N° RG 21/01404 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IXNN
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 11 MAI 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 16 Mars 2021
APPELANT :
Monsieur [Z] [Y]
Chez Mme [N]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Emmanuelle BOURDON de la SELARL EMMANUELLE BOURDON-CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
Société ADTE
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 05 Avril 2023 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DUBUC, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 05 Avril 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 Mai 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 11 Mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
M. [Z] [Y] a été engagé en contrat à durée indéterminée par la société ADTE le 18 novembre 2013 en qualité de directeur commercial France, statut cadre, niveau II, indice 180.
Il a été licencié pour faute grave le 13 mai 2019 dans les termes suivants :
'(...) Vous avez été engagé, compte tenu de votre parfaite connaissance du marché et des produits commercialisés par la société, en vue d'assurer le développement de notre activité.
En votre qualité de directeur commercial France, vous aviez notamment la responsabilité, dans le respect de la politique commerciale de la société, de :
- Prospecter de nouveaux clients et visiter régulièrement les clients existants en vue de commercialiser l'ensemble des produits de la société ;
- Etablir les propositions de vente en collaboration avec les différents services ;
- Assurer le suivi de la facturation et des paiements ;
- Transmettre à la direction un rapport d'activité périodique suivant les demandes qui vous sont faites.
Nous étions contractuellement convenus que l'exécution de vos fonctions impliquaient des déplacements fréquents sur l'ensemble du territoire national et plus particulièrement, Ile de France, le nord et le nord-ouest de la France, régions dans lesquelles nous avions demandé, depuis votre entrée en fonction, d'intervenir plus particulièrement.
A l'issue de l'année 2018 l'analyse des comptes de la société a mis en évidence une sous-activité très importante dans les régions que nous vous avons confiées.
En tout début d'année nous vous avons demandé de recréer une dynamique commerciale, d'une part, et d'autre part, nous rendre compte de votre action, de manière hebdomadaire, afin de pouvoir vous accompagner et anticiper les productions à réaliser. Nous vous avons également interpellé sur différentes affaires susceptibles de relancer l'activité, par exemple les dossiers Viparis, fin janvier, et BTB, courant février, dossiers pour lesquels il existe un potentiel à court terme de développement.
En l'absence de toute transmission de votre part d'informations sur votre activité nous vous avons à nouveau relancé fin février concernant les clients que vous démarchiez.
Malgré nos multiples échanges et relances nous n'avons à ce jour reçu aucun rapport de votre activité ni d'ailleurs autres documents nécessaires à l'activité malgré nos sollicitations, notamment par le service comptable de la société.
Par ailleurs, l'analyse de vos notes de frais, depuis le début de l'année, montre une absence presque totale de déplacements, et de repas et a fortiori de nuitées, alors même que nous vous avions expressément demandé, en début d'année, de recréer une dynamique commerciale pour faire face à la faiblesse de l'activité dans les zones Nord et Ouest de la zone Ile de France, pourtant de loin la plus riche en projets.
De même nous n'avons pas reçu de réponse de votre part sur les dossiers sur lesquels nous vous avons demandé spécifiquement d'agir (Viparis fin janvier et BTB en février).
A l'issue du 1er trimestre 2019, votre absence totale d'activité terrain a pour conséquence un niveau de développement commercial inchangé par rapport à la situation constatée fin 2018 ce qui est totalement inadmissible compte tenu de la demande expresse et réitérée que nous vous avons faite, de votre expérience et votre connaissance du marché.
Cette situation caractérise donc une inexécution manifeste de vos obligations essentielles au préjudice de la société, malgré nos demandes expresses d'agir.
De même, dans le cadre des actions que nous avons parallèlement engagées depuis le début de l'année pour relancer les contacts clients et fournisseurs, nous avons dû faire face à des plaintes concernant votre comportement de deux interlocuteurs très importants pour la société. Ceux-ci nous ont indiqué n'avoir de ce fait plus souhaité travailler avec vous. Au-delà de la perte d'activité qu'une telle situation a entraîné, nous ne pouvons accepté que l'image de la société soit ainsi remise en cause auprès d'interlocuteurs qui appartiennent à des entreprises prescriptrices de chantiers avec lesquels nous travaillons en partenariat au plan national depuis la création de la société.
