N° RG 21/02344 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IZME
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 29 JUIN 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 28 Avril 2021
APPELANTE :
S.A.S. S.M.P. Energies
anciennement dénommée SOCIETE DE MAINTENANCE PETROLIERE
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Florence TERROUX-SFAR, avocat au barreau de PARIS
INTIME :
Monsieur [D] [P]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Thibaud KOHLLER de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocat au barreau d'ALENCON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 11 Mai 2023 sans opposition des parties devant Madame POUGET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ALVARADE, Présidente
Madame POUGET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 11 Mai 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 Juin 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 29 Juin 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 4 avril 2012, M. [D] [P] (le salarié) a été engagé en qualité de sondeur par la Société de Maintenance Pétrolière devenue SMP Énergies (la société), selon un contrat à durée déterminée, lequel a été renouvelé puis la relation s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée soumis à la convention collective de la métallurgie du Loiret.
A compter du 14 mars 2016, le salarié a été en arrêt de travail et le 22 août suivant, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste.
Par courrier du 13 octobre 2016, la société l'a licencié pour impossibilité de reclassement et inaptitude.
Contestant cette décision et les conditions d'exécution de son contrat de travail, M. [P] a saisi, le 29 août 2017, le conseil de prud'hommes de Rouen qui, par jugement du 28 avril 2021, a :
- jugé que l'accord d'entreprise relatif à l'aménagement du temps de travail était sans effet - condamné la société à verser au salarié les sommes suivantes :
au titre de rappel d'heures supplémentaires : 10 211,84 euros,
au titre des congés payés y afférents : 1 021,18 euros,
au titre de la contrepartie obligatoire en repos : 4 391,99 euros,
au titre des congés payés y afférents : 439,20 euros,
au titre de rappel d'heures de nuit : 997,68 euros,
au titre des congés payés y afférents : 99,77 euros,
au titre de rappel d'heures du dimanche : 778,72 euros,
au titre des congés payés y afférents : 77,87 euros,
au titre du travail les jours fériés : 671,08 euros,
au titre des congés payés y afférents: 67,11 euros,
au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 1 200 euros,
- débouté le salarié de ses autres demandes,
- ordonné la remise du certificat de travail, des bulletins de salaires rectifiés, de l'attestation pôle emploi et du solde de tout compte, sous astreinte de 30 euros par jour de retard pour l'ensemble des documents à compter de 8 jours suivant la notification de la présente décision et dans la limite de 90 jours courants ;
- ordonné l'exécution provisoire, uniquement pour ce qu'elle est de plein droit ;
- débouté la SMP Énergies de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SMP Énergies aux entiers dépens.
Le 7 juin 2021, la société a interjeté appel de cette décision et par des conclusions remises le 28 février 2022, elle demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
jugé que le licenciement de M. [P] reposait sur une cause réelle et sérieuse ;
débouté le salarié de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et de celles formées au titre de rappel de repos compensateur, des congés payés y afférents, d'indemnité pour habillage et déshabillage et d'indemnité pour manquement à l'obligation de sécurité,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
jugé que l'accord d'entreprise sur l'aménagement du temps de travail de la société SMP Énergies était sans effet, a mis diverses sommes à sa charge, a ordonné la remise des documents de fin de contrat sous astreinte ainsi que l'exécution provisoire, uniquement pour ce qu'elle est de plein droit et l'a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux entiers dépens,
En conséquence et statuant à nouveau :
' Sur la demande de rappel d'heures supplémentaires, de contreparties obligatoires en repos et les congés y afférents :
à titre principal :
- constater que M. [P] est d'ores et déjà intégralement rempli de ses droits du fait de l'organisation du temps de travail mise en place au sein de la société ;
- le débouter de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, de contreparties obligatoires en repos et de l'ensemble des congés y afférents ;
à titre subsidiaire :
- constater le caractère imprécis et non fiable des décomptes d'heures fournis par le salarié au soutien de ses demandes et l'en débouter ;
' Sur demandes de rappels de salaries au titre de la majoration des heures de nuit, du travail le dimanche et des jours fériés, outre les congés y afférents :
