N° RG 21/02026 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IYWC
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 11 MAI 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 07 Avril 2021
APPELANTE :
Société SNEF
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Géraud DE MAINTENANT de la SELAS GRAVIER FRIBURGER AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME :
Monsieur [W] [O]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Karim BERBRA de la SELARL LE CAAB, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Aurélia DOUTEAUX, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 04 Avril 2023 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 04 Avril 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 Mai 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 11 Mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [W] [O] a été engagé par la société SNEF en qualité d'électricien niveau 2 échelon 1 coefficient 125 par contrat de travail à durée déterminée du 2 janvier 2001 au 29 juin 2001, renouvelé jusqu'au 31 décembre 2001, puis par contrat de travail à durée indéterminée du 1er janvier 2002.
En dernier lieu, le salarié était classé niveau 2 échelon 2 coefficient 140.
Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective Nationale des Travaux Publics.
Le 1er juin 2018, un avis d'inaptitude a été émis par le médecin du travail.
Par requête du 14 septembre 2018, M. [W] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen en résiliation judiciaire de son contrat de travail et paiement d'indemnités.
Le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement a été notifié au salarié le 2 octobre 2018.
Par nouvelle requête du 20 mars 2019, M. [W] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen en contestation de son licenciement.
Par jugement du 7 avril 2021, le conseil de prud'hommes a ordonné la jonction des instances enregistrées sous les numéros RG 18/743 et RG 19/245, fixé le salaire moyen de M. [W] [O] à la somme de 1 682 euros, débouté M. [W] [O] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, débouté M. [W] [O] de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail de la part de l'employeur, fixé la date de rupture du contrat de travail de M. [W] [O] au 2 octobre 2018, jugé le licenciement de M. [W] [O] dénué de cause réelle et sérieuse, condamné la société SNEF aux sommes suivantes :
indemnité compensatrice de préavis : 5 046 euros,
congé payés sur préavis : 504,60 euros,
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 16 820 euros,
indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 3 000 euros,
dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la présente décision et condamné la société SNEF aux entiers dépens.
La société SNEF a interjeté un appel limité le 11 mai 2021.
Par conclusions remises le 25 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la société SNEF demande à la cour de :
- infirmer la décision en ce qu'elle a fixé le salaire moyen de M. [W] [O] à la somme de 1 682 euros, fixé la date de rupture du contrat de travail au 2 octobre 2018, jugé le licenciement de M. [W] [O] dénué de cause réelle et sérieuse, l'a condamnée au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
statuant à nouveau,
- constater que la société a satisfait à son obligation de reclassement et le licenciement justifié,
par conséquent, concernant son appel,
- à titre principal, débouter M. [W] [O] de l'ensemble de ses demandes,
- à titre subsidiaire, limiter les condamnations,
concernant l'appel incident de M. [W] [O] :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [W] [O] de ses demandes au titre de la nullité de la résiliation judiciaire, de la nullité du licenciement pour inaptitude et de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,
- débouter M. [W] [O] de ses demandes formées en qualité d'appelant à titre incident, soit sa demande principale de résiliation judiciaire emportant nullité du licenciement et de ses demandes afférentes de dommages-intérêts, préavis et congés payés afférents, sa demande subsidiaire au titre de la contestation du licenciement emportant nullité de la rupture et des demandes afférentes de dommages-intérêts, préavis et congés payés afférents, de ses demandes de dommages-intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
par conséquent et en tout état de cause :
- condamner M. [W] [O] à lui verser la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et au titre de la procédure d'appel.
