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04/05/2023 | FRANCE | N°21/01338

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 04 mai 2023, 21/01338


N° RG 21/01338 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IXIX





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 04 MAI 2023











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'EVREUX du 05 Mars 2021





APPELANTE :





S.A.R.L. DRM-EMPLOI

[Adresse 3]

[Localité 1]



représentée par Me Céline VERDIER de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de l'EURE substituée par

Me Caroline LEGRAS-DEZELLUS, avocat au barreau de l'EURE









INTIMEE :





Madame [V] [X]

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Me David VERDIER de la SELARL VERDIER MOUCHABAC, avocat au barreau de l'EURE ...

N° RG 21/01338 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IXIX

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 04 MAI 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'EVREUX du 05 Mars 2021

APPELANTE :

S.A.R.L. DRM-EMPLOI

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Céline VERDIER de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de l'EURE substituée par Me Caroline LEGRAS-DEZELLUS, avocat au barreau de l'EURE

INTIMEE :

Madame [V] [X]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me David VERDIER de la SELARL VERDIER MOUCHABAC, avocat au barreau de l'EURE substituée par Me Johann PHILIP, avocat au barreau de l'EURE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 28 Mars 2023 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 28 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Mai 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 04 Mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [V] [X] a été engagée par la SARL DRM Emploi en qualité de coordinatrice qualification cadre par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet du 14 mai 2018, à effet au 16 mai 2018.

Le licenciement pour faute grave a été notifié à la salariée le 22 février 2019.

Par requête du 16 Mai 2019, Mme [V] [X] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evreux en contestation de son licenciement et paiement de rappels de salaire et d'indemnités.

Par jugement du 5 mars 2021, le conseil de prud'hommes, en formation de départage, a :

- rejeté les demandes de Mme [V] [X] en lien avec le préavis, l'indemnité de licenciement, les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et les dommages-intérêts pour procédure irrégulière,

- condamné la SARL DRM Emploi à verser à Mme [V] [X] :

5 000 euros bruts à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait des manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles,

1 652,99 euros bruts à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés,

- constaté que la SARL DRM Emploi s'est engagée à rectifier les documents de fin de contrat erronés (terme du contrat au 23 février 2019 / cachet de la société) et au besoin l'a condamnée à rectifier ces documents de fin d'emploi conformément au jugement et ce, sous astreinte provisoire de 10 euros par jour de retard et par document à compter du 1er jour suivant la notification du jugement,

- condamné Mme [V] [X] à restituer le téléphone portable professionnel à son employeur, si cela n'est déjà fait, sous astreinte provisoire de 10 euros par jour de retard à compter du 1er jour suivant la notification du jugement, fixé le salaire mensuel de référence à la somme de 4 503,49 euros bruts,

- condamné la SARL DRM Emploi à verser à Mme [V] [X] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- rejeté toutes les autres demandes des parties,

- ordonné l'exécution provisoire de l'entier jugement.

Le 29 mars 2021, la SARL DRM Emploi a interjeté un appel limité aux dispositions du jugement la condamnant et ayant rejeté sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises le 20 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la SARL DRM Emploi demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à Mme [V] [X] les sommes de 5000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail et de 1 652,99 euros bruts à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés,

- évaluer à 637,92 euros bruts, le montant du rappel d'indemnité compensatrice de congés payés auquel aurait dû être condamnée la société,

- en conséquence, ordonner à Mme [V] [X] de restituer à la société la somme brute de 1 015,07 euros,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à Mme [V] [X] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le confirmer pour le surplus de son dispositif et en ce qu'il a débouté Mme [V] [X] de l'intégralité de ses autres demandes salariales et indemnitaires,

- rejeter en conséquence l'ensemble des demandes incidentes formées par Mme [V] [X] dans ses écritures signifiées le 20 septembre 2021,

- condamner Mme [V] [X] à lui verser la somme nette de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 9 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, Mme [V] [X] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SARL DRM Emploi à lui verser les sommes de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles, 1 652,99 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés et 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance,

- l'infirmer en ce qu'il a jugé que le licenciement repose sur une faute grave et l'a déboutée de ses demandes à ce titre,

statuant à nouveau,

- juger que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

- condamner la SARL DRM Emploi à lui verser les sommes suivantes :

