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02/03/2023 | FRANCE | N°20/04051

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 02 mars 2023, 20/04051


N° RG 20/04051 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IT7S





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 02 MARS 2023











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DU HAVRE du 25 Novembre 2020





APPELANTE :





Madame [I] [T]

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Patricia RIQUE-SEREZAT de la SELARL SELARL RIQUE-SEREZAT THEUBET, avocat au barreau du HAVR

E











INTIMEE :





Cabinet EXPERTISE ET CONSEIL D'ENTREPRISE - ECE EXPERTISE

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Elisabeth DOIN de la SCP HUCHET DOIN, avocat au barreau du HAVRE


















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N° RG 20/04051 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IT7S

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 02 MARS 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DU HAVRE du 25 Novembre 2020

APPELANTE :

Madame [I] [T]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Patricia RIQUE-SEREZAT de la SELARL SELARL RIQUE-SEREZAT THEUBET, avocat au barreau du HAVRE

INTIMEE :

Cabinet EXPERTISE ET CONSEIL D'ENTREPRISE - ECE EXPERTISE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Elisabeth DOIN de la SCP HUCHET DOIN, avocat au barreau du HAVRE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 13 Décembre 2022 sans opposition des parties devant Madame ALVARADE, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, rédactrice

Madame ALVARADE, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 13 Décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 02 février 2023, prorogé au 02 Mars 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 02 Mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [I] [T] a été engagée par la SARL Expertise et conseil d'entreprise en qualité d'assistante confirmée par contrat à durée indéterminée du 8 janvier 2007.

La relation contractuelle était soumise à la convention collective nationale des cabinets d'experts comptables et commissaires aux comptes.

Déclarée inapte le 3 mai 2018 par le médecin du travail, le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement a été notifié à la salariée le 29 mai 2018.

Saisi en contestation du licenciement par la salariée le 5 juillet 2019, par jugement du 25 novembre 2020, le conseil de prud'hommes du Havre a débouté Mme [T] de l'intégralité de ses demandes, a donné acte à la société de ce qu'elle a réglé à Mme [T] la somme de 79,20 euros au titre d'un reliquat d'indemnité prévoyance AXA et a condamné Mme [T] aux éventuels dépens et frais d'exécution du jugement.

Mme [T] a interjeté appel le 11 décembre 2020.

Par conclusions remises le 24 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, Mme [T] demande à la cour de :

- la déclarer recevable et fondé en son appel ;

- infirmer la décision entreprise ;

Statuant à nouveau,

- fixer le salaire de référence à la somme de 2 677,08 euros bruts ;

- dire et juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié le 29 mai 2018 ;

- condamner l'employeur à lui verser les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter de la requête :

16 062,48 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

5 354,16 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité

149,42 euros au titre des heures supplémentaires ;

119,54 euros bruts au titre du salaire du 3 mai 2018 ;

1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de maintien de salaire ;

13,33 euros bruts au titre du solde de congés payés ;

608,61 euros nets à titre de solde de l'indemnité légale de licenciement ;

2 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait du retard de paiement de salaire ;

- ordonner la remise des documents sociaux rectifiés (solde de tout compte, attestation Pôle emploi, etc) sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document ;

- condamner la SARL Expertise et conseil d'entreprise à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- prononcer l'exécution provisoire sur la totalité du jugement à intervenir.

Par conclusions remises le 2 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la SARL Expertise et conseil d'entreprise demande à la cour de :

- juger mal fondé l'appel interjeté par Mme [T] ;

En conséquence,

- débouter Mme [T] et confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- condamner Mme [T] au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La procédure a été clôturée le 13 décembre 2022 avant l'ouverture des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur le licenciement

Mme [I] [T] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse aux motifs que son inaptitude est la conséquence du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, expliquant que l'ambiance de travail a changé avec l'arrivée fin 2012 de M. [Z], expert-comptable en charge du service social, les faits et gestes des salariés étant alors épiés, des pratiques punitives et contradictoires mises en place, ainsi que des pratiques d'isolement, M. [Z] pratiquant aussi le tutoiement et l'humour sexiste, la privant de ses outils de travail à son retour de congés payés, lui supprimant sa ligne téléphonique en période d'élaboration des bulletins de paie, ne répondant à aucune de ses questions concernant les dossiers qu'il supervisait, la mettant ainsi à l'écart. Elle évoque également le manquement de l'employeur à ses obligations en matière de suivi médical et du respect des préconisations du médecin du travail.