Enfin, à l'occasion de notre dernière venue sur notre nouveau site de Normandie le 16 avril dernier, nous avons été informés par les salariés eux-mêmes, que vous encaissiez personnellement le prix des ventes de cuivre appartenant à la société. Vous avez d'ailleurs reconnu les faits lors de l'entretien préalable. Vos agissements sont là encore totalement inacceptables. Vous ne pouviez en effet ignorer que le prix des chutes de cuivre est reversé aux salariés pour la réalisation d'activités sociales dans l'entreprise. En tout état de cause, vous aviez l'obligation de remettre le prix de ces ventes à la société et non de vous l'approprier.
L'inexécution manifeste de vos responsabilités contractuelles essentielles sur la plan commercial, le non-respect volontaire et réitéré depuis le début de l'année de nos demandes de restitution de vos plannings d'activité, ce manifestement en vue de masquer votre inaction et, plus grave encore votre manque de probité caractérisé, au préjudice des salariés de l'établissement de Normandie et en tout état de cause de la société, sont totalement inadmissibles et rendent, par conséquent, impossible votre maintien dans la société. (...)'
Par requête reçue le 29 octobre 2019, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen en contestation de la rupture, ainsi qu'en paiement d'indemnités et rappel de salaires.
Par jugement du 16 mars 2021, le conseil de prud'hommes a dit que M. [Y] relevait de la classification conventionnelle correspondant à un indice 180 et que son licenciement était fondé sur une faute grave, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer à la société ADTE la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
M. [Y] a interjeté appel de cette décision le 2 avril 2021 en demandant à ce que le jugement soit réformé 'en ce qu'il l'a débouté de l'intégralité de ses demandes qui étaient - qu'il relève de la classification 240 - que son licenciement pour faute grave est abusif en l'absence de faute grave - qu'il existe à son égard des mesures vexatoires - et de condamnation de la société ADTE au paiement de Rappel de salaire minimum conv. 37 729,21 euros. Congés payés afférents 3 772,92 euros. Solde RTT A titre principal 9 860 euros A titre subsidiaire 7 965,98 euros. Dommages et intérêts licenciement abusif 39 467,73 euros. Dommages et intérêts mesures vexatoires 13 155,91 euros. Indemnité de préavis 39 598,99 euros. Congés payés afférents 3 959,89 euros. Indemnité de licenciement 9 503,74 euros. Article 700 du code de procédure civile 2 000 euros. Condamnation aux entiers dépens comprenant les frais d'exécution (...)'.
Par conclusions remises le 14 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, M. [Y] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de l'intégralité de ses demandes, et statuant à nouveau, de :
- constater qu'il relève d'une classification conventionnelle correspondant à l'indice 240 et condamner la société ADTE à lui payer la somme de 37 729,21 euros à titre de rappel de salaire minimum conventionnel pour la période d'avril 2016 à mai 2019, outre 3 772,92 euros au titre des congés payés afférents,
- condamner la société ADTE à lui payer la somme de 9 860 euros à titre de rappel de solde de RTT, et à titre subsidiaire, 7 965 euros,
- dire que son licenciement est abusif et qu'il a été victime de mesures vexatoires et condamner la société ADTE à lui payer les sommes suivantes :
indemnité de préavis : 39 598,99 euros
congés payés afférents : 3 959,89 euros
indemnité de licenciement : 9 503,74 euros
dommages et intérêts pour licenciement abusif : 39 467,73 euros
dommages et intérêts pour mesures vexatoires : 13 155,91 euros
indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros, outre l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile de l'ordonnance du 27 janvier 2022,
- débouter la société ATDE de l'ensemble de ses demandes et statuer ce que de droit quant aux dépens.
