La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/05/2023 | FRANCE | N°21/01045

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 04 mai 2023, 21/01045


N° RG 21/01045 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IWWB





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 04 MAI 2023











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 17 Février 2021





APPELANTE :





Madame [U] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Olivier ZAGO, avocat au barreau de ROUEN





(bénéfi

cie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/003636 du 12/04/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)







INTIMEE :





S.A.R.L. [L] CONSTRUCTION

[Adresse 4]

[Localité 3]



représentée par Me Nadejda BIDAULT, av...

N° RG 21/01045 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IWWB

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 04 MAI 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 17 Février 2021

APPELANTE :

Madame [U] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Olivier ZAGO, avocat au barreau de ROUEN

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/003636 du 12/04/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)

INTIMEE :

S.A.R.L. [L] CONSTRUCTION

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Nadejda BIDAULT, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Sanae DERBALI, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 22 Mars 2023 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 22 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Mai 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 04 Mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [U] [P] a été engagée par la société [L] construction en qualité de secrétaire par contrat de travail à durée déterminée pour la période du 1er septembre 2017 au 31 août 2018.

Compte tenu d'un désaccord quant à l'auteur et la date de la rupture du contrat de travail, en tout état de cause antérieure au terme du contrat à durée déterminée, par requête du 5 juin 2019, Mme [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen en contestation de la rupture, ainsi qu'en paiement de rappels de salaire et indemnités.

Par jugement du 17 février 2021, le conseil de prud'hommes a :

- requalifié en un contrat à durée indéterminée le contrat de travail conclu le 24 juillet 2017 avec effet au 1er septembre 2017 et condamné la société [L] construction à verser à Mme [P] une indemnité en accord avec les dispositions de l'article L. 1245-2 du code du travail de 1486,37 euros,

- dit que la rupture du contrat de travail n'était pas un licenciement sans cause réelle et sérieuse et débouté Mme [P] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents et indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

- dit que la société [L] construction avait satisfait à son obligation de moyens concernant l'organisation d'une visite d'information et de prévention auprès de la médecine du travail et débouté Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre,

- dit non établis les faits de harcèlement moral et sexuel et débouté Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre,

- débouté la société [L] construction de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée à verser à Mme [P] une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens et éventuels frais d'exécution de la présente instance.

Mme [P] a interjeté appel de cette décision le 10 mars 2021.

Par conclusions remises le 4 juin 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Mme [P] demande à la cour de réformer partiellement le jugement, et statuant à nouveau, de :

- condamner la société [L] construction à lui verser les sommes suivantes :

dommages et intérêts pour non-respect procédure de licenciement : 1 486,37 euros bruts,

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 5 000 euros nets de CSG-CRDS,

indemnité de congés payés : 1 486,37 euros bruts

congés payés sur préavis : 148,64 euros bruts,

dommages et intérêts en réparation du harcèlement sexuel : 10 000 euros nets de CSG-CRDS

indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance : 900 euros,

indemnité pour la sauvegarde de ses intérêts : 1 000 euros,

- débouter la société [L] Construction en toutes ses demandes et la condamner en tous les dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés le cas échéant comme en matière d'aide juridictionnelle.

Par conclusions remises le 6 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la société [L] Construction demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter Mme [P] de l'intégralité de ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 2 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de rappeler que conformément à l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'espèce, si la société [L] construction développe des moyens relatifs au caractère infondé de la demande de requalifiation du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il n'est cependant pas demandé l'infirmation des dispositions du jugement sur ces points et au contraire, tout en demandant à ce que Mme [P] soit déboutée de l'intégralité de ses demandes, il est sollicité la confirmation du jugement.

Aussi, et alors qu'aucune des parties ne sollicite, au terme du dispositif de ses conclusions, l'infirmation du jugement en ce qu'il a requalifié le contrat à durée déterminée conclu le 24 juillet 2017 à effet au 1er septembre 2017 en contrat à durée indéterminée et a condamné la société [L] construction à payer à Mme [P] la somme de 1 486,37 euros à titre d'indemnité de requalification, ces dispositions sont désormais définitives, la cour n'en étant pas saisie.

Il doit également être relevé que la cour n'est saisie d'aucune prétention relative à l'absence de visite médicale aux termes du dispositif des conclusions de Mme [P].

1. Sur la qualification de la rupture

Tout en rappelant qu'elle a toujours contesté avoir démissionné et n'a donc jamais demandé à ce que sa démission soit requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse comme l'a indiqué le conseil de prud'hommes, Mme [P] soutient que par courrier du 30 mars 2018, la société [L] construction lui a notifié la rupture de son contrat de travail à effet du 15 avril 2018, laquelle décision, irrévocable, ne pouvait être remise en cause par un courrier postérieur daté du 2 juin 2018.