- constater que le salarié travaillait au sein d'un service techniquement continu au sens de l'article 23 de la convention collective de la métallurgie du Loiret et le débouter de ses demandes de rappels de salaires au titre de la majoration des heures de nuit, du travail le dimanche et des jours fériés ainsi que des congés payés y afférents ;
' En tout état de cause :
- débouter M. [P] de ses demandes :
au titre de rappel de repos compensateur,
au titre des congés payés y afférents,
au titre d'indemnité pour habillage et déshabillage,
au titre d'indemnité pour manquement à l'obligation de sécurité,
- ordonner à M. [P] la restitution des sommes versées au titre de l'exécution de la décision de première instance ;
- le condamner à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Par des conclusions remises le 29 novembre 2021, M. [P] demande à la cour de :
- condamner la société au titre de l'absence d'effet de l'accord d'entreprise sur l'aménagement de la durée du travail de la société SMP Énergies du 24 mars 2009 ;
- infirmer partiellement le jugement déféré et condamner la société à lui payer les sommes suivantes :
- Sur l'exécution du contrat de travail
14 469,44 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année octobre 2013 - octobre 2016,
1 446,94 euros au titre des congés payés afférents,
6 553,14 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,
655,31 euros au titre des congés payés afférents,
1 984,53 euros au titre du travail de nuit,
198,45 euros au titre des congés payés afférents,
94,86 euros au titre des repos compensateurs,
9,49 euros au titre des congés payés afférents,
1 334,11 euros au titre du travail le dimanche,
133,41 euros au titre des congés payés afférents,
833,08 euros au titre des jours fériés,
83,31 euros au titre des congés payés afférents,
2 371,50 euros au titre du temps d'habillage déshabillage,
5 000 euros au titre de l'obligation de sécurité,
- Sur le licenciement
4 781,52 euros au titre de l'indemnité de préavis,
23 907,60 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
3 500 euros au titre de |'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
- ordonner la rectification des bulletins de paie, du certificat de travail, du solde de tout compte et de l'attestation Pôle emploi, dans les 8 jours de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour et par document, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte ;
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;
- débouter la société de ses demandes de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été fixée au 13 avril 2023.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé détaillé de leurs moyens et arguments.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'organisation de la durée du travail
En vertu de l'article L. 3121-10 du code du travail dans sa version applicable au litige, la durée légale de travail effectif est fixée à 35 heures par semaine civile.
Toutefois, l'article L. 3122-2 dans sa rédaction applicable, dispose, notamment, qu'un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut définir les modalités d'aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année. A défaut d'accord collectif, ce texte précise qu'un décret définit les modalités et l'organisation de la répartition de la durée du travail sur plus d'une semaine.
En outre, par dérogation à ces dispositions, l'article L. 3122-3 dans sa rédaction applicable, prévoit que dans les entreprises qui fonctionnent en continu, l'organisation du temps de travail peut être organisée sur plusieurs semaines par décision de l'employeur.
Ainsi, la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 a mis en place un dispositif unique d'aménagement du temps de travail (L. 3122-2) dans un cadre pluri-hebdomadaire qui se substitue à la modulation du temps de travail en tant que modalité d'aménagement de la durée du travail, dotée d'un cadre juridique spécifique, ainsi qu'aux cycles, jours de réduction du temps de travail et au temps partiel modulé. Les modalités d'aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à un an doivent être définies par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche.
En l'espèce, alors que le salarié soutient que l'accord d'entreprise n'était pas applicable et que la durée de travail doit être décomptée sur une base hebdomadaire de 35 heures avec toutes les conséquences en découlant, l'employeur oppose aux termes de ses conclusions, à titre principal, l'accord d'entreprise relatif à l'aménagement du temps de travail du 24 mars 2009, tout en évoquant la possibilité de déroger à la durée légale par une décision unilatérale de l'employeur comme le prévoit, selon lui, l'article 8.3 de l'accord national du 28 juillet 1998 relatif à l'organisation dans la métallurgie ou encore les décrets du 15 juin 1937 et, enfin, l'article L. 3122-3 précédemment rappelé.