Par conclusions déposées le 13 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la société ADTE demande à la cour de :
- à titre principal, juger que l'appel de M. [Y] se limite au seul chef de jugement expressément critiqué, à savoir 'déboute M. [Y] de l'intégralité de ses demandes', en conséquence dire le jugement déféré définitif en ce qu'il a dit que le licenciement pour faute grave de M. [Y] était fondé, qu'il relevait d'une classification conventionnelle correspondant à l'indice 180 et qu'il devait être condamné à lui payer la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en conséquence, juger irrecevables les demandes présentées par M. [Y] devant la cour d'appel en l'absence d'être saisie,
- à titre subsidiaire, confirmer le jugement en son intégralité et plus spécialement, juger irrecevables les demandes présentées par M. [Y] pour la période antérieure au 29 octobre 2016 pour être prescrites, juger que la demande au titre du solde de RTT est irrecevable pour n'être ni chiffrée, ni étayée, juger que M. [Y] relève d'une classification conventionnelle correspondant à l'indice 180, juger que le licenciement repose sur une faute grave, en conséquence, débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes,
- à titre infiniment subsidiaire, fixer la moyenne mensuelle des salaires à 5 520 euros pour évaluer l'indemnité de licenciement à 6 829,20 euros et l'indemnité compensatrice de préavis à 31 500 euros,
- y ajoutant, condamner M. [Y] à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Gray Scolan, avocats associés, pour ceux la concernant conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 16 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la saisine de la cour d'appel
Rappelant l'article 562 du code de procédure civile, la société ADTE soutient que M. [Y] s'est contenté dans sa déclaration d'appel de dire que l'appel visait à faire réformer le jugement attaqué en ce qu'il l'avait débouté de l'intégralité de ses demandes et d'énoncer ensuite l'intégralité de ses demandes de première instance.
Selon l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
En l'espèce, comme rappelé dans l'exposé du litige, M. [Y] ne s'est pas contenté de reprendre ses demandes de première instance mais a bien demandé la réformation du jugement en ce qu'il l'avait débouté de l'intégralité de ses demandes en les listant afin, au contraire, d'apporter le plus de précision possible sur la portée de son appel face à une décision qui le déboutait, de fait, de l'intégralité de ses demandes.
Aussi, et quand bien même il n'a pas expressément visé le fait que le jugement ait mentionné qu'il relevait de la classification conventionnelle correspondant à un indice 180 et que son licenciement était fondé sur une faute grave, en demandant à ce qu'il soit réformé en ce qu'il l'avait débouté de l'intégralité de ses demandes et en précisant celles-ci et notamment, le fait qu'il soit dit qu'il relevait de la classification au niveau 240 et que son licenciement était abusif, la cour est valablement saisie de sa demande tendant à voir reconnue une classification au niveau 240 et le fait que son licenciement était abusif.
Surabondamment, il doit être relevé qu'il s'agit en réalité de moyens développés à l'appui de ses prétentions, à savoir rappel de salaire au titre du minimum conventionnel et indemnités de rupture au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Aussi, la seule disposition qui est en effet désormais définitive pour n'avoir fait l'objet d'aucun appel est celle l'ayant condamné à payer 500 euros à la société ADTE au titre de l'article 700 du code de procédure civile, laquelle disposition n'a pas été visée dans l'acte d'appel.
Il en résulte qu'à l'exception de cette disposition, la cour est valablement saisie de l'intégralité des demandes de M. [Y].
Sur la prescription relative à sa demande de rappel de salaire
La société ADTE constatant que M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes le 29 octobre 2019 et que, s'il a actualisé sa demande de rappel de salaire en supprimant ses prétentions au titre du mois de septembre 2016, il a néanmoins maintenu sa demande au titre du mois d'octobre, elle demande à ce que les demandes présentées pour la période antérieure au 29 octobre 2016 soient déclarées prescrites.
Selon l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
Il résulte de la combinaison des articles L. 3245-1 et L. 3242-2 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré.
En l'espèce, le contrat de travail de M. [Y] ayant pris fin le 13 mai 2019, ses demandes de rappel de salaires sont recevables sur les trois années précédents la rupture, et plus précisément à compter du 1er mai 2016 dès lors qu'il était payé de ses salaires les 30 ou 31 du mois. Ainsi, et alors que sa demande de rappel de salaire porte sur la période d'octobre 2016 à mai 2019, et non pas sur la période d'avril 2016 à mai 2019 comme il l'a indiqué par erreur dans le dispositif de ses conclusions, il convient de déclarer recevable sa demande de rappel de salaire.