Il résulte de l'article L. 4121-1 du code du travail que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, lesquelles comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

Mme [I] [T] a bénéficié d'une visite auprès du service de santé au travail, ISTF, le 29 août 2017 au titre de l'information et de la prévention. Il était alors préconisé une nouvelle visite deux jours plus tard pour un examen médical suite à réorientation.

C'est ainsi, qu'elle rencontrait Mme [X], médecin qui préconisait une absence d'heures supplémentaires, avec poste de travail avec éclairage naturel, une nouvelle rencontre étant fixée à trois mois.

Le 30 septembre 2017, la salariée était en arrêt de travail pour une dépression sévère liée à une souffrance au travail, lequel a été renouvelé jusqu'au 2 mai 2018.

Dans le cadre de la visite de reprise du 3 mai 2018, Mme [I] [T] a été déclarée inapte, le médecin du travail précisant que 'tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé'.

1- Sur la dégradation des conditions de travail

Sur ce point, la salariée verse uniquement une réponse par mail adressé par M. [Z] à l'ensemble du groupe social Fécamp au sujet du montage de dossiers sous Silae permettant de constater que la charge de dossiers suivis par la salariée n'est pas supérieure à la moyenne des dossiers de l'ensemble des salariées concernées et un autre du 29 juin 2015 aux termes duquel la salariée l'interroge sur ce qu'elle doit faire pour traiter la demande d'un client, M. [Z] lui répondant de faire son maximum jusqu'au 30 juin 2015, le contrat étant résilié à cette date.

Elle communique également des éléments médicaux, à savoir son arrêt de travail du 22 septembre 2017, pour une dépression sévère liée à une souffrance au travail, lequel a été renouvelé jusqu'au 2 mai 2018, un écrit de Mme [N], orthoptiste, datée du 30 avril 2019, qui observe que les bilans se sont améliorés et devenus stables, qu'elle est plus détendue depuis qu'elle a changé de travail, ce qui se répercute sur sa vision, et celui de M. [J] [E], datée du 20 avril 2019, qui mentionne que Mme [I] [T] a présenté un épisode dépressif d'intensité légère à modérée, suite à souffrance ressentie au travail, diagnostic établi lors de sa première visite du 12 octobre 2017 et que depuis juin 2018, cet épisode réactionnel est résolu.

Alors que les éléments médicaux établissent un lien entre l'état de santé de la salariée avec la sphère professionnelle sur ses seules déclarations, que la dégradation des conditions de travail alléguées n'est corroborée par aucun élément objectif, cette détérioration n'est pas établie et aucun lien ne peut être fait avec l'inaptitude prononcée.

2- Sur l'absence de visite médicale

Selon l'article R.4624-16 du code du travail, dans sa version applicable du 1er juillet 2012 au 1er janvier 2017, le salarié bénéficie d'examens médicaux périodiques, au moins tous les vingt-quatre mois, par le médecin du travail. Ces examens médicaux ont pour finalité de s'assurer du maintien de l'aptitude médicale du salarié au poste de travail occupé et de l'informer sur les conséquences médicales des expositions au poste de travail et du suivi médical nécessaire.

Sous réserve d'assurer un suivi adéquat de la santé du salarié, l'agrément du service de santé au travail peut prévoir une périodicité excédant vingt-quatre mois lorsque sont mis en place des entretiens infirmiers et des actions pluridisciplinaires annuelles, et, lorsqu'elles existent, en tenant compte des recommandations de bonnes pratiques existantes.

Dans sa version applicable depuis le 1er janvier 2017, le travailleur bénéficie d'un renouvellement de la visite d'information et de prévention initiale, réalisée par un professionnel de santé mentionné au premier alinéa de l'article L. 4624-1, selon une périodicité qui ne peut excéder cinq ans. Ce délai, qui prend en compte les conditions de travail, l'âge et l'état de santé du salarié, ainsi que les risques auxquels il est exposé, est fixé par le médecin du travail dans le cadre du protocole mentionné à l'article L. 4624-1.

En l'espèce, il n'est pas discuté que Mme [I] [T], dont la visite médicale d'embauche avait eu lieu le 1er octobre 2009, a eu un entretien infirmier le 16 août 2012.

Si une visite était fixée le 21 janvier 2015 par le service de santé au travail, elle n'a pas eu lieu en raison de l'arrêt maladie de la salariée du 15 au 25 janvier 2015.

