N° RG 23/00166 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JIPF
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 18 AVRIL 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 12 Décembre 2022
APPELANT :
Monsieur [B] [M]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Géraldine BOITIEUX, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
S.A.S. 2FDM
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Stéphane JAVELOT de la SELARL JAVELOT FREMY RENE, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 07 Mars 2024 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ALVARADE, Présidente
Madame POUGET, Conseillère, rédactrice
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DUBUC, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 07 mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 avril 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 18 Avril 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [B] [M] (le salarié) a été engagé par la société Homiso en qualité de représentant commercial avec un statut de VRP exclusif par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 14 mai 2019.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce de gros.
Par contrat du 31 août 2020, le contrat de travail a été transféré à la société 2FDM (la société) aux mêmes conditions avec reprise d'ancienneté.
Par lettre notifiée le 3 mai 2021, M. [B] [M] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 10 mai 2021, avec mise à pied conservatoire notifiée le même jour.
M. [B] [M] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre notifiée le 14 mai 2021.
Contestant cette décision, il a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen qui, par jugement du 12 décembre 2022, a :
- pris acte de la remise à l'audience par Maître Javelot, conseil de la société 2FDM, à Maître Boitieux, conseil de M. [B] [M], d'un chèque de 851,20 euros au titre d'un rappel net de commissions,
débouté M. [B] [M] de l'intégralité de ses demandes,
débouté la société de sa demande reconventionnelle,
dit n'y avoir lieu à dépens.
Le 15 janvier 2023, M. [B] [M] a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions signifiées le 12 février 2024, il demande à la cour de :
- fixer son salaire mensuel moyen à 5 869,34 euros,
- infirmer le jugement rendu,
- débouter la société de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- dire que le licenciement est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,
- en conséquence, condamner la société 2FDM aux sommes suivantes :
77 710,80 euros à titre d'indemnité de clientèle à titre principal,
2 934,68 euros à titre d'indemnité de licenciement à titre subsidiaire,
11 738,68 euros à titre d'indemnité de préavis,
1 173,87 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,
20 542,69 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la société à lui verser les sommes de :
5 445,45 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de procédure,
15 249,78 euros à titre de rappel de salaire (commissions non versées),
1 524,98 euros à titre d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire,
3 572,01 euros à titre de rappel de salaire (1% de prime annuelle du CA HT),
357,20 euros à titre d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire,
500 euros à titre de prime de cooptation ;
- assortir ces condamnations des intérêts aux taux légal en vigueur, à compter de la date de saisine de la juridiction, avec capitalisation des intérêts acquis,
- ordonner la remise des bulletins de salaire et documents de fin de contrat modifiés sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard à compter de l'expiration du délai d'appel de la présente décision, la cour se réservant la compétence exclusive pour la liquidation éventuelle de cette astreinte,
- condamner la société à la somme de 2 500 euros à titre d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et à une même somme au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
- condamner la société aux entiers dépens de la présente et de ses suites.
Par conclusions signifiées le 28 février 2024, la société demande à la cour de :
- confirmer en toutes ces dispositions le jugement déféré,
- condamner M. [B] [M] au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code civil ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 février 2024.
A l'audience du 7 mars 2024, la présidente de chambre a relevé d'office l'irrecevabilité de la demande formée par l'appelant au titre du paiement d'un rappel de salaires (commissions non versées) comme étant possiblement une demande nouvelle. Elle a invité les parties à formuler leurs observations par note en délibéré avant le 15 mars 2024.
Le 8 mars 2024, la société a adressé des conclusions rectifiées sur le point ci-dessus relevé.
Le 13 mars suivant, M. [M] fait valoir que la modification d'un quantum des demandes de commissions ne peut en aucun cas s'analyser en une demande nouvelle et l'irrecevabilité soutenue doit être écartée.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé détaillé de leurs moyens et arguments.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Il s'infère des conclusions de la société du 28 février 2024, seules recevables eu égard à la date de l'ordonnance de clôture, que celle-ci n'a pas repris sa prétention tendant à voir déclarer irrecevable, car étant nouvelle, la demande en paiement de commissions (15 249,78 euros) et de congés payés afférents formée par le salarié.
Dans ces conditions, la cour n'a pas lieu de statuer sur l'irrecevabilité alléguée dans les motifs des conclusions de l'intimée.