Par conclusions remises le 14 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, M. [W] [O] demande à la cour de :
- confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail de la part de l'employeur, limité les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 16 820 euros, omis de statuer sur la nullité de la rupture et du licenciement, dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la décision,
- l'infirmer pour le surplus,
statuant à nouveau,
- fixer son salaire mensuel moyen brut à la somme de 1 682 euros,
- condamner la société SNEF à lui verser la somme de 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail,
à titre principal,
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail en lui faisant produire les effets d'un licenciement nul et, à titre subsidiaire, les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- fixer la date de rupture du contrat de travail au 2 octobre 2018,
- condamner la société SNEF à lui verser :
indemnité de préavis : 5 046 euros bruts, outre 504,60 euros bruts,
indemnité du fait de la nullité et/ou de l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture : 40 368,00 euros nets,
à titre subsidiaire,
- juger le licenciement nul, et en tout état de cause, dépourvu de cause réelle et lui allouer :
indemnité de préavis : 5 046 euros bruts, outre 504,60 euros bruts,
indemnité du fait de la nullité et/ou de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement : 40 368 euros nets,
- condamner la société SNEF à lui verser la somme de 3 000 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, en sus de l'indemnité allouée en première instance à ce titre,
- débouter la société SNEF de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société SNEF aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 16 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
M. [W] [O] soutient qu'à compter de l'année 2018, l'employeur a exécuté d'une manière déloyale le contrat de travail en raison de son état de santé aux motifs que s'il avait jusqu'à lors respecté les préconisations du médecin du travail, dès lors que celui-ci a émis, contre toute attente, un avis d'inaptitude mentionnant les mêmes restrictions que celles antérieures qui lui permettaient d'avoir un poste adapté, l'employeur a lancé une procédure de recherche de reclassement, alors qu'au regard des restrictions émises, il pouvait continuer à occuper le poste qui avait été aménagé, ce dont il informait l'employeur qui se retranchait derrière le terme 'inaptitude' pour engager une procédure de recherche de reclassement et lui proposer un poste situé au Havre, lequel était incompatible avec les restrictions posées relatives à la conduite.
La société SNEF soutient avoir exécuté le contrat de travail de bonne foi en respectant les préconisations du médecin du travail et mettant tout en oeuvre pour maintenir le contrat de travail dans les meilleures conditions, que l'avis d'inaptitude n'a pas été contesté et qu'il a mis en oeuvre son obligation de reclassement conformément à ses obligations dans le respect des préconisations du médecin du travail.
Aux termes de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
M. [W] [O] a été reconnu travailleur handicapé à compter du 1er juillet 2007.
Le 2 avril 2007, le salarié a été déclaré apte au poste d'électricien conducteur nacelle sauf à limiter les manutentions lourdes et répétées et préférer un poste au sol.
Suivant les avis des 5 octobre 2011, 8 octobre 2012, 21 août 2014, le salarié a été déclaré apte au poste aménagé (câblage armoires) en atelier ou équivalent, avec évolution des restrictions, puisqu'à partir de 2012, il a été précisé que les déplacements en véhicule étaient contre-indiqués sur les longues distances (50km).
Le 16 février 2017, dans le cadre d'un examen périodique, le salarié a été déclaré apte avec les restrictions suivantes : limiter :
- les déplacements longs/répétitifs
- le port de charges lourdes
- le port de charges répétitif
- les postures pénibles : antéflexion tronc, rotation, élévation et extension des membres supérieurs.
Le 22 mai 2018, à la suite dune visite à la demande, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude en précisant 'maintien des restrictions, poste adapté aux restrictions'.
Le 1er juin 2018, après étude de poste et des conditions de travail du 25 mai 2018, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude en posant les restrictions suivantes :
- limitation et non interdiction :
. de la conduite (environ 50km/ environ 1h)
. du port de charges lourdes ( supérieures à 25 kg)
. du port répétitif et prolongé de charges
. du port de charges associé aux postures pénibles (élévation et extension des membres supérieurs, antéflexion du tronc)
Pour l'activité nacelle : favoriser le poste Vigie au poste exécutant.
Le 13 juin 2018, l'employeur écrivait au médecin du travail pour obtenir des précisions quant au reclassement du salarié, plus précisément sur la notion de port répétitif et prolongé de charges, avec la question de savoir si un temps partiel serait envisageable, mais aussi, s'agissant d'une inaptitude définitive au poste, il souhaitait savoir si une mutation dans l'une des filiales ou agences du groupe était envisageable pour ce salarié et si les déplacements professionnels sont ou non médicalement contre-indiqués.
