COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 50Z
19ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 30 NOVEMBRE 2007
R.G. No 06/05900
AFFAIRE :
S.A. CMC
...
C/
Raymond X...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Juin 2006 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
No chambre : 1
No Section :
No RG : 04/00674
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
SCP JULLIEN
SCP GAS
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE TRENTE NOVEMBRE DEUX MILLE SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Société CMC
Société anonyme ayant son siège ... agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Société MONAL SYSTEMS
Société en responsabilité limitée ayant son siège ... agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentées par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER Avoués - No du dossier 20061024
Rep/assistant : Me Michel Y... substitué par Me Z... (avocat au barreau de PARIS)
APPELANTES
****************
Monsieur Raymond X...
né le 05 Mai 1953 à IXELLES - BRUXELLES (Belgique)
...
représenté par la SCP GAS Avoués - No du dossier 20070016
Rep/assistant : Me Patrick A... (avocat au barreau de PARIS)
INTIME
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Octobre 2007, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-François FEDOU, Président,
Madame Nicole BOUCLY-GIRERD, conseiller,
Madame Marion BRYLINSKI, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Nyembo B... ET PROCEDURE :
Monsieur Raymond X..., ingénieur belge, a mis au point, pour la société de droit belge STUDIO L'EQUIPE dont il était le salarié, un procédé utilisant le laser pour la gravure de films cinématographiques, en l'occurrence le sous-titrage.
En vertu d'une première convention en date du 20 septembre 1984, il a été prévu que les résultats acquis de la recherche "gravure par laser et compléments" resteront la propriété conjointe de la Société STUDIO L'EQUIPE et de Monsieur X..., et que les brevets, certificats ou modèles, soit obtenus avant le 31 décembre 1985, soit obtenus dans les cinq ans qui suivront le départ de Monsieur X... de la société, et qui se rattachent au "sous-titrage laser et ses compléments", seront la propriété de ladite société, en ce compris les "perfectionnements".
Aux termes d'une convention signée le même jour, Monsieur Raymond X... a autorisé la Société CINEMA MAGNETIQUE COMMUNICATION (CMC), société créée par les associés de la Société STUDIO L'EQUIPE, à utiliser le procédé développé par lui, en échange de quoi il devait lui être octroyé une rémunération sur l'exploitation directe et indirecte du procédé.
Cette convention prévoyait le paiement de la rémunération suivant deux hypothèses :
- d'une part, l'exploitation directe du procédé, c'est-à-dire la commercialisation du travail réalisé par la machine de gravure; dans cette hypothèse, il était prévu une participation de 8 % sur le chiffre d'affaires "gravure laser", limitée dans le temps à sept années, cette période devait expirer le 31 décembre 1996,
- d'autre part, l'exploitation indirecte, c'est-à-dire les ventes de machines à gravure laser, opérations assimilables à une cession du procédé; dans cette hypothèse, il était accordé à Monsieur X... "33 % du prix net retenu, soit des redevances nettes", et ce sans limite dans le temps.
Reprochant à la Société CMC, laquelle fait partie du Groupe C..., d'avoir refusé d'exécuter spontanément ses obligations en cachant les bénéfices réalisés par le biais de la Société LVT avec laquelle elle se confondait, Monsieur Raymond X... a pris l'initiative de plusieurs procédures judiciaires, ayant notamment donné lieu à :
- un arrêt définitif prononcé le 23 septembre 1999 par la Cour d'Appel de VERSAILLES, lequel a confirmé le jugement du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE en date du 25 septembre 1996 ayant condamné in solidum les deux sociétés, dont la responsabilité contractuelle pour l'une (CMC) et quasi-délictuelle pour l'autre (LVT) étaient recherchées, à verser à Monsieur Raymond X... la somme de 931.719 francs, à valoir sur sa participation au titre des cessions incriminées à déterminer à dire d'expert,
- un arrêt du 2 juillet 2004, contre lequel la Société CMC a formé un pourvoi en cassation rejeté par arrêt du 21 novembre 2006, en vertu duquel la Cour d'Appel de VERSAILLES a rejeté les recours formés à l'encontre des jugements du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE en date des 11 octobre 2000 et 5 mars 2003, ayant consacré les droits de Monsieur Raymond X... en lui allouant, au titre de l'intéressement de 8 % sur les prestations de sous-tirage la somme de 3.899.760 francs (sous déduction de la provision de 1.500.000 francs initialement versée), et au titre de sa participation aux ventes de machines à sous-titrer par gravure laser, la somme de 401.126,48 €, assortie des intérêts au taux légal.
