N° RG 21/01396 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IXM6
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 11 MAI 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE LOUVIERS du 03 Mars 2021
APPELANTE :
Madame [S] [L]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Stéphane PASQUIER de la SELARL PASQUIER, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
S.A.R.L. MALOU ESTHETIQUE
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Franck ROGOWSKI de la SELARL CONIL ROPERS GOURLAIN-PARENTY ROGOWSKI ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 04 Avril 2023 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 04 Avril 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 Mai 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 11 Mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [S] [L] a été engagée par l'EURL Malou Esthétique, laquelle exploite un magasin sous l'enseigne Yves Rocher, en qualité de directrice de magasin par contrat de travail à durée indéterminée du 24 août 2015.
Par requête du 12 novembre 2018, Mme [S] [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Louviers de demandes de rappels de salaire et au titre de la rupture du contrat de travail.
L'affaire a été radiée le 5 février 2020.
En arrêt de travail depuis le 24 juillet 2018, déclarée inapte par le médecin du travail le 12 mars 2020, le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement a été notifié à la salariée le 9 avril 2020.
Par conclusions du 22 juin 2020, Mme [S] [L] a sollicité la réinscription de l'affaire au rôle du conseil de prud'hommes de Louviers.
Par jugement du 3 mars 2021, le conseil de prud'hommes s'est déclaré compétent pour connaître de l'affaire, a dit qu'aucune convention collective n'est applicable à la relation contractuelle entre Mme [S] [L] et la SARL Malou, constaté l'absence d'élément probant démontrant la réalisation d'heures supplémentaires, n'a pas relevé d'exécution de mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail de la part de l'employeur, par conséquent, a débouté Mme [S] [L] de l'ensemble de ses prétentions y compris celle tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, débouté les parties de leurs autres demandes, condamné Mme [S] [L] aux entiers dépens.
Mme [S] [L] a interjeté appel le 2 avril 2021.
Par conclusions remises le 2 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, Mme [S] [L] demande à la cour de :
- la recevoir en son appel et l'en déclarer bien fondée,
- infirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions,
- condamner la SARL Malou Esthétique, prise en la personne de son représentant légal, à lui verser les sommes suivantes :
rappel d'heures supplémentaires : 33 492 euros,
congés payés afférents : 3 349 euros,
dommages et intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos non prise : 5 464 euros,
dommages et intérêts pour travail dissimulé : 15 480 euros,
concernant la rupture du contrat de travail,
- à titre principal, faire droit à sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail avec toutes les conséquences afférentes,
- subsidiairement, juger que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle ni sérieuse,
en tout état de cause,
- condamner la SARL Malou Esthétique, prise en la personne de son représentant légal, à lui verser les sommes suivantes :
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 13 344,98 euros,
indemnité compensatrice de préavis : 5 337,99 euros ,
congés payés afférents : 533,79 euros,
en conséquence,
- ordonner la rectification des documents sociaux, sous astreinte de 250 euros par jour et par document à compter de la notification de la décision,
- dire que cette astreinte durera 3 mois passé lequel délai il en sera référé à la cour pour éventuelle révision en cas d'inexécution,
- dire que la cour se réserve en tout état de cause la compétence pour la liquidation de l'astreinte,
- rappeler que les intérêts légaux courent de plein droit à compter de la saisine conformément à l'article 1153 du code civil, sur les créances de nature salariale,
- faire courir les intérêts au taux légal sur les demandes indemnitaires à compter de la saisine du conseil conformément à l'article 1153-1 du code civil,
- ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil, dès lors que les intérêts courront depuis plus d'un an et qu'une demande a été faite,
- condamner la SARL Malou Esthétique, prise en la personne de son représentant légal, à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance qui comprendront les frais d'exécution de la décision.
Par conclusions remises le 15 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la SARL Malou Esthétique demande à la cour de :
- déclarer recevable l'appel formé par Mme [S] [L], mais non fondé,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu,
- juger irrecevables les demandes de contestation du licenciement pour inaptitude non professionnelle et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse afférent au licenciement pour inaptitude,
- juger irrecevables les demandes de dommages et intérêts pour résolution judiciaire du contrat de travail, de dommages et intérêts pour travail dissimulé et de congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis,
- débouter Mme [S] [L] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Mme [S] [L] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 16 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il convient d'observer que bien qu'ayant interjeté un appel total, Mme [S] [L] ne demande plus de rappel de salaire au titre du minimum conventionnel et les congés payés afférents, ni de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Aussi, le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ces chefs de demande.
I - Sur les demandes au titre de l'exécution du contrat de travail
I-1- Sur les heures supplémentaires
Mme [S] [L] explique que son contrat de travail mentionne un forfait jours de 218 jours sans prévoir aucune disposition permettant à l'employeur de s'assurer que sa charge de travail était raisonnable, qu'au contraire, l'employeur l'incluait dans les plannings déterminant l'emploi du temps de toutes les salariées, ses bulletins de paie mentionnaient une durée de travail de 151,67 heures et un taux horaire, ce qui est antinomique avec le forfait-jours qui lui est donc inopposable. Aussi, au vu des plannings, elle sollicite paiement des heures supplémentaires qu'elle a accomplies à hauteur de 33 492 euros.
Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte des articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
A l'appui de ses demandes, Mme [S] [L] produit aux débats :
- les plannings de travail établis pour chaque semaine, mentionnant pour chaque jour l'heure de début et de fin de journée,
- le décompte des heures supplémentaires établi par semaine civile sur la base de ces plannings,
- des échanges de sms avec son employeur à des heures matinales ou tardives,
- des feuilles de coffre du 1er janvier 2018 au 31 mars 2018 mentionnant le nom de l'opérateur et l'heure de l'opération permettant de recouper les heures mentionnées au planning avec les interventions en coffre de la salariée,
- des attestations de :
son conjoint qui explique que régulièrement le matin et systématiquement les lundi à 8h30 et vendredi à 7h45, depuis juin 2017, il déposait Mme [S] [L] sur son lieu de travail et n'avoir jamais alors constaté la présence d'une autre personne pour faire l'ouverture ; lorsqu'il venait la chercher le soir deux à trois fois par semaine, il devait attendre 30 à 45 minutes après la fermeture de 19h30,
Mme [R] [C] qui a été en contrat d'apprentissage du 2 juillet 2017 au 11 août 2018 relatant que Mme [S] [L] faisait les fermetures, tout comme elle, qu'il était difficile de sortir à 19h30 car il fallait clôturer les caisses, faire les réassorts et le ménage dans le magasin.
Ces éléments sont suffisamment précis afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
L'EURL Malou Esthétique, qui remarque que la salariée n'a jamais présenté de demande au titre des heures supplémentaires avant son arrêt de travail et ne remet pas en cause l'inopposabilité de la convention de forfait jours, s'oppose à sa demande aux motifs que la salariée verse au débat un tableau d'heures incohérent et erroné, non corroboré par d'autres éléments, qu'elle a été seulement le maître d'apprentissage de Mme [H] du 29 juillet 2018 au 28 septembre 2018, qu'il résulte au contraire qu'elle déléguait des tâches, arrivait constamment en retard lorsqu'elle devait ouvrir le magasin, prenait de longues pauses le midi, passait beaucoup de temps le soir à se préparer et se maquiller sur son lieu de travail, effectuait de nombreux soins dispensés par l'établissement sur son lieu de travail.
Elle propose un décompte du temps de travail de la salariée sur la base des feuilles de coffre intégralement communiquées sur la période litigieuse dont elle déduit que la salariée n'a non seulement accompli aucune heure supplémentaire mais encore qu'elle a été rémunérée d'une cinquantaine d'heures qu'elle n'a pas effectivement travaillées.
Les informations contenues dans les feuilles de coffre ne sont pas suffisantes pour établir les horaires de travail de la salariée dans le cadre du contrôle incombant à l'employeur.
En effet, elles n'incluent pas l'ensemble des tâches en lien avec ses fonctions de directrice de magasin, lesquelles ne se limitent pas à l'usage des caisses, puisque selon le contrat de travail, en qualité de directrice de magasin relevant du statut cadre, elle avait pour principales missions de :
- garantir la satisfaction des clients et garantir la performance commerciale dans le respect et l'image d'Yves Rocher et de la société Malou Esthétique
- optimiser la performance commerciale, s'assurer de la profitabilité du magasin
- gérer l'équipe,
- être garante de la bonne gestion du magasin
- être valeur d'exemplarité au sein du magasin et de l'équipe
- gérer le compte d'exploitation en maintenant un niveau de rentabilité optimal.