Il n'est pas sérieusement discuté que l'employeur n'a pas accompli les démarches pour assurer l'effectivité de la visite après la reprise de la salariée.

Néanmoins, alors que la salariée ne l'avait pas informée de difficultés particulières et n'avait pas elle-même accompli de démarches pour rencontrer le service de médecine au travail, aucun lien ne peut être établi entre cette carence et l'avis d'inaptitude en cause.

Elle a été de nouveau convoquée dans le cadre d'une visite d'information et de prévention le 29 août 2017, soit dans le nouveau délai de cinq ans en vigueur depuis le 1er janvier 2017, à l'issue de laquelle était décidée une visite avec le médecin du travail fixée au 31 août suivant.

Ainsi, il ne se déduit pas de ce qui précède l'existence d'un manquement imputable à l'employeur à l'origine de l'avis d'inaptitude du 3 mai 2018.

3- Sur le non-respect des préconisations du médecin du travail

Lors de la visite du 31 août 2017, le médecin du travail a préconisé que Mme [I] [T] n'accomplisse pas d'heures supplémentaires et occupe un poste de travail avec éclairage naturel.

Le contrat de travail liant les parties précisait qu'un accord d'entreprise avait été conclu le 15 décembre 1999 prévoyant une modulation sur l'année, laquelle était applicable à la salariée à compter du 8 janvier 2007.

La modulation applicable dans l'entreprise est régulière et suivant le planning y afférent, concernant le service dont dépendait la salariée, il était prévu :

- 39 heures de travail la semaine 36

- 32 heures la semaine 37

- 24heures la semaine 38

- 39 heures de travail la semaine 39.

La salariée a été placée en arrêt maladie le 22 septembre, soit la semaine 38.

A juste titre, l'employeur fait valoir que les heures accomplies dans le cadre du planning de modulation ne sont pas constitutives d'heures supplémentaires, dès lors qu'elles n'entraînent pas un cumul d'heures sur l'année supérieure à la durée légale du travail et que le planning prévisionnel est respecté.

Par ailleurs, il résulte de l'attestation non contredite de Mme [L], responsable service social, qu'en sa qualité de chef de groupe, chargée de la supervision globale des travaux, elle avait été sollicitée par Mme [I] [T] pour inverser les semaines 37 et 39 comme ayant besoin d'une journée la semaine 39 au cours de laquelle elle n'avait pas de rtt, ce qu'elle avait accepté.

Par ailleurs, elle précise que suite à l'avis du médecin du travail, elle avait proposé un aménagement de ses horaires afin de travailler 32 heures au lieu de 24 heures la semaine 38 et 31 heures au lieu de 39 heures la semaine 37, proposition refusée par la salariée.

Aussi, alors que la salariée produit sa fiche de temps répertoriant pour chaque journée le temps consacré à chaque tâche dont le cumul abouti à 40 heures de travail la semaine 39 alors qu'elle n'aurait pas dû dépasser 39 heures, il en résulte que l'employeur a manqué à son obligation de respecter les préconisations du médecin du travail dans cette seule limite.

Néanmoins, ce seul dépassement sur une semaine, ne peut suffire à retenir que l'inaptitude prononcée en mai 2018, soit huit mois plus tard, est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

La salariée n'a pas soutenu l'existence d'un manquement contemporain des préconisations du médecin du travail quant à l'exposition du poste de travail à la lumière naturelle.

Il se déduit de ce qui précède qu'il n'est pas établi que l'employeur a commis des manquements ayant conduit à la déclaration d'inaptitude de la salariée, de sorte que la cour confirme le jugement entrepris ayant dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et ayant débouté la salariée de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail et de réparation du préjudice moral et psychologique résultant de son inaptitude à hauteur de 10 000 euros.

II - Sur les demandes financières

1- indemnité de prévoyance

Il est justifié de ce que l'employeur a régularisé en cours de procédure le paiement de la somme de 70,60 euros, de sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur cette demande.

2- heures supplémentaires

Mme [I] [T] sollicite un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, expliquant en avoir accompli 40 en 2017 et n'avoir été réglée que de 33 en mai 2018.

L'employeur ne conteste pas les heures supplémentaires accomplies les semaines 7, 8 12 et 13 pour un total de 32 heures, mais soutient que la salariée n'a accompli qu'une seule heure supplémentaire la semaine du 11 au 16 septembre de sa propre initiative, de sorte qu'en lui payant 33 heures en mai 2018, aucune somme ne lui reste due.