Sur la classification
M. [Y] fait valoir que, contrairement à ce qui a été mentionné sur son contrat de travail lors de son embauche, son expérience, ses fonctions et sa rémunération correspondaient à la classification III B, et non à la classification II 180. Ainsi, il explique avoir bénéficié de la classification III C à compter d'avril 2016, laquelle n'a, certes, pas fait l'objet d'un avenant, mais a été portée de manière constante sur ses bulletins de salaire, sans qu'il puisse être valablement invoqué qu'il s'agirait d'une erreur alors même que cette promotion correspond à l'ouverture de l'agence de Normandie qu'il a menée à bien, qu'elle a fait l'objet de rectifications au mois de mai et juin afin d'être en conformité avec la convention collective et a été maintenue tant après un changement de modèle des bulletins de paie que lors de l'établissement des documents de fin de contrat.
En réponse, la société ADTE soutient qu'il s'agit d'une simple erreur comme en témoignent l'incohérence de cette mention avec les autres éléments du contrat de travail et la réalité des fonctions occupées qui sont les seuls éléments importants afin d'apprécier la classification d'un salarié. Ainsi, à défaut de tout avenant et de tout changement de fonctions à la date d'avril 2016, qui correspond à une période au cours de laquelle l'expert-comptable a changé, la société ADTE conclut au débouté de M. [Y] qui n'a jamais exercé des fonctions lui permettant d'obtenir une telle classification puisqu'il se contentait de prospecter et suivre la clientèle.
La qualification du salarié se détermine en référence aux fonctions réellement exercées et au regard de la convention collective applicable, laquelle peut édicter un seuil d'accueil en fonction des diplômes obtenus.
Si la charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une autre classification que celle appliquée, il appartient néanmoins à l'employeur de rapporter la preuve que la mention d'une classification portée sur les bulletins de salaire relève d'une simple erreur et ne ressort pas d'un engagement de sa part de l'appliquer.
En l'espèce, il résulte de l'article 21 de la convention collective nationale des cadres de la métallurgie que les ingénieurs et cadres confirmés soit par leur période probatoire en position I, soit par promotion pour les non-diplômés, sont classés dans la position II et la position III.
La position II correspond à un ingénieur ou cadre qui est affecté à un poste de commandement en vue d'aider le titulaire ou qui exerce dans les domaines scientifique, technique, administratif, commercial ou de gestion des responsabilités limitées dans le cadre des missions ou des directives reçues de son supérieur hiérarchique.
La position III B correspond, quant à elle, à un ingénieur ou cadre exerçant des fonctions dans lesquelles il met en 'uvre des connaissances théoriques et une expérience étendue dépassant le cadre de la spécialisation ou conduisant à une haute spécialisation. Sa place dans la hiérarchie lui donne le commandement sur un ou plusieurs ingénieurs ou cadres des positions précédentes dont il oriente et contrôle les activités, ou bien comporte, dans les domaines scientifique, technique, commercial, administratif ou de gestion, des responsabilités exigeant une très large autonomie de jugement et d'initiative.
Alors qu'il résulte de cet article que la nature, l'importance, la structure de l'entreprise et la nature des responsabilités assumées dans les postes conditionnent seules l'existence des différentes positions repères, il convient d'indiquer qu'il résulte de l'extrait Kbis que la société ADTE a pour activité la fabrication et la commercialisation d'équipements de contrôle de processus industrie et qu'elle comptait 23 salariés au moment du licenciement de M. [Y].
Par ailleurs, il résulte du contrat de travail signé entre la société ADTE et M. [Y] qu'après avoir rappelé que ce dernier avait une parfaite connaissance de l'activité de la société ADTE, des conditions et impératifs du marché actuel, des produits distribués par la société ADTE et du secteur géographique confié pour avoir pendant une période de 25 ans exercé la même activité et distribué les mêmes produits en sa qualité de PDG de la société E4i, il a été engagé en qualité de directeur commercial France, statut cadre, niveau II, indice 180, sous le bénéfice d'un forfait de 218 jours et ce, pour une rémunération brute annuelle de 60 000 euros, soit une rémunération mensuelle brute de 5 000 euros, forfaitaire et indépendante du nombre d'heures de travail réellement effectuées.
