliser les fonctionnalités du système seraient constitutifs d'une faute grave susceptible d'entraîner la révocation du mandat,
- un planning de travail imposé et des rendez-vous contrôlés, la société Thélem assurances reconnaissant recevoir des alertes liées à l'utilisation de ces outils et adresser des courriels d'injonction pour clôturer les exercices, ce qui caractérise une surveillance permanente,
- une activité pour le compte exclusif d'un seul client, la société Thélem assurances, en ce qu'il ne pouvait réaliser aucune activité, même annexe, situation exorbitante du droit commun des agents généraux, la société refusant toute forme d'activité de courtage et exigeant en outre que les clients démarchés soient acceptés préalablement par ses soins avant la conclusion de contrats pour le compte de la compagnie, préférant une clientèle de particuliers, cette intervention de la société de façon directive sur les choix stratégiques de démarchage des clients étant constitutif d'une atteinte au principe d'indépendance de la profession libérale, le cabinet Atree avocats ayant pu préciser que cette règle d'exclusivité applicable aux agents généraux d'assurance déroge au principe selon lequel une entreprise libérale doit être autonome dans le choix de sa clientèle, et doit être interprétée de façon restrictive, des latitudes devant nécessairement être accordées à l'agent général d'assurance qui, le plus souvent, est amené à compléter son activité principale d'agent général d'assurance par une activité accessoire de courtage, une souplesse étant indispensable à la survie d'une agence,
- la fixation d'objectifs commerciaux ainsi que cela résulte du courrier du 4 avril 2018, aux termes duquel l'inspecteur régional critique les chiffres réalisés par son agence et le menace s'il ne parvient pas aux chiffres définis, et l'obligation de commander des kits de prospection,
- l'absence de choix de son personnel alors qu'il lui était imposé aux termes d'un protocole d'accord signé le 15 octobre 2012 l'embauche de deux salariés à temps plein en 2013, la société allant jusqu'à s'engager à l'aider financièrement en cas de licenciement,
- une interdiction de travailler pendant trois ans sur un rayon de 50 km sans la moindre contrepartie,
- le choix de ses lieux de travail et d'habitation personnelle, qui lui était imposé alors qu'il était propriétaire de ses locaux, la société exigeant de les louer, de les sous-louer à l'agence et de fixer les loyers, ce qui constitue une restriction à la liberté incompatible avec un statut libéral
- la soumission à un pouvoir de contrôle exclusif de toute indépendance, dès lors qu'aux termes du mandat de nomination il devait s'engager à observer strictement les consignes qui lui étaient indiquées par la société, à permettre à tout représentant de la société d'effectuer tout contrôle pour lequel il est mandaté, le contrôle du 27 mars 2015, démontrant qu'au travers d'un prétendu contrôle strictement comptable, il était procédé en réalité un contrôle total de son activité (contrôles du 16 septembre 2015 et du mois d'avril 2018), à établir des fiches de synthèse mensuelles,
et à un pouvoir de sanction exorbitant sans commune mesure avec le contrôle habituel d'un mandant sur un mandataire, en ce
qu'il était noté selon un procédé irrespectueux avec des émoticônes et convoqué à des entretiens réguliers,
qu'il était prévu des sanctions en cas de non utilisation des outils mis à disposition, des visites de contrôle effectués par l'inspection régionale (mars et septembre 2015), et notifié des rappels à l'ordre,
qu'il était convoqué au siège par lettre du 29 novembre 2018 pour un éventuel arrêt des relations,
qu'il lui était adressé une mise en garde formelle par lettre du 1er février 2019,
qu'à la suite de la saisine du conseil de prud'hommes, la société a rompu toute relation à titre de représailles.
Il n'est pas contesté que certaines dispositions du traité de nomination imposent des conditions d'exercice à l'agent général, contrôlées par la compagnie d'assurances, dispositions qui ne sont toutefois pas antinomiques de l'indépendance liée à ses fonctions puisque résultant des accords conclus en application d'un statut approuvé par décret.