Il n'est pas discuté que l'entreprise ne disposait pas de délégués syndicaux, de sorte que l'accord litigieux organisant le temps de travail pouvait être soumis au comité d'entreprise comme en disposait l'article L. 2232-23.
Dans ce cas, et en application de l'article L. 2232-24, la société doit justifier de la soumission dudit protocole à la commission paritaire nationale de branche compétente et de son approbation par celle-ci, mais également du dépôt du protocole auprès de l'autorité administrative compétente, ce qu'elle échoue à faire. En effet, elle n'allègue, et encore moins, ne justifie de la saisine de ladite commission et, au surplus, sa pièce n° 30 censée être la preuve du dépôt de l'accord auprès la Direccte, est, en réalité, un courrier daté du 23 décembre 2009, soit plus de 9 mois après ledit accord, émanant d'«Expertises Conseils développement d'entreprise », sans aucune référence à la société ou à la date de l'accord litigieux.
Par conséquent, l'accord considéré est réputé non-écrit, la décision déférée est infirmée sur ce point.
Par ailleurs, la société appelante qui a organisé la durée du travail au sein de l'entreprise en exécutant ledit accord, ne peut opportunément se prévaloir, dans le cadre de la procédure prud'homale, de ce qu'une décision unilatérale serait suffisante pour mettre en place l'organisation du temps de travail par cycle, alors même qu'aucune pièce ne porte mention de son existence et qu'elle ne démontre pas avoir respecté les dispositions de l'ancien article D. 3122-7-1 du code du travail applicables dans ce cas, soit notamment l'élaboration et la communication au comité d'entreprise d'un bilan annuel relatif à la mise en 'uvre du programme indicatif de la variation du travail résultant d'une telle décision.
Dans ces conditions, le moyen tiré d'une décision unilatérale de l'employeur organisant la durée de travail au sein de l'entreprise, en application de dispositions réglementaires, conventionnelles ou légales telles que citées par l'appelante, est totalement inopérant.
Ceci est d'autant plus exact que compte tenu de la hiérarchie des normes, la société n'est pas fondée à se prévaloir des décrets du 15 juin 1937 en ce qu'ils sont contraires aux dispositions légales ci-dessus rappelées. En outre, la cour de Cassation a jugé, dans un arrêt rendu sur pourvoi de la société SMP, que les dispositions de l'article 8.3 de l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation du travail dans la métallurgie, relatives aux formalités de mise en 'uvre de l'organisation du temps de travail sur l'année, ne comportaient pas de programme indicatif de la répartition de la durée du travail ni la définition des contreparties dues au salarié en cas de réduction du délai de prévenance de sept jours préalable à toute modification du programme indicatif, et renvoyaient à la négociation d'accords d'entreprise la mise en place d'un régime adapté à la situation particulière de tout ou partie de l'entreprise ou de l'établissement, de sorte que ces dispositions, qui n'avaient pas été conclues en application de l'article L. 3122-9 du code du travail, ne sont pas restées en vigueur conformément à l'article 20, V, de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008.
Par conséquent, faute de modalités d'organisation de la durée de travail au sein de l'entreprise conformes aux dispositions légales ou encore de stipulations spécifiques du contrat de travail relatives à l'organisation du temps de travail, il convient d'appliquer les règles de droit commun.
Sur les heures supplémentaires et les contreparties obligatoires en repos
Aux termes de L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
A titre liminaire, la cour constate qu'aux termes de ses conclusions, l'appelante se limite à solliciter l'infirmation de la décision déférée sur ce chef, sans toutefois développer la prescription de l'article L. 3245-1 retenue par les premiers juges et que l'intimé demande d'écarter, de sorte qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'est pas saisie de cette fin de non-recevoir.
