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11/05/2023 | FRANCE | N°21/01851

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 11 mai 2023, 21/01851


N° RG 21/01851 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IYK3

N° RG 21/01922 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IYPB





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 11 MAI 2023









DÉCISION DÉFÉRÉE :



Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DU HAVRE du 09 Avril 2021





APPELANTS :



Monsieur [T] [N] ayant-droit de Monsieur [L] [N] (décédé)

[Adresse 4]

[Localité 7]



représenté par Me Olivier JOUGLA de la

SELARL EKIS, avocat au barreau du HAVRE



Madame [F] [N] ayant-droit de Monsieur [L] [N] (décédé)

[Adresse 2]

[Localité 7]



représentée par Me Olivier JOUGLA de la SELARL EKIS, avocat au barreau du HAVRE

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N° RG 21/01851 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IYK3

N° RG 21/01922 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IYPB

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 11 MAI 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DU HAVRE du 09 Avril 2021

APPELANTS :

Monsieur [T] [N] ayant-droit de Monsieur [L] [N] (décédé)

[Adresse 4]

[Localité 7]

représenté par Me Olivier JOUGLA de la SELARL EKIS, avocat au barreau du HAVRE

Madame [F] [N] ayant-droit de Monsieur [L] [N] (décédé)

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentée par Me Olivier JOUGLA de la SELARL EKIS, avocat au barreau du HAVRE

Monsieur [B] [N] ayant-droit de Monsieur [L] [N] (décédé)

[Adresse 3]

[Localité 8]

représenté par Me Olivier JOUGLA de la SELARL EKIS, avocat au barreau du HAVRE

INTIMES :

SELARL Catherine VINCENT liquidateur judiciaire de la Société CARROCEAN

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par Me Yannick ENAULT de la SELARL YANNICK ENAULT-CHRISTIAN HENRY, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Nicolas CHATAIGNIER, avocat au barreau du HAVRE

CGEA DE [Localité 6]

[Adresse 5]

[Localité 6]

n'ayant pas constitué avocat

régulièrement assigné par acte d'huissier en date du 30/06/2021

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 05 Avril 2023 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 05 Avril 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 Mai 2023

ARRET :

REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé le 11 Mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [L] [N] a été engagé par la société Carr océan le 5 juin 1985 en qualité de chef d'atelier.

Placé en invalidité 2ème catégorie par décision notifiée le 10 décembre 2018, il a fait l'objet d'une visite de reprise le 3 janvier 2019, puis le 17 janvier 2019, date à laquelle le médecin du travail a conclu : 'Inapte : pourrait occuper quelques tâches administratives maximum 2h/jour 2fois/mois'.

Par courrier du 2 avril 2019, la société Carr océan a indiqué à M. [N] :

'En attendant la reprise de votre travail, conformément à l'avis du médecin du travail, nous acceptons que vous réalisiez des tâches administratives 2h/jour 2fois/mois.

Ceci reste évolutif et sur votre demande et fonction de votre état avec validation du médecin du travail pourra être revu.

Nous sommes ouverts concernant les horaires.

On note qu'on ne parle pas ici de reclassement puisque vous restez dans votre poste de chef d'atelier.

Dans l'attente de votre accord, veuillez agréer, Monsieur, nos salutations distinguées.'

M. [N] s'est suicidé le 17 juin 2019.

Par jugement du 28 juin 2019, le tribunal de commerce du Havre a prononcé la liquidation judiciaire de la société Carr océan et désigné la SELARL Catherine Vincent en qualité de mandataire liquidateur.

Par requête reçue le 10 juillet 2019, Mme [F] [N], M. [B] [N] et M. [T] [N], ayant-droits de M. [L] [N], ont saisi le conseil de prud'hommes du Havre en paiement d'indemnités.

Par jugement du 9 avril 2021, le conseil de prud'hommes, en sa formation de départage, a :

- fixé au passif de la SELARL Catherine Vincent, ès qualités, au profit de Mme [F] [N], M. [B] [N] et M. [T] [N], en leur qualité d'héritiers de M. [L] [N], les sommes suivantes :

rappel de salaires : 8 847,80 euros bruts

congés payés afférents : 884,78 euros bruts

- dit que les créances de nature salariale reconnues produiraient intérêts de retard au taux légal à compter du 10 juillet 2019 et les créances de nature indemnitaire à compter de la mise à disposition du jugement,

- dit que la garantie du CGEA de [Localité 6], représentant de l'AGS, était acquise dans la limite des dispositions des articles L. 3253-5, L. 3253-8 et L. 3253-17 du code du travail,

- débouté les consorts [N] de leur demande tendant à voir ordonner à la SELARL Catherine Vincent de préciser le détail des jours pris en compte pour le calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés,

- débouté les consorts [N] de leur demande de dommages et intérêts au titre de la violation de l'obligation de reclassement,

- fixé au passif de la SELARL Catherine Vincent, ès qualités, les dépens de la présente procédure, ainsi qu'une indemnité de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des consorts [N], ès qualités,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire au-delà de celle attachée de plein droit au jugement en vertu de l'article R. 1454-28 du code du travail et débouté les parties de leurs autres demandes.

Les consorts [N], ès qualités, ont interjeté appel partiel de cette décision les 29 avril et 4 mai 2021, lesquelles déclarations d'appel ont été signifiées au CGEA de [Localité 6] le 30 juin 2021, et deux dossiers ont été enregistrés sous les numéros 21/001851 et 21/001922.

Par conclusions remises le 21 mai 2021, signifiées au CGEA de [Localité 6] le 28 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, les consorts [N], ès qualités, demandent à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts au titre de l'obligation de reclassement et, statuant à nouveau, de :

- fixer au passif de la société Carr océan la créance à titre de dommages et intérêts des consorts [N] comme suit :

- à titre principal, dommages et intérêts en réparation des manquements de l'employeur à ses obligations légales à l'égard de M. [L] [N] au visa des dispositions des articles L. 1226-2-1 et L. 1226-12 du code du travail : 40 000 euros

- à titre subsidiaire, dommages et intérêts correspondant a minima au montant arrondi de l'indemnité conventionnelle de licenciement auquel aurait dû conduire l'exécution loyale et de bonne foi des obligations légales et contractuelles de l'employeur : 22 600 euros

- dire que le CGEA, ès qualités, sera tenue à garantie dans les conditions légales et réglementaires du paiement desdites sommes,

- condamner la SELARL Catherine Vincent, ès qualités, au paiement de la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 28 juillet 2021 et signifiées au CGEA de [Localité 6] le 2 août 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la SELARL Catherine Vincent, ès qualités, demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé au passif de la SELARL Catherine Vincent la créance des consorts [N] à 8 847,80 euros à titre de rappel de salaire et 884,78 euros au titre des congés payés afférents, outre 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, mais aussi en ce qu'il l'a déboutée de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile et a dit que les créances de nature salariale produiraient intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2019 et les créances indemnitaires à compter de la mise à disposition du jugement,

- le confirmer pour le surplus,

- statuant à nouveau et y ajoutant, débouter les consorts [N] de leur demande de rappel de salaire et congés payés afférents en ce qu'elle est afférente à la période postérieure au 2 avril 2019, dire que l'éventuelle créance ne saurait être fixée qu'au passif de la société Carr océan et non au passif de la SELARL Catherine Vincent, ès qualités, dire que le cours des intérêts a été arrêté par l'effet du jugement de liquidation judiciaire du 28 juin 2019, débouter les consorts [N] de leur demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile et les condamner à lui payer, ès qualités, la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Le CGEA de [Localité 6] n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 16 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il est d'une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction des dossiers n° 21/001851 et 21/001922.

A titre liminaire, il convient de relever qu'il n'a pas été interjeté appel de la disposition du jugement déboutant les consorts [N] de leur demande tendant à voir ordonner à la SELARL Catherine Vincent de préciser le détail des jours pris en compte pour le calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés, laquelle disposition est donc définitive.

Sur la demande de rappel de salaire

Les consorts [N] sollicitent le paiement d'un rappel de salaire entre le 17 février et le 17 juin 2019 sur le fondement de l'article L. 1226-4 à défaut de reprise de paiement un mois après l'avis d'inaptitude rendu le 17 janvier.