Par ailleurs, le contrat conclu entre la compagnie d'assurances et l'agent général consiste en la mise à disposition d'un portefeuille clients qui reste la propriété de la société d'assurances, que l'agent exploite et développe, en contrepartie de la perception de commissions calculées sur les primes d'assurance versées par les assurés, l'agent s'engageant à permettre à tout représentant de la société d'effectuer tout contrôle pour lequel il est dûment mandaté, ces contrôles portant sur la qualité de traitement des tâches déléguées et visant notamment la gestion des sinistres, la gestion sans papier et la comptabilité de mandat' (article 2 de l'annexe au décret du 15 octobre 1996).
Le fait pour l'agent général d'être tenu de se conformer aux instructions de l'entreprise d'assurance sur les tarifs et les conditions de souscription, de se soumettre à ses directives en matière de politique commerciale et de gestion des contrats découle de la définition même de son statut, sans pour autant que ne puisse être relevé une incompatibilité avec l'indépendance qui le caractérise, alors qu'il organise librement la gestion de son agence dans les limites de son traité de nomination.
Il en est de même du fait d'être soumis à un contrôle de son activité par le biais d'instructions données par la société d'assurance quant au contenu des actes et aux conditions de leur accomplissement, toute latitude étant laissée à l'agent dans l'organisation des moyens à mettre en oeuvre, la fixation d'objectifs qui ont pu être précisés à M. [O] et l'accompagnement dont il a pu bénéficier de façon ponctuelle, soit une fois en onze ans d'exercice, alors que les chiffres de l'agence étaient négatifs, n'étant pas suffisants pour renverser son statut d'agent général chargé de la gestion d'un portefeuille clients pour le compte de la compagnie d'assurances.
C'est encore au regard de ce statut qu'il convient d'analyser les dispositions relatives à l'accès des inspecteurs comptables à la comptabilité de mandat en ce que le mandataire gère les fonds appartenant à la compagnie d'assurances, alors que sa comptabilité de fonctionnement n'est soumise à aucun contrôle, les redditions de compte de l'inspecteur en lien avec le non-respect des objectifs, les alertes éventuelles adressées au mandataire, n'étant pas susceptibles de constituer des sanctions telles celles infligées à un salarié par son employeur, le pouvoir disciplinaire ne devant pas être confondu avec le droit de révocation, n'étant pas inutile de rappeler que tout mandataire est soumis à un contrôle de droit commun en application des dispositions de l'article 1993 du code civil.
Le fait que sur sa fiche contact de messagerie, il apparaisse comme hiérarchiquement lié à l'Inspecteur commercial, M. [S], salarié de la société ne constitue pas un indice suffisant d'une relation salariale, alors en outre qu'il a été évoqué une anomalie qui n'a pu être corrigée pour des raisons techniques (courriels échangés le 14 août 2018 et fiche d'incident établie à l'issue).
La société Thélem assurances rappelle en outre le contexte de l'embauche de deux salariés qui s'est effectuée dans le cadre d'une reprise d'agence par M. [O], le transfert de ces deux collaborateurs s'étant imposé juridiquement, l'aide financière apportée devant permettre à l'agent de rendre l'affaire à nouveau rentable, s'agissant du lieu de travail, qu'elle est titulaire de tous les baux commerciaux relatifs aux locaux abritant les agences par simple mesure de prudence en cas de cessation des fonctions de l'agent afin de pouvoir maintenir l'agence et le futur agent dans les mêmes locaux et que la domiciliation de l'agent dans un rayon de 25 kilomètres répond à un besoin de développement commercial par une présence locale, observant que M. [O] n'a jamais eu à déménager alors qu'il était proche des agences de [Localité 6] et [Localité 3], ce que ce dernier ne conteste pas.
En définitive, il ne ressort pas des pièces produites que M. [O] ne pouvait organiser son temps de travail en toute autonomie, ni qu'il aurait été soumis aux ordres et directives de la société Thélem assurances pour exercer son activité professionnelle, ni soumis à un pouvoir de sanction. S'il apparaît qu'il travaillait exclusivement pour cette société qui lui fournissait les outils de travail, cet élément, outre les conditions définies contractuellement, même pris globalement, ne permettent pas d'exclure une relation commerciale indépendante et de caractériser un lien de subordination constitutif d'un contrat de travail.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les frais du procès
En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, M. [O] sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 1 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Condamne M. [T] [O] aux dépens de la procédure d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la Selarl Gray Scolan, avocats associés,
Condamne M. [T] [O] à payer à la société Thélem assurances une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande.
La greffière La présidente