Il en résulte que la discussion ne porte que sur les heures supplémentaires accomplies du 11 au 16 septembre 2017, concernant lesquelles la salariée produit sa feuille de temps décrivant pour chaque journée le détail de ses tâches avec le temps qu'elle y a consacré, mettant ainsi l'employeur en mesure de répondre utilement en fournissant ses propres éléments.

La SARL Expertise et conseil d'entreprise explique que la salariée avait sollicité une permutation entre les semaines 37 (32 heures de travail planifiées) et 39 (39 heures de travail planifiées) et en justifie en produisant l'attestation non contredite de Mme [L], responsable service social, qui relate qu'en sa qualité de chef de groupe, chargée de la supervision globale des travaux, elle avait été sollicitée par Mme [I] [T] pour inverser les semaines en cause, ce qu'elle avait accepté.

Ainsi, compte tenu de la modulation mise en place de manière régulière, de la permutation réalisée à la demande de la salariée, il convient de retenir que la salariée a accompli une seule heure supplémentaire la semaine du 11 au 16 septembre, dont elle a été payée en mai 2018.

Par conséquent, la cour confirme le jugement entrepris ayant rejeté cette demande.

3- paiement de la journée du 3 mai 2018

Mme [I] [T] sollicite que l'employeur soit condamné à lui payer la journée du 3 mai 2018, puisqu'elle n'était alors pas en arrêt de travail et qu'elle s'est rendu à la visite de reprise.

La SARL Expertise et conseil d'entreprise s'y oppose, puisque, s'il ne conteste pas être redevable du temps passé en visite médicale sur le fondement de l'article R.4624-39 du code du travail, soit 1h15, en revanche la journée n'a pas été travaillée puisque la salariée a été déclarée inapte et ne s'est pas rendue dans les locaux professionnels.

Le contrat de travail est suspendu jusqu'à la visite de reprise. Au cours de cette visite organisée à l'initiative de l'employeur le lendemain de la fin de son arrêt de travail, alors que la salariée n'a pas manifesté son intention de réintégrer l'entreprise, elle a été déclarée inapte.

Ainsi, elle ne pouvait pas reprendre ses fonctions, l'employeur étant seulement soumis à l'obligation de reprendre paiement de sa rémunération s'il n'avait pas été mis un terme au contrat de travail dans le délai d'un mois, de sorte que la cour confirme le jugement entrepris ayant débouté la salariée de sa demande de rappel de salaire à ce titre.

4- maintien de salaire du 4 mai au 29 mai 2018

Mme [I] [T] soutient que l'employeur ne lui a pas versé les indemnités complémentaires à ses indemnités journalières bien qu'elle ait transmis en temps et en heure les bordereaux d'indemnités journalières pour cette période, lui causant ainsi un dommage dont elle sollicite réparation à hauteur de 1 500 euros.

La SARL Expertise et conseil d'entreprise s'y oppose au motif qu'elle n'était tenue de reprendre le paiement des salaires qu'un mois à compter de l'avis d'inaptitude.

Selon l'article L.1226-1 du code du travail, tout salarié ayant une année d'ancienneté dans l'entreprise bénéficie, en cas d'absence au travail justifiée par l'incapacité résultant de maladie ou d'accident constaté par certificat médical et contre-visite s'il y a lieu, d'une indemnité complémentaire à l'allocation journalière prévue à l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, à condition :

1° D'avoir justifié dans les quarante-huit heures de cette incapacité, sauf si le salarié fait partie des personnes mentionnées à l'article L. 169-1 du code de la sécurité sociale ;

2° D'être pris en charge par la sécurité sociale ;

3° D'être soigné sur le territoire français ou dans l'un des autres Etats membres de la Communauté européenne ou dans l'un des autres Etats partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

Ces dispositions ne s'appliquent pas aux salariés travaillant à domicile, aux salariés saisonniers, aux salariés intermittents et aux salariés temporaires.

Un décret en Conseil d'Etat détermine les formes et conditions de la contre-visite mentionnée au premier alinéa.

Le taux, les délais et les modalités de calcul de l'indemnité complémentaire sont déterminés par voie réglementaire.

Cette obligation ne se confond pas avec l'obligation de reprise du paiement des salaires passé le délai d'un mois après l'avis d'inaptitude.