Il était indiqué qu'il avait pour fonctions de commercialiser l'ensemble des produits proposés par la société, de prospecter de nouveaux clients, d'assurer l'approvisionnement des clients démarchés, de les visiter régulièrement, de renseigner, vendre et diffuser les produits ou services de la société, d'établir des propositions de vente en collaboration avec les différents services techniques de la société, de se tenir informé des facturations et paiements des clients et, si besoin, de les relancer, de transmettre à la direction un rapport d'activité détaillé hebdomadaire, d'effectuer personnellement tous les déplacements et visites prescrits par la société dans les délais qui lui seront fixés, de respecter les tarifs et conditions de ventes établis par la société et de n'accorder aucune remise, réduction, facilité ou délai de paiement sans autorisation de MM. [P] père et fils.
A titre liminaire, il doit être relevé que le coefficient 180 attribué à M. [Y] est en inadéquation avec la position II puisqu'il résulte de l'article 22 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie qu'un salarié classé en position II ne peut, au mieux, que bénéficier d'un coefficient 135, de même pour le salarié placé en position III A.
Ainsi, le coefficient 180 n'est prévu que pour le salarié placé en position IIIB.
Au-delà de cette difficulté, le domaine d'activité très spécialisé de la société ADTE, le rappel de l'expérience de M. [Y] en préambule de son contrat de travail mais aussi de ses fonctions antérieures de PDG, dans le même domaine, permet de s'assurer qu'il avait une expérience étendue conduisant à une haute spécialisation et était en capacité d'exercer des responsabilités exigeant une très large autonomie de jugement et d'initiative, ce qui doit conduire, alors qu'il ressort du compte-rendu préalable à licenciement qu'il a permis le développement de la société grâce à l'apport de nombreux clients avant qu'il ne lui soit reproché un laisser-aller lors des derniers mois d'activité, à retenir qu'il relevait de la position IIIB.
Néanmoins, cette classification n'est pas, en soi, sollicitée par M. [Y] qui a toujours perçu le salaire minimum y afférent et il convient donc d'examiner si la mention III C 240 portée sur ses bulletins de salaire à compter d'avril 2016 relève d'une simple erreur ou, au contraire, d'un engagement de la société ADTE, de promouvoir M. [Y].
Ainsi, au mois d'avril 2016, sans qu'aucun avenant n'ait été signé et alors qu'auparavant, il avait toujours été mentionné sur les bulletins de salaire une qualification 'cadre' et un niveau 'position II indice 180", il a été indiqué une qualification 'cadre forfait jours' et un coefficient '240", puis au mois de mai une qualification 'cadre forfait jours', un niveau 'position II' et un coefficient '240", puis enfin au mois de juin et de manière définitive un statut professionnel 'cadre', une position 'IIIC' et un indice '240".
Si ces différentes rectifications sont plutôt en faveur de la thèse du salarié, pour autant, et alors que les bulletins de salaire sont édités par un expert comptable, que leur présentation a été modifiée au mois de juin 2016 ce qui corrobore l'existence d'un changement de logiciel sur cette période, il y a un élément déterminant qui permet de retenir qu'il s'agit d'une simple erreur commise par l'expert-comptable, c'est l'absence de toute modification de l'emploi et de la rémunération concomitamment à ce changement de statut, étant noté qu'il ne peut être sérieusement fait état de l'ouverture d'une agence en Normandie à cette date alors qu'il s'agit d'une planche de bureau installée dans le garage de M. [Y].
Aussi, et quand bien même ces indications ont à nouveau été portées sur les documents de fin de contrat, ce qui était une suite logique de l'erreur commise initialement, il convient de retenir qu'il s'agit d'une simple erreur matérielle, et ce, d'autant que les fonctions de M. [Y] ne relevaient manifestement pas de la position III C 240.
