N° RG 20/03175 - N° Portalis DBV2-V-B7E-ISHL
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 13 AVRIL 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 01 Septembre 2020
APPELANT :
SAS OE EXPERTS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Mélanie THOMAS COTTEAUX, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEES :
Madame [O] [J] épouse [E]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Hélène QUESNEL de la SELARL MOLINERO QUESNEL STRATEGIES, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Sandra MOLINERO, avocat au barreau de ROUEN
INTERVENANTS FORCES :
Me [D] [U] - Mandataire liquidateur de la S.A.S. OE EXPERTS
[Adresse 4]
[Adresse 4]
n'ayant pas constitué avocat, régulièrement assigné par acte d'huissier en date du 04/10/2022 remis à personne habilitée
Association AGS-CGEA ILE DE FRANCE EST
[Adresse 1]
[Adresse 1]
n'ayant pas constitué avocat, régulièrement assignée par acte d'huissier en date du 05/10/2022 remis à personne habilitée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 23 Février 2023 sans opposition des parties devant Madame DE BRIER, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame DE BRIER, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 23 Février 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Avril 2023
ARRET :
REPUTE CONTRADICTOIRE
Prononcé le 13 Avril 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [E], contestant la rupture du contrat de travail la liant à la société OE Experts et l'absence de paiement d'un salaire en septembre et octobre 2019, a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen le 7 février 2020.
Par jugement du 1er septembre 2020, cette juridiction a :
- dit que le licenciement de Mme [E] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la société OE Experts à payer à Mme [E] les sommes suivantes :
1 086,84 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 108,68 euros au titre des congés payes afférents,
8 265 euros a titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 862,50 euros au titre des congés payés afférents,
1 184,65 euros à titre d'indemnité de licenciement,
5 510 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit deux mois de salaire,
2 755 euros à titre de rappel de salaire du 1er au 30 septembre 2019, outre 275,50 euros au titre des congés payes afférents,
1 177,41 euros à titre de rappel de salaire du 1er au 13 octobre 2019, outre 117,74 euros au titre des congés payes afférents,
681,17 euros à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés,
1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Mme [E] de sa demande de remboursement de frais professionnels et du surplus de ses demandes,
- annulé la clause de non-concurrence figurant au contrat de travail de Mme [E],
- condamné la société aux entiers dépens, en ce compris les éventuels honoraires et frais d'exécution du jugement.
Par déclaration au greffe le 7 octobre 2020, la société OE Experts a interjeté appel de la décision.
Elle a remis ses premières conclusions le 6 janvier 2021 et Mme [E] le 31 mars 2021.
Par jugement du 20 avril 2022, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la liquidation judiciaire de la société et désigné M. [U] [D] en qualité de liquidateur.
Les 4 et 5 octobre 2022, Mme [E] a fait signifier le jugement, la déclaration d'appel, les conclusions et pièces des parties et l'avis de fixation de l'affaire, à M. [D], ès qualités, et à l'AGS-CGEA délégation Ile de France Est et les a fait assigner en intervention forcée devant la cour d'appel de Rouen.
Mme [E] a remis de nouvelles conclusions le 20 janvier 2023, qu'elle a fait signifier les 24 et 25 janvier 2023 à M. [D], ès qualités, et à l'AGS CGEA Ile de France Ouest.
Ni M. [D], ès qualités, ni l'AGS n'ont constitué avocat.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été prononcée le 2 février 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions remises le 20 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, Mme [E] demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
annulé la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail,
dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
condamné la société OE Experts à lui payer les sommes suivantes :
1 086,84 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 108,68 euros au titre des congés payés afférents,
8 265 euros a titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 862,50 euros au titre des congés payés afférents,
1 184,65 euros à titre d'indemnité de licenciement,
5 510 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit deux mois de salaire,
2 755 euros à titre de rappel de salaire du 1er au 30 septembre 2019, outre 275,50 euros au titre des congés payes afférents,
1 177,41 euros à titre de rappel de salaire du 1er au 13 octobre 2019, outre 117,74 euros au titre des congés payes afférents,
681,17 euros à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés,
1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- l'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de remboursement de frais professionnels,
- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société OE Experts ses créances salariales, à savoir les sommes ci-dessus évoquées dont la confirmation est demandée, ainsi que celle de 2 506,05 euros net à titre de remboursement de frais professionnels,
- déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS CGEA Ile-de-France Est qui sera tenue à garantie dans les limites et conditions légales et réglementaires,
- condamner M. [D] ès qualités à lui payer une indemnité de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel et à supporter les dépens d'appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Par l'effet du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société, le débiteur est dessaisi de l'administration de ses biens, et le liquidateur nommé par le tribunal exerce à la place du débiteur ses droits et actions concernant son patrimoine, sur le fondement de l'article L. 641-9 du code de commerce.
