26/11/2007
ARRÊT No
NoRG: 06/05489
OC/CD
Décision déférée du 18 Octobre 2006 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE - 06/4307
M. X...
Société AIOI MOTOR AUND GENERAL INSURANCE EF EUROPE LTD
représentée par la SCP B. CHATEAU - O. PASSERA
C/
SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE MIDI-PYRENEES
représentée par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT JEUSSET
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ère Chambre Section 1
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ARRÊT DU VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE SEPT
***
APPELANTE
Société AIOI MOTOR AUND GENERAL INSURANCE EF EUROPE LTD venant aux droits de la société AIOI INSURANCE COMPANY OF EUROPE LTD venant elle-même aux droits de la société CHIYODA FIRE AND MARINE INSURANCE COMPANY (europe) LTD et de la société COGERIFT
...
92423 VAUCRESSON CEDEX
représentée par la SCP B. CHATEAU - O. PASSERA, avoués à la Cour
assistée de Me Roland Y..., avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE MIDI-PYRENEES
...
31000 TOULOUSE
représentée par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT JEUSSET, avoués à la Cour
assistée de Me Colette Z..., avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 15 Octobre 2007 en audience publique, devant la Cour composée de :
A. MILHET, président
O. COLENO, conseiller
C. FOURNIEL, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : E. KAIM-MARTIN
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par A. MILHET, président, et par E. KAIM-MARTIN, greffier de chambre.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 27 mars 2000, Didier A... a signé avec le Bureau d'études conseils en habitat un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans pour le prix total de 469.742 Francs (71.611,70 €) financé, ainsi que l'acquisition du terrain, au moyen d'un contrat de crédit souscrit auprès de la S.A.Crédit Immobilier de France Midi-Pyrénées.
Le chantier, ouvert le 17 juillet 2000, n'a pas été mené à son terme par le constructeur, mis en liquidation judiciaire au mois d'octobre 2000.
Le garant de livraison, la société AIOI Motor et Général Insurance company of Europe Ltd -ci-après la société AIOI- a supporté à raison de l'achèvement du chantier de Didier A... une somme de 25.271,92 € représentant un surcoût.
Par acte d'huissier du 15 mars 2006, la société AIOI a assigné le Crédit Immobilier de France Midi-Pyrénées devant le tribunal de commerce de Toulouse en responsabilité à raison d'un manquement à son obligation de contrôle, et réparation à hauteur du surcoût supporté.
Par le jugement déféré du 18 octobre 2006, le tribunal a rejeté la demande, considérant que les obligations du banquier instituées par l'article L.231-10 du code de la construction et de l'habitation n'avaient pour finalité que la protection du maître de l'ouvrage et ne bénéficiaient pas au garant de livraison, que le banquier n'avait pas failli à son devoir de vérification de conformité des formalités obligatoires du contrat de construction de maison individuelle dès lors que le contrat de construction stipulait que le constructeur s'engageait à souscrire l'assurance dommages-ouvrage et que les références de la caution étaient indiquées dans le contrat de construction, que le garant ne démontrait pas l'existence d'un lien de causalité entre l'absence de souscription d'une police d'assurance dommages-ouvrage et le préjudice qu'il invoque qui procédait de la seule défaillance du constructeur, ni le lien de causalité entre son indemnisation et le non-respect de l'article L.231-7 à la date du déblocage des fonds, que le garant avait d'ailleurs été à même de vérifier personnellement l'existence de cette police avant d'accorder lui-même sa garantie.
Aux termes de ses dernières conclusions du 28 mars 2007, la société AIOI, régulièrement appelante, conclut à l'infirmation de cette décision et demande à la Cour de juger qu'en émettant une offre de prêt, en accordant un prêt et en débloquant des fonds alors même que l'attestation de garantie de livraison n'avait pas été émise et que l'assurance dommages-ouvrage n'était pas souscrite, le Crédit Immobilier de France Midi-Pyrénées avait commis des fautes graves engendrant pour le garant un préjudice dont il doit réparation, de même qu'en débloquant des fonds sans l'en avertir préalablement, et de le condamner en réparation au paiement de la somme de 25.271,92 €, à augmenter des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 mars 2005, avec capitalisation. Estimant abusive la résistance du Crédit immobilier de France, elle réclame une somme de 2.500 € à titre de dommages et intérêts.
Elle fait valoir que la souscription de la garantie de livraison et de l'assurance dommages-ouvrage étaient des conditions suspensives du contrat de construction, que la banque a bien failli à son devoir de contrôle, que le lien de causalité se trouve dans le fait que si avant de débloquer des fonds le banquier avait exigé la communication de la garantie de livraison et de l'attestation d'assurance dommages-ouvrage, le constructeur qui a fait faillite dès le mois d'octobre 2000 n'aurait pas pu engager les travaux au mois de juillet 2000, que les conditions suspensives n'ayant pas été remplies, le contrat de construction aurait dû être résolu, que le contrat n'aurait pas pris effet et la garantie n'aurait pas eu à s'appliquer.