En effet, il résulte de la convention collective que l'existence d'un tel poste ne se justifie que par la valeur technique exigée par la nature de l'entreprise, par l'importance de l'établissement ou par la nécessité d'une coordination entre plusieurs services ou activités, que la place hiérarchique d'un ingénieur ou cadre de cette position lui donne le commandement sur un ou plusieurs ingénieurs ou cadres des positions précédentes, que l'occupation de ce poste exige la plus large autonomie de jugement et d'initiative et qu'une telle classification résulte aussi de l'importance particulière des responsabilités scientifique, technique, commerciale, administrative ou de gestion confiées à l'intéressé en raison du niveau de son expérience et de ses connaissances sans que sa position dans la hiérarchie réponde à la définition ci-dessus ni même à celles prévues aux repères III A et III B.
En l'espèce, aucune de ces conditions n'est remplie et il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [Y] de sa demande de classification au niveau 240 et en conséquence de sa demande de rappel de salaire y afférent considérant que la mention de cette classification sur les bulletins de salaire relevait d'une simple erreur, ce qui est encore corroboré par l'augmentation de salaire qu'une telle classification impliquait, à savoir, près de 20 000 euros par an.
Sur la demande de rappel de RTT
M. [Y] explique que son contrat comportait une clause de forfait en jours et qu'hormis pour l'année 2019 durant laquelle il a posé ses jours de RTT, ils ne lui ont jamais été payés les années précédentes comme en témoignent les bulletins de salaire qui les mentionnent.
Rappelant que la requête saisissant le conseil de prud'hommes doit, à peine de nullité, mentionner chacun des chefs de la demande et qu'en l'espèce, il était simplement indiqué 'solde de RTT : mémoire', la société ADTE demande à la cour de déclarer cette demande irrecevable, la régularisation postérieure n'étant pas de nature à combattre cette irrecevabilité. En tout état de cause, elle demande à ce que M. [Y] soit débouté de cette demande dès lors que les jours de RTT non pris en fin de période, si cela n'est pas imputable à l'employeur, ne sont pas indemnisables.
Selon l'article R. 1452-2 du code du travail, dans sa version applicable au litige, la requête est faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud'hommes. Elle comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l'article 58 du code de procédure civile. En outre, elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci. Elle est accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l'appui de ses prétentions. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé. La requête et le bordereau sont établis en autant d'exemplaires qu'il existe de défendeurs, outre l'exemplaire destiné à la juridiction.
Il résulte des articles R. 1452-1 et R. 1452-2 du code du travail, dans leur rédaction issue du décret du 10 mai 2017, ainsi que des articles R. 1453-3 et R. 1453-5 du même code et de l'article 70 alinéa 1 du code de procédure civile, qu'en matière prud'homale, la procédure étant orale, le requérant est recevable à formuler contradictoirement des demandes additionnelles qui se rattachent aux prétentions originaires, devant le juge lors des débats, ou dans ses dernières conclusions écrites réitérées verbalement à l'audience lorsqu'il est assisté ou représenté par un avocat.
Aussi, et alors qu'en l'espèce, la demande de RTT a été chiffrée lors de l'audience qui s'est tenue devant le conseil de prud'hommes, celle-ci est recevable.
Par ailleurs, s'il est exact que les partenaires sociaux peuvent prévoir que les jours de réduction du temps de travail non pris à la date de rupture du contrat de travail ou en fin d'annualisation ne donnent lieu à aucune indemnisation, sauf au salarié à démontrer qu'il a sollicité la prise des jours de réduction du temps de travail et qu'il n'a pu les prendre du fait de l'employeur, pour autant, en l'absence de tout élément produit relatif aux modalités d'exercice de ces jours de réduction du temps de travail au sein de l'entreprise et alors que M. [Y] justifie qu'il n'en a pris aucun pour les années 2016, 2017 et 2018 alors qu'il pouvait chaque année prétendre à 9,96 jours, il convient de faire droit à sa demande d'indemnisation correspondant à 28 jours, laquelle doit cependant être limitée dans son montant dans la mesure où une journée doit être indemnisée à hauteur de 255,75 euros conformément à la somme qui a été payée à ce titre à M. [Y] pour l'année 2019, soit un total dû de 7 161 euros.