Estimant que la Société CMC persistait dans la violation de ses engagements contractuels non limités dans le temps en créant la Société MONAL SYSTEM avec laquelle elle se confond, ce afin d'éluder ses droits aux bénéfices sur les ventes de quatre machines à gravure laser attestées par les bilans 1999, 2000, 2001 et 2002, Monsieur Raymond X... a, par acte du 13 janvier 2004, assigné ces deux sociétés en paiement des redevances qui lui seraient dues sur les ventes de machines depuis 1999 ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive.
Les sociétés défenderesses s'y sont opposées en arguant de l'abandon depuis 1990 du procédé X..., lequel a laissé place à une nouvelle génération de machines utilisant une technologie plus évoluée, sans qu'il y ait identité entre les procédés utilisés.
Par décision avant dire droit du 9 mars 2005, était instituée une mesure d'expertise, confiée à Monsieur Didier D..., auquel mission a été dévolue de vérifier l'identité du procédé cédé par la Société MONAL, et éventuellement la Société CMC, avec celui mis au point à l'époque par Monsieur Raymond X... avec la Société STUDIO L'EQUIPE, objet de la convention du 20 septembre 1984.
Monsieur Didier D..., qui a dressé son rapport le 29 décembre 2005, a recensé dans un tableau récapitulatif dix ventes de machines de la 1ère et de la 2ème générations au sens que les Sociétés CMC et MONAL SYSTEMS donnent à ce terme, intervenues entre le 10 juillet 1997 et le 5 novembre 2004.
C'est dans ces circonstances que le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE, statuant par jugement du 15 juin 2006, a :
- dit irrecevable la demande de nullité de la convention du 20 septembre 1984,
- condamné in solidum les sociétés défenderesses à payer à Monsieur Raymond X... la somme de 856.767,08 €, productive d'intérêts au taux légal à compter de la vente de chacune des machines concernées en ce qui concerne la Société CMC, et à compter de la décision de première instance en ce qui concerne la Société MONAL SYSTEMS, les intérêts étant capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil,
- enjoint aux sociétés défenderesses d'informer Monsieur Raymond X..., par lettre recommandée avec accusé de réception, de toute vente de machine à gravure laser des 1ère et 2ème générations, sous astreinte de 10.000 € par infraction constatée dans les huit jours de la signification du jugement, et s'est réservé la liquidation de l'astreinte,
- rejeté le surplus des demandes, et condamné in solidum les sociétés défenderesses au paiement de la somme de 5.000 € ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'expertise.
Les Sociétés CMC SA et MONAL SYSTEMS SARL ont interjeté appel de cette décision.
Elles exposent qu'en vertu de l'article 1er III alinéa 3 de la loi du 31 décembre 1971, un avocat dont le Cabinet est établi auprès du Tribunal de Grande Instance de PARIS ne peut exercer les fonctions de postulation auprès du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE que dans les instances où il est maître de l'affaire et chargé également d'assurer la plaidoirie.
Elles constatent que tel n'est pas le cas en l'espèce de Maître Xavier E..., inscrit au Barreau de PARIS, lequel n'est intervenu dans le cadre de la présente instance qu'au titre de la seule postulation.
Elles font valoir que le procédé X... appartient au domaine public, puisqu'il ne fait pas l'objet d'une réservation par un monopole de propriété intellectuelle.
Elles soutiennent que le contrat conclu le 20 septembre 1984, en tant qu'il recrée un monopole sur un procédé ne pouvant être protégé car non breveté, doit être considéré comme nul et de nul effet pour absence de cause et d'objet.
Elles relèvent que la contestation soulevée de ce chef n'est pas formée entre les mêmes parties, et n'a pas le même objet que celles formulées dans le cadre des précédentes instances, de telle sorte qu'elle ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée.
Elles considèrent qu'en tout état de cause, aucune violation contractuelle ne peut être retenue à leur encontre, puisque le procédé X... n'est plus utilisé depuis 1990, le rapport de l'expert D... démontrant clairement qu'il n'y a pas identité entre le "procédé X..." et celui mis en oeuvre dans les machines cédées par CMC et/ou MONAL, compte tenu des évolutions et améliorations qui rendent le procédé actuel différent du procédé originaire.
Elles observent que le simple fait, mentionné par l'expert judiciaire, de constater que le procédé a été amélioré suffit à démontrer que le procédé auquel ont donné lieu les machines de génération 2 n'est pas identique à celui du procédé X..., ce qui prive l'intimé de tout droit à commissionnement.