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle, à titre principal : 54 050 euros, à titre subsidiaire, 27 020 euros,

indemnité de licenciement : 6 755,23 euros,

indemnité compensatrice de préavis : 9 006,98 euros,

congés payés afférents : 900,70 euros,

dommages et intérêts pour l'irrégularité procédurale : 4503,49 euros,

indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel : 2 500 euros,

- ordonner à la SARL DRM Emploi de rectifier son adresse sur les documents de fin de contrat sous astreinte de 20 euros par jour de retard et par document à compter de la signification de l'arrêt,

- débouter la SARL DRM Emploi de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 9 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur les demandes au titre de l'exécution du contrat de travail

1- Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Mme [V] [X] soutient que le contrat de travail a été exécuté de manière déloyale en ce que la réalité de sa prise de fonction en qualité de directrice de 4 micro-crèches a été consacrée à compter du 16 mai 2018 alors qu'elle exerçait ces fonctions depuis mars 2018, qu'elle avait la direction de quatre établissements au mépris des dispositions du code de la santé publique, qu'elle a été amenée à de nombreuses reprises à effectuer des remplacements en sus de ses fonctions de direction, qu'elle a accompli de nombreuses heures supplémentaires sans en être rémunérée et a été privée d'une partie de ses temps de repos obligatoires, que son contrat de travail a été modifié unilatéralement par l'employeur, qu'elle n'a bénéficié que d'un seul entretien d'évaluation depuis son embauche en 2013. Elle ajoute que les manquements se sont poursuivis dans le cadre du licenciement, l'employeur ne lui ayant pas adressé comme convenu ses documents de fin de contrat par lettre recommandée avec accusé de réception, ce qui justifie l'octroi d'une réparation à hauteur de 5 000 euros.

L'employeur, au contraire, explique avoir exécuté loyalement ses obligations à l'égard de la salariée.

Il convient de rappeler qu'avant d'être employée comme coordinatrice par la SARL DRM Emploi par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à effet au 16 mai 2018, Mme [V] [X] avait été engagée en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein par la société Amstramgram en qualité de directrice de 2 micro crèches à compter du 5 septembre 2013, avant de poursuivre à temps partiel à compter du 5 septembre 2016, la salariée étant dans le même temps engagée aussi à temps partiel par la société Les Collegram pour être directrice de la micro-crèche Les Collegram, les trois sociétés ayant pour même gérante Mme [E] [B]. Mme [V] [X] a démissionné de ces deux emplois précédents sans remettre en cause cette rupture avant la régularisation du contrat de travail avec la SARL DRM Emploi.

Alors que l'action est dirigée contre la seule société DRM Emploi, la salariée ne peut invoquer au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail par cette société des manquements qui relèveraient de ces précédents contrats la liant à d'autres sociétés quand bien même il y a identité de gérant.

Aussi, l'absence d'entretien annuel d'évaluation depuis 2013 et la direction d'une quatrième micro-crèche avant le 16 mai 2018 ne peuvent être imputées à la SARL DRM Emploi, qui n'avait au surplus aucune existence légale antérieurement au contrat de travail du 16 mai 2018.

Il résulte des dispositions de l'article R.2324-37-1 du code de santé publique, dans sa version alors applicable, que sous réserve de l'autorisation du président du conseil départemental pour les établissements et services gérés par des personnes de droit privé, ou de son avis pour les établissements et services gérés par une collectivité publique, délivrés dans les conditions prévues aux articles R. 2324-19 et R. 2324-21, et du respect des dispositions du 2° de l'article R. 2324-30, la direction de trois établissements et services, chacun d'une capacité inférieure ou égale à vingt places, peut être assurée par une même personne, lorsque la capacité totale desdits établissements et services n'excède pas cinquante places.

Le président du conseil départemental prend en compte, pour donner son autorisation ou formuler son avis, les difficultés éventuelles de recrutement, la capacité des établissements et services concernés, leur amplitude d'ouverture, la distance qui les sépare, ainsi que les compétences des autres professionnels qui y sont employés.

Il est tenu compte de la capacité globale des établissements et services concernés pour l'application des dispositions des articles R. 2324-34, R. 2324-35 et R. 2324-46. Toutefois, le concours d'une puéricultrice ou d'une infirmière n'est pas requis dans ce cadre.

Il s'en déduit que la direction de quatre établissements est nécessairement soumise à autorisation.

En l'espèce, il est constant que Mme [V] [X] était coordinatrice de quatre structures d'accueil de la petite enfance sous la forme de micro crèches.