Le lendemain, M. [U], médecin du travail, répondait qu'il était difficile d'apporter davantage de précisions, qu'une limitation n'est pas une interdiction stricte et totale mais qu'il serait déraisonnable que le salarié soit exposé sans limite, quotidiennement et toute la journée aux circonstances de travail citées, ajoutant que les conditions matérielles des tâches influent également. Concernant la conduite, il indiquait qu'elle dépend également des conditions, estimant que conduire sur des voies de bonnes qualités, dans un véhicule de bonne qualité avec de bons sièges permettrait certainement sans dommage des trajets de 1h30 ou 2h s'ils ne se répétaient pas quotidiennement.
Par courrier du 9 juillet 2018, le salarié a informé son employeur de ce qu'il reprendrait son poste après ses congés dès lors qu'il est adapté aux restrictions médicales et que les restrictions sont restées identiques à celles décrites lorsqu'il était déclaré apte.
Le 31 juillet 2018, l'employeur transmettait au salarié une proposition de poste de reclassement au poste de câbleur d'armoire à l'agence du Havre.
Le conseil du salarié s'adressait à l'employeur le 1er août 2018 pour lui indiquer qu'il se devait de proposer le poste qu'il occupait précédemment à titre de reclassement comme convenant parfaitement aux restrictions posées par le médecin du travail.
Le 3 août 2018, l'employeur répondait qu'une telle proposition ne pouvait être faite dès lors que le médecin du travail avait déclaré le salarié inapte à son poste de travail.
Dans le cadre des échanges qui s'en sont suivies, chacun restait sur son positionnement.
Alors qu'il n'est pas discuté que depuis 2007, en raison des restrictions à l'aptitude du salarié, il a été affecté sur un poste aménagé d'électricien effectuant des tâches de câbleur en atelier s'agissant de câblage d'armoire et de conducteur de nacelle (vigie nacelle) à [Localité 3] dans le respect des préconisations du médecin du travail, que dès lors jusqu'à l'avis d'inaptitude du 1er juin 2018, il n'est pas remis en cause l'exécution de bonne foi du contrat de travail, il ne peut être reproché à l'employeur au titre de cette exécution du contrat de travail d'éventuels manquements qui sont seulement en lien avec l'avis d'inaptitude du médecin du travail, lequel s'imposait aux parties à défaut de tout recours formé régulièrement dans les conditions définies par l'article L.4624-7 du code du travail.
Aussi, la cour confirme le jugement entrepris ayant rejeté la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail.
II - Sur la rupture du contrat de travail
M. [W] [O], invoquant les manquements de l'employeur et précisant avoir saisi la juridiction prud'homale avant le prononcé du licenciement, sollicite la résiliation judiciaire du contrat de travail au motif que l'employeur a manqué gravement à ses obligations en exécutant le contrat de travail d'une manière particulièrement déloyale en raison de son état de santé, de sorte qu'elle produit les effets d'un licenciement nul et, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse.
Subsidiairement, il soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, faute de respect de la procédure instituée à l'article R.4624-42 du code du travail pour la déclaration d'inaptitude, de recherche sérieuse et loyale de reclassement et de consultation régulière des représentants du personnel compte tenu de son statut de travailleur handicapé.
La société SNEF s'oppose à la résiliation judiciaire du contrat de travail puisqu'aucun manquement ne peut lui être reproché et soutient que le licenciement est fondé dès lors qu'elle a accompli de manière sérieuse et loyale son obligation de reclassement, qu'aucune nullité n'est encourue, l'avis d'inaptitude ayant été rendu dans des conditions régulières et aucun recours n'ayant été formé dans les conditions prescrites par l'article L.4624-7 du code du travail.
1- Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
S'il convient de statuer sur la demande de résiliation judiciaire présentée avant la notification du licenciement, alors qu'il est admis que l'employeur a respecté les préconisations du médecin du travail au cours de l'exécution du contrat de travail, le salarié n'invoquant les manquements et l'exécution déloyale que dès lors qu'a été émis l'avis d'inaptitude, ne se trouve caractérisé aucun manquement susceptible d'empêcher la poursuite du contrat de travail, la critique étant alors liée au comportement de l'employeur dans le cadre de la procédure de licenciement.