Sur le licenciement
M. [Y] explique avoir toujours agi de façon à éviter que les chutes de cuivre, qui doivent s'analyser comme étant des déchets, ne soient en nombre important sur son terrain et que, n'ayant aucune instruction de la part de la société ADTE, les techniciens les évacuaient une fois par an en les portant dans une feraillerie qui établissait un chèque remis à M. [Y], et ce, en toute transparence, sans qu'à aucun moment cet usage n'ait été remis en cause, étant précisé que les sommes évoquées par le dirigeant ne sont pas conformes à la réalité et devront être démontrées.
En ce qui concerne son manque d'activité, tout en faisant valoir qu'il a fait l'objet d'une mise à l'écart à la suite d'un changement de direction, il relève qu'il avait réalisé ses objectifs dès février 2019 et qu'il n'a jamais été mis en demeure ni de transmettre des rapports d'activité alors qu'il ne l'avait jamais fait durant toute la relation contractuelle, ni de modifier sa manière de travailler, la difficulté à trouver de nouveaux clients s'expliquant par le contexte économique, étant rappelé que cela ne concerne en tout état de cause que deux mois puisqu'il a été placé en arrêt-maladie dès mars 2019.
La société ADTE, qui conteste toute mise à l'écart de M. [Y] en mettant en avant les échanges de mails qui ont ponctué la période incriminée, explique avoir eu à déplorer, à l'issue de l'exercice 2018, une sous-activité des régions confiées à M. [Y], sans qu'il ne se saisisse de l'accompagnement qu'elle lui a offert puisqu'il a refusé de démarcher les deux potentiels prospects, a laissé les clients sans suivi et n'a plus présenté de notes de frais à défaut de déplacements. Enfin, s'agissant des chutes de cuivre, elle rappelle qu'elles ont une valeur marchande, ce que n'ignorait pas M. [Y], qui n'a pas hésité en profitant de ses fonctions à se les approprier sans aucune autorisation de la direction et ce, en impliquant quatre salariés qui en assuraient le transport.
Conformément aux dispositions de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, laquelle implique qu'elle soit objective, établie et exacte et suffisamment pertinente pour justifier la rupture du contrat de travail.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et l'employeur qui l'invoque doit en rapporter la preuve.
A l'appui de sa demande, la société ADTE produit le dépôt de plainte du 17 juin 2019 de M. [G] [P], représentant légal de la société ADTE, lequel explique s'être rendu sur le site de Normandie en décembre 2018 où il a découvert la présence de chutes de cuivre, qu'interrogeant les salariés sur leur destination, quatre d'entre eux lui ont expliqué qu'elles étaient revendues à la société Lefebvre-Decultot, que par la suite, M. [D] a vu un courrier qu'il s'est permis d'ouvrir et qu'il a alors découvert un chèque de 1 100 euros. Il précise qu'il pense que M. [Y] a dû faire une à deux transactions par an et ce, au mépris des consignes, lesquelles consistaient à les stocker pour ensuite décider de leur devenir, étant précisé qu'elles étaient souvent réutilisées par le personnel de production.
Cette déclaration est corroborée notamment par l'attestation de M. [D] qui indique être allé vendre les chutes de fils de cuivre de la société ADTE à la société Lefebvre-Decultot et que le règlement a été effectué au nom de M. [Y] [Z] pour une somme d'environ 1 100 euros, sans qu'il n'ait eu aucun retour de la somme, sachant que trois autres salariés confirment que les chutes de cuivre étaient remises à M. [Y] sans qu'ils n'aient aucun retour d'argent sur celles-ci.
Enfin, il ressort du compte-rendu d'entretien préalable à licenciement que M. [Y] a reconnu cette revente à son profit, l'estimant à environ 4 000-5 000 euros, expliquant n'avoir eu aucune directive à ce sujet et avoir ignoré qu'il commettait ainsi un délit.
Alors que les faits sont ainsi suffisamment établis, peu important qu'ils aient été classés sans suite par le Procureur de la République, M. [Y], directeur commercial, ne peut sérieusement invoquer la qualité de déchets des chutes de cuivre alors même qu'il en connaissait la valeur marchande pour en avoir tirer profit et ce, d'autant qu'il n'établit pas la moindre autorisation ou consigne de s'en débarrasser, peu important les conditions.