Elles soulignent que l'absence d'utilisation du procédé X... est d'autant plus évidente s'agissant des machines de génération 3, pour lesquelles l'expert a mis en évidence une triple amélioration par rapport aux machines de génération 2.
Elles ajoutent que, dans la mesure où aucune faute ne peut être relevée à l'encontre de la Société MONAL, celle-ci ne saurait être déclarée responsable des condamnations sollicitées par la partie adverse.
Aussi, elles demandent à la Cour :
- à titre principal, de dire nuls et de nul effet l'acte introductif d'instance du 13 janvier 2004, et, en conséquence, le jugement rendu le 15 juin 2006 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE,
- à titre subsidiaire, d'infirmer la décision entreprise, et, à titre principal, juger que le contrat du 20 septembre 1984 est nul et de nul effet, ordonner en conséquence la restitution à la Société CMC de toutes sommes versées à ce titre, soit 1.300.668 €, sauf à parfaire, et à titre subsidiaire, débouter Monsieur Raymond X... de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Monsieur Raymond X... à payer à chacune des sociétés appelantes la somme de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Monsieur Raymond X... conclut au débouté des Sociétés CMC et MONAL SYSTEMS de leur demande de nullité de l'assignation.
Il fait valoir qu'avant même le premier jugement du 9 mars 2005, il n'était défendu que par un avocat parisien qui avait conclu pour le compte de son client et qui pouvait dès lors valablement postuler et plaider, de telle sorte que la cause de nullité avait disparu en cours de procédure de première instance.
Il sollicite le rejet de la demande adverse de restitution des sommes versées en exécution de décisions de justice devenues définitives, dans la mesure où cette demande se heurte à la chose jugée.
Il relève que la question de la validité de la convention signée le 20 septembre 1984 a déjà été jugée à plusieurs reprises, et qu'en vertu de la chose jugée qui s'attache à ces décisions, désormais irrévocables, cette validité ne peut plus être remise en cause par les sociétés appelantes.
Il stigmatise le montage imaginé par la Société CMC et son dirigeant, Monsieur Denis C..., lesquels ont cessé la commercialisation de la machine à gravure laser par la Société CMC, tout en la poursuivant au travers de la Société MONAL SYSTEMS, afin d'éluder son droit à la participation sur les ventes de machines.
Il allègue que la Société MONAL SYSTEMS a été, comme l'avait été précédemment la Société LVT, créée pour sortir du patrimoine de la Société CMC les ventes de machines à gravure laser et l'évincer ainsi de ses droits, ce qui caractérise l'existence certaine d'une confusion entre les deux sociétés appelantes et la mauvaise foi de la Société CMC dans l'exécution de la convention litigieuse.
Il indique que l'expertise diligentée par Monsieur D... a révélé la continuité de l'exploitation du procédé X... au sein des Sociétés CMC et MONAL SYSTEMS, ainsi que l'existence de dix ventes de machines réalisées par cette dernière et non déclarées.
Il précise que la Cour d'Appel de VERSAILLES dans son arrêt du 2 juillet 2004 et la Cour de Cassation ont confirmé l'intégralité de ses droits sur les ventes des machines des générations de type 1 ou de type 2, en jugeant que les évolutions et améliorations apportées aux machines à gravure laser sont sans aucune incidence sur son droit à commission, dès lors qu'elles ne se sont pas traduites par des modifications du procédé.
Il s'estime bien fondé à maintenir sa demande de rémunération en exécution de la convention signée le 20 septembre 1984, dans la mesure où les machines de génération 2, qui sont les seules faisant l'objet de la présente action, constituent des variantes technologiques du "procédé X...".
Il ajoute que c'est à tort que les Sociétés CMC et MONAL SYSTEMS entendent introduire dans le débat les machines de troisième génération, dès lors que ce type de machines est toujours en cours de développement, et n'a à ce jour donné lieu à aucune vente.
Se portant incidemment appelant du jugement déféré, il demande à la Cour de condamner in solidum les Sociétés CMC et MONAL SYSTEMS à lui payer, au titre des ventes sur les machines, la somme principale de 899.529 €, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de la vente de chacune des dix machines concernées, et avec anatocisme, et à lui verser la somme de 100.000 € à titre de dommages-intérêts.
Il sollicite également que la condamnation des Sociétés CMC et MONAL SYSTEMS à l'informer de toute vente de machine à gravure laser par lettre recommandée avec accusé de réception soit assortie d'une astreinte de 150.000 € par vente non déclarée dans un délai de quinze jours du premier terme constitué soit par l'émission de la facture de vente, soit par le paiement d'un acompte, soit par tout engagement contractuel oral ou écrit, le tout à compter de la décision à intervenir.