M. [P], engagé sur la base mensuelle de 151,67 heures, fait valoir qu'il travaillait par équipe soit en 3x8, soit en 2x12 et sollicite le paiement d'heures supplémentaires pour la période de septembre 2013 à décembre 2015 en produisant ses plannings d'heures pour les années 2013 à 2015, fondés sur les horaires des cycles institués par l'accord collectif critiqué, lesquels documents précisent, pour chaque jour, son lieu de travail, ses heures de début et de fin de travail. Il fournit également des décomptes récapitulatifs indiquant le nombre d'heures de travail effectuées.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre, peu important que le salarié n'est pas formé de demande préalable en paiement à ce titre.
Or, la société ne peut se limiter à arguer du manque de fiabilité des décomptes établis par le salarié en arguant qu'ils l'ont été pour les besoins de la cause, qu'ils ne sont corroborés par aucun élément extérieur, alors même que chargée de contrôler le temps de travail de son salarié, elle ne produit aucun document en justifiant et ce, bien que ce dernier lui ait fait sommation, ce qui n'est pas discuté, de fournir les relevés horaires renseignés et signés sur les chantiers.
En outre, les plannings produits par le salarié sont particulièrement détaillés (lieu de travail, horaires, kilomètres parcourus et commentaires) et la société ne relève ni exactitude, ni incohérence sauf à préciser que l'intimé ne précise pas ses heures de repas.
Or, il convient de relever qu'il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a permis à son salarié qui travaillait selon des horaires décalés (12h-20h, 4h-12h, 20h-4h), de bénéficier de ses temps de pause, ce qu'il échoue à établir.
Enfin, alors qu'il conteste l'existence d'heures supplémentaires, l'employeur décompte pour chaque année, aux termes de ses conclusions (page 20), les jours « de repos compensateur octroyés en contrepartie des heures supplémentaires réalisées au cours de l'année » et conclut que le salarié a été rempli de ses droits.
Toutefois, la cour rappelle que l'accord d'entreprise du 24 mars 2009 relatif à l'aménagement du temps de travail sur l'année signé de membres du comité d'entreprise est réputé non écrit et constate que la société ne justifie pas de l'absence d'opposition de ce comité à la mise en place d'un régime de repos compensateur tel que le prévoit l'article L. 3121-24 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ou encore l'article 7 de l'accord national de branche ci-dessus rappelé. De plus, le contrat de travail signé entre les parties ne prévoyait aucune disposition sur les heures supplémentaires ou les repos compensateurs et qu'il n'est pas justifié d'un accord ultérieur du salarié sur des modalités spécifiques d'organisation du temps de travail, de sorte que les heures supplémentaires doivent être décomptées selon les règles de droit commun et que l'employeur ne justifiant pas d'une créance certaine et exigible envers son salarié, aucune compensation ne peut être opérée.
Ainsi, au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité que M. [P] a bien effectué l'ensemble des heures supplémentaires sollicitées soit : 102,40 heures supplémentaires en 2013, 323 heures supplémentaires en 2014 et 583,40 heures supplémentaires en 2015.
Compte tenu de l'amplitude de travail, du taux horaire et des majorations applicables, il sera fait droit à sa demande pour la somme de 14 469,44 euros, outre les congés payés y afférents.
En outre, eu égard aux dispositions des articles L. 3121-11 et suivants du code du travail dans leur rédaction applicable au litige et au nombre total d'heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel de 220 heures, il doit être fait droit aux prétentions formées au titre des contreparties obligatoires en repos et des congés payés afférents.
La décision déférée est infirmée sur ces chefs.
Sur les majorations au titre du travail de nuit, les dimanches et jours fériés
L'article 23 de la convention collective de la métallurgie-Loiret, dans sa rédaction issue de l'accord régional du 18 novembre 2013 dont le salarié se prévaut, stipule in fine : « Toutefois dans les services techniquement continus, les majorations pour travaux de nuit, du dimanche et des jours fériés ne s'appliquent pas, la rémunération du personnel tenant compte des conditions particulières de travail'».
Or, il n'est pas discuté par le salarié que l'entreprise a une activité de forage de puits qui s'exerce en continu, que le travail est organisé selon un rythme de 3/8 et en rotation sur 21 jours pour les équipes de forage, et pour les équipes supports selon un rythme de 12 heures en rotation sur 14 jours.