Aussi, constatant qu'aucune procédure de licenciement n'a été respectée à défaut de tout entretien préalable à licenciement et que le courrier de rupture se contente de faire état de ce qu'aucun aménagement n'était possible alors que le médecin du travail avait rappelé qu'elle pouvait travailler sur un poste similaire dans un environnement différent, elle réclame des dommages et intérêts pour irrégularité de procédure et licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En réponse, la société [L] construction fait valoir qu'elle a toujours transmis les bulletins de salaire et les attestations nécessaires permettant à Mme [P] de percevoir les indemnités journalières, qu'elle a organisé la visite de reprise à l'issue de son arrêt de travail, que néanmoins, Mme [P] a été replacée en arrêt de travail du 19 mars au 15 avril 2018, puis jusqu'au 20 mai 2018, date à laquelle elle a cessé de venir sur son lieu de travail sans justificatifs, sachant qu'elle avait le 3 mai 2018 sollicité les documents de fin de contrat.

Au regard de ces éléments, elle considère que Mme [P] a de manière non équivoque démissionné de son poste, sachant qu'elle-même n'a jamais pris aucune décision de licenciement puisqu'au contraire, elle lui a fait part de ce qu'elle ne pouvait rompre le contrat compte tenu de la prolongation de son arrêt maladie.

En l'espèce, la société [L] construction a envoyé le 30 mars 2018 un courrier à Mme [P] libellé de la manière suivante :

'Votre certificat d'arrêt de travail qui prescrit un arrête de travail du 19/03/2018 au 15/04/2018 a été bien réceptionné.

Suivant l'AVIS D'INAPTITUDE établie le 15/03/2018 par le médecin DR [Z] [H], il a été constaté qu'aucune mesure d'aménagement, d'adaptation ou de transformation de poste de travail n'est possible.

Dans ces conditions veuillez bien noter que nous sommes dans l'obligation de rompre votre contrat pour cause INAPTITUDE à partir du 15 AVRIL 2018 date de fin de votre arrêt de travail. Votre bulletin de salaire du mois d'avril, votre certificat de travail, l'attestation destiné à l'ASSEDIC vous seront adressé avant le 20 AVRIL 2018".

Aussi, et alors qu'il résulte très clairement de ce courrier notifié à Mme [P] que la société [L] construction l'a avisée de la rupture de son contrat de travail à effet du 15 avril 2018, ce licenciement ne pouvait plus être annulé unilatéralement par la société [L] construction à défaut d'accord de Mme [P].

Dès lors, la rupture a pris effet dès cette date sans qu'il ne puisse être invoqué un courrier du 2 juin 2018 aux termes duquel la société [L] construction, prenant acte du nouvel arrêt de travail établi pour la période du 13 avril au 20 mai 2018, explique qu'elle ne pouvait rompre le contrat de travail le 15 avril 2018 et que, dans l'attente de justificatifs postérieurement au 20 mai, à compter du 15 juin, le silence de Mme [P] ou l'absence de justificatifs seront considérés comme une demande de démission.

Surabondamment, il convient de rappeler que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail, aussi, en l'espèce, ce caractère clair et non équivoque ne saurait résulter de la seule absence de Mme [P] à compter du 20 mai, même couplée à une demande de documents de fin de contrat, compte tenu des termes du courrier envoyé le 30 mars.

Il convient en conséquence de dire que la rupture du contrat de travail de Mme [P] est intervenue à l'initiative de la société [L] construction le 30 mars 2018, aussi, devait-elle, compte tenu de la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, respecter la procédure de licenciement, ce qui n'a pas été le cas à défaut de tout entretien préalable à licenciement.

Néanmoins, dès lors qu'il résulte de l'article L. 1235-2 du code du travail que l'indemnité pour irrégularité de procédure ne peut être versée qu'en cas de licenciement pour cause réelle et sérieuse, il convient d'apprécier si ce licenciement est ou non fondé.

En l'espèce, à l'issue de son arrêt de travail qui prenait fin le 14 mars 2018, Mme [P] a été vue par le médecin du travail le 15 mars 2018, lequel a conclu 'qu'aucune mesure d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n'est possible et que l'état de santé du travail justifie un changement de poste (article L. 4624-4 du code du travail) : inaptitude définitive au poste de secrétaire. Salariée inapte à son poste de travail, mais peut travailler à un poste similaire dans un environnement différent'.