L'employeur ne peut prétendre s'affranchir de ses obligations au motif que la salariée se serait opposée au recrutement d'un référent technique pour la seconder dans ses missions, dès lors qu'il lui appartient et à lui-seul d'assurer la mise en oeuvre régulière de ses activités.

Néanmoins, en l'espèce, il n'est apporté aucun élément sur l'incidence du non respect du code de santé publique qui vise à réglementer les structures d'accueil de jeunes enfants sur la relation contractuelle entre la SARL DRM Emploi et Mme [V] [X], étant observé que si la salariée invoque des heures supplémentaires non rémunérées et un non respect de ses temps de repos, à l'appui de cette allégation, il n'est produit absolument aucun élément. Il s'en déduit que si la salariée avait en charge la coordination de quatre structures, cela n'impliquait pas une charge de travail excédant la durée légale du temps de travail à hauteur de laquelle elle était rémunérée.

Par ailleurs, s'il est établi qu'en sa qualité de coordinatrice Mme [V] [X] devait gérer les absences de personnel, voire d'y pallier en cas de nécessité, ce qui n'est pas anormal de la part d'un chef de service qui a la responsabilité de la continuité du service dont il a la charge, cette situation ne peut davantage caractériser une exécution déloyale du contrat de travail, alors qu'il n'en résulte pas une charge excessive non prise en compte par l'employeur.

S'agissant de la modification unilatérale du contrat de travail en demandant à la salariée d'exécuter son temps de travail sur 5 jours au lieu de 4, le contrat de travail fixe la durée de travail de la salariée à 151,67 heures par mois, soit 35 heures par semaine. Il était précisé que la répartition de l'horaire de travail, telle que fixée au présent contrat, dépendra des missions proposées et des heures complémentaires pourront être demandées en fonction des besoins particuliers telles que renforcement d'équipes, modification des horaires d'ouverture, travaux à accomplir dans un délai déterminé par les missions.

Il s'en déduit qu'aucune répartition du temps de travail n'avait été contractualisée, et si la salariée a pendant un temps pu travailler sur quatre jours, la modification apportée par l'employeur qui lui a communiqué par mail son nouveau planning prévoyant une répartition du temps de travail sur cinq jours du lundi au vendredi pour un total de 35 heures, est régulière comme relevant du pouvoir de direction de l'employeur et elle s'imposait sans qu'il soit nécessaire de recueillir l'accord de la salariée.

Mme [V] [X] ne peut se référer aux contrats de travail l'ayant liée à la société Amstramgram ou à la société Les Collegram pour prétendre à la contractualisation de ses jours de travail, lesquels ne sont pas l'employeur dans le cadre de la présente procédure et auxquels, au surplus, elle était liée par un contrat de travail à temps partiel imposant de définir précisément les jours et heures travaillés.

Aussi, le courriel du 6 décembre 2018 s'analyse en une modification des conditions de travail ne requérant pas l'accord de la salariée.

Au surplus, il convient d'observer que ces nouvelles modalités n'ont pu être mises en oeuvre, dès lors que la salariée a été en arrêt de travail à compter du 7 décembre 2018.

Enfin, s'agissant de la transmission des documents de fin de contrat, il n'est pas établi que l'employeur s'était engagé à y procéder par lettre recommandée avec accusé de réception, lequel n'a en tout état de cause pas pu être pris au cours de l'entretien préalable sous peine d'entacher la procédure de licenciement. Aussi, alors que ces documents sont quérables, aucun manquement ne peut être imputé à l'employeur à ce titre, étant observé que ceux-ci ont été établis les 25 février 2019 s'agissant des reçu de solde de tout compte et certificat de travail et 4 mars 2019 s'agissant de l'attestation Pôle emploi, soit dans des délais rapides après le licenciement, sans qu'au demeurant ne soit établi le préjudice résultant du retard invoqué.

Au vu de l'ensemble de ces développements, il n'est pas caractérisé de manquements de l'employeur à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail, de sorte que la cour infirme le jugement entrepris sur ce point.

2- Sur l'indemnité compensatrice de congés payés

Mme [V] [X] sollicite paiement de son solde de congés payés de 35 jours à hauteur de 1 652,99 euros.

Alors qu'à juste titre l'employeur rappelle que pour calculer l'indemnité de congés payés, il convient de comparer le résultat de deux modes de calcul, à savoir la règle du 1/10 ème ou celle du maintien de salaire, que concernant Mme [V] [X] la méthode la plus favorable est celle du maintien de salaire, puisque dans ce cadre elle disposait alors de 35 jours de congés payés au moment de son départ au 25 février 2019, ce qu'elle ne dément pas, compte tenu de son salaire de 4 466,68 euros, elle pouvait alors prétendre à 6 200,18 euros bruts.