La SELARL Catherine Vincent, ès qualités, s'en rapporte à justice s'agissant du rappel de salaire ordonné pour la période du 17 février au 2 avril 2019 mais considère qu'à compter de cette date, dès lors qu'elle a transmis à M. [N] une proposition de poste conforme aux préconisations du médecin du travail, à savoir un poste administratif deux heures par jour, deux fois par mois, elle n'était plus tenue au versement du salaire à défaut pour M. [N] d'avoir donné une quelconque suite à cette proposition, serait-ce un refus.

A cet égard, rappelant l'obligation de bonne foi qui s'impose dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, elle considère qu'en ne répondant pas à cette proposition d'emploi conforme aux préconisations du médecin du travail, le salarié n'est plus recevable à exiger le paiement du salaire, et ce, d'autant que la société Carr océan, conformément à l'article L. 1226-2-1, était, pour sa part, réputée avoir satisfait à son obligation de reclassement.

Il résulte de l'article L. 1226-4 du code du travail que lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.

Outre les motifs justes et pertinents développés par les premiers juges qui sont adoptés, il convient de relever que l'absence de réponse de M. [N] ne peut s'apparenter à une exécution de mauvaise foi du contrat de travail au regard des implications financières que cette proposition engendrait, et ce, d'autant qu'il était loisible à la société Carr océan, face à ce silence, de lui imposer un délai de réponse.

Au surplus, et quand bien même l'employeur est réputé avoir satisfait à son obligation de reclassement lorsqu'il a proposé un poste conforme aux préconisations du médecin du travail, cela ne le dispense pas d'engager une procédure de licenciement à défaut d'accord du salarié.

Aussi, au regard de ces éléments, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné un rappel de salaire pour la période du 17 février au 17 juin 2019 mais néanmoins de fixer la somme allouée à ce titre, non pas au passif de la SELARL Catherine Vincent mais au passif de la société Carr océan.

Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de reclassement

Les consorts [N] soutiennent que le courrier du 2 avril 2019 a plongé M. [L] [N] dans une grande inquiétude dans la mesure où il lui était demandé de travailler deux heures par jour deux fois par mois et qu'il ne peut être considéré que la société Carr océan aurait, par le biais de cette proposition, respecté son obligation de reclassement, étant rappelé qu'elle ne lui a, en outre, pas versé le salaire auquel il pouvait prétendre à compter du 17 février.

Aussi, prenant acte de ce qu'ils ne peuvent solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail compte tenu du décès de M. [L] [N], laquelle aurait pourtant été prononcée de manière certaine s'il avait engagé une action en ce sens, et qu'il ne pèse sur l'employeur aucune obligation de licencier le salarié inapte dans un délai imparti, ils estiment néanmoins qu'ils peuvent réclamer des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de reclassement compte tenu du préjudice moral et financier qui a été celui de M. [L] [N] qui s'est senti délaissé et négligé par son employeur qui l'a laissé dans une situation d'incertitude quant à son devenir alors qu'il avait 34 ans d'ancienneté et qu'il a été privé d'une chance de pouvoir obtenir le règlement du montant des indemnités liées la rupture de son contrat. En tout état de cause, il demande des dommages et intérêts sur le fondement de l'exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail.

En réponse, la SELARL Catherine Vincent, ès qualités, fait valoir que le manquement à l'obligation de reclassement a pour sanction l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement et qu'il ne peut donc être demandé des dommages et intérêts sur ce fondement indépendamment de tout licenciement ou demande de rupture du contrat de travail, étant en tout état de cause rappelé qu'il convient de rapporter la preuve d'une faute de l'employeur et d'un préjudice causé par cette faute.

A cet égard, elle rappelle qu'elle a proposé un poste de reclassement parfaitement conforme aux préconisations du médecin du travail sans que M. [N] n'y réponde et que le manquement de l'employeur à son obligation de reprendre le paiement du salaire, outre qu'il ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse, est sanctionné par la condamnation au paiement desdits salaires et que les dommages et intérêts dus en raison du retard de ce paiement consistent uniquement dans l'intérêt au taux légal, sauf à démontrer la mauvaise foi du débiteur et le préjudice indépendant de ce retard.

Enfin, elle conteste tout lien entre le préjudice invoqué par les consorts [N] et les fautes reprochées à la société Carr océan dès lors qu'elle n'avait aucune obligation de le licencier et qu'il ne peut dans ces conditions lui être reproché une perte de chance d'être licencié, laquelle ne peut en tout état de cause être égale à l'avantage qu'elle aurait procuré si elle s'était réalisée.