Aussi, en revendant ces chutes de cuivre à son profit, en dehors de toute autorisation, il a commis une faute dont la gravité empêchait la poursuite du contrat de travail au regard de ses responsabilités et de la confiance nécessaire qu'elles impliquent, peu important le montant exact ainsi revendu s'agissant d'une appropriation illégitime de biens appartenant à la société.
Dès lors, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner la question d'une inactivité volontaire ou de manquements liés à la transmission de rapports d'activité, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [Y] reposait sur une faute grave et l'a en conséquence débouté de ses demandes en lien avec la rupture du contrat de travail.
Sur la demande de dommages et intérêts pour mesures vexatoires
M. [Y] indique qu'au début de l'année 2019 lors du changement de dirigeant de la société, il n'a plus été informé des modifications d'organisation et a fait l'objet d'un retrait de ses prérogatives et de son autonomie, apprenant ainsi par les salariés eux-mêmes que le bureau serait désormais situé à [Localité 4], et ce, sans qu'il ne lui soit attribué aucun bureau, ce que conteste la société ADTE qui relève que cette demande n'est étayée par aucune pièce.
A l'appui de sa demande, M. [Y] produit l'attestation de M. [B] qui explique avoir été engagé de manière temporaire par la société ADTE, et ce, par le biais de M. [Y] qu'il connaissait depuis de nombreuses années, et que s'il n'a rencontré aucune difficulté jusqu'en décembre 2018, à compter de janvier 2019, date à laquelle M. [G] [P] a pris la direction de la société, il lui a été signifié qu'il serait mis un terme à son contrat et ce, alors que, quelques semaines auparavant, il avait eu un entretien qui s'était très bien déroulé avec M. [C] [P].
Au-delà de faire part d'un changement d'état d'esprit au sein de la direction à compter de janvier 2019, cette attestation n'apporte cependant aucun élément relatif à la mise à l'écart dont aurait été l'objet M. [Y], laquelle carence dans la charge de la preuve ne peut être palliée par l'attestation de sa compagne dont la force probante reste limitée compte tenu du lien de proximité les unissant, et ce, d'autant qu'elle est démentie par un mail produit par la société ADTE.
Ainsi, alors qu'elle indique qu'il n'a pas été prévenu de la délocalisation de l'atelier de production dont il a été informé par les salariés eux-mêmes trois jours avant, de même qu'il a été privé d'outils de travail tels que scanner, photocopieur ou encore serveur informatique, il résulte d'un mail du 25 janvier 2019 que M. [C] [P] informe M. [Y], qu'à défaut de retour de sa part alors qu'il devait l'orienter vers une location, il a été trouvé un local disponible début février, que [G] va lui transmettre l'adresse et que [S] adressera un courrier AR à chacun, s'agissant d'une formalité nécessaire.
En outre, il est produit un certain nombre d'échanges entre M. [Y] et MM. [G] et [C] [P] au cours desquels il lui est demandé de contacter des clients, au surplus à fort potentiel, et ce, sur la période durant laquelle il prétend avoir été mis à l'écart.
Dès lors, à défaut d'éléments permettant d'établir la mise à l'écart dont se plaint M. [Y], il convient de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour mesures vexatoires.
Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société ADTE aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. [Y] la somme de 2 000 euros sur ce même fondement.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement et publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Dit que la cour n'est saisie d'aucune demande d'infirmation quant à la disposition du jugement ayant condamné M. [Z] [Y] à payer à la SAS ADTE la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Se déclare valablement saisie pour les autres demandes ;
Dans les limites de la saisine, confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [Z] [Y] de sa demande de rappel de RTT ;
L'infirme de ce chef, statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevable la demande de rappel de RTT ;
Condamne la SAS ADTE à payer à M. [Z] [Y] la somme de 7 161 euros à titre de rappel de RTT ;
Condamne la SAS ADTE aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Condamne la SAS ADTE à payer à M. [Z] [Y] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SAS ADTE de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
La greffière La présidente