Aussi, déduction faite de la perception de 5 562,26 euros, il lui reste dû 637,92 euros.

La cour infirme donc le jugement entrepris de ce chef.

La demande de l'employeur sollicitant que soit ordonnée la restitution des sommes qu'il a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire, est rejetée au motif que le présent arrêt vaut titre ouvrant droit à la restitution des sommes qui ont pu être versées en exécution de la décision de première instance.

II - Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail

1- Sur le licenciement

La SARL DRM Emploi sollicite la confirmation du jugement entrepris sur ce point sans développer de moyens devant la cour, de sorte qu'elle est réputée adopter les motifs de la décision de première instance.

Mme [V] [X], outre qu'elle conteste tout manquement fautif, soutient que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en l'absence d'antécédent disciplinaire et compte tenu du contexte de forte dégradation des conditions de travail dans lequel il est intervenu .

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement du 22 février 2019 qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

'....

Ainsi que je vous l'ai exposé lors de l'entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants :

- Pratiques contraires à l'intégrité et la politique de l'entreprise

- Fausses déclarations auprès de la CAF

Le 15 janvier 2019, Mme [S] [R] m'a fait part que vous l'aviez incité à souscrire un contrat d'accueil dès le mois de septembre 2018 pour avoir la garantie d'obtenir une place d'accueil pour le mois de décembre 2018.

En sachant que vous aviez connaissance que votre démarche auprès de cette famille était contraire à la politique des micro-crèches qui demande uniquement le versement d'un dépôt de garantie en cas de réservation d'une place d'accueil.

Cette famille a donc signé un contrat d'accueil à compter du mois de septembre 2018, sans que leur enfant ne fréquente la structure se septembre à novembre 2018.

Vous avez établi des factures et adressé les attestations mensuelles pendant 3 mois à la CAF en déclarant des heures de garde non effectuées par l'enfant.

En qualité de coordinatrice de micro-crèches, vous aviez la connaissance des conditions de déclaration auprès de la CAF ;

Comportements totalement inappropriés pour une coordinatrice de micro-crèches, responsable de structures d'accueil de jeunes enfants et garante de la réglementation.

Ces actes sont constitutifs d'une faute grave.

Par ces actes, vous avez mis en difficulté la pérennité de la micro-crèche AMSTRAMGRAM dont le fonctionnement dépend de son partenariat avec la CAF de l'Eure et par conséquent, la SARL DRM Emploi.

Par ailleurs, votre comportement est nuisible pour l'image et l'intégrité des micro-crèches pour lesquelles vous avez travaillé............'.

Il convient de rappeler que seuls les griefs contenus dans la lettre de licenciement doivent être examinés.

Il n'est pas sérieusement discuté, comme l'ont retenu les premiers juges qu'il ressort de différents éléments que Mme [V] [X] était en relation avec Mme [R], laquelle recherchait, dès juin 2018, une solution de garde à compter de janvier 2019 pour envisager la prise en charge de son enfant [N], qu'un contrat d'accueil a été établi et signé par Mme [V] [X] à effet au 1er septembre 2018, que des factures ont été établies à compter de septembre 2018 alors qu'en réalité l'enfant n'était pas réellement accueilli, ce qui a donné lieu à des déclarations auprès de la caisse d'allocations familiales pour le versement d'une prestation.

Dans le mail adressé à Mme [B] le 17 janvier 2019, confirmé par son attestation du 5 juillet 2019, Mme [S] [R] explique que cette solution avait été préconisée par Mme [V] [X] au titre d'une réservation pour permettre l'accueil de son enfant à compter de janvier 2019. Elle explique également que n'ayant jamais eu à traiter avec la CAF, elle s'est appuyée sur Mme [V] [X] pour la guider dans les démarches et les aides de cet organisme, précisant que c'est Mme [V] [X] qui remplissait directement les formulaires CAF chaque mois car elle lui faisait confiance et qu'elle lui avait assuré que ce n'était pas un problème ; lorsqu'elle s'est étonnée du doublement de la facturation entre novembre et décembre, elle n'a pas obtenu d'explication satisfaisante et a alors contacté directement Mme [B] à réception de la facture de janvier et l'échange de mails entre elle et la salariée du 24 octobre 2018 corrobore le fait que la salariée savait que l'enfant ne serait accueilli dans le cadre de la phase d'adaptation qu'à partir du 10 décembre, tout comme il résulte de l'échange du 11 juillet 2018 que c'est aussi la salariée qui remplissait les papiers destinés à la CAF.