Il conclut en outre à la condamnation in solidum des Sociétés CMC et MONAL SYSTEMS à le tenir régulièrement informé de toute vente de machine à gravure laser réalisée par l'une des sociétés du "Groupe C...", existante ou qui pourrait être constituée par le Groupe.
Il réclame la somme de 20.000 € par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 31 mai 2007.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'exception de nullité de l'assignation :
Considérant qu'il résulte de l'article 1er III alinéa 3 de la loi du 31 décembre 1971 qu'un avocat dont le Cabinet est établi auprès du Tribunal de Grande Instance de PARIS ne peut exercer les fonctions de postulation auprès des juridictions de BOBIGNY, CRETEIL et NANTERRE que dans les instances dans lesquelles il est maître de l'affaire chargé également d'assurer la plaidoirie ;
Considérant qu'en l'occurrence, il doit être observé que l'acte introductif délivré à la requête de Monsieur Raymond X... porte la mention :
- en qualité d'avocat postulant, de Maître Xavier E..., Cabinet HASCOET et TRILLAT, Association d'avocats au barreau de PARIS,
- en qualité d'avocat plaidant, de Maître Bernard F..., du Cabinet VAN BUNNEN, F..., FERRANT et KILLESTRE, Association d'avocats au barreau de BRUXELLES.
Considérant qu'il apparaît que, contrairement à la disposition légale susvisée, Maître Xavier E..., qui est inscrit au barreau de PARIS, n'est initialement intervenu qu'au titre de la postulation ;
Considérant qu'en application des articles 117 et 118 du nouveau Code de procédure civile, constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice, et une telle irrégularité peut être valablement proposée en tout état de cause, et donc pour la première fois en cause d'appel ;
Mais considérant que l'article 121 du même code dispose que :
"Dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue" ;
Or considérant qu'en l'espèce, il s'avère que les conclusions successivement déposées en première instance au nom de Monsieur Raymond X... comportent toutes l'unique mention de l'avocat français ;
Considérant que, d'ailleurs, tant la décision avant dire droit du 9 mars 2005 que le jugement sur le fond du 15 juin 2006 déféré à la Cour ne font aucunement état de la présence de deux avocats dans la procédure de première instance ;
Considérant qu'il s'ensuit que Monsieur Raymond X... était valablement représenté devant le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE par un avocat parisien lequel disposait de la capacité de le représenter devant cette juridiction, non seulement au titre de la postulation, mais également au stade de la plaidoirie ;
Considérant que, dès lors qu'au regard de ce qui précède, la cause de la nullité avait disparu au moment où les premiers juges ont statué, il convient de rejeter l'exception de nullité de l'assignation et du jugement soulevée par les Sociétés CMC et MONAL SYSTEMS ;
Sur la validité de la convention :
Considérant qu'en application de l'article 1351 du Code Civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à la condition qu'il y ait identité d'objet, de cause et de parties ;
Considérant qu'elle ne peut être invoquée qu'à l'égard des parties qui ont été présentes ou représentées au litige et qui, dans la nouvelle instance, procèdent en la même qualité ;
Or considérant qu'en l'occurrence, la demande n'est pas formée entre les mêmes parties, puisque la Société MONAL SYSTEMS, personne juridique distincte de la Société CMC, n'était pas présente dans les procédures antérieures, peu important au demeurant que les activités de ces deux sociétés soient fortement imbriquées entre elles ;
Considérant que, de surcroît, il doit être observé que, dans le cadre de la procédure ayant donné lieu au jugement du Tribunal de Commerce de NANTERRE en date du 25 septembre 1996, confirmé par arrêt prononcé le 23 septembre 1999 par la Cour d'Appel de VERSAILLES, la Société CMC avait soulevé la nullité de la convention conclue le 20 septembre 1984 au motif que cette convention avait pour objet de lui permettre d'utiliser les procédés mis au point par la Société STUDIO L'EQUIPE et ses collaborateurs, et que, dès lors, seule cette société avait qualité pour consentir une telle convention ;
Considérant que, dans le cadre de la présente instance, les sociétés appelantes invoquent la nullité du contrat en tant que celui-ci porte sur une invention qui n'est pas protégée par un droit de propriété industrielle ;
Considérant que, dès lors, l'irrégularité dont elles se prévalent au soutien de leur demande d'annulation de la convention litigieuse porte sur un vice de nature différente de celui ayant servi de fondement à leurs prétentions antérieures ;