Or, par courrier du 30 mars 2018, la société [L] construction s'est uniquement référé à cet avis d'inaptitude en indiquant qu'il avait été constaté qu'aucune mesure d'aménagement, d'adaptation ou de transformation de poste de travail n'était possible et en a donc conclu qu'elle était dans l'obligation de rompre le contrat, et ce, sans évoquer l'impossibilité de reclassement, condition nécessaire pour rendre le licenciement fondé, et ce, que l'inaptitude soit d'origine professionnelle ou non professionnelle, l'article L. 1226-2 du code du travail prévoyant cette même obligation.

Outre que la lettre de licenciement fixe les limites du litige, il n'est pas davantage justifié par la société [L] construction ni que cette obligation de reclassement aurait été respectée, ni qu'il n'y avait pas de postes disponibles au sein de la société au moment du licenciement, quand bien même elle n'appartient pas à un groupe.

Il convient en conséquence de dire que le courrier du 30 mars 2018 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Alors que la société [L] construction fait uniquement valoir que la rupture doit s'analyser en une démission et que Mme [P] ne précise ni sa situation actuelle, ni la date à laquelle elle estime avoir quitté les effectifs, il convient, alors Mme [P] avait une ancienneté de plus de six mois au moment de la rupture, dont la date est désormais fixée, de condamner la société [L] construction à lui payer une indemnité compensatrice de préavis correspondant à un mois de salaire, soit 1 486,37 euros, outre 148,64 euros au titre des congés payés afférents, étant rappelé que le versement de cette somme n'est pas subordonné à l'existence d'un préjudice.

Conformément à l'article L. 1235-3 du code du travail, lequel prévoit une indemnisation maximale d'un mois de salaire pour un salarié ayant moins d'un an d'ancienneté, et alors que Mme [P] ne justifie pas de sa situation postérieurement au licenciement, il convient de condamner la société [L] construction à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, il convient de débouter Mme [P] de sa demande d'indemnité pour irrégularité de procédure dès lors que, comme vu précédemment, elle n'est pas cumulable avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2. Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel

Mme [P] soutient avoir été victime de harcèlement sexuel de la part de M. [L], gérant de la société [L] construction, lequel s'est traduit par des tentatives de caresses, embrassades, gestes à connotation sexuelle et même relations sexuelles imposées, peu important que ces fait aient débuté antérieurement à la relation contractuelle dès lors qu'ils ont perduré.

Tout en relevant que les faits ainsi dénoncés ont fait l'objet d'un classement sans suite, la société [L] construction soutient que Mme [P] n'établit pas les faits reprochés à l'égard de M. [L], sans que les certificats médicaux produits puissent pallier cette carence, pour n'être là encore que la traduction des dires de Mme [P].

Selon l'article L. 1153-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des faits :

1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.

En l'espèce, à l'appui de sa demande, Mme [P] verse aux débats la plainte qu'elle a déposée le 15 mars 2018 devant les services de police aux termes de laquelle elle explique, qu'ayant besoin d'un maçon et passant devant un chantier, elle est allée à la rencontre de M. [L] qui est donc venu à son domicile quelques jours plus tard pour effectuer les travaux, lesquels se sont déroulés sans difficulté, qu'il est repassé en mai 2017 avec un de ses ouvriers pour savoir si elle avait d'autres travaux à entreprendre, qu'étant avec une amie, elle leur a proposé un café et en discutant, il lui a fait savoir qu'il avait besoin d'une secrétaire, aussi, étant à la recherche d'un stage, elle l'a recontacté et, M. [L] ayant accepté, elle a effectué un stage dans son entreprise du 6 juin au 13 juillet 2017 avant qu'il ne lui propose un poste de secrétaire à compter du mois de septembre.

Elle précise qu'à l'occasion du stage, M. [L] a débuté gracieusement des travaux chez elle mais qu'à la fin de celui-ci, il lui a fait part de ce qu'il souhaitait avoir des relations sexuelles avec elle, ce qu'elle a décliné, qu'il est revenu le 24 juillet pour lui faire signer le contrat, puis encore deux fois le week-end fin juillet pour finir le carrelage et qu'elle ne sait plus quand, il a tellement insisté qu'elle a accepté d'avoir des relations sexuelles avec lui, sachant que si elle refusait, elle ne serait pas embauchée alors qu'elle en avait déjà parlé à son entourage.