Par ailleurs, aucun élément permet de retenir qu'elle était tenue d'ouvrir la caisse dès son arrivée et de la fermer au moment de son départ.
De plus, l'analyse des feuilles de coffre montre que plusieurs personnes étaient susceptibles de faire des opérations enregistrées sur ces feuilles au cours de la même journée, et que dès lors il ne peut en être déduit que les enregistrements correspondaient nécessairement au temps de travail de la salariée, puisqu'au contraire, elle était secondée d'une adjointe et qu'aucun élément n'est produit permettant de connaître la répartition des tâches entre elles, notamment quant aux opérations de caisses.
Aussi, le décompte de l'employeur fondé sur ces documents à partir de l'analyse des ouvertures et fermetures de coffre est inopérant.
Il l'est d'autant plus que face à son constat selon lequel la salariée aurait manqué a minima une cinquantaine d'heures de travail qui lui ont été rémunérées, il n'a jamais réagi au cours de la relation contractuelle alors qu'il disposait des éléments pour le faire.
Les incohérences soulevés par l'employeur relativement au décompte de la salariée ne sont pas avérées.
En effet, l'examen du document récapitulatif des heures supplémentaires appréciées par semaine civile permet d'observer que la salariée n'a pas compté de temps de travail le 23 mars 2017, n'a présenté aucune demande pour les semaines des 17 avril 2017 et 1er mai 2017, pas plus que pour les semaines au cours desquelles elle était en congé.
Sur la pause méridienne, il n'est pas discuté que le magasin était ouvert en continu du lundi au samedi.
Certes, les plannings ne mentionnent pas la pause méridienne. Néanmoins, il résulte de leur comparaison avec le décompte établi par la salariée qu'elle a déduit le temps de pause à hauteur d'une heure par jour.
Si l'employeur fait valoir qu'elle prenait une plus longue pause et produit des attestations en ce sens, la salariée verse au débat les attestations de Mmes [A] [P] et [M] [N], clientes dont il se déduit que la salariée pouvait travailler entre 13 et 14 heures et prendre sa pause de 12 à 13h00, ce qui est partiellement corroboré par l'analyse des feuilles de coffre puisqu'il en résulte que des opérations ont été enregistrées comme réalisées par la salariée aux dates et heures suivantes :
- 2015 : le 6 novembre à 13:14, le 21 décembre à 13h48, le 19 décembre à 12:24, le 11 décembre à 13:56, le 9 décembre à 12:55,
- 2016 : le 23 janvier à 13:12, le 8 janvier à 12:08, le 15 février à 12:04, le 17 février à 13:57, le 10 mars à 13h47, le 12 mars à 12:57, le 24 mars à 13:32, le 20 mai à 13:18, le 28 mai à 12:06, le 22 juin à 13:45, le 1er juillet à 13:23, le 5 juillet à 13:14, le 6 juillet à 13:37, le 7 juillet à 12:54, le 9 juillet à 13h44, le 30 août à 12:10, le 6 septembre à 13:55, le 23 septembre à 12:30, le 22 octobre à 12:39, le 4 novembre à 13:05, le 18 novembre à 13:46, le 19 novembre à 13:22, le 26 novembre à 12:09, le 17 décembre à 13:34, le 22 décembre à 12:12,
- 2017 : le 11 janvier à 13:30, le 25 janvier à 12:35, le 31 janvier à 13:38, le 21 février à 12:33, le 22 février à 12:14, le 28 février à 12:39, le 7 mars à 13:56, le 11 mars à 13:56, le 14 mars à 13:23, le 21 mars à 13:28, le 28 mars à 13:29, le 4 avril à 13:26, le 23 mai à 13:30, le 26 mai à 13:52, le 27 mai à 13:47, le 31 mai à 13:36, le 2 juin à 13:49, le 3 juin à 13:31, le 16 juin à 13:33, le 17 juin à 12:15, le 20 juin à 13:42, le 26 juin à 13:33, le 25 juillet à 13:06, le 3 juillet à 13:47, le 5 juillet à 13:54, le 8 juillet à 13:51, le 11 juillet à 13:27, le 18 juillet à 12:25, le 22 juillet à 13:16, le 9 septembre à 13:42, le 13 septembre à 13:28, le 23 septembre à 13:42, le 24 novembre à 13:06, le 29 novembre à 12:57, le 2 décembre à 12:10, le 9 décembre à 12:19, le 30 décembre à 13:48,
- 2018 : le 21 février à 12:15, le 7 mars à 12:14, le 18 avril à 12:06 et 13:27, le 21 mai à 13:27.