En outre, la cour observe que la demande en paiement de rappels de commissions et de congés payés y afférents a été formée par M. [M] dès la première instance, seul le quantum de celle-ci ayant étant modifié à hauteur d'appel.
Dès lors, cette demande n'est pas nouvelle et doit être déclarée recevable.
Sur le rappel de commissions
Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Il en résulte d'une part, que la charge de la preuve du paiement du salaire incombe à l'employeur qui se prétend libéré de son obligation, d'autre part, que lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.
L'article 7 du contrat de travail précise que le salarié percevra une « commission calculée sur le chiffre d'affaires hors taxes facturées de toutes les affaires directes et indirectes qu'il aura traité personnellement sur son secteur géographique ». L'annexe audit contrat précise les modalités de calcul de cette commission selon qu'il s'agit d'une affaire « directe » ouvrant droit à une commission de 10 % sur le chiffre d'affaires des commandes H.T ou d'une affaire « indirecte » ouvrant droit à une commission de 10 % calculée sur 70 % de la moitié du chiffre d'affaires des commandes H.T. Il est également stipulé qu'une décote progressive s'appliquera sur le taux de commission si la remise sur la vente excède 15 %. Enfin, au-delà de 30 k€ de prise de commandes mensuelles, le salarié percevra une commission de 11 % sur l'ensemble des ventes HT facturées du mois et à l'issue de sa première année complète, une commission de 1 % sur l'ensemble des ventes HT facturées sur l'année entière à condition d'avoir effectué un chiffre d'affaires minimum annuel de 300 k€ et d'être présent au moment du versement de cette prime annuelle.
M. [M] produit un tableau des ventes concernant 96 clients, au terme duquel une somme de 4 972,80 euros de commissions ne lui aurait pas été payée, montant qu'il sollicitait en première instance. A hauteur de cour, il porte sa prétention à la somme de 15 249,78 euros en se fondant principalement sur la pièce n° 22 de l'employeur pour la somme de 13 552,06 euros et sur son propre tableau pour celle de 1 697,72 euros.
Pour s'opposer à cette demande, la société rappelle les règles de calcul des commissions pour les affaires indirectes et celles du dégrèvement du taux de commission pour en conclure, sans autre démonstration, qu'elle n'est redevable d'aucune somme.
Or, les chiffres d'affaires mensuels des mois de juin, juillet et septembre 2020, retenus par l'appelant pour le calcul de la commission de 11 % due en cas de C.A supérieur à 30 K€, ressortent de la pièce n° 22 de l'employeur, lequel reprend les devis et factures du salarié de mai 2020 à mai 2021.
Concernant le mois de juin 2020, l'appelant fait valoir, en sus, la vente [J] pour laquelle l'employeur ne démontre pas qu'elle ait été annulée, ainsi que la vente Bianco pour un montant de 2 995 euros, laquelle n'est pas utilement discutée par l'employeur, sauf à préciser qu'il indique un montant H.T de 4 995 euros (pièce n° 26).
Dès lors, M. [M] est fondé à obtenir les sommes sollicitées au titre des mois considérés, déduction faite des commissions déjà versées.
En outre, il est également fondé à obtenir un rappel de commissions au titre des mois d'octobre, décembre 2020 et de janvier à avril 2021, à hauteur respectivement de 11 % pour les deux premiers mois et de 10 % pour les suivants. En effet, si le salarié fonde pour partie sa demande de rappel de commissions sur son tableau listant ses ventes, la cour observe que l'employeur qui détient les éléments permettant de déterminer le C.A réalisé lesdits mois, ne les produit pas, de sorte qu'il échoue à démontrer que le salarié a été rempli de ses droits à commissions pour les mois concernés. Pour les mêmes raisons, le salarié est fondé à obtenir le rappel de commissions au titre des mois d'août et décembre 2019 ainsi que mars 2020.
Par conséquent, il lui est accordé la somme de 15 249,78 euros à titre de rappel de commissions, outre les congés payés afférents pour la somme de 1 524,98 euros.
Enfin, le salarié a perçu la prime annuelle de 1 % au mois de juin 2020 puisqu'il cumulait un CA annuel de plus de 300 k€ sur la période de mai 2019 à mai 2020.
