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04/05/2023 | FRANCE | N°21/01778

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 04 mai 2023, 21/01778


N° RG 21/01778 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IYGH





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 04 MAI 2023











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'EVREUX du 07 Avril 2021





APPELANT :



Monsieur [P] [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représenté par Me Philippe DUBOS de la SCP DUBOS, avocat au barreau de ROUEN







INTIMEES :>




Société SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES

[Adresse 3]

[Localité 5]



représentée par Me Frédéric CAULIER de la SELARL CAULIER VALLET, avocat au barreau de ROUEN





Société SOS [Localité 2] INTERIM

[Adresse 4]

[Localité 2]



repré...

N° RG 21/01778 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IYGH

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 04 MAI 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'EVREUX du 07 Avril 2021

APPELANT :

Monsieur [P] [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Philippe DUBOS de la SCP DUBOS, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEES :

Société SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Frédéric CAULIER de la SELARL CAULIER VALLET, avocat au barreau de ROUEN

Société SOS [Localité 2] INTERIM

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Céline VERDIER de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de l'EURE substituée par Me Caroline LEGRAS-DEZELLUS, avocat au barreau de l'EURE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 09 Mars 2023 sans opposition des parties devant Madame POUGET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ALVARADE, Présidente

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 09 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Mai 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 04 Mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE 

M. [P] [R] a été mis à la disposition de la société Schneider Electric industrie (société Schneider) par la société SOS [Localité 2] intérim dans le cadre de contrats de travail temporaire dont le dernier s'est terminé le 6 mars 2020.

Le 7 décembre 2020, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'Évreux afin de voir prononcer la requalification de ses contrats en un contrat à durée indéterminée.

Par jugement du 7 avril 2021, ledit conseil de prud'hommes a :

- dit que la société SOS [Localité 2] intérim a manqué à son obligation quant à la qualification des salariés remplacés par de l'intérim,

- dit que la société Schneider Electric industrie a pourvu, par de l'intérim, des emplois permanents,

- fixé la période à requalifier du 21 janvier 2019 au 6 mars 2020,

- fixé le salaire brut de M. [R] à la somme de 1 701,85 euros,

- condamné solidairement les sociétés SOS [Localité 2] intérim et Schneider Electric industrie à payer à M. [R] les sommes suivantes :

3 403,70 euros au titre de l'indemnité de préavis,

340,37 euros au titre des congés payés afférents,

3 510,04 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

3 403,70 euros au titre des dommages et intérêts pour absence de motif réel et sérieux,

150 euros à titre de dommages-intérêts pour obligation de formation,

- condamné la société Schneider Electric à payer à M. [R] les sommes suivantes :

2 049 euros à titre de rappel au titre de l'intéressement et de la participation,

1 701,58 euros à titre d'indemnité de requalification,

1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté M. [R] de ses autres demandes,

- débouté les sociétés de leurs demandes,

- rappelé que sa décision est exécutoire de plein droit,

- condamné solidairement les sociétés aux dépens.

Le 27 avril 2021, M. [R] a interjeté appel de cette décision et par conclusions remises le 21 juillet 2021, demande à la cour de :

- réformer partiellement le jugement en ce qu'il a fixé la période à requalifier du 21 janvier 2019 au 6 mars 2020 et en ses condamnations au paiement des sommes de 3 403,70 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 2 049 euros à titre de rappel au titre de l'intéressement et de la participation,

statuant à nouveau sur ces points,

- requalifier les contrats d'intérim du 24 janvier 2012 au 6 mars 2020 en un contrat à durée indéterminée à l'encontre des sociétés Schneider et SOS [Localité 2] Intérim,

- les condamner solidairement à lui payer les sommes de :

13 614,80 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamner la société Schneider à lui payer :

3 412,68 euros au titre de rappel de prime d'ancienneté,

14 054,59 euros à titre de rappel au titre de l'intéressement et de la participation,