Considérant qu'il s'ensuit qu'à défaut d'identité de parties et de cause entre la présente procédure et celles ayant donné lieu à des décisions antérieures désormais définitives, la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée soulevée par Monsieur Raymond X... doit être écartée ;
Considérant qu'il y a donc lieu, en infirmant de ce chef le jugement déféré, de déclarer recevable la demande d'annulation de la convention présentée par les Sociétés CMC et MONAL SYSTEMS ;
Considérant que, pour conclure que la convention du 20 septembre 1984 doit être déclarée nulle et de nul effet pour absence de cause et d'objet, les Sociétés CMC et MONAL SYSTEMS font valoir que le procédé X... ne fait pas l'objet d'une réservation par un monopole de propriété intellectuelle, et qu'un tel monopole ne saurait être reconstitué insidieusement par le biais d'un contrat, qui, comme en l'espèce, tend à concéder un droit de propriété industrielle sur des procédés et formules qui ne peuvent être protégés, car non brevetés ;
Mais considérant que cette convention, en vertu de laquelle la Société CMC est autorisée à "utiliser les procédés mis au point par le STUDIO L'EQUIPE et ses collaborateurs", stipule que :
- Parallèlement à la convention qui lie la sprl STUDIO L'EQUIPE et Monsieur Raymond X..., la Société CMC paiera à ce dernier une participation aux bénéfices qui sera de 8 % du chiffre d'affaires réalisé par CMC relatif au poste gravure uniquement";
- Au cas où des licences seraient octroyées ou le procédé cédé à des tiers, CMC paiera à Monsieur X... 33 %, soit du prix net obtenu, soit des redevances nettes" ;
Considérant qu'une telle convention a pour seule vocation d'intéresser Monsieur Raymond X... aux bénéfices tirés de l'exploitation et de l'éventuelle cession du procédé de gravure par laser mis au point par lui ;
Considérant qu'à ce titre, elle lui ouvre un droit personnel de participation à ces bénéfices, indépendamment de la question de savoir si le procédé dont Monsieur X... serait l'auteur est ou non protégé par un droit privatif de propriété ;
Considérant qu'au demeurant, elle prévoit une rémunération calculée sur le prix de vente des machines construites suivant le "procédé X...", peu important que ce procédé ait ou non été couvert par un brevet en cours de validité à la date à laquelle ces machines ont été vendues ;
Considérant qu'au surplus, le droit de créance de nature contractuelle ainsi reconnu à Monsieur X... a sa contrepartie dans le droit dont bénéficie la Société CMC de vendre les machines relevant du procédé mis au point par lui ;
Considérant que, dès lors, cette convention, qui ne peut être assimilée à la concession d'un droit de propriété industrielle, a un objet et une cause lui conférant sa pleine validité ;
Sur la reconnaissance du droit à rémunération :
Considérant que la convention du 20 septembre 1984 prévoit qu'en cas de cession du procédé à des tiers, la Société CMC paiera à Monsieur Raymond X... 33 %, soit du prix net obtenu, soit des redevances nettes ;
Considérant que, dans le cadre de la présente instance, les prétentions de Monsieur X... portent sur l'allocation de sommes correspondant à la rémunération que la Société CMC aurait éludée à l'occasion de nouvelles ventes à des tiers de machines à sous-titrer, intervenues avec la complicité de la Société MONAL SYSTEMS durant les années 1997 et suivantes ;
Considérant que, dès lors, pour déterminer si ces cessions ouvrent droit à intéressement en faveur de l'intimé, il importe préalablement de rechercher si elles portent sur un procédé identique à celui mis au point par ce dernier ;
Considérant que tel était précisément l'objet des investigations confiées à Monsieur Didier D..., lequel, aux termes de son rapport d'expertise du 29 décembre 2005, explique parfaitement que c'est le brevet no 8505937 déposé le 19 avril 1985 qui, en tant qu'il donne la description la plus appropriée du "procédé X...", doit servir de référentiel technique pour évaluer les modifications éventuellement apportées par les travaux de développement technique réalisés depuis lors par les Sociétés CMC et MONAL SYSTEMS ;
Considérant qu' à cet égard, la Société CMC a classé ses machines en trois générations suivant les modifications apportées au procédé d'origine :
- 1ère génération "CMC/X..." : ce sont les machines construites selon le procédé et les dispositifs préconisés par Monsieur X...,
- 2ème génération "MONAL SYSTEMS" : ce sont les machines, