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11/05/2023 | FRANCE | N°21/01920

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 11 mai 2023, 21/01920


N° RG 21/01920 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IYO5





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 11 MAI 2023











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE BERNAY du 15 Avril 2021





APPELANTE :





Madame [N] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Olivier JOUGLA de la SELARL EKIS, avocat au barreau du HAVRE


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INTIMEE :





S.A.S. BLARD

[Adresse 3]

[Localité 2]



représentée par Me Olivier COTE de la SELARL COTE JOUBERT PRADO, avocat au barreau de l'EURE



































COMPOSITION DE LA COUR  :





En applicati...

N° RG 21/01920 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IYO5

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 11 MAI 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE BERNAY du 15 Avril 2021

APPELANTE :

Madame [N] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Olivier JOUGLA de la SELARL EKIS, avocat au barreau du HAVRE

INTIMEE :

S.A.S. BLARD

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Olivier COTE de la SELARL COTE JOUBERT PRADO, avocat au barreau de l'EURE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 16 Mars 2023 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame POUGET, Conseillère

Madame DE BRIER, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 16 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 Mai 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 11 Mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société Blard (la société) est spécialisée dans la fabrication d'éléments en béton pour la construction. Elle emploie environ 50 salariés et applique la convention collective nationale des industries de carrières et matériaux de construction.

Mme [C] (la salariée) a été embauchée par la société aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 6 mars 2000 en qualité d'agent commercial.

A compter du 1er janvier 2013, elle a été promue au poste de responsable commerciale sédentaire.

A compter du 1er octobre 2016, elle a été promue au niveau 7, échelon 3 de la grille de classification conventionnelle.

Par avenant en date du 26 janvier 2018, elle a été soumise au forfait annuel en jours.

La salariée a été placée en arrêt de travail à compter du 27 mai 2019.

Mme [C] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 11 juin 2019 par lettre du 27 mai précédent, mise à pied à titre conservatoire puis licenciée pour faute grave par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 20 juin 2019 motivée comme suit :

'Suite à notre entretien qui s'est tenu le mardi 11 juin dernier, je vous informe de ma décision de vous licencier pour les motifs ci-dessous exposés.

En effet, j'ai été informé courant mai 2019 qu'au cours du premier trimestre, vos relations de travail avec vos collègues du service commercial sédentaire dont vous êtes la responsable, Mesdames [D] [E] et [H] [R], s'étaient sérieusement dégradées. Il m'a en effet été rapporté qu'elles s'étaient plaintes de votre comportement auprès de [Z] [W], directeur commercial. J'ai donc décidé de procéder à une enquête pour vérifier la véracité de ces propos. A la suite, j'ai reçu les 20 et 21 mai 2019 des courriers de Mesdames [E] et [R] décrivant les agissements de votre part dont elles indiquaient être victimes.

Ainsi, Mme [E] indique être l'objet de pressions et de remarques désobligeantes venant de vous-même. Elle ajoute que vous teniez au quotidien et de façon répétée des propos humiliants et dégradants envers Madame [H] [V], une ancienne collègue qui avait peur de vous et qui, quand elle recevait des mails ou avait des questions à poser, n'osait pas vous parler car elle craignait vos réactions. Elle ajoute qu'une autre collègue, Madame [H] [R], subissait régulièrement des remarques de votre part sur son travail et était menacée de se voir retirer la tâche d'organisation des transports qui lui était confiée si elle n'organisait pas mieux les transports. Elle précise également qu'une autre salariée, Madame [S] [Y], avait été humiliée par vous devant plusieurs témoins. Elle évoque aussi les paroles blessantes qu'ont eu à subir Monsieur [O] [K] et Madame [X] [U]. Enfin en ce qui la concerne elle-même, elle précise avoir dû supporter des paroles blessantes, suivant vos humeurs, ajoutant que vous lui disiez que c'était grâce à vous si elle avait un travail. Elle indique pour finir que vous la réduisiez à l'état infantile et que c'était difficile à vivre pour elle car elle remettait souvent en question de savoir si elle devait partir ou non de l'entreprise, ayant le sentiment d'être considérée comme un objet. En conclusion, elle indique que vos agissement ont beaucoup joué sur sa vie personnelle et qu'ils créaient une mauvaise ambiance, un climat pesant et très lourd au sein de l'équipe commerciale.

Madame [R] a confirmé avoir subi elle-même des agissements identiques et souffrir du climat de tension permanente que vous faisiez régner au sein du service, par exemple en rabaissant des collègues de travail, lesquels étaient ensuite totalement déstabilisés et perdaient leurs moyens. Elle a également confirmé le climat néfaste, l'ambiance lourde et difficilement supportable quotidiennement, qui régnaient au sein du service commercial sédentaire.

En poursuivant cette enquête, d'autres salariés avec lesquels vous aviez également travaillé ont confirmé les propos de Mesdames [R] et [E]. Ainsi, Madame [X] [U] a-t-elle dénoncé les mêmes pratiques dont elle avait été victime. Monsieur [O] [K] a fait de même.

Je vous ai donné connaissance de ces courriers, en vous les lisant lors de l'entretien du 11 juin dernier. Vos seules explications ont consisté à dire que 'vous n'étiez pas comme ça' et qu'il 's'agissait d'un complot'.

Pourtant, en raison de la concordance des faits dénoncés, en termes identiques par plusieurs de vos collègues de travail, à la fois personnellement victimes et témoins des agissements subis par les autres, de manière répétée et depuis longtemps, il n'est pas possible de laisser perdurer au sein du service commercial sédentaire dont vous êtes la responsable un tel climat, aussi délétère, ayant des répercussions importantes sur la santé de vos collaborateurs.

Les faits dénoncés constituent des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail de vos subordonnées, portant atteinte aux droits et à la dignité du salarié, et d'altérer leur santé physique et mentale, au risque de compromettre leur avenir professionnel.

Votre maintien dans l'entreprise s'avérant impossible, je suis donc dans l'obligation de vous notifier votre licenciement pour faute grave, qui prendra effet dès réception de la présente, ou, à défaut, à la date de première présentation de ce courrier, sans indemnité de préavis ni indemnité de licenciement. (...)'

Contestant la légitimité de son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits au titre de la rupture de son contrat de travail, Mme [C] a saisi le 25 juillet 2019 le conseil de prud'hommes de Bernay lequel, par jugement du 15 avril 2021 a jugé fondé le licenciement pour faute grave de la salariée, a débouté Mme [C] de l'intégralité de ses demandes, l'a condamnée au paiement de la somme de 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux entiers dépens.

Mme [C] a interjeté appel le 4 mai 2021 à l'encontre de cette décision qui lui a été régulièrement notifiée.

La société a constitué avocat par voie électronique le 17 mai 2021.

Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 8 juin 2021, la salariée appelante sollicite l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour de :

- juger sans cause réelle et sérieuse, totalement abusif et vexatoire le licenciement prononcé,

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

11 201,80 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 120,19 euros au titre des congés payés afférents,

3 546,27 euros à titre de rappel de salaire sur la durée de mise à pied conservatoire (du 27 mai 2019 au 20 juin 2019) outre 354,72 euros au titre des congés payés afférents,

40 523,70 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

56 009,55 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

8 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison des circonstances brutales et vexatoires du licenciement,

8 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société aux entiers dépens.

Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 25 août 2021, la société intimée, réfutant les moyens et l'argumentation de la partie appelante, sollicite pour sa part la confirmation de la décision déférée en toutes ses dispositions et la condamnation de l'appelante au paiement d'une indemnité de procédure de 4 000 euros pour la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture en date du 23 février 2023 a renvoyé l'affaire pour être plaidée à l'audience du 16 mars 2023.

Il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel aux écritures des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur le licenciement

La salariée conteste la matérialité des faits évoqués à l'appui de son congédiement. Elle observe qu'au cours de la relation contractuelle, aucune réclamation ni signalement n'a été formulé par ses collaborateurs à son encontre. Elle fait état de l'existence de relations cordiales avec les membres de son équipe, verse aux débats des échanges de mails et de SMS démontrant l'existence de relations sereines. Elle relève que ses qualités professionnelles et humaines ont toujours été reconnues par son employeur et produit à ce titre les copies de ses évaluations professionnelles, précise qu'elle a bénéficié d'un bonus exceptionnel au titre de l'année 2016.

Elle expose qu'à compter de la nomination de M. [W], en décembre 2018 en qualité de directeur commercial, ce dernier est devenu son supérieur direct, que leurs relations sont devenus plus difficiles, qu'il lui a suggéré à plusieurs reprises de quitter l'entreprise et lui a proposé de réfléchir à la possibilité d'une rupture conventionnelle notamment le 14 mai 2019.

Mme [C] considère avoir été victime d'un montage grossier, calomnieux, diffamatoire et conteste la valeur probante des pièces produites par l'employeur.

La société soutient que la matérialité des faits reprochés à la salariée est établie. Il expose avoir été destinataire en mai 2019 de plaintes émanant des collaborateurs de la salariée, avoir procédé à une enquête et avoir découvert l'existence de pratiques managériales inadaptées, de pressions excessive exercées, d'une souffrance de la part des subordonnés de Mme [C].

Il rappelle qu'il est tenu d'une obligation de sécurité à l'égard des salariés, verse aux débats les courriers reçus, les témoignages recueillis observant que Mme [C] n'a pas déposé plainte à l'encontre de ses anciens collègues, que certains d'entre eux, entendus en qualité de témoins par le conseil de prud'hommes, ont réitéré leurs propos sous serment.

Sur ce ;

Pour satisfaire à l'exigence de motivation posée par l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé de faits précis et contrôlables.

La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d'autres griefs que ceux qu'elle énonce.

La faute grave s'entend d'une faute d'une particulière gravité ayant pour conséquence d'interdire le maintien du salarié dans l'entreprise.

La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l'employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d'apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s'ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise.

Il ressort de la lettre de licenciement reproduite ci-dessus que l'employeur reproche à la salariée d'être l'auteur, à l'égard de ses collaborateurs, d'agissements répétés susceptibles d'être qualifiés de harcèlement moral.

La société justifie avoir été destinataire entre le 20 mai et le 23 mai 2019 de courriers émanant de Mmes [E], [R], [U] et de M. [K], salariés affectés au service commercial, placés sous la subordination de Mme [C].

Ces salariés ont réitérés leurs propos au sein de leurs attestations produites aux débats et les ont confirmés lors de leurs auditions sous serment devant le conseil de prud'hommes. Mme [G] a également été entendue par les premiers juges.

Mme [E] évoque les propos humiliants et dégradants tenus par Mme [C]. Elle précise qu'elle imposait ses choix, abusait de son titre, lui disait régulièrement qu'elle était présente grâce à elle. Elle indique qu'elle écoutait tout, qu'à la suite des appels téléphoniques passés à des tiers elle effectuait des reproches en indiquant 'il faut dire comme ceci, il faut dire comme ça', 'tu n'écoutes pas, cela fait 2 fois que je te le dis'., 'parle plus fort, on n'entend rien'.

Elle précise avoir constaté que Mme [V] avait peur d'elle, que Mme [C] exerçait une pression morale sur M. [K], qu'elle avait humilié à plusieurs reprises Mme [Y] devant des témoins, que des tâches étaient retirées sans explication à certains collaborateurs.

Mme [E] a précisé qu'en raison du climat qui régnait au sein du service, dès que Mme [C] arrivait 'on cachait tout'.

Mme [R] [M] a précisé qu'en raison des pressions exercées par Mme [C] elle n'osait quasiment plus s'exprimer, qu'elle craignait les réactions imprévisibles de sa supérieure, qu'elle préférait attendre que cette dernière s'absente pour passer ses appels téléphoniques professionnels, expliquant qu'elle travaillait en espace ouvert, que ses conversations étaient entendues par les autres membres de l'équipe, que Mme [C] n'hésitait pas à faire des commentaires sur le contenus des échanges avec les clients, les fournisseurs ou les collègues, ce qui créait un stress permanent pour tout le monde.

Elle a indiqué avoir entendu Mme [C] tenir les propos suivants à Mme [V] : 'tu est nulle, tu ne comprends rien', l'avoir entendue dire à certains collègues 'tu n'as pas de mémoire, tu devrais manger du poisson'. Elle a précisé lors de son audition qu'en raison de son caractère fort, elle n'avait pas été directement victime de Mme [C] mais a précisé que l'ambiance était très lourde, que certains étaient systématiquement critiqués et remis en cause par la supérieure.

Ainsi, elle relate que Mme [V] était totalement déstabilisée, perdait ses moyens dès que Mme [C] s'adressait à elle, que cette dernière était 'sans arrêt sur son dos', ce qui avait pour conséquence de placer Mme [V] dans un état d'angoisse perpétuelle.

Mme [U], a indiqué avoir travaillé sous les ordres de Mme [C] jusqu'en 2016, avoir été profondément affectée par ses agissements. Elle a précisé qu'elle faisait régner un climat de terreur au sein de son équipe, qu'elle s'exprimait de façon agressive, que venir travailler était compliqué, qu'elle avait 'la boule au ventre'. Elle a précisé que selon elle Mme [C] s'appuyait sur les points faibles de ses collaborateurs en les rabaissant systématiquement.

Elle a relaté avoir été privée sans raison des tâches consistant à gérer les repas des journées commerciales, avoir demandé des explications à Mme [C] qui l'a uniquement informée qu'elle n'aurait plus cette mission en charge et qui a dit à son sujet à un collègue 'elle ne peut pas s'occuper de son cul celle-là'.

Sans préciser de date, Mme [U] expose qu'à une reprise Mme [C] lui a 'balancé ses dossiers'.

Elle a expliqué que de retour à son domicile, quand elle parlait de son métier elle s'effondrait et que depuis son changement de travail elle se sent mieux.

Mme [G] a indiqué avoir été témoin de 'paroles' envers ses collègues. Elle a précisé que Mme [C] dénigrait le travail de M. [K], qu'elle remettait en cause la formation qu'il lui avait dispensée, que lorsque Mme [M] posait des questions, Mme [C] ricanait ou haussait les sourcils.

Elle décrit une ambiance de travail pesante, lourde, 'comme une chape de plomb', chacun se taisant pour ne pas perdre son poste.

M. [K] a relaté une scène au cours de laquelle Mme [Y] a été humiliée devant ses collègues, précisant qu'elle perdait ses moyens, qu'elle avait les larmes aux yeux mais qu'il n'avait pas osé intervenir pour ne pas subir les foudres et les réflexions de Mme [C]. Il a estimé qu'il était victime de discrimination de la part de cette dernière, notamment concernant la gestion du système des réclamations clients en ce qu'il était le seul pour lequel elle 'couchait sur papier' le moindre reproche, dans l'optique selon lui de le 'dégager'. Il a exposé avoir quitté le service en 2016, avoir perdu 1/3 de sa rémunération mais s'être immédiatement senti mieux, avoir retrouvé le sommeil.

Il a confirmé ne pas avoir évoqué la situation avec l'employeur précisant qu'il souhaitait 'qu'on le laisse tranquille'. Il a précisé devant les premiers juges que 'quand on était dans son viseur (Mme [C]) c'était l'arène romaine'.

Il a précisé qu'au cours de sa période d'emploi sous la subordination de Mme [C] il avait connu des troubles du sommeil, avait perdu l'appétit, avait bénéficié d'un traitement médical.

Il ressort de ces éléments que Mme [C] ne peut légitimement contester la valeur probante de ces témoignages puisque si ceux-ci ont dans un premier temps été portés à la connaissance de l'employeur par le biais de courriers, ils ont été réitérés au sein d'attestations et ont été confirmés sous serment devant les premiers juges.

Mme [C], qui évoque l'existence d'un complot, ne verse aux débats pour contredire ces éléments que des attestations émanant de son entourage (famille, amis, commerçants) la décrivant comme une personne attentive et chaleureuse.

Le fait que la salariée ait pu être perçue au sein de sa vie personnelle comme une personne attentionnée, respectueuse ne limite en rien l'établissement par l'employeur des faits qui lui sont reprochés.

La cour constate que les attestations produites sont précises et témoignent de faits différents et répétés permettant d'établir un management stressant et altérant les conditions de travail des collaborateurs placés sous l'autorité de la salariée.

Si Mme [C] produit ses évaluations professionnelles afin d'établir qu'elle était perçue comme une professionnelle compétente, la cour constate que ces dernières sont plutôt positives mais stipulent qu'il est nécessaire pour la salariée de se montrer constructive, de montrer l'exemple à son équipe, qu'au titre des points de progression le coaching est noté, la salariée ayant en outre bénéficié d'une formation à ce titre.

L'employeur indique avoir proposé à la salariée une rupture conventionnelle en ce que d'une part elle avait elle-même évoqué des velléités de départ en 2016 en raison d'un projet personnel et, d'autre part, au regard du fait que le directeur, M. [W], après sa prise de fonctions, s'était aperçu de l'existence de difficultés relationnelles.

Il ressort des pièces produites par l'employeur que les faits reprochés à la salariée sont matériellement établis, les éléments versés aux débats par la salariée ne permettant pas de les remettre en cause.

Les faits reprochés à la salariée, au regard de leur répercussion sur l'état de santé des collaborateurs, présentaient un caractère de gravité empêchant la poursuite du contrat de travail.

En conséquence, c'est par de justes motifs que les premiers juges ont considéré que le licenciement prononcé était justifié par une faute grave.

Par confirmation du jugement entrepris, la salariée doit par conséquent être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement illégitime ainsi que de ses prétentions relatives aux indemnités de rupture et au rappel de salaire en lien avec la période de mise à pied conservatoire.

2/ Sur la demande au titre du caractère brutal et vexatoire du licenciement

La salariée sollicite l'octroi de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire indiquant qu'elle a été placée en arrêt de travail pour une pathologie dépressive en lien avec les circonstances calomnieuses de la rupture de son contrat de travail.

L'employeur conclut au débouté de la demande, constate que la salariée ne justifie pas de son préjudice, rappelle qu'il était contraint, au regard des plaintes émises, d'agir avec célérité pour préserver la santé et la sécurité au travail des salariés du service commercial sédentaire dont Mme [C] était la responsable.

Sur ce ;

Le salarié peut réclamer la réparation d'un préjudice particulier lié au caractère abusif et vexatoire de la procédure.

Il lui appartient d'établir à cet égard un comportement fautif de l'employeur.

Il a été précédemment jugé que les faits reprochés à la salariée était constitués.

Il ne résulte pas des pièces versées aux débats des éléments établissant des circonstances particulières de mise en oeuvre de la procédure de licenciement de manière brutale ou vexatoire.

La demande d'indemnité présentée à ce titre ne peut par conséquent être accueillie.

Le jugement est confirmé de ce chef.

3/ Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'employeur les frais non compris dans les dépens qu'il a pu exposer.

Il convient en l'espèce de condamner la salariée, appelante succombante dans la présente instance, à lui verser la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel et de confirmer la condamnation à ce titre pour les frais irrépétibles de première instance.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de Mme [C] les frais irrépétibles exposés par elle.

Il y a également lieu de condamner Mme [C] aux dépens d'appel et de confirmer sa condamnation aux dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement, en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Bernay du 15 avril 2021 ;

Y ajoutant :

Condamne Mme [N] [C] à verser à la société Blard la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne Mme [N] [C] aux entiers dépens d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01920
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;21.01920 ?
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