- confirmer les autres condamnations prononcées,

- condamner solidairement les mêmes sociétés à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions remises le 14 octobre 2021, la société Schneider Electric demande à la cour de :

- juger irrecevable, faute de dévolution à la cour, la demande tendant à reformer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté implicitement la demande de rappel de prime d'ancienneté et à condamner la société à payer la somme de 3 412,68 euros à ce titre,

- débouter M. [R] de son appel ;

- accueillir son appel incident et le dire fondé ;

à titre principal,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit qu'elle avait pourvu par de l'intérim des emplois permanents,

- « fixé la période à requalifier du 21 janvier 2019 au 6 mars 2020 »,

- condamné solidairement les sociétés Schneider et SOS [Localité 2] à payer à M. [R] les sommes suivantes :

3 403,70 euros au titre de l'indemnité de préavis,

340,37 euros au titre des congés payés afférents,

3 510,04 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

3 403,70 euros au titre des dommages et intérêts pour absence de motif réel et sérieux,

150 euros à titre de dommages-intérêts pour obligation de formation,

- condamné la société Schneider à payer à M. [R] :

2 049 euros à titre de rappel d'intéressement/participation ;

1 701,85 euros à titre d'indemnité de requalification ;

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

statuant à nouveau,

- débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes ;

- le condamner à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à des dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de formation ;

- le réformer quant au quantum du rappel d'intéressement et de participation et des dommages-intérêts pour absence de motif de rupture ;

- débouter M. [R] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de formation ;

- juger la demande de participation et d'intéressement prescrite au titre des exercices 2015, 2016, 2017 et 2018 ;

- ramener les condamnations à un plus juste quantum tel qu'énoncé aux motifs des conclusions ;

- dire et juger que la société SOS [Localité 2] devra la garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre à hauteur de 50 % ;

- statuer ce que de droit quant aux dépens.

Par conclusions remises le 20 octobre 2021, la société SOS [Localité 2] Interim demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

- débouter le salarié de ses demandes de condamnation solidaire et de ses autres demandes,

subsidiairement,

- réformer le jugement en ce qui concerne la période de requalification et la fixer pour motifs de remplacement à son égard du 5 août 2019 au 6 mars 2020,

- débouter M. [R] de ses demandes à la voir condamner solidairement au paiement des indemnités de préavis, de licenciement et des dommages-intérêts calculés,

- débouter le salarié de ses autres demandes.

L'ordonnance de clôture a été fixée au 9 février 2023.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé détaillé de leurs moyens et arguments.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur l'irrecevabilité de la demande formée au titre de la prime d'ancienneté

En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Sur le fondement de ce texte, la société Schneider soutient que la déclaration d'appel ne porte pas sur le chef du jugement ayant débouté le salarié de sa prime d'ancienneté.

Toutefois, la cour constate que les premiers juges n'ont pas statué dans les motifs sur la prime d'ancienneté, de sorte qu'il ne peut être considéré que cette demande a été rejetée quand bien même le dispositif indique que le salarié a été « débouté du surplus de ses demandes ». La cour constate ainsi l'existence d'une omission de statuer de la part des premiers juges.

Dans ces conditions, le moyen tiré du non-respect de la disposition susvisée ne saurait être utilement opposé à la prétention formée en cause d'appel au titre de la prime d'ancienneté dont la cour est valablement saisie par l'effet dévolutif de l'appel tel que prévu par l'article 561 du code de procédure civile. Faute de se prononcer sur la prétention considérée, cela reviendrait à un déni de justice.

Par conséquent, la demande formée au titre de la prime d'ancienneté doit être déclarée recevable.

2) Sur la demande de requalification

A titre liminaire, c'est à tort que le salarié indique que les premiers juges ont requalifié son contrat de travail avec l'entreprise de travail temporaire en CDI, ce qui ne résulte aucunement du dispositif voire même des motifs de la décision déférée laquelle se limite à « dire que cette dernière a manqué à son obligation quant à la qualification des salariés remplacées » sans en tirer de conséquence juridique explicite.