Or, il n'est pas utilement discuté que de mai 2020 à mai 2021, son CA annuel s'élevait à 357 201 euros HT. En effet, si l'employeur allègue d'un montant annuel de 299 113 euros, il ne produit pas l'ensemble des ventes listées par le salarié dans son tableau afin de mettre en exergue les prétendues erreurs de ce dernier et notamment celles de juin 2020 précédemment évoquées.
De plus, bien que mis à pied à titre conservatoire, le salarié faisait toujours partie des effectifs de la société en mai 2021, contrairement à ce que soutient l'intimée, et l'était également et surtout, à la date de versement de la prime annuelle, en juin 2021, eu égard à la date du licenciement et au délai de préavis de deux mois.
Aussi, l'appelant est également fondé à obtenir la somme de 3 572,01 euros à ce titre, outre les congés payés y afférents.
Par conséquent, la décision déférée est infirmée sur ces chefs.
Sur le licenciement
La preuve des faits constitutifs de la faute grave incombe à l'employeur et il appartient au juge du contrat de travail d'apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits reprochés au salarié aux termes de la lettre de licenciement fixant les limites du litige sont établis, et s'ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise.
Aux termes de la lettre de licenciement du 14 mai 2021, le salarié a été licencié pour faute grave pour les faits suivants :
« (') En effet, par contrat de travail à durée indéterminée du 14 mai 2019, vous avez été embauché par la société HOMISO en qualité de VRP exclusif.
Néanmoins, à compter du 1er septembre 2020, suivant convention tripartite, vous avez rejoint les effectifs de la société 2FDM pour assurer les mêmes fonctions.
Malheureusement, nous avons eu à déplorer à votre égard des faits d'usurpation d'identité de Monsieur [Z] à l'occasion d'un échange d'emails avec un client, le 05 juillet 2019 précisément.
Pour ces faits, vous avez été alerté par email du 09 septembre 2019.
Nous avons eu à nouveau à déplorer des comportements inappropriés de votre part suite auxquels nous vous avons rappelé les consignes de travail, notamment à l'occasion d'une vente auprès de Monsieur [V] [J], le 26 juin 2020.
En effet, ainsi que vous le savez, à l'occasion d'une vente auprès de personnes âgées de plus de 80 ans, vous devez obligatoirement recueillir, outre sa propre signature, celle d'un proche comme pouvant être l'un de ses descendants.
Nous avions constaté à l'époque que vous aviez sur l'un des bons de commande, fait signer deux fois Monsieur [V] [J], ce pourquoi vous aviez été rappelé à l'ordre.
Mais, aujourd'hui, nous apprenons que au-delà de ces faits, vous avez commis des faits d'usurpation d'identité en signant à la place de Monsieur [F] [J], fils de Monsieur [V] [J] !
Vous n'êtes sans doute pas sans savoir que ces faits sont extrêmement graves et pénalement répréhensibles ; ils mettent par ailleurs en péril la bonne image de notre entreprise, ce qui est inadmissible.
Ceci constitue le premier grief qui préside à votre licenciement pour faute grave que nous sommes dès lors contraints de vous notifier par la présente.
Ensuite, nous avons été avertis par Monsieur [U] qu'à l'occasion de la signature d'un contrat pour l'installation d'une « pompe à chaleur » le 15 novembre 2020, vous avez sciemment menti sur les économies de chauffage que ce matériel pouvait procurer.
Ainsi, vous avez indiqué que la consommation générait une dépense de l'ordre de 300 à 400 € par an, ce qui est totalement faux ; la consommation serait davantage de l'ordre de 1.300 à 1.400 € par an.
Monsieur [U] s'est ému de cette situation auprès de nous, et nous a par ailleurs indiqué que pour concrétiser la vente qu'il souhaitait remettre en cause compte tenu de votre attitude, vous vous êtes présenté le dimanche 28 février 2021 à son domicile pour faire pression sur lui, en lui indiquant que s'il ne signait pas, votre poste serait remis en cause par votre hiérarchie ; cette attitude est inadmissible et met à nouveau en cause l'image de notre entreprise.
Ce deuxième grief justifie également le licenciement pour faute grave que nous vous notifions.
Enfin, nous déplorons votre manque d'investissement depuis quelque temps, ce qui se ressent dans la réalisation du chiffre d'affaires qui ne correspond absolument plus à vos objectifs assignés mensuellement qui sont de l'ordre de 30.000 € HT.