Aux termes de ses dernières conclusions du 12 juin 2007, le Crédit immobilier de France Midi-Pyrénées conclut à la confirmation du jugement dont appel, soutenant qu'il a rempli ses obligations là où le contrat de construction de maison individuelle contient les énonciations exigées par la loi puisqu'il fait bien état de l'assurance dommages-ouvrage comme comprise dans le prix et dont elle désigne l'assureur MMA, ainsi que de la garantie de livraison donnée par la société AIOI EUROPE dont le numéro de convention est précisé, qu'il n'a effectué aucun déblocage de fonds entre les mains du constructeur contrairement à ce qui est prétendu, et qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les prétendues fautes et le préjudice allégué, que le seul déblocage de fonds effectué pour la construction l'a été entre les mains de la société AIOI, que la prétendue surcharge financière, non démontrée, résulte de la seule garantie due et par le fait de la carence du constructeur, que l'action est manifestement infondée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que les dispositions qui fondent l'action de la société AIOI sont celles du premier alinéa de l'article L.231-10 du code de la construction et de l'habitation aux termes duquel aucun prêteur ne peut émettre une offre de prêt sans avoir vérifié que le contrat comporte celles des énonciations mentionnées à l'article L.231-2 qui doivent y figurer au moment où l'acte lui est transmis et ne peut débloquer les fonds s'il n'a pas communication de l'attestation de garantie de livraison, des paragraphes j) et k) de l'article L.231-2 selon lesquels le contrat doit comporter l'énonciation de la référence de l'assurance dommages-ouvrage souscrite par le maître de l'ouvrage ainsi que les justifications des garanties de remboursement et de livraison apportées par le constructeur, les attestations de ces garanties étant établies par le garant et annexées au contrat, et de l'article L.231-7 paragraphe III selon lequel les paiements intervenant aux différents stades de la construction peuvent être effectués directement par le prêteur, sous réserve de l'accord écrit du maître de l'ouvrage à chaque échéance et de l'information du garant ;
Attendu, sur la faute du banquier au regard de ses obligations lors de l'émission de l'offre de prêt, que selon ce que révèlent les pièces versées aux débats, l'offre de prêt serait datée du 16 juin 2000 ;
que selon l'attestation du 15 avril 2002 produite émanant de la compagnie GROUPAMA, une police d'assurance dommages-ouvrage a été souscrite pour prendre effet le 1er janvier 2002 ;
que l'attestation de garantie a été délivrée le 28 juillet 2000 ;
qu'il en résulte qu'à la date de l'émission de l'offre de prêt, le contrat ne comportait pas l'énonciation de la référence de l'assurance dommages-ouvrage souscrite par le maître de l'ouvrage ni les justifications des garanties de remboursement et de livraison apportées par le constructeur dans les termes des paragraphes j) et k) de l'article L.231-2 ;
mais attendu que selon l'appelante, la garantie de livraison et l'assurance dommages-ouvrage étaient érigées en conditions suspensives du contrat de construction de maison individuelle du 27 mars 2000 ;
que l'article L.231-4 du code de la construction et de l'habitation prévoit en effet que le contrat de construction de maison individuelle peut être conclu sous ces conditions suspensives, de même d'ailleurs que celle de l'obtention des prêts demandés pour le financement de la construction ;
qu'il en résulte que la réalisation des autres conditions suspensives, et spécialement la souscription de la garantie de livraison et de l'assurance dommages-ouvrage, peuvent légalement ne pas être acquises au moment où l'offre de prêt est émise, de sorte qu'elles ne peuvent pas être précisées ;
Attendu que comme l'a exactement relevé le premier juge et ainsi que le soutient l'intimé, le contrat mentionnait expressément que le coût de l'assurance dommages-ouvrage était inclus dans le prix du pavillon et ajoutait l'identité de l'assureur, MMA ;
qu'il mentionnait également que la garantie de livraison était souscrite auprès de la société CHIYODA EUROPE -devenue AIOI- ainsi que le numéro de convention 99 00039 ;
Attendu que le banquier étant tenu, aux termes mêmes de l'article L.231-10 du code de la construction et de l'habitation, de procéder à la vérification de celles des énonciations qui doivent figurer au contrat de construction de maison individuelle "au moment où l'acte lui est transmis", le manquement du banquier à ses obligations de vérification n'est pas caractérisé au stade de l'émission de l'offre alors que le chantier n'est pas encore ouvert, la seule présence de ces mentions caractérisant la régularité de principe du contrat au regard des exigences légales telle qu'elle peut être vérifiée à ce stade, leur caractère incomplet au regard de la lettre de l'article L.231-2 se justifiant par les dispositions de l'article L.231-4 et le caractère encore inachevé de l'opération, suspendue à la réalisation de ces deux conditions ;