Or, M. [R] qui se limite dans les motifs de ses conclusions à solliciter la confirmation d'une disposition inexistante, ne forme, dans son dispositif, aucune prétention à ce titre.

Dans ces conditions et compte tenu des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne peut que constater qu'elle n'est régulièrement saisie d'aucune demande de requalification de la relation contractuelle entre M. [R] et la société SOS [Localité 2] intérim.

Par ailleurs, l'article L. 1471-1 du code du travail toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Il est constant que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat de mission à l'égard de l'entreprise utilisatrice en contrat à durée indéterminée (CDI), fondée sur le motif du recours au contrat de mission énoncé au contrat ou sur le fait de pourvoir à l'activité normale et permanente de ladite entreprise, a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats de mission, le terme du dernier contrat.

En l'espèce, les parties s'opposent sur la période de requalification des contrats de travail temporaire mais s'accordent sur la date du terme du dernier de ces contrats, lequel a pris fin le 6 mars 2020.

L'action du salarié, introduite le 23 décembre 2020, tendant à la requalification de ses contrats en CDI à l'égard de l'entreprise utilisatrice, à compter du 24 janvier 2012 et jusqu'au 6 mars 2020, au motif que ces contrats avaient pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, n'est pas prescrite.

Par conséquent, la décision déférée est infirmée sur ce chef et l'action en requalification formée par M. [R] est recevable pour la période ci-dessus indiquée.

Aux termes de l'article L. 1251-5 du même code, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

De plus, l'article L. 1251-6 dans sa rédaction applicable au litige, dispose qu'il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dans des cas limitatifs et, notamment, en cas d'accroissement temporaire d'activité ou de remplacement d'un salarié absent.

Il convient de rappeler qu'il incombe à la seule entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé au contrat.

Suivant l'article L.1251-40 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire, en méconnaissance des dispositions des articles L.1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L.1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

En l'espèce, sur la période de requalification sollicitée, le salarié a signé plus de 200 contrats de travail temporaire avec la société Schneider pour exercer quasiment toujours l'emploi de cariste et ce, avec des interruptions brèves sur certains mois. Son premier contrat est motivé, comme plusieurs contrats ultérieurs, par un accroissement d'activité « dû à la commande Odace».

Or, les pièces produites par la société Schneider, principalement des procès-verbaux du comité d'établissement, ne justifient d'aucun surcroît d'activité nécessitant un recours au travail temporaire. Cette société argue de commandes diverses pour l'Europe et les Etats-Unis, lesquelles relèvent de l'activité normale de la société sauf à démontrer un accroissement ponctuel d'activité, ce qu'elle échoue à objectiver.

Par conséquent, la décision déférée est confirmée en ce qu'elle a requalifié la relation entre la société Schneider Electric Industrie et le salarié en un contrat à durée indéterminée, sauf à indiquer que celui-ci a débuté le 24 janvier 2012 pour se terminer le 6 mars 2020 et en sa disposition relative à l'indemnité de requalification dont l'entreprise utilisatrice est seule débitrice.

3) Sur la prime d'ancienneté

L'article 19 de la convention collective de la métallurgie [Localité 7]-[Localité 6], dont l'application à la relation contractuelle n'est pas discutée, prévoit le versement d'une prime d'ancienneté pour les salariés ayant au moins 3 ans d'ancienneté.

Compte tenu de la requalification opérée, de l'ancienneté acquise du salarié et en l'absence de discussion sur les montants sollicités à ce titre, il convient de faire droit à sa demande pour la somme de 3 412,68 euros.

4) Sur les conséquences de la requalification

Par l'effet rétroactif de la requalification opérée, le salarié est considéré comme ayant été embauché en contrat à durée indéterminée dès l'origine de la relation contractuelle et jusqu'au terme du dernier contrat de mission, si la relation de travail a cessé à cette date, comme en l'espèce, et ce, sans que les dispositions relatives au licenciement du salarié aient été respectées.

Compte tenu d'un salaire de référence de 1 680,29 euros, déduction faite des indemnités de fin de mission et compensatrice de préavis et après intégration de la prime d'ancienneté, ainsi que de l'ancienneté du salarié (8,4 mois), il convient de lui allouer les sommes suivantes :

3 500,60 euros en application des dispositions des articles R.1234-1 et R.1234-2 du code dans leur dernière rédaction, au titre de l'indemnité légale de licenciement,

3 360,58 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents.

Par ailleurs, en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, de l'ancienneté du salarié (moins de 9 ans), de l'effectif de l'entreprise (plus de 11 salariés) et de sa situation postérieure à la rupture dont il justifie (ARE jusqu'en octobre 2020), la décision sera infirmée en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, lesquels seront fixés à la somme de 10 000 euros.

La décision déférée est infirmée sur ces chefs.

Il est admis que lorsque l'entreprise de travail temporaire manque à ses propres obligations et agit frauduleusement en concertation avec l'entreprise utilisatrice, pour contourner l'interdiction de pourvoir durablement, par des contrats de mission, à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice, elle peut être condamnée à supporter in solidum avec cette dernière les conséquences de la requalification.

Le salarié sollicite la condamnation solidaire des entreprises intimées aux sommes ci-dessus, ce à quoi ces dernières s'opposent.

Or, la cour constate que M. [R] ne développe aucun motif pour fonder sa demande de condamnation solidaire, laquelle n'est pas plus motivée dans la décision de première instance.

En effet, s'il reproche à l'entreprise de travail temporaire d'avoir manqué aux dispositions de l'article L. 1251-16 du code du travail en ne précisant pas la qualification du salarié remplacé lorsqu'il s'agissait de contrats de mission de remplacement, il développe ce moyen pour solliciter « la confirmation » de la décision déférée en ce qu'elle aurait ordonné la requalification de sa relation contractuelle avec la société SOS [Localité 2] intérim, ce qui est inexact comme cela a été précédemment développé.

Dans ces conditions, la décision déférée sera également infirmée en ce qu'elle a ordonné la condamnation solidaire des sociétés intimées en ce qui concerne le règlement des indemnités ci-dessus allouées, lesquelles seront mises à la charge de la société Schneider.

Enfin, les conditions de l'article L. 1235-4 du code du travail étant réunies, il appartiendra à la société Schneider de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à M. [R] du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de trois mois.

5) Sur l'obligation de formation

En application de l'article L.6321-1 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, notamment au regard de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

En l'espèce, M. [R] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné solidairement les intimées à lui payer la somme de 150 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à ladite obligation.

La société Schneider s'y oppose au motif que l'obligation de formation s'applique aux employeurs et non aux entreprises utilisatrices. La société SOS [Localité 2] fait valoir, sans être contredite, qu'elle a permis à l'appelant d'obtenir le CACES dans le cadre de sa formation de cariste et de renouveler cette qualification.

Le contrat de travail ayant toutefois été requalifié, la société Schneider est devenue l'employeur de M. [R] depuis le 24 janvier 2012 et est, à ce titre, tenue de l'obligation de formation prévue au texte précité.

Si elle n'apporte aucun élément établissant qu'elle a satisfait à cette obligation, M. [R] n'explicite et, a fortiori, ne justifie pas non plus du préjudice qui en est résulté, notamment en lien avec une difficulté à se réinsérer sur le marché de l'emploi.

Le jugement sera en conséquence infirmé sur ce point et M. [R] débouté de sa demande.

6) Sur la participation et l'intéressement

Compte tenu de la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à compter du 24 janvier 2012, M. [R] est considéré depuis cette date comme salarié de la société Schneider et est en droit de prétendre à l'intéressement et à la participation comme les autres salariés permanents de cette société.

A cette demande, ladite société oppose les dispositions de l'article L. 1471-1 alinéa 1er du code du travail relatif à la prescription biennale.

Si l'action en paiement de la participation aux résultats et de l'intéressement de l'entreprise nécessite la qualité de salarié, laquelle résulte effectivement du contrat de travail, celle-ci ne trouve cependant pas son fondement dans l'exécution dudit contrat mais dans des accords collectifs négociés qui ont pour objet de garantir collectivement aux salariés le droit de participer aux résultats de l'entreprise et de concourir à la mise en 'uvre de la gestion participative dans l'entreprise. Ces accords, distincts du contrat de travail, revêtent un caractère aléatoire en ce que les éléments de calcul et de performance ne dépendent ni du salarié, ni de son seul travail et résultent de la mise en 'uvre d'un système obligatoire légal.

Dès lors, la prescription spéciale de l'article L. 1471-1 n'a pas lieu à s'appliquer à l'action considérée, laquelle relève de l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Or, c'est au terme du dernier contrat de travail que le salarié, considérant avoir occupé un emploi lié à l'activité normale et permanente de la société, est susceptible d'avoir eu connaissance de ses éventuels droits relatifs à l'intéressement et à la participation.

Ainsi, la prescription a commencé à courir à compter du 6 mars 2020, M. [R] ayant saisi le conseil de prud'hommes le 23 décembre suivant, sa demande en paiement est par conséquent recevable.

Par conséquent, il convient de faire droit à sa demande formée à ce titre pour la somme de 14 054,59 euros, les montants sollicités au titre des années 2015 à 2019 n'étant pas contestés dans leur quantum.

La décision déférée est infirmée sur ce chef.

7) Sur l'appel en garantie

La requalification en CDI opérée a été motivée par le recours à des contrats de mission pour pourvoir durablement à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Or, la société Schneider ne peut invoquer, pour faire valoir auprès de l'entreprise de travail temporaire des droits afférents à la responsabilité contractuelle, la méconnaissance par cette dernière des obligations mises à sa charge à l'égard du salarié et, notamment, celles édictées par l'article L. 1251-16 du code du travail.

Au surplus, il ne peut être reproché à la société SOS [Localité 2] intérim aucun manquement dans l'établissement des contrats de mise à disposition. La société Schneider fait valoir que l'entreprise de travail temporaire a offert des missions régulières à l'appelant « sans diversifier les mises à disposition », ce qui ne peut engager sa responsabilité alors même qu'elle ne se prévaut d'aucun manquement au délai de carence.

Par conséquent, il convient de rejeter la demande d'appel en garantie formée par la société Schneider Electric industrie à l'encontre de la société SOS [Localité 2] intérim.

8) Sur les dépens et les frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, la société Schneider est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour la même raison, elle est condamnée à payer à l'appelant la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement et en dernier ressort ;

Déclare recevable la demande formée par M. [R] au titre de la prime d'ancienneté ;

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes d'Évreux du 7 avril 2021 sauf en ses dispositions relatives à l'indemnité de requalification et aux frais irrépétibles,

Statuant dans cette limite et y ajoutant,

Requalifie les contrats de travail temporaire de M. [P] [R] au bénéficie de la société Schneider Electric industrie en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 24 janvier 2012 ;

Déboute la société Schneider Electric industrie de sa fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en paiement de l'intéressement et de la participation ;

La condamne à payer à M. [R] les sommes suivantes :

3 500,60 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

3 360,58 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

336,06 euros au titre des congés payés sur préavis ;

10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

14 054,59 euros au titre du rappel de l'intéressement et de la participation,

3 412,68 euros au titre du rappel de prime d'ancienneté,

1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne à la société Schneider Electric industrie de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à M. [R] du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de trois mois ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société aux dépens de première instance et d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01778
Date de la décision : 04/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-04;21.01778 ?
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