En l'absence de constitution d'avocat pour le liquidateur de la société, il est considéré que l'appel n'est pas soutenu, que la cour n'est saisie d'aucun moyen de critique du jugement, de sorte qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a :
- annulé la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail,
- dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
S'agissant des condamnations à paiement, l'ouverture de la procédure collective impose, compte tenu de l'évolution du litige, de fixer les sommes considérées au passif de la liquidation judiciaire.
Sur la demande de remboursement de frais professionnels
Mme [E] soutient avoir exposé des frais de déplacement ainsi que des frais liés au travail à domicile (internet et téléphone mobile), pour le compte de son employeur, sans en avoir été remboursée. Elle considère que l'absence de contractualisation de la prise en charge de ces frais, de même que l'absence de réclamation pendant la relation contractuelle, sont sans effet.
Les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur, doivent être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due.
En l'espèce, il ressort des pièces produites, notamment contrat de travail et certificat de travail, que Mme [E] a été salariée de la société OE Experts du 1er février 2018 au 25 octobre 2019 en qualité de chargée de mission rattachée au bureau parisien de la société, qu'elle avait à ce titre à visiter et demeurer en contact avec les clients de son portefeuille, et qu'ainsi « les déplacements en clientèle et dans les autres bureaux actuels ou futurs [faisaient] donc partie intégrante de [son] activité ». Il était précisé au contrat : « les frais de déplacement seront remboursés sur la base d'un budget validé préalablement et sur présentation de vos notes de frais, conformément au modèle standard qui vous est transmis ». Ces seuls éléments suffisent à justifier, en leur principe, l'existence de frais de déplacement et de télécommunications dans le cadre d'un télétravail régulier, caractérisant des frais professionnels.
Mme [E] présente des fiches de frais à en-tête de la société OE Experts, faisant état de déplacements (péages, frais kilométriques, stationnement, SNCF') entre avril et décembre 2018, accompagnées de factures Vinci autoroutes, [Localité 5] Aéroport et billet de train qui en justifient le bien fondé.
Elle produit également des fiches de frais faisant état de frais de télécommunication (internet et portable) entre février et décembre 2018, ainsi que les factures SFR afférentes.
Ces éléments établissent le bien fondé de sa demande, mais pour un moindre montant que celui réclamé dès lors que les frais de télécommunication engagés n'ont pas exclusivement servi à son usage professionnel dans le cadre du télétravail, mais également à son usage personnel.
Au vu des éléments produits, la cour évalue le montant dû à 1 586,64 euros, somme fixée au passif de la liquidation judiciaire. Le jugement est infirmé en ce sens.
Sur la garantie de l'AGS - CGEA de Ile-de France Est
L'article L. 3253-8-1° du code du travail dispose que l'assurance mentionnée à l'article L. 3253-6 couvre, notamment, les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
Les sommes dont la salariée est créancière étant en l'occurrence antérieures à la procédure de liquidation judiciaire, l'AGS CGEA doit sa garantie dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants dudit code, à défaut de fonds disponibles.
Il est précisé que cette garantie ne s'étend pas à l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie succombante pour l'essentiel, M. [D], ès qualités, est condamné aux dépens de première instance et d'appel.
Par suite, il est également condamné à payer à Mme [E] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en supplément de la somme allouée en première instance.
Ces sommes devront être payées comme frais privilégiés de la procédure collective.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant dans les limites de l'appel, publiquement, par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement en ses dispositions relatives à la clause de non-concurrence, à la qualification du licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en ce qui concerne le montant des sommes dues à Mme [E] à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et congés payes afférents, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappel de salaire du 1er au 30 septembre 2019 et congés payés afférents, de rappel de salaire du 1er au 13 octobre 2019 et congés payés afférents, de solde d'indemnité compensatrice de congés payés, et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'évolution du litige,
Fixe la créance de Mme [E] au passif de la liquidation judiciaire de la société OE Experts pour les sommes allouées par le conseil de prud'hommes ;
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau :
Fixe la créance de Mme [E] au passif de la liquidation judiciaire de la société OE Experts à la somme de 1 586,64 euros au titre du remboursement des frais professionnels engagés,
Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS-CGEA de Ile-de France Est,
Rappelle que l'AGS-CGEA d'Ile de France Est est tenue de garantir le paiement des sommes allouées à Mme [E] dans les conditions, limites et plafonds légaux et réglementaires de sa garantie résultant notamment des dispositions des articles L. 3253-8, L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,
Rappelle que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles pour procéder à leur paiement,
Y ajoutant,
Condamne M. [U] [D], ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel, qui devront être payés comme frais privilégiés de la procédure collective ;
Condamne M. [U] [D], ès qualités, à payer à Mme [E] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel.
La greffière La présidente