Concernant les soins dont Mme [S] [L] a bénéficié sur son temps de travail, elle explique qu'ils s'intégraient dans son temps de travail comme réalisés pour permettre aux nombreuses apprenties esthéticiennes de parfaire leur formation ou aux candidates au recrutement de démontrer leur savoir-faire. Néanmoins, l'employeur verse au débat la liste de rendez-vous dont la salariée a bénéficié au cours de l'année 2018 lesquelles ne peuvent tous se justifier par la nécessité de formation de salariées notamment lorsque de manière régulière elle bénéficie de soins minceur LPG sur son temps de travail.
Par ailleurs, alors que l'examen des plannings montre que la salariée n'a pas revendiqué faire toutes les ouvertures et fermetures, l'attestation de Mme [V] [F], responsable adjointe du 29 janvier au 13 avril 2018, outre qu'elle ne couvre qu'une partie de la période de réclamation de Mme [S] [L], ne permet pas de contredire la salariée lorsqu'elle allègue avoir fait des ouvertures et/ou fermetures.
Aussi, sans qu'il y ait lieu de répondre aux autres moyens inopérants, alors que la salariée apporte des éléments suffisamment précis quant à ses horaires de travail, que l'employeur de son coté ne justifie pas de la réalité des heures effectivement travaillées par Mme [S] [L], mais aussi, qu'il est attesté par plusieurs salariées qu'elle arrivait fréquemment en retard, ou encore qu'elle pouvait s'absenter pour s'adonner à des activités personnelles ou que ses pauses méridiennes pouvaient être supérieures à une heure et qu'elle bénéficiait sur son temps de travail de prestations qui ne peuvent être rattachées à ses fonctions, la cour a la conviction que la salariée a accompli des heures supplémentaires à la hauteur suivante :
- 2015 : 130 heures pour un montant de 3 362,70 euros
- 2016 : 300 heures pour un montant de 7 978,70 euros
- 2017 : 360 heures pour un montant de 9 751,70 euros
- 2018 : 120 heures pour un montant de 3 283,65 euros,
Soit un total de 24 376,75 euros.
Par arrêt infirmatif, la cour condamne l'employeur au paiement de cette somme et aux congés payés afférents.
I-2 Sur la contrepartie obligatoire en repos
Mme [S] [L] sollicite la condamnation de l'employeur au paiement de la contrepartie obligatoire en repos dès lors qu'elle a dépassé le contingent fixé légalement à 220 heures.
Jusqu'au 10 août 2016, l'article L.3121-11 du code du travail disposait que des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
Une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe l'ensemble des conditions d'accomplissement d'heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, la majoration des heures supplémentaires étant fixée selon les modalités prévues à l'article L. 3121-22. Cette convention ou cet accord collectif peut également prévoir qu'une contrepartie en repos est accordée au titre des heures supplémentaires accomplies dans la limite du contingent.
A défaut d'accord collectif, un décret détermine ce contingent annuel et les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel.
A défaut de détermination du contingent annuel d'heures supplémentaires par voie conventionnelle, les modalités de son utilisation et de son éventuel dépassement donnent lieu au moins une fois par an à une consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe.
Dans sa version applicable du 10 août 2016 au 1er janvier 2020, l'article L.3121-38 du code du travail prévoit qu'à défaut d'accord, la contrepartie obligatoire sous forme de repos mentionnée à l'article L. 3121-30 est fixée à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné au même article L. 3121-30 pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés.
Ainsi, la salariée, qui n'a pas été en mesure, du fait de l'employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l'indemnisation du préjudice subi et celle-ci comporte à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateur et le montant de l'indemnité de congés payés afférents.
Compte tenu des heures supplémentaires retenues, lesquelles dépassent le contingent annuel de 220 heures pour 80 heures en 2016 et 140 heures en 2017, en ce qu'il n'est pas discuté que l'entreprise compte moins de 20 salariés, compte tenu du taux horaire de 20,63 euros en 2016 et 21,22 euros en 2017, il est dû par l'employeur la somme de 2 541,66 euros.
La cour infirme sur ce point le jugement entrepris.
I-3- Sur la demande au titre du travail dissimulé
L'EURL Malou Esthétique fait valoir que tant sa requête que dans les conclusions de reprise d'instance devant le conseil de prud'hommes, Mme [S] [L] ne présentait aucune demande au titre du travail dissimulé, de sorte que cette demande nouvelle est irrecevable.
Mme [S] [L] s'oppose au moyen tiré de l'irrecevabilité dès lors que la demande au titre du travail dissimulé présente un lien direct et certain avec sa réclamation au titre des heures supplémentaires et constitue une demande incidente conforme à l'article 63 du code de procédure civile.
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 566 du même code précise que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
La demande de travail dissimulé devant être considérée comme l'accessoire de la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, il convient de la déclarer recevable.
Il résulte de l'article L. 8221-5 du Code du travail qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur, soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche, soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Selon l'article L. 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Alors que l'employeur ne pouvait ignorer les heures qu'elle a accomplies et la soumettait à une convention de forfait jours puisque sachant qu'elle ne pouvait accomplir sa charge de travail dans le cadre de la durée légale du travail, la salariée considère que le caractère intentionnel est établi.
La salariée a été soumise par son contrat de travail à une convention de forfait jours, que l'employeur savait irrégulière comme cela se déduit de ce qu'il a admis sans difficulté qu'elle lui était inopposable.
Aussi, en imposant à la salariée une rémunération sur une base forfaitaire, peu importe le nombre d'heures réalisées dans le mois, comme le précisait le contrat de travail, alors qu'il ne pouvait ignorer que, compte tenu des temps d'ouverture du magasin six jours sur sept, la salariée ne pourrait accomplir l'ensemble de ses responsabilités à raison de 35 heures par semaine, le caractère intentionnel est suffisamment établi et justifie de faire droit à la demande de la salariée pour un montant de 15 480 euros, la cour statuant ainsi dans les limites de la demande.
II - Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail
II-1 Sur la résiliation judiciaire
La résiliation judiciaire du contrat de travail peut être prononcée si l'employeur n'exécute pas ses obligations contractuelles et que les manquements sont d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur , tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.
La résiliation judiciaire du contrat de travail prend effet au jour où le juge la prononce, dés lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur.
Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement ou au jour de la prise d'acte de rupture ou au jour à partir duquel le salarié a cessé de se tenir à la disposition de son employeur.
En l'espèce, Mme [S] [L] demande à titre principal le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail en invoquant les graves manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles, en particulier à son obligation de sécurité, fondement aussi de sa contestation du licenciement pour inaptitude, caractérisés par :
- l'application d'une convention de forfait en jours alors qu'elle ne pouvait être mise en place,
- sa charge de travail avec l'accomplissement de nombreuses heures supplémentaires sans bénéficier d'aucune contrepartie en repos en dépit du dépassement important du contingent annuel en 2016 et 2017, ce qui a entraîné une dégradation de son état de santé ayant conduit à un arrêt maladie pour syndrome d'épuisement professionnel,
- l'absence de mesure pour garantir l'effectivité du droit à la déconnexion
- le manquement à son obligation de formation en matière de management et plus généralement à la direction du magasin.
Comme plus avant retenu, la salariée a accompli de nombreuses heures supplémentaires sans en être rémunérée, en dépassant le contingent annuel de manière significative en 2016 et 2017 et atteignant déjà 120 heures supplémentaires jusqu'à son arrêt maladie de juillet 2018, situation ayant contribué à une dégradation de son état de santé puisque, selon le certificat médical établi le 24 juillet 2018 par Mme [X] [G], elle présentait un syndrome dépressif et anxieux caractérisé réactionnel, prolongé jusqu'à l'avis d'inaptitude émis le 12 mars 2020 excluant toute possibilité de reclassement au sein de l'entreprise en mentionnant que ' tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé'.
Ainsi, les manquements suffisamment graves de l'employeur sont caractérisés et en ce qu'ils empêchaient la poursuite du contrat de travail, il y a lieu de prononcer la résiliation judiciaire à effet au 9 avril 2020, date du licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
La cour infirme ainsi le jugement entrepris.