Il est ainsi établi l'établissement de fausses factures ouvrant des droits à prestations versées par la caisse d'allocations familiales, organisme de droit privé à compétence départementale chargé de verser aux particuliers des prestations financières à caractère familial ou social (prestations légales), dans des conditions déterminées par la loi, ce qui constitue une faute grave empêchant la poursuite du contrat de travail compte tenu de la nature du manquement, quand bien même la salariée n'a jamais été sanctionnée préalablement.

Les circonstances de la rupture ne peuvent davantage exonérer la salariée de ce manquement grave.

En effet, s'il est certain que les relations avec son employeur se sont manifestement tendues après que Mme [V] [X] ait sollicité de bénéficier d'une rupture conventionnelle du contrat de travail par courrier du 23 novembre 2018 pour se consacrer pleinement à la reconstruction de sa famille par le biais d'un rapprochement familial, qu'en s'en sont suivies la parution d'une offre d'emploi pour occuper le même poste et la modification de ses conditions de travail par courriel du 6 décembre 2018, telle que sus exposée, la salariée bénéficiant alors d'un arrêt de travail dès le 7 décembre 2018 pour un motif non justifié devant la cour et dont le lien ne peut être fait avec ses conditions de travail en l'absence d'éléments médicaux l'établissant, il résulte également des éléments du débat et il n'est pas discuté que l'employeur a eu connaissance postérieurement du manquement de la salariée, lequel intrinsèquement, présentait un caractère de gravité compte tenu des incidences d'une telle pratique sur le fonctionnement des micro-crèches et sur leur image à l'égard d'un organisme qui est son interlocuteur privilégié, de sorte que le licenciement se justifiait indépendamment de ce contexte.

Par conséquent, la cour confirme le jugement entrepris ayant dit le licenciement pour faute grave fondé et ayant débouté Mme [V] [X] des demandes subséquentes.

2- Sur l'irrégularité de la procédure

Il résulte de l'examen de la convocation à l'entretien préalable du 22 janvier 2019 pour le vendredi 1er février 2019 que l'employeur a omis d'y mentionner l'heure, ce qui constitue sans conteste une irrégularité.

Néanmoins, dès lors que la salariée s'est présentée à l'entretien, assistée d'un conseiller, ce qu'elle a reconnu dans le mail qu'elle a adressé à l'employeur le 26 février 2019, il n'en résulte aucun préjudice.

Aussi, la cour confirme le jugement déféré ayant rejeté la demande d'indemnisation.

III - Sur les autres points

Mme [V] [X] sollicite la remise des documents de fin de contrat rectifiés, au motif que si l'employeur a exécuté le jugement de première instance, les documents remis comportent toujours une erreur quant à son adresse.

Aussi, il convient d'ordonner la remise des documents rectifiés quant à la mention de l'adresse de la salariée, sous astreinte de 20 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt et pendant une période limitée à 3 mois.

IV - Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie partiellement succombante, la SARL DRM Emploi est condamnée aux entiers dépens, déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à Mme [V] [X] la somme de 1500 euros en cause d'appel, en sus de la somme allouée en première instance pour les frais générés par l'instance et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant dans les limites de l'appel, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris sur ses dispositions relatives à l'exécution déloyale du contrat de travail et au montant du solde dû au titre des congés payés ;

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [V] [X] de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

Condamne la SARL DRM Emploi à payer à Mme [V] [X] la somme de 637,92 euros au titre du solde de congés payés ;

Dit n'y avoir lieu à ordonner la restitution des sommes excédentaires versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré, le présent arrêt valant titre de restitution ;

Ordonne la remise par la SARL DRM Emploi à Mme [V] [X] des documents de fin de contrat rectifiés quant à la mention de l'adresse de la salariée, sous astreinte de 20 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt et pendant une période limitée à 3 mois ;

Le confirme en ses autres dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne la SARL DRM Emploi aux entiers dépens de première d'instance et d'appel ;

Condamne la SARL DRM Emploi à payer à Mme [V] [X] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;

Déboute la SARL DRM Emploi de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01338
Date de la décision : 04/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-04;21.01338 ?
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