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16/11/2022 | FRANCE | N°21/00014

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Expropriations, 16 novembre 2022, 21/00014


16/11/2022





ARRÊT N° 13/2022





N° RG 21/00014 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OLJO

J-C.G/IA



Décision déférée du 27 Juillet 2021 - Juge de l'expropriation de Toulouse - 21/00003

J-M.[S]























S.C.I. WILLIS





C/



MONSIEUR LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

Etablissement Public ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER LOCAL DU GRAND TOULOU SE
















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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

Chambre des Expropriations

***

ARRÊT DU SEIZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTE



S.C.I. WILLIS dont le siège social est...

16/11/2022

ARRÊT N° 13/2022

N° RG 21/00014 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OLJO

J-C.G/IA

Décision déférée du 27 Juillet 2021 - Juge de l'expropriation de Toulouse - 21/00003

J-M.[S]

S.C.I. WILLIS

C/

MONSIEUR LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

Etablissement Public ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER LOCAL DU GRAND TOULOU SE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

Chambre des Expropriations

***

ARRÊT DU SEIZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

S.C.I. WILLIS dont le siège social est sis [Adresse 1], représentée par son gérant en exercice dûment habilité à cet effet,

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Vincent VALADE de la SCP D'AVOCATS CANTIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉS

ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER LOCAL DU GRAND

TOULOUSE

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Représentée par Me Christine TEISSEYRE de la SCP BOUYSSOU ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

MONSIEUR LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES

[Adresse 10]

[Adresse 10]

représenté par Mme [R] [K]

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Président : J.C. GARRIGUES,

Assesseurs : A-M. ROBERT

I. MARTIN DE LA MOUTTE

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : I. ANGER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

- signé par J.C. GARRIGUES, président, et par I. ANGER, greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCEDURE

Toulouse Metropole poursuit un projet de renouvellement urbain dans les quartiers situés à proximité de la gare [9] dont la mise en oeuvre a été confiée à la SPLA Europolia par le biais d'une concession d'aménagement.

La maîtrise foncière du périmètre du projet est un préalable indispensable à sa mise en oeuvre.

Depuis 2011, [Localité 11] Metropole anticipe les acquisitions foncières en particulier dans le secteur situé à l'Est de la voie ferrée dit 'Secteur Cheminots-Saint-Laurent' et dans le secteur situé à l'Ouest de la voie ferrée dit 'Secteur Lyon - Maroc - Jumeaux - Chabanon'.

C'est ainsi que l'Etablissement Public Foncier Local du Grand [Localité 11] (EPFL) intervient pour le compte de [Localité 11] Metropole en vue de l'acquisition de la totalité des immeubles, locaux d'activités et locaux commerciaux compris dans ces deux périmètres.

Afin de compléter les acquisitions déjà réalisées par l'EPFL, soit à l'amiable, soit par exercice du droit de préemption urbain, soit sur exercice du droit de délaissement ouvert aux propriétaires, [Localité 11] Metropole a pris la décision de lancer une procédure d'expropriation.

L'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique et l'enquête parcellaire se sont déroulées du 14 mars au 30 avril 2019.

L'opération a été déclarée d'utilité publique suivant arrêté préfectoral du 15 décembre 2019, lequel désigne l'EPFL en tant qu'autorité expropriante. La procédure en fixation judiciaire des indemnités d'expropriation est poursuivie selon la procédure d'urgence.

Parmi les biens restant à acquérir figure un local commercial appartenant à la Sci Willis constituant le lot n° 8 de la copropriété sise [Adresse 2] / [Adresse 4].

L'ordonnance d'expropriation a été rendue le 27 octobre 2020.

Par acte du 5 février 2021, à défaut d'accord, l'EPFL a saisi le juge de l'expropriation aux fins de fixation judiciaire des indemnités d'expropriation revenant à la Sci Willis.

Par ordonnance du 12 mars 2021, un transport sur les lieux a été fixé au 12 avril 2021, lequel est intervenu en présence du commissaire du gouvernement et des parties assistées de leur conseil respectif.

Par jugement en date du 27 juillet 2021, le juge de l'expropriation a :

- fixé l'indemnité de dépossession revenant à la Sci Willis à raison de l'expropriation par l'EPFL du Grand Toulouse de son bien, lot n° 8 de la copropriété sise [Adresse 2]/[Adresse 4], cadastré [Cadastre 8], à la somme de 68.857 € dont 7169 € d'indemnité de remploi ;

- condamné l'EPFL du Grand [Localité 11] à payer à la Sci Willis la somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laissé les dépens à la charge de l'expropriant ;

- rejeté toute autre demande.

Pour statuer ainsi, le juge de l'expropriation a tout d'abord rappelé que la pratique conduisait généralement à appliquer la méthode d'évaluation par comparaison comme étant la plus révélatrice de la réalité du marché à un moment donné.

Il a ensuite relevé qu'aucune des estimations établies par les quatre agences immobilières consultées par la Sci Willis ne faisait état du moindre terme de référence venant justifier les valeurs énoncées et que ces diverses études n'étaient donc pas opérantes. Il a également écarté comme non pertinente la méthode d'évaluation par le revenu proposée par l'expropriée. Il a estimé que l'étude non datée de sa valeur vénale réalisée par une société d'expertise comptable était déconnectée de la réalité. Enfin, il a constaté que la Sci Willis, qui avait acquis le bien litigieux pour un montant de 30.000 € en 2009, soit 834 €/m² , entendait le faire valoriser douze ans et demi plus tard à 135.000 € , soit 3753 €/m² , soit une progression de 450 % alors que le marché immobilier se dégradait depuis des années dans le secteur.

Il a fondé sa décision, compte tenu de sa très grande similitude avec le bien exproprié, sur un terme de référence concernant l'acquisition par l'EPFL d'un local commercial [Adresse 6] pour un prix de 96.000 €, soit 1715 €/m² . S'agissant d'un bien de rapport, il a estimé qu'il n'y avait pas lieu de faire application d'un abattement pour occupation.

Selon déclaration enregistrée le 30 août 2021, la Sci Willis a interjeté appel de ce jugement.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Suivant mémoire déposé au greffe le 30 novembre 2021, la Sci Willis demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris sur la fixation de l'indemnité de dépossession ;

- fixer l'indemnité globale due à la Sci Willis à la somme de 150.000 € ;

- condamner l'EPFL du Grand [Localité 11] à lui verser la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Sci Willis fonde en premier lieu ses demandes sur les estimations obtenues auprès de quatre agences immobilières distinctes qui aboutissent à des valeurs similaires :

- cabinet Safti : 135.000 €

- cabinet sagirec : 127.750 €

- agence Orpi : 140.000 €

- agence Laforêt : 130.000 €.

Elle procède également à une valorisation par capitalisation à hauteur de 166.000 € sur la base de loyers mensuels de 850 € et d'un taux de rendement global annuel de 8,00 %.

Enfin, elle indique que son expert-comptable a retenu une valorisation à hauteur de 211.000 €.

Suivant mémoire déposé au greffe le 9 février 2022, l'EPFL du Grand [Localité 11] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 27 juillet 2021 dans toutes ses dispositions ;

- fixer le montant de l'indemnité principale et de l'indemnité de remploi revenant à la Sci Willis à la somme globale de 68.857 € comprenant une indemnité principale de 61.688 € et une indemnité de remploi de 7169 € ;

- condamner la Sci Willis à lui payer la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens d'appel.

L'EPFL fait observer que la Sci Willis n'émet pas de véritables critiques à l'encontre du jugement entrepris et se borne à reprendre les avis de valeur produits en première instance et à recourir à la méthode d'évaluation par le revenu.

Il relève que les estimations produites ne reposent sur aucune justification.

Il explique les raisons pour lesquelles l'expertise du cabinet comptable Acea est inexploitable.

Enfin, il fait valoir que la méthode d'évaluation par le revenu est inadaptée et est effectuée en l'espèce en fonction de facteurs injustifiés et critiquables.

Aux termes de ses conclusions déposées au greffe le 19 janvier 2022, le commissaire du gouvernement évoque une valeur vénale moyenne de 1768,45 €/m² , soit 63.611 € pour un local de 35,97 m².

Il fournit plusieurs termes de comparaison relatifs à des ventes de locaux commerciaux réalisées entre particuliers ou sociétés, à l'acquisition d'un local par l'EPFL , et à un jugement récent du juge de l'expropriation.

MOTIFS

Sur le bien exproprié

Le bien exproprié, d'une superficie 'loi Carrez' de 35,97 m², correspond à un local commercial plus sanitaires, constituant le lot n° 8 d'un immeuble soumis au régime de la copropriété sis [Adresse 2] - [Adresse 4], cadastré [Cadastre 8].

Il a été acquis par la Sci Willis le 17 février 2009 moyennant le prix de 30.000 € .

Ce local, loué pour un loyer mensuel de 850 € dont 60 € de charges à la Sarl Mac d'Orient, est à usage de restauration rapide. Il dispose de quelques tables à l'intérieur. Tout au fond se trouvent une arrière-cuisine et des sanitaires.

L'ensemble est en bon état.

Sur l'indemnité principale

Selon les dispositions de l'article L.321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

Aux termes de l'article L.322-1 du même code, le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance d'expropriation.

En l'espèce, l'ordonnance d'expropriation a été rendue le 27 octobre 2020.

L'article L.322-2 du même code dispose que les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, selon leur usage effectif un an avant l'ouverture de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique.

L'article L.213-6 du code de l'urbanisme dispose que lorsqu'un bien soumis au droit de préemption fait l'objet d'une expropriation pour cause d'utilité publique, la date de référence prévue à l'article L.322-2 du code de l'expropriation est celle prévue au a) de l'article L.213-4 du code de l'urbanisme.

Aux termes de ce dernier article, la date de référence prévue à l'article L.322-2 du code de l'expropriation est, pour les biens non compris dans le périmètre d'une ZAD, la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes approuvant, révisant ou modifiant le POS ou le PLU et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien.

En l'espèce, la date de référence est le 17 novembre 2016, date à laquelle est devenu exécutoire le Plan Local d'Urbanisme approuvé par délibération en date du 10 novembre 2016.

A cette date, le bien exproprié est classé par le PLU en zone UC2c.

Conformément aux principes généralement applicables en la matière, il convient de rechercher la valeur du bien au moyen de la méthode par comparaison avec des transactions déjà réalisées sur des biens similaires, présentant les mêmes caractéristiques, dans la même zone.

La méthode de calcul de la valeur d'un immeuble par son rendement financier, dite encore 'méthode par capitalisation', doit en principe être écartée en raison notamment du très important effet de levier qu'engendre une modification, même minime, du taux retenu.

Le commissaire du gouvernement produit quatre termes de référence correspondant à des ventes de locaux commerciaux intervenues en 2018 et 2019 à [Localité 11] moyennant des prix de 1449,41 €/m² à 1983,30 €/m² . Il cite l'acquisition par l'EPFL, le 29 août 2016, d'un local commercial de 56 m² en rez-de-chaussée au [Adresse 6] comprenant une pièce principale, un coin cuisine et des sanitaires, au prix de 96.000 € soit 1715 €/m² . Il évoque enfin une décision rendue le 22 mars 2021 par le juge de l'expropriation retenant une valeur de 1550 €/m² pour un local situé [Adresse 3] - [Adresse 5].

Le premier juge a écarté à juste titre les estimations et valorisations proposées par la Sci Willis aux motifs notamment :

- qu'aucune des estimations établies par les quatre agences immobilières consultées par l'expropriée ne faisait état du moindre terme de référence venant justifier les valeurs énoncées ;

- que la méthode d'évaluation par le revenu proposée par l'expropriée n'était pas plus convaincante dès lors que le taux forfaitaire de capitalisation de 8 % n'était pas justifié à défaut d'étude approfondie du marché immobilier local permettant de fixer avec précision le taux de capitalisation applicable ;

- que l'étude non datée de la valeur vénale du bien réalisée par la Sarl Acea, société d'expertise-comptable, retenant une valeur de 5866 €/m², était déconnectée de la réalité du marché immobilier tel que ressortant des références produites au dossier et techniquement très contestable.

En cause d'appel, la Sci Willis se contente de reprendre les mêmes moyens que ceux justement écartés par le premier juge et ne produit toujours pas le moindre terme de comparaison de nature à étayer ses prétentions.

Dans ces conditions, le jugement dont appel doit être confirmé en ce que l'indemnité principale a été fixée sur la base du prix auquel l'EPFL a acquis le bien sis au [Adresse 6] par acte du 29 août 2016, présentant une très grande similitude avec le bien à évaluer, soit 1715 €/m² et une indemnité principale de 68.688 € pour une surface de 35,97 m².

L'indemnité de remploi

En application de l'article R.322-5 du code de l'expropriation et conformément aux usages en la matière, l'indemnité de remploi sera fixée à :

( 5000 € x 20 % ) + ( 10.000 € x 15 % ) + (46.689 € x 10 % ) = 7.169 € .

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La décision entreprise doit être confirmée en ce qui concerne les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La Sci Willis, partie principalement perdante en cause d'appel, sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle se trouve elle-même redevable d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans les conditions définies par le dispositif du présent arrêt au titre de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse, service expropriation, en date du 27 juillet 2021, en toutes ses dispositions.

Condamne la Sci Willis aux dépens d'appel.

Condamne la Sci Willis à payer à l'EPFL du Grand [Localité 11] la somme de 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute la Sci Willis de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

I. ANGER J-C.GARRIGUES


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Expropriations
Numéro d'arrêt : 21/00014
Date de la décision : 16/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-16;21.00014 ?
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