Ainsi, en mars 2021 votre chiffre d'affaires réalisé s'est élevé à la somme de 14.784€ et en avril à celle de 7.165 €.
Vos méthodes de travail ne sont plus admissibles pour nous car incompatibles avec l'esprit de notre entreprise, et justifient la rupture de votre contrat de travail ; le manque d'investissement de votre part aujourd'hui, ne fait que renforcer notre point de vue.
Votre licenciement est effectif au jour de l'envoi de la présente ; la gravité des griefs qui vous sont reprochés implique dès lors que vous n'effectuerez pas votre préavis et ne pourrez prétendre au paiement de l'indemnité de licenciement (') ».
A titre liminaire, il convient de rappeler que la lettre de licenciement fixe les limites du litige et que celle-ci fait état de trois faits distincts dont deux relatifs à des démarchages litigieux, ceux de MM. [J] et [U], mais en aucun cas celui de Mme [Y], développé par l'employeur au sein de ses conclusions. Aussi, il n'y a pas lieu d'évoquer le reproche considéré.
En outre, le salarié oppose les dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail, lequel texte dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
Concernant le premier grief tiré d'une prétendue usurpation de l'identité du fils de M. [J], l'employeur allègue en avoir eu connaissance fin avril 2021, sans toutefois en justifier alors qu'il supporte la charge de la preuve et que le bon de commande litigieux est daté du 26 juin 2020 et l'engagement de la procédure disciplinaire du 3 mai 2021.
Quant au deuxième grief, il est reproché à l'appelant d'avoir proféré des mensonges à M. [U] lors du démarchage ayant conduit à la signature d'un contrat daté du 15 décembre 2020 concernant l'installation d'une pompe à chaleur (PAC), ainsi que d'avoir fait « pression » sur ce dernier le dimanche 28 février 2021 pour qu'il ne remette pas en cause la vente.
Là encore, la cour ne peut que constater que l'employeur n'apporte aucun élément de preuve de la date de connaissance du fait allégué, et surtout, de ce que celle-ci est antérieure au délai de deux mois précédemment rappelé.
Dans ces conditions et compte tenu des dates en présence, les deux griefs considérés ne pouvaient fonder une procédure de licenciement disciplinaire.
Enfin, le dernier grief évoqué dans la lettre de licenciement est un prétendu « manque d'investissement » qui se traduirait par une baisse du chiffre d'affaires aux mois de mars et avril 2021.
S'il n'est pas sérieusement discuté que sur les deux mois considérés, le salarié n'a pas atteint le montant mensuel de chiffre d'affaires fixé » contractuellement (30 k€), il convient toutefois de rappeler que l'insuffisance de résultats ne peut constituer en soi une cause de licenciement. En effet, il appartient à l'employeur de démontrer que ladite insuffisance qui, en l'espèce, se limite à deux mois uniquement et n'existe pas sur une année glissante, procède soit d'une insuffisance professionnelle, soit d'une faute imputable au salarié, en présentant des faits objectifs, précis et vérifiables pour justifier de la matérialité des faits.
Or, la cour ne peut que constater que la société n'apporte aucun élément de nature à rapporter la preuve du manque d'investissement allégué.
Par conséquent, ce seul élément peu pertinent est totalement insuffisant pour caractériser une faute grave, ni même une cause réelle et sérieuse, peu important les précédents disciplinaires résultant d'un avertissement et d'un rappel de consignes sans lien aucun avec le grief considéré.
La décision déférée est infirmée sur ce chef et le licenciement doit être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Par conséquent, il y a lieu d'accorder à l'appelant la somme de 11 738,68 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents, les montants n'étant pas discutés.
Justifiant d'une ancienneté de plus de deux ans dans une entreprise occupant habituellement moins de onze salariés, M. [M] peut prétendre à l'indemnisation de son licenciement abusif sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail, dans la limite de 0,5 à 3,5 mois.
En considération de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (31 ans), de son salaire brut moyen reconstitué en tenant compte du rappel de commissions ci-dessus alloué (5 869 euros) et de sa situation postérieure à son licenciement (ARE puis contrat de travail en avril 2023), il convient de lui allouer la somme 6 000 euros à titre de dommages et intérêts à ce titre.
En application de l'article L. 1235-2 et eu égard à la décision ci-dessus, la demande de dommages et intérêts pour procédure irrégulière a été justement rejetée par les premiers juges, la décision déférée est confirmée sur ce chef.
Il appartiendra à l'employeur de remettre au salarié un bulletin de salaire et les documents de fin de contrat rectifiés conformément à l'arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette remise d'une astreinte.
Sur la prime de cooptation
M. [M] forme une demande en paiement d'une prime de cooptation pour avoir permis l'embauche de deux salariés en février et avril 2021, sans expliciter le fondement de sa demande et, en toute hypothèse, sans rapporter la preuve d'un usage ou d'un engagement unilatéral de l'employeur, lequel conteste le bien-fondé de sa prétention.
Par conséquent, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a rejeté cette demande.
Sur l'indemnité de clientèle
L'article L. 7313-13 du code du travail dispose qu'en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur, en l'absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.
Le montant de cette indemnité de clientèle tient compte des rémunérations spéciales accordées en cours de contrat pour le même objet ainsi que des diminutions constatées dans la clientèle préexistante et imputables au salarié.
Ces dispositions s'appliquent également en cas de rupture du contrat de travail par suite d'accident ou de maladie entraînant une incapacité permanente totale de travail du salarié.
Il s'infère de ce texte que le VRP peut prétendre à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui, preuve qu'il lui appartient de rapporter.
La notion de clientèle implique, d'une part, la création d'un lien de fidélité entre l'acheteur et l'entreprise et, d'autre part, la constitution d'un « courant d'affaires ».
Pour ce faire, le salarié produit un tableau des ventes, pièce n° 20 déjà évoquée, qui précise le nom des clients avec lesquels il a conclu des ventes et porte la mention « déjà client » pour 16 d'entre eux. Il en résulte que son portefeuille comprenait 96 nouveaux clients, ce qui représente un chiffre d'affaires de 722 677 euros pour la période de juin 2019 à avril 2021. Considérant qu'il a généré des commissions pour un montant de 77 710,80 euros, il sollicite ce même montant au titre de l'indemnité de clientèle.
Toutefois, il résulte des conclusions des parties que la société vendait à des particuliers, principalement, des menuiseries, des systèmes de chauffage (PAC), des matériaux d'isolation et des adoucisseurs.
Il ne peut être sérieusement discuté que la nature des marchandises vendues faisait obstacle à la création d'une clientèle, celle-ci ne présentant pas un caractère de stabilité et ne renouvelant pas ses commandes à un rythme suffisant pour créer un courant régulier d'affaires, la meilleure preuve étant le taux très faible de refacturation, soit 17,70 % sur deux années d'activité du salarié.
Par conséquent, la demande formée à ce titre par M. [M] a été justement rejetée par les premiers juges.
Faute de pouvoir prétendre à ladite indemnité, le salarié est en droit d'obtenir l'indemnité légale de licenciement d'un montant de 2 934,68 euros dont le quantum n'est pas utilement discuté.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
En qualité de partie succombante, la société est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour la même raison, elle est condamnée à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement et en dernier ressort ;
Déclare recevable la demande en paiement de rappel de salaires (commissions non versées) et de congés payés afférents formée par M. [M],
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Rouen du 12 décembre 2022, sauf en ce qu'il a débouté M. [M] de ses demandes formées au titre de l'indemnité de clientèle, de l'indemnité pour irrégularité de procédure et de la prime de cooptation,
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,
Dit que le licenciement de M. [M] ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse,
Condamne la société 2FDM à payer à M. [M] les sommes suivantes :
2 934,68 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
11 738,68 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
1 173,87 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,
6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
15 249,78 euros à titre de rappel de commissions,
1 524,98 euros à titre d'indemnité de congés payés y afférents,
3 572,01 euros à titre de commission annuelle de 1 %,
357,20 euros à titre de congés payés y afférents,
3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
Rappelle que les sommes à caractère salarial produiront intérêt au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et les sommes à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière ;
Ordonne à la société de remettre à M. [M] un bulletin de salaire récapitulatif et des documents de fin de contrat, conformes au présent arrêt ;
Dit n'y avoir lieu d'assortir cette remise d'une astreinte ;
Déboute la société du surplus de ses demandes,
La condamne aux dépens de première instance et d'appel.
La greffière La présidente