Selon l'article L. 1226-2 du code du travail, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Alors que les premiers juges ont répondu par des motifs justes et pertinents à l'ensemble des moyens développés par les consorts [N] sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de reclassement, il convient d'adopter les motifs du jugement déféré, étant ajouté qu'au-delà de la maladresse de la phrase 'On note qu'on ne parle pas ici de reclassement puisque vous restez dans votre poste de chef d'atelier', il ne peut cependant en être conclu qu'il ne s'agissait pas d'une proposition de reclassement, dès lors que l'offre d'emploi ainsi faite était parfaitement conforme aux préconisations du médecin du travail.

S'agissant de la demande subsidiaire de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, si l'on peut comprendre que la proposition du 2 avril 2019 ait décontenancé M. [N] au regard de ce qu'elle impliquait tant en termes d'activité que de salaire, pour autant, elle était parfaitement conforme aux restrictions posées par le médecin du travail, aussi, aucun reproche ne peut être fait à la société Carr océan d'avoir transmis cette proposition.

Néanmoins, alors que la société Carr océan ne pouvait ignorer qu'une telle proposition était de nature à créer une certaine incompréhension de son salarié, l'absence de toute reprise de contact avec un salarié ayant 34 ans d'ancienneté, ne serait-ce que pour lui rappeler la nécessité d'apporter une réponse, serait-elle négative, à cette proposition, et ce, durant un mois et demi, au surplus sans lui verser le salaire auquel il pouvait prétendre depuis le 17 février, est constitutif d'une exécution déloyale du contrat de travail qui a fait perdre une chance à M. [N] d'être licencié avant son décès.

Il s'agit néanmoins d'une perte de chance qui ne peut donc être indemnisée par le versement d'une somme correspondant à l'indemnité de licenciement qu'aurait perçue M. [N] s'il avait été licencié et il convient en conséquence d'allouer aux consorts [N] la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, infirmant sur ce point le jugement.

Sur les intérêts

Les sommes allouées en première instance et en appel à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du jugement de première instance pour les dispositions confirmées et du présent arrêt pour les dispositions prononcées.

La cour rappelle que le jugement d'ouverture de la procédure arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que tous intérêts de retard et majorations.

Sur la garantie de l'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 6]

Compte tenu de la nature des sommes allouées, l'AGS CGEA doit sa garantie dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, en l'absence de fonds disponibles.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la SELARL Catherine Vincent, ès qualités, aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner, ès qualités, à payer aux Consorts [N], unis d'intérêt, la somme de 3 000 euros sur ce même fondement comprenant les frais irrépétibles engagés tant en première instance qu'en appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par arrêt réputé contradictoire et publiquement, mis à disposition au greffe,

Ordonne la jonction des dossiers n° 21/001851 et 21/001922 ;

Confirme le jugement en ce qu'il a alloué aux consorts [N] la somme de 8 847,80 euros à titre de rappel de salaire, outre 884,78 euros au titre des congés payés afférents et a dit le CGEA tenu à garantie pour ces sommes, mais aussi en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts au titre de la violation de l'obligation de reclassement ;

L'infirme en ses autres dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe au passif de la SAS Carr océan les sommes allouées par les premiers juges aux consorts [N] à titre du rappel de salaire et des congés payés afférents ;

Fixe au passif de la SAS Carr océan la créance des consorts [N] à la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Dit que les sommes allouées en première instance et en appel à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du jugement de première instance pour les dispositions confirmées et du présent arrêt pour les dispositions prononcées ;

Rappelle que le jugement d'ouverture de la procédure arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que tous intérêts de retard et majorations ;

Déclare l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 6] tenue à garantie pour ces sommes dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, en l'absence de fonds disponibles ;

Condamne la SELARL Catherine Vincent, en sa qualité de mandataire liquidateur de la SAS Carr océan, aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la SELARL Catherine Vincent, en sa qualité de mandataire liquidateur de la SAS Carr océan, à payer aux consorts [N], unis d'intérêt, la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SELARL Catherine Vincent, en qualité de mandataire liquidateur de la SAS Carr océan, de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01851
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;21.01851 ?
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