COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 50A
19ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 02 NOVEMBRE 2007
R.G. No 06/08419
AFFAIRE :
Juliana X... épouse DE Y...
C/
YVELINES SERVICES AUTOMOBILES
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Novembre 2006 par le Tribunal d'Instance de ST GERMAIN EN LAYE
No chambre :
No Section :
No RG : 1223/06
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
SCP TUSET
Me Farid SEBA
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame Juliana X... épouse de Y...
née le 13 Janvier 1940 à TUNIS (Tunisie)
... - 78100 SAINT GERMAIN EN LAYE
représentée par la SCP TUSET-CHOUTEAU Avoués - No du dossier 20060604
Rep/assistant : la SCP DJIAN-LASCAR (avocats au barreau de VERSAILLES)
APPELANTE
****************
YVELINES SERVICES AUTOMOBILES
Société par actions simplifiée unipersonnelle ayant son siège 31 route de Mantes - 78240 CHAMBOURCY prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par Me Farid SEBA Avoué - No du dossier 11537
Rep/assistant : Me Philippe YON (avocat au barreau de PARIS)
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Septembre 2007, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-François FEDOU, Président,
Mme Nicole BOUCLY-GIRERD, conseiller,
Madame Marion BRYLINSKI, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : M. Nyembo MALUTSHI Le 10 juin 2006, Madame Juliana X... épouse DE Y... a souscrit auprès de la Société YVELINES SERVICES AUTOMOBILES (YSA) un bon de commande en vue de l'achat d'un véhicule neuf POLO CARAT pour le prix de 18.000 €; elle a versé un chèque d'acompte de 1.900 €; la date de livraison du véhicule était fixée au 31 août 2006.
Par lettre recommandée du 14 juin 2006, Madame DE Y... a informé la Société YSA qu'elle entendait renoncer au projet d'acquisition de ce véhicule, et lui a demandé de lui faire retour du chèque de 1.900 €.
Par lettre recommandée du 26 juin 2006, la Société YSA a indiqué prendre bonne note de l'annulation du contrat, tout en lui précisant qu'elle ne pouvait lui restituer le chèque de 1.900 €, s'agissant d'un acompte, légalement encaissable.
C'est dans ces circonstances que Madame Juliana X... épouse DE Y... a, par acte du 30 août 2006, assigné la Société YVELINES SERVICES AUTOMOBILES (YSA) aux fins de re-qualification du contrat de vente au comptant en vente à crédit, d'annulation de la vente et de condamnation de la défenderesse au remboursement de l'acompte versé ainsi qu'à des dommages-intérêts et à une indemnité de procédure.
Par jugement du 23 novembre 2006, le Tribunal d'Instance de SAINT GERMAIN EN LAYE a débouté Madame Juliana X... épouse DE Y... de ses demandes, débouté la Société YSA de ses demandes reconventionnelles, et condamné Madame DE Y... aux dépens.
Madame Juliana X... épouse DE Y... a interjeté appel de cette décision.
Elle expose que, nonobstant les mentions du bon de commande rempli par le préposé de la Société YSA, elle avait manifestement l'intention de recourir à un crédit pour financer l'achat éventuel d'un véhicule neuf.
Elle relève que sa volonté d'acquérir le véhicule à crédit est confirmée, non seulement par le témoignage précis de Madame B... qui l'assistait le 10 juin 2006, mais également par le fait que la Société YSA n'a pas encaissé le chèque d'acompte de 1.900 € avant le 28 juillet 2006, ni commandé la mise en fabrication du véhicule.
Elle fait valoir que son consentement a été surpris par les manoeuvres dolosives du commercial de la société intimée, lequel, d'une part, l'a incitée à signer le bon de commande en la persuadant qu'elle pourrait librement se rétracter "dans un délai légal de sept jours", d'autre part a coché sur le bon de commande la case "comptant" dont se prévaut la partie adverse pour refuser la restitution de l'acompte, enfin lui a demandé de régler un acompte en contravention avec les dispositions de l'article L 311-23 du Code de la consommation.
Elle précise que, n'étant à l'origine sûre ni de son intention d'acheter, ni de son choix d'un véhicule VOLKSWAGEN, elle n'aurait jamais accepté de contracter en l'absence de telles manoeuvres.
Elle relève qu'ayant, dans son courrier du 26 juin 2006, accepté le principe de l'annulation de la vente, la Société YSA est tenue de restituer le montant de l'acompte versé.
Elle ajoute qu'à supposer que la vente du 10 juin 2006 ait constitué une vente ferme et définitive, il incombait à la partie adverse de poursuivre cette vente, et notamment de transmettre une demande de fabrication à VOLKSWAGEN, afin de pouvoir livrer le véhicule avant le 31 août 2006.
Par voie de conséquence, elle demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, de :
- dire que la vente du 10 juin 2006 a été conclue à crédit, en contravention avec les dispositions d'ordre public de l'article L 311-23 du Code de la consommation,
- ordonner en tant que de besoin l'audition de Madame B..., et celles de Monsieur C... et de Madame D...,
- lui donner acte qu'elle est à la disposition de la Cour pour comparaître personnellement ou pour déférer à tout serment décisoire en application des articles 1358 à 1365 du Code civil et 318 à 322 du nouveau Code de procédure civile,
- subsidiairement, annuler la vente pour dol,
- très subsidiairement, dire que la Société YSA a accepté le principe de l'annulation de la vente,
- à titre infiniment subsidiaire, la déclarer bien fondée à dénoncer la vente en application de l'article 114-1 alinéa 2 du Code de la consommation,
- en toute hypothèse, condamner la Société YSA à lui payer les sommes de 1.900 € en restitution de l'acompte versé, et de 2.500 € à titre de dommages-intérêts,
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans une revue d'association de consommateurs ainsi que dans la revue AUTOPLUS, aux frais de la Société YSA,
- condamner la Société YSA au paiement de 1.500 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La Société YVELINES SERVICES AUTOMOBILES (YSA) conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Madame X... épouse DE Y... de ses demandes.
Elle explique qu'après s'être longuement entretenue avec un commercial, Madame X... épouse DE Y..., qui exerce la profession d'avocat, a, en toute connaissance, choisi de procéder à l'achat d'un véhicule de type POLO CARAT au comptant, donc sans la souscription d'un crédit bancaire.
Elle soutient que les dispositions de l'article L 121-21 du Code de la consommation sont inapplicables à la présente espèce, puisque l'appelante n'a fait l'objet d'aucune pratique de démarchage, s'étant rendue dans les locaux de la concession automobile de la Société YSA.
Elle relève que l'allégation de manoeuvres dolosives, au demeurant non établies, dont la partie adverse prétend avoir été victime se trouve contredite par le contenu de la correspondance du 14 juin 2006, aux termes de laquelle celle-ci a notifié l'annulation du contrat.
Elle observe que le versement de l'acompte implique un engagement ferme des deux parties, et elle précise qu'elle aurait été parfaitement disposée à livrer un véhicule à la date convenue dans le bon de commande si Madame X... épouse DE Y... n'avait pas présenté une demande d'annulation de la commande à laquelle il a été donné suite à titre commercial.
Se portant incidemment appelante de la décision entreprise en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles, elle sollicite la condamnation de Madame Juliana X... épouse DE Y... à lui verser les sommes de 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 2.000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 septembre 2007.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de requalification du contrat :
Considérant qu'il s'infère de l'examen du bon de commande souscrit le 10 juin 2006 par Madame Juliana DE Y... que celle-ci a, à la rubrique : "le véhicule est acheté par le client", coché la case "au comptant" (la case "à crédit" ayant été laissée en blanc), et indiqué avoir versé un acompte de 1.900 € ;
Considérant que, pour conclure qu'elle avait manifestement l'intention de recourir à un crédit en vue de financer l'achat éventuel d'un véhicule neuf, Madame DE Y... se fonde essentiellement sur le témoignage de Madame B..., présente à ses côtés le 10 juin 2006 lors de la souscription du contrat, laquelle atteste que l'appelante avait à plusieurs reprises attiré l'attention du commercial de cette société sur son souhait de recourir à un financement par crédit, et que ce commercial l'avait assurée que le chèque de 1.900 €, remis à titre de garantie, lui serait restitué au cas où elle ne donnerait pas suite à la vente ;
Mais considérant qu'en application de l'article 1341 du Code civil, il ne peut être prouvé outre ou contre un écrit autrement que par écrit ;
Or considérant que les explications de Madame B... sont formellement contredites par les mentions claires et précises du bon de commande revêtu de la signature de Madame DE Y..., avec la mention "lu et approuvé" ;
Considérant qu'en toute hypothèse, elles sont combattues par les déclarations écrites du vendeur de la Société YVELINES SERVICES AUTOMOBILES, et, plus encore, par celles de la personne responsable du crédit, Madame E..., laquelle certifie qu'ayant proposé oralement à Madame DE Y... : "un plan de financement en juin 2006, cette dernière n'a pas voulu donner suite et a signé son bon de commande au comptant" ;
Considérant que, dès lors, sans qu'il y ait lieu de recourir aux mesures d'instruction proposées à titre subsidiaire par l'appelante, il s'infère suffisamment des documents produits aux débats que la commande du véhicule POLO CARAT a porté sur un achat au comptant moyennant le versement d'un acompte de 1.900 € ;
Considérant qu'au regard de ce qui précède, c'est à bon droit que le premier juge a débouté Madame DE Y... de sa demande de requalification en vente à crédit ;
Considérant que, dans la mesure où la commande litigieuse a été souscrite au comptant, Madame DE Y... n'est pas davantage fondée à soutenir que la remise du chèque de 1.900 € réclamée par la partie adverse aurait contrevenu aux dispositions de l'article L 311-23 du Code de la consommation, lesquelles sont applicables aux seules ventes à crédit ;
Considérant qu'il y a donc lieu, en confirmant le jugement déféré, de débouter Madame DE Y... de sa demande de remboursement de ladite somme sur ce fondement.
Sur la demande de nullité du contrat pour dol :
Considérant qu'en application de l'article 1116 du Code civil, la nullité du contrat ne peut être encourue pour dol qu'à la condition que la preuve soit rapportée de l'existence de manoeuvres pratiquées par l'une des parties et ayant déterminé l'autre partie à contracter;
Considérant que, selon Madame DE Y..., ces manoeuvres auraient consisté de la part du préposé de la Société Y.S.A. à l'inciter à signer le bon de commande en la persuadant qu'elle pourrait librement se rétracter dans le délai légal de sept jours, à lui laisser croire que, même en cas de souscription d'un crédit, la vente devait être mentionnée comme faite au comptant dès lors que le crédit était souscrit auprès d'un établissement extérieur, enfin à lui expliquer que le chèque remis par elle lui serait en tout état de cause restitué ;
Mais considérant qu'il ne peut se déduire des circonstances de l'espèce que les propos alors tenus par ce préposé, corroborés uniquement par l'attestation de Madame B..., ont constitué des pressions illicites exercées sur l'appelante en vue de lui faire souscrire un achat au comptant ;
Considérant qu'au demeurant, ainsi que le relève le premier juge, de tels propos n'étaient pas de nature à induire en erreur Madame X... épouse DE Y..., professionnelle du droit, laquelle ne pouvait se méprendre sur les conséquences juridiques d'un achat au comptant plutôt qu'à crédit ;
Considérant qu'au surplus, les démarches que l'appelante justifie avoir entreprises auprès de sa propre banque en vue de l'obtention d'un financement, dès lors qu'elles sont postérieures à la signature de la commande litigieuse, ne sont pas de nature à renseigner sur les manoeuvres dont elle aurait été victime le jour de la conclusion du contrat ;
Considérant que, de surcroît, s'étant rendue à la concession automobile de la Société Y.S.A., et n'ayant donc fait l'objet d'aucune pratique de démarchage à domicile, l'appelante ne pouvait ignorer que lui étaient inapplicables les dispositions légales protectrices du consommateur, particulièrement en ce qu'elles instituent une faculté de rétractation dans le délai légal de sept jours ;
Considérant qu'au regard de ce qui précède, c'est également à bon droit que le Tribunal a débouté Madame X... épouse DE Y... de ses demandes d'annulation du contrat du chef de dol et de restitution de la somme de 1.900 € ;.
Sur les demandes présentées à titre subsidiaire :
Considérant que Madame X... épouse DE Y... soutient, en premier lieu, que la Société Y.S.A. qui a, par courrier du 26 juin 2006, accepté l'annulation de la commande, est donc tenue de lui restituer le montant de l'acompte versé ;
Mais considérant qu'il résulte des conditions générales annexées au bon de commande, lesquelles se réfèrent aux dispositions de l'article L 114-1 du Code de la consommation, que la faculté pour l'acquéreur de résilier la commande et d'obtenir la restitution de l'acompte versé n'est prévue que si le vendeur n'a pas pu procéder à la livraison dans le délai convenu, ou si le tarif en vigueur au moment de la livraison est supérieur à celui en vigueur au jour de l'acceptation de la commande ;
Or considérant qu'en l'occurrence, l'annulation du contrat est la conséquence, non d'un retard de livraison ou d'une modification tarifaire susceptibles d'être imputés au vendeur, mais de la rétractation irrégulièrement notifiée par l'appelante et néanmoins acceptée à titre commercial par la société intimée ;
Considérant que, dans ces conditions, la Société Y.S.A. était parfaitement en droit de conserver l'acompte initialement versé par sa cocontractante, en tant que partie du prix dont cette dernière était redevable ;
Considérant que Madame X... épouse DE Y... fait valoir, en second lieu, que, dans la mesure où le vendeur n'a pas entrepris les démarches nécessaires en vue d'une livraison pour la date prévue du 31 août 2006, elle est bien fondée, conformément aux dispositions de l'article L 114-1 alinéa 2 du Code de la consommation, à dénoncer le contrat pour inexécution par ce dernier de ses obligations contractuelles ;
Mais considérant que la Société Y.S.A. ne peut à bon droit se voir reprocher d'avoir failli à ses propres engagements, dès lors que Madame DE Y... lui avait auparavant notifié qu'elle entendait renoncer à son acquisition ;
Considérant que, par voie de conséquence, il convient, en confirmant le jugement déféré, de débouter Madame X... épouse DE Y... de sa demande de restitution de l'acompte de 1.900 € ;
Sur les demandes complémentaires et annexes :
Considérant que les circonstances de l'espèce ne caractérisent pas de la part de Madame X... épouse DE Y... un abus du droit d'ester en justice, de nature à ouvrir droit à une indemnisation en faveur de la Société Y.S.A .;
Considérant que, par ailleurs, cette dernière ne rapporte nullement la preuve que les appréciations contenues dans une "lettre personnelle" adressée le 30 octobre 2006 par l'appelante au préposé lui ayant fait souscrire le contrat auraient été pour elle à l'origine d'un préjudice dont elle serait personnellement fondée à obtenir réparation ;
Considérant qu'il y a donc lieu, en confirmant le jugement déféré, de débouter la Société Y.S.A. de sa demande de dommages-intérêts ;
Considérant que Madame X... épouse DE Y..., dont l'argumentation n'a pas été retenue, ne peut qu'être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
Considérant que l'équité commande d'allouer à la Société Y.S.A. une indemnité de 1.200 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Considérant qu'il n'est cependant pas inéquitable que l'appelante conserve la charge des frais non compris dans les dépens exposés par elle dans le cadre de la présente instance ;
Considérant que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a condamné Madame X... épouse DE Y... aux dépens de première instance ;
Considérant que cette dernière, dont les prétentions sont écartées, doit être condamnée aux dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
DECLARE recevable l'appel interjeté par Madame Juliana X... épouse DE Y..., le dit mal fondé,
DECLARE mal fondé l'appel incident de la Société YVELINES SERVICES AUTOMOBILES (Y.S.A.),
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE Madame Juliana X... épouse DE Y... à verser à la Société YVELINES SERVICES AUTOMOBILES (Y.S.A.) la somme de 1.200 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
CONDAMNE Madame Juliana X... épouse DE Y... aux dépens d'appel, et AUTORISE Maître SEBA, Avoué, à recouvrer directement la part le concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-François FEDOU, Président et par Madame Sylvie RENOULT, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,