La cour confirme ainsi le jugement entrepris ayant rejeté la demande de résiliation judiciaire.
2- Sur le licenciement
Selon l'article L. 1226-2 du code du travail, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.
Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
Si la preuve de l'exécution de l'obligation de reclassement incombe à l'employeur, il appartient au juge, en cas de contestation sur l'existence ou le périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties.
Selon l'article R.4624-42 du code du travail, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du travailleur à son poste de travail que :
1° S'il a réalisé au moins un examen médical de l'intéressé, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange sur les mesures d'aménagement, d'adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste ;
2° S'il a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste ;
3° S'il a réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l'établissement et indiqué la date à laquelle la fiche d'entreprise a été actualisée ;
4° S'il a procédé à un échange, par tout moyen, avec l'employeur.
Ces échanges avec l'employeur et le travailleur permettent à ceux-ci de faire valoir leurs observations sur les avis et les propositions que le médecin du travail entend adresser.
S'il estime un second examen nécessaire pour rassembler les éléments permettant de motiver sa décision, le médecin réalise ce second examen dans un délai qui n'excède pas quinze jours après le premier examen. La notification de l'avis médical d'inaptitude intervient au plus tard à cette date.
Le médecin du travail peut mentionner dans cet avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Alors qu'en l'espèce, l'avis d'inaptitude n'a pas été contesté suivant les modalités légalement prescrites par l'article L.4624-7 du code du travail, il convient d'observer que si le médecin du travail est tenu de réaliser ou faire réaliser une étude de poste et des conditions de travail, d'avoir un échange avec l'employeur et que les échanges avec l'employeur et le travailleur doivent leur permettre de faire valoir leurs observations sur les avis et propositions que le médecin du travail entend adresser, néanmoins, ces échanges n'impliquent pas que soit organisée une procédure contradictoire mettant en présence l'ensemble des parties, la forme des échanges étant laissée à la discrétion du médecin du travail et il ne peut être reproché à l'employeur de ne pas produire l'étude de poste et des conditions de travail s'agissant d'éléments établis par les services de médecine au travail.
En l'espèce, il résulte de l'avis d'inaptitude du 1er juin 2018 que le médecin du travail a rencontré le salarié le 1er juin 2018, qu'il a été procédé à une étude de poste et des conditions de travail le 25 mai 2018, que des échanges se sont tenus avec l'employeur le même jour, de sorte que la procédure a été régulièrement suivie et l'avis d'inaptitude s'impose aux parties.
S'agissant du reclassement, alors que l'employeur est tenu de proposer un reclassement dans un emploi aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail, ce qui n'exclut nullement que de telles mesures concernent le poste précédemment occupé comme l'allègue l'employeur, ce d'autant qu'en l'espèce, les restrictions résultant de l'avis du 1er juin sont très proches de celles émises précédemment lorsque le salarié était déclaré apte, ce qui a permis pendant plusieurs années de le maintenir dans un emploi aménagé compatible, qu'il convient d'observer qu'en dépit de la similarité des restrictions émises par le médecin du travail entre ses avis d'aptitude et d'inaptitude, l'employeur n'a pas interrogé le médecin du travail pour obtenir des éclaircissements à ce titre, ne cherchant pas à investiguer sur les motifs ayant présidé à cette évolution, et ainsi ne cherchant pas à connaître si des mesures pouvaient être prises pour faire évoluer son poste de travail pour le rendre compatible au regard des restrictions émises, proposant seulement un poste de reclassement pour un poste de câbleur à temps complet éloigné du domicile du salarié, l'obligeant à se déplacer quotidiennement pour se rendre sur son lieu de travail alors que le médecin du travail excluait des déplacements quotidiens et lorsque le conseil du salarié lui en a fait la remarque, se contentant de répondre le 30 août 2018 qu'il pouvait assister le salarié dans les démarches de recherche de logement, lui laissant alors un délai supplémentaire de réflexion de 10 jours, il s'en déduit que l'employeur n'a pas rempli sérieusement et loyalement son obligation, ce qui rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse et non nul, aucune circonstance particulière n'étant établie permettant de retenir que le licenciement était fondé sur d'autres considérations en lien avec l'état de santé du salarié hormis l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail.
La cour confirme ainsi le jugement entrepris.
III - Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse
M. [W] [O] sollicite la majoration de l'indemnité compensatrice de préavis résultant du statut de travailleur handicapé, à laquelle l'employeur s'oppose dès lors que le salarié a été informé de ce statut le 18 décembre 2018 pour une reconnaissance au titre de la période du 1er avril 2018 au 31 mars 2023, soit postérieurement au licenciement.
Selon l'article L.5213-9 du code du travail, en cas de licenciement, la durée du préavis déterminée en application de l'article L. 1234-1 est doublée pour les bénéficiaires du chapitre II, sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée de ce préavis.
La qualité de travailleur handicapé doit être reconnue par la CDAPH à la date de la notification du licenciement.
En l'espèce, M. [W] [O] a bénéficié d'une première reconnaissance du statut de travail handicapé le 23 octobre 2007 pour la période allant du 1er juillet 2007 au 1er juillet 2017.
C'est le 18 décembre 2018 que lui a été notifiée une nouvelle reconnaissance de ce statut pour la période allant du 1er avril 2018 au 31 mars 2023.
Il s'en déduit qu'à la date du licenciement, la qualité de travailleur handicapée n'était pas encore reconnue par la commission compétente, de sorte que le salarié ne peut bénéficier des dispositions de l'article précité.
Aussi, il convient de condamner l'employeur à lui verser la somme de 3 364 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, infirmant sur ce point le jugement entrepris.
M. [W] [O], qui évoque le préjudice important résultant de la perte de son emploi qui lui a causé une traumatisme psychologique et l'absence d'emploi depuis la rupture du contrat de travail, bien qu'il ait suivi une formation de 3 mois au Centre de réadaptation professionnelle, demande que le barème issu de l'article L.1235-3 du code du travail soit écarté compte tenu du caractère discriminatoire du licenciement, mais aussi comme ne permettant pas la réparation adéquate et intégrale de son préjudice.
Pour les motifs sus exposés, le caractère discriminatoire du licenciement n'est pas établi.
Par ailleurs, il n'y a pas lieu d'écarter l'application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail dès lors qu'elles permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, et donc d'assurer le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail.
En l'espèce, en considération d'une ancienneté de 17 ans, le salarié peut prétendre à une indemnité comprise entre 3 et 14 mois de salaire.
Compte tenu de son salaire moyen mensuel de 1 682 euros, de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (52 ans), de l'absence d'insertion professionnelle alors qu'il justifie du suivi d'une formation de trois mois auprès du centre de Réadaptation professionnelle au cours de l'année 2019, du traumatisme psychologique généré par la rupture comme cela résulte de l'attestation de son médecin, Mme [F], qui indique le suivre régulièrement pour des consultations en lien avec le licenciement et qui lui a prescrit des traitements antidépresseur, la cour lui alloue la somme de 17 000 euros à titre de dommages et intérêts, infirmant ainsi le jugement déféré.
Les conditions de l'article L.1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés des indemnités chômage versées au salarié licencié dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, du jour de la rupture au jour de la présente décision.
III - Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie principalement succombante, la société SNEF est condamnée aux entiers dépens, déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à M. [W] [O] la somme de 500 euros en cause d'appel, en sus de la somme allouée en première instance pour les frais générés par l'instance et
non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement en ce qu'il a statué sur le montant de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau,
Condamne la société SNEF à payer à M. [W] [O] les sommes suivantes :
indemnité compensatrice de préavis : 3 364,00 euros
congés payés afférents : 336,40 euros
dommages et intérêts pour licenciement sans
cause réelle et sérieuse : 17 000,00 euros
Le confirme en ses autres dispositions ;
Y ajoutant,
Ordonne le remboursement par la société SNEF aux organismes intéressés des indemnités chômage versées à M. [W] [O] dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, du jour de la rupture au jour de la présente décision ;
Condamne la société SNEF aux entiers dépens d'appel ;
Condamne la société SNEF à payer à M. [W] [O] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;
Déboute la société SNEF de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en appel.
La greffière La présidente