II-2 Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail
La résiliation judiciaire emportant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée est fondée à obtenir paiement des sommes suivantes :
- l'indemnité compensatrice de préavis
la cour statuant dans les limites de la demande, et la salariée pouvant prétendre à deux mois de préavis : 5 337,99 euros
Les congés payés afférents en étant le complément au sens de l'article 566 du code de procédure civile, cette demande est recevable et la cour condamne l'employeur à lui verser la somme de 533,79 euros à ce titre.
- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
L'EURL Malou Esthétique fait valoir que dans ses conclusions de reprise d'instance du 22 juin 2020, Mme [S] [L] sollicitait uniquement des dommages et intérêts à hauteur de 13 076 euros au titre de la contestation du licenciement pour inaptitude, de sorte que cette demande nouvelle est irrecevable.
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 566 du même code précise que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Dès lors que la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est la conséquence de la demande de résiliation judiciaire, elle doit être déclarée recevable.
En considération de son ancienneté de 4 ans, sans qu'il y ait lieu de la réduire en raison des arrêts maladie, la salariée peut obtenir une indemnité comprise entre 3 et 5 mois de salaire.
Compte tenu des heures supplémentaires accordées, son salaire moyen s'établit à la somme de 2 989,09 euros.
En l'absence de justification de l'évolution de sa situation professionnelle postérieurement au licenciement, la cour lui alloue la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.
III - Sur les autres points
Les conditions de l'article L.1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés des indemnités chômage versées à la salariée licenciée dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage, du jour de la rupture au jour de la présente décision.
Les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau d'orientation et de conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt.
Les intérêts échus produiront intérêts à compter de la présente décision, dés lors qu'ils seront dus au moins pour une année entière à compter du présent arrêt, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.
Compte tenu de l'issue du litige, il convient d'ordonner la remise par l'employeur d'un bulletin de salaire récapitulatif des sommes dues, d'un certificat de travail et de l'attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt, sous astreinte de 30 euros par jour de retard pour l'ensemble des documents passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt et pour une période limitée à trois mois, sans que la cour ne se réserve la liquidation de cette astreinte.
IV - Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie principalement succombante, l'EURL Malou Esthétique est condamnée aux entiers dépens y compris de première instance et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Pour le même motif, elle est condamnée à payer à Mme [S] [L] la somme de 2 000 euros pour les frais générés par l'instance et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Déclare recevables les demandes nouvelles en appel au titre de l'indemnité pour travail dissimulé, des dommages et intérêts au titre des conséquences de la résiliation judiciaire, et congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [S] [L] de ses demandes de rappel de salaire au titre du minimum conventionnel et les congés payés afférents, et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
L'infirme en ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail à effet au 9 avril 2020 ;
Condamne l'EURL Malou Esthétique à payer à Mme [S] [L] les sommes suivantes :
rappel de salaire au titre des heures
supplémentaires : 24 376,75 euros
congés payés afférents : 2 437,67 euros
contrepartie obligatoire en repos : 2 541,66 euros
indemnité compensatrice de préavis : 5 337,99 euros
congés payés afférents : 533,79 euros
dommages et intérêts pour licenciement sans
cause réelle et sérieuse : 10 000,00 euros
Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau d'orientation et de conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt ;
Dit que les intérêts échus produiront intérêts dés lors qu'ils seront dus au moins pour une année entière, et ce à compter de la présente décision ;
Ordonne le remboursement par l'EURL Malou Esthétique aux organismes intéressés des indemnités chômage versées à Mme [S] [L] dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage, du jour de la rupture au jour de la présente décision ;
Ordonne la remise par l'EURL Malou Esthétique à Mme [S] [L] d'un bulletin de salaire récapitulatif des sommes dues, d'un certificat de travail et de l'attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt ;
Prononce une astreinte de 30 euros par jour de retard pour l'ensemble des documents passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt et pour une période limitée à trois mois, sans que la cour ne se réserve la liquidation de cette astreinte ;
Y ajoutant,
Condamne l'EURL Malou Esthétique à payer à Mme [S] [L] la somme de 15 480 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;
Condamne l'EURL Malou Esthétique aux entiers dépens de première d'instance et d'appel ;
Condamne l'EURL Malou Esthétique à payer à Mme [S] [L] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute l'EURL Malou Esthétique de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en appel.
La greffière La présidente