Elle indique que jusqu'à ce qu'il parte en vacances en Turquie au mois d'août, il est repassé régulièrement chez elle, qu'il essayait de l'embrasser, ce qu'elle déclinait, qu'au moment de son embauche, le 1er septembre, ils sont allés chercher un ordinateur et qu'il lui a alors dit, alors qu'ils étaient dans son camion 'retire tes lunettes, il y a la baisette', qu'au début, elle a cru qu'il s'agissait d'humour, que cette situation s'est reproduite à chaque fois qu'elle montait dans son camion, qu'elle lui rappelait qu'il avait sa femme et le repoussait, qu'elle a cependant fini par céder en octobre 2017, espérant qu'il la laisse ensuite tranquille, qu'ils sont allés chez elle car son fils n'était pas là, qu'il continuait à venir régulièrement pour la pose du carrelage, que son fils était présent et qu'elle ne voulait pas qu'ils fassent de bruit, que la dernière fois que cela s'est produit, c'était chez elle en novembre 2017, toujours à l'occasion de la pose du carrelage, qu'enfin, le 29 novembre 2017, il a recommencé à lui parler sexe dans son camion, qu'elle a compris que ça ne s'arrêterait jamais et qu'elle a donc décidé d'aller voir son médecin afin qu'il l'arrête, qu'elle n'a pas repris le travail après le 1er décembre 2017.

S'il ressort de l'audition de M. [L] devant l'enquêtrice de la CPAM qu'il reconnaît avoir eu une relation intime avec Mme [P] lorsqu'il effectuait des travaux chez elle, il explique cependant que celle-ci a cessé au moment de l'embauche.

Par ailleurs, si pour appuyer ses dires, Mme [P] produit l'attestation de son amie, Mme [Y] qui explique qu'en mai 2017, M. [L] est passé à l'improviste avec deux de ses ouvriers pour savoir si Mme [P] avait du travail, qu'ils se sont installés dans le jardin sans y être invités, qu'elles lui ont néanmoins offert un café et qu'il a proposé un poste à Mme [P] pour le mois de septembre, qu'elle a alors constaté qu'il avait un regard indécent comme employeur et néfaste pour elle, il doit néanmoins être relevé qu'outre les divergences quant au contexte de l'entrevue de mai 2017, la seule mention du regard indécent de M. [L] n'est pas de nature à corroborer les faits de harcèlement sexuel, tant il s'agit d'une appréciation subjective, et ce, d'autant qu'elle est portée plus de deux ans après les faits sans que Mme [Y] n'ait mis en garde son amie préalablement.

Par ailleurs, si elle explique que lorsque Mme [P] a commencé à travaillé, elle lui a raconté son calvaire, qu'elle allait en reculant au travail et qu'elle devait prendre des somnifères, cela ne permet pas davantage, à défaut d'une description plus précise, de corroborer les faits de harcèlement sexuel.

Enfin, s'il est produit un certificat d'un psychologue, d'un psychiatre et du médecin traitant de Mme [P], lequel indique qu'elle pose le problème d'un état anxieux, avec dévalorisation, insomnie répétée et culpabilisation s'aggravant depuis décembre 2017 qui pourrait évoluer vers un état anxio-dépressif, tous ne font cependant que reprendre les accusations portées par Mme [P] à l'égard de M. [L], sachant qu'il ressort d'un rapport du conseiller d'insertion suivant Mme [P] qu'elle a connu un drame personnel antérieurement.

En outre, ce rapport est contradictoire avec les propos de Mme [P] qui explique que, dès le début de la relation, elle se sentait contrainte, puisqu'il y est mentionné que lorsqu'elle a intégré l'entreprise, elle avait pleinement retrouvé son équilibre.

Au vu de ces éléments, et alors que les faits présentés par Mme [P] ne sont pas matériellement établis, ils ne peuvent laisser présumer l'existence d'un harcèlement sexuel et il convient de la débouter de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

3. Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société [L] construction aux entiers dépens, y compris ceux de première instance et de la débouter de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, s'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société [L] à payer à Mme [P] la somme de 500 euros en première instance compte tenu de l'aide juridictionnelle partielle alors obtenue, il convient au contraire de la débouter de cette demande en cause d'appel, Mme [P] ayant obtenu l'aide juridictionnelle totale.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement et publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement en ce qu'il a dit que la rupture du contrat de travail n'était pas un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a débouté Mme [P] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit que la rupture intervenue le 30 mars 2018 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SARL [L] construction à payer à Mme [U] [P] les sommes suivantes :

indemnité compensatrice de préavis : 1 486,37 euros

congés payés afférents : 148,64 euros

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 1 000 euros

Confirme le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

Condamne la SARL [L] construction aux entiers dépens ;

Déboute la SARL [L] construction et Mme [U] [P] de leur demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01045
Date de la décision : 04/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-04;21.01045 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award