Par conséquent, il convient d'infirmer la décision déférée sur ces chefs et de débouter le salarié de ses demandes de majorations formées à ces titres.
Cependant, si l'article 23 de la convention collective du département du Loiret exclut les majorations pour travaux de nuit, ceci n'a pas pour effet de priver le salarié de la contrepartie en repos propre au travailleur de nuit, prévu par l'accord du 3 janvier 2002 relatif au travail de nuit.
Par conséquent, il convient de faire droit à sa prétention à ce titre et accorder à l'intimé la somme de 94,86 euros au titre du repos compensateur spécifique, outre les congés payés y afférents.
Sur le rappel de salaire au titre de l'habillage et du déshabillage
L'article L. 3121-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, dispose que le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière.
Se fondant sur ce dernier texte, le salarié soutient qu'il devait porter des objets lourds, qu'il s'habillait et se déshabillait sur son lieu de travail à raison de 15 minutes pour chaque opération qui ne faisait l'objet d'aucune contrepartie financière, de sorte qu'il sollicite le paiement de ce temps de travail. Il verse aux débats des photographies d'outils et d'un équipement composé de bottines, d'un casque de chantier, d'un sweat et d'une combinaison portant, pour ces derniers, le logo de la société.
Si cette dernière sollicite la confirmation de la décision déférée ayant rejeté la demande du salarié formée à ce titre, elle ne développe aucun argumentaire de nature à contredire ou à discuter les éléments fournis par le salarié.
Dans ces conditions et en application de l'article 954 du code de procédure civile, il sera fait droit à la seule demande du salarié, reprise dans le dispositif de ses conclusions, soit la somme de 2371,50 euros, la prétention relative aux congés payés n'étant pas indiquée.
La décision déférée est également infirmée sur ce point.
Sur l'obligation de sécurité et le licenciement
L'article L 4121-1 du code du travail dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
Dès lors qu'il s'agit d'une obligation de sécurité à la charge exclusive de l'employeur, la charge de la preuve de son bon accomplissement incombe à ce dernier et non au salarié.
L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité.
En outre, il convient de rappeler que lorsque la cause du licenciement a pour origine un manquement préalable à l'obligation de sécurité, alors le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
M. [P] soutient que les manquements de la société à son obligation de sécurité « sont multiples en matière de durée de travail, de respect des temps de repos minimaux, de formation, etc ». Il ajoute qu'il a été soumis à un rythme de travail intense, a travaillé dans des conditions extrêmement difficiles (plate-formes pétrolières), qu'il a été affecté à un poste de nuit sans que son accord soit recueilli, qu'il a réalisé des temps de trajet anormalement longs pour se rendre à son poste de travail, qu'il a été privé de son droit au repos et n'a pas bénéficié d'un suivi médical renforcé si bien qu'il s'est retrouvé dans une situation d'épuisement professionnel. Ces manquements ont eu pour conséquence « son inemployabilité » ainsi que son inaptitude, de sorte qu'il forme une demande de dommages-intérêts à ce titre et en conclut que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.
L'employeur conteste tout manquement à ladite obligation et indique avoir fait bénéficier le salarié de compensation pour les heures supplémentaires, jours fériés et travail le dimanche ainsi que d'un suivi médical.
Il s'infère des précédents développements que le rythme de travail du salarié a été, tout au long de la relation de travail, particulièrement soutenu, celui-ci effectuant un nombre conséquent d'heures supplémentaires et travaillant les dimanches, jours fériés ainsi que la nuit (ex : en 2014 : 449 heures de nuit).
Pour autant, si l'employeur produit trois fiches d'aptitude médicales dont une relative à une visite de reprise du salarié, il ne justifie pas l'avoir fait bénéficier d'un suivi médical renforcé comme le prévoit l'article R. 3122-19 dans sa version applicable aux travailleurs de nuit, l'application dudit statut au salarié n'étant pas contestée.
De plus, s'il ressort tant des relevés du salarié que des feuilles de pointage de l'employeur (temps de repos), que l'intimé a pu disposer de jours de repos, il en résulte également qu'il pouvait travailler, selon les cycles précédemment rappelés, sur des périodes continues de plus de 10 jours, généralement 15 jours voire plus et ce, sans bénéficier du moindre jour de repos (ex : en septembre 2013, avril et mai 2014, 21 jours continus et 19 jours continus en janvier 2015).
Or, il ressort des certificats médicaux qui ne se limitent pas à reprendre les propos du salarié, que ses conditions de travail ont abouti à « un burn-out : excès de travail et manque de reconnaissance », lequel a nécessité des arrêts de travail, un traitement médicamenteux et un suivi psychiatrique. Le psychiatre indique d'ailleurs que la reprise de son travail par le salarié « dans cette entreprise [SMP Énergies ] l'amènerait à une rechute et qu'il est impératif qu'il soit mis en inaptitude pour ce poste », ce que le médecin du travail a également considéré à la suite d'un seul avis médical compte tenu « du danger immédiat pour sa santé », en ajoutant que l'état de santé du salarié empêchait de faire « de proposition en vue d'un reclassement dans l'entreprise ».
Au regard de ces éléments, il apparaît que l'employeur n'établit pas avoir respecté son obligation de sécurité à l'égard du salarié mais bien au contraire qu'il a manqué, de manière répétée, à celle-ci dans différents domaines durant toute l'exécution du contrat de travail et n'a pris aucune mesure préventive de nature à prévenir les risques liés à la pénibilité du poste, ce qui a conduit à l'inaptitude constatée par le médecin du travail.
Par conséquent, la cause du licenciement de M. [P] a pour origine un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, de sorte que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, sans qu'il y ait lieu d'examiner le moyen tiré du non-respect de l'obligation de reclassement.
Il convient d'allouer à M. [P] la somme de 4 781,52 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis dont le montant n'est pas discuté.
Compte tenu des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance du 22 septembre 2017, de son ancienneté de plus deux ans (4 ans) dans une entreprise occupant habituellement plus de 11 salariés, de son âge au moment de la rupture (34 ans), de son salaire de référence, des circonstances de la rupture et de sa situation postérieure au licenciement (en recherche d'emploi de manière continue jusqu'en janvier 2018), il convient d'allouer à M. [P] la somme de 14 500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il appartiendra à l'employeur de remettre au salarié les documents de fin de contrat rectifiés conformément à l'arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette remise d'une astreinte.
De plus, il convient de faire application des dispositions de l'article L. 1235-4 dont les conditions sont réunies et d'ordonner à l'employeur le remboursement des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, dans la limite de 6 mois.
En outre, le manquement à l'obligation de sécurité ci-dessus retenu a causé au salarié un préjudice distinct de la perte de son emploi puisque celui-ci a été placé en arrêt de travail durant sept mois avant son licenciement, a bénéficié d'un suivi psychiatrique et d'un traitement médicamenteux.
Il convient de lui allouer la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts à ce titre.
Par conséquent, la décision déférée est infirmée sur ces chefs.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
En qualité de partie succombante, l'appelante est condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.
Pour le même motif, elle est condamnée à payer au salarié la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement et en dernier ressort ;
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Rouen du 28 avril 2021 sauf en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :
Dit que l'accord d'entreprise du 24 mars 2009 est réputé non écrit ;
Dit que le licenciement de M. [D] [P] est sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SMP Énergies à verser à M. [D] [P] les sommes suivantes :
14 469,44 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre 1 446,94 euros au titre des congés payés afférents,
6 553,14 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos, outre 655,31 euros de congés payés y afférents,
94,86 euros au titre des repos compensateurs spécifiques, outre 9,49 euros de congés payés y afférents,
2 371,50 euros au titre du temps d'habillage et déshabillage,
4 781,52 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
14 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne le remboursement par la SMP Énergies à l'organisme concerné du montant des indemnités de chômage versées au salarié depuis la rupture de son contrat de travail dans la limite de six mois de prestations ;
Ordonne à la SMP Énergies de remettre à M. [P] un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt ;
Dit n'y avoir lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne la société SMP Energies aux entiers dépens d'appel.
La greffière La présidente