Aussi, alors qu'en l'espèce, il n'est pas soutenu que Mme [I] [T] ne répondait pas aux conditions fixées légalement lui permettant de prétendre au maintien de salaire en cas d'arrêt maladie, dès lors qu'elle réunissait notamment les conditions d'ancienneté et de prise en charge par la sécurité sociale, compte tenu des droits ainsi éludés, elle a subi un dommage évalué à 150 euros, compte tenu de la date du licenciement et des sommes perçues au titre de la prévoyance.

La cour infirme sur ce point le jugement entrepris.

5- indemnité compensatrice de congés payés

Mme [I] [T] sollicite un reliquat de 13,33 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés estimant que le salaire retenu de juin à novembre 2017 est erroné comme devant être fixé à 14 104,10 euros.

Alors que les parties s'accordent sur le nombre de jours de congés payés acquis et non pris, que l'employeur détaille son calcul de manière précise et conforme, la différence d'appréciation des parties portant sur le seul mois de novembre 2017, la cour confirme le jugement entrepris ayant rejeté cette demande.

6- indemnité de licenciement

Mme [I] [T] sollicite un solde au titre de l'indemnité de licenciement considérant que son ancienneté est de 11 ans et 4 mois, à laquelle s'ajoute la durée du préavis.

Alors que l'employeur a opéré son calcul sur la base de la moyenne la plus favorable à la salariée, soit 2 699,14 euros, qu'à juste titre, les arrêts maladie d'origine non professionnelle ont été déduits de l'ancienneté acquise par la salariée entre le 8 janvier 2007 et son licenciement le 29 mai 2018, tout en y ajoutant la durée du préavis de deux mois, de sorte que pour l'indemnité de licenciement, l'ancienneté retenue a été de 10 ans et 9 mois, la salariée a été remplie de ses droits, de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

7- non augmentation annuelle du salaire de base et absence d'information relative au versement de la participation pour l'année 2018

Si la salariée fait valoir que contrairement aux autres années, son taux horaire est demeuré inchangé au 1er janvier 2018 et qu'elle n'a reçu aucun courrier de l'employeur justifiant du non versement de la participation due au titre de la participation pour 2018, dans la mesure où elle n'en tire aucune conséquence, et particulièrement dans son dispositif, il n'y a pas lieu de statuer sur ces points.

8- conséquences du retard de paiement et du non paiement des sommes dues

Mme [I] [T], invoquant le retard pris dans le paiement de son salaire de mai 2018 effectué le 18 juin et de son solde de tout compte adressé par recommandé le 17 juillet 2018, elle sollicite réparation de son préjudice financier à hauteur de 2 000 euros.

Si les paiements des sommes dues à la salariée ont effectivement été effectués aux dates qu'elle indique, néanmoins, elle ne justifie pas le préjudice économique en résultant pour elle, de sorte que la cour confirme le jugement entrepris ayant rejeté cette demande.

III - Sur les autres points

Les sommes à caractère indemnitaire produisent intérêts à compter du présent arrêt, dès lors qu'elles résultent de dispositions infirmées.

L'issue du litige étant sans incidence sur les documents de fin de contrat, il convient de rejeter la demande de remise de ces documents rectifiés.

L'arrêt étant exécutoire même en cas de pourvoi, la demande d'exécution provisoire est sans objet.

IV - Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie très partiellement succombante, la SARL Expertise et conseil d'entreprise est condamnée aux entiers dépens y compris de première instance, déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à Mme [I] [T] la somme de 1 000 euros en cause d'appel pour les frais générés par l'instance et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande au titre du maintien de salaire du 4 au 29 mai 2018 et sur les dépens ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la SARL Expertise et conseil d'entreprise à payer à Mme [I] [T] la somme de 150 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de maintien de salaire du 4 au 29 mai 2018 ;

Dit que les sommes à caractère indemnitaire produisent intérêts à compter du présent arrêt ;

Rejette la demande de remise des documents sociaux rectifiés ;

Dit sans objet la demande d'exécution provisoire de la présente décision ;

Condamne la SARL Expertise et conseil d'entreprise aux entiers dépens de première d'instance et d'appel ;

 

Condamne la SARL Expertise et conseil d'entreprise à payer à Mme [I] [T] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;

Déboute la SARL Expertise et conseil d'entreprise de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/04051
Date de la décision : 02/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-02;20.04051 ?
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