qu'au-delà de l'émission de l'offre, la loi ne fait obligation au banquier de s'assurer que de la délivrance de l'attestation de garantie de livraison, à défaut de laquelle les fonds ne peuvent pas être débloqués, non de la souscription effective de l'assurance dommages-ouvrage ;
Attendu, sur la faute du banquier au stade du déblocage des fonds, que l'appelante invoque un déblocage de fonds effectué le 20 juillet 2000 pour un montant de 6.899,24 € (45.256,05 Francs) ;
que cette prétention se fonde en fait sur un appel de fonds émis par le constructeur le 20 juillet 2000 qui est versé aux débats, concerne le montant dû à l'ouverture du chantier, soit 15% du prix convenu, et comporte une mention manuscrite "réglé le 20/7/2000 chèque GG 3995876" ;
mais attendu qu'aucune pièce ne fait apparaître que ce paiement aurait été financé par un déblocage de fonds effectué par le banquier sur le crédit souscrit, ce que la pièce produite ne révèle pas intrinsèquement ;
que selon le relevé produit par le Crédit immobilier de France, les seuls déblocages de fonds qu'il a opérés sont constitués des sommes de 29.766,89 € versée au notaire le 13 juin 2000 pour paiement du prix d'acquisition du terrain, 32.786,19 € versée le 10 avril 2002 par le Crédit Immobilier de France à la société AIOI directement sur les appels de fonds de celle-ci, et 3.000 € versée le 28 mai 2002 à Didier A..., soit un total de 65.553,08 € correspondant au montant total de l'offre de prêt selon les pièces produites ;
Attendu par conséquent que le grief allégué manque en fait ;
Attendu que le jugement déféré n'est donc pas utilement critiqué en ce qu'il a considéré que les fautes imputées au banquier n'étaient pas démontrées ;
Attendu par surcroît que pour prétendre à réparation, la société AIOI devrait démontrer, outre une faute, l'existence d'un préjudice en relation de causalité directe et certaine avec la faute ;
Attendu que le paiement de la somme de 25.271,92 €, présentée comme un surcoût sans autre explication, ne revêt pas en soi les caractères d'un préjudice en relation de causalité avec les fautes prétendues du banquier lors de la formation du contrat de prêt et lors du déblocage des fonds, puisqu'il procède de l'exécution d'une convention, la garantie de livraison qui revêt les caractères d'une garantie autonome ;
Attendu que cette exécution de la convention de garantie procède elle-même d'un fait, la défaillance du constructeur, qui est étranger dans sa substance à l'objet des vérifications mises en cause du banquier et dépourvu de toute relation de causalité avec lui ;
que la relation de causalité est d'autant plus absente que les garanties dont le banquier avait mission de vérifier l'existence ont effectivement été contractées ;
Attendu que ce dont la société AIOI prétend se faire un grief, c'est le parachèvement du contrat de construction lui-même, en soutenant que si le banquier avait vérifié l'existence des garanties au moment de l'émission de l'offre de prêt, le contrat de construction de maison individuelle aurait été caduc, il n'y aurait donc eu ni engagement de la construction, ni défaillance du constructeur, et donc pas de paiement de sa part ;
mais attendu que ce faisant, elle invoque, entre la faute et le préjudice allégués, un enchaînement de causalités qui est tout aussi indirect que dépourvu de certitude ;
qu'elle ne démontre pas que l'attestation de garantie n'a pas été délivrée dans les délais prévus au contrat ;
que l'existence de l'assurance dommages-ouvrage quant à elle, et indépendamment de la condition suspensive dont elle fait l'objet, n'est pas une condition de validité de la convention, et qu'au-delà de l'émission de l'offre, le banquier n'est pas tenu de s'assurer de la souscription effective de l'assurance dommages-ouvrage ;
Attendu par conséquent que le jugement doit également être confirmé en ce qu'il a exclu l'existence d'un lien de causalité entre la faute et le dommage ;
que l'ensemble des éléments de la responsabilité fait donc défaut ;
Attendu que le grief de résistance abusive pourtant élevé sur de telles bases est dépourvu de fondement ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,
Déboute la société AIOI de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
Y ajoutant,
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Rejette la demande formée par la société AIOI Motor et Général Insurance company of Europe Ltd,
Condamne la société AIOI Motor et Général Insurance company of Europe Ltd à payer au Crédit immobilier de France Midi-Pyrénées la somme supplémentaire de 5.000 €,
Condamne la société AIOI Motor et Général Insurance company of Europe Ltd aux entiers dépens de l'instance en appel, et reconnaît à la SCP NIDECKER-PRIEU PHILIPPOT-JEUSSET, avoué qui en a fait la demande, le droit de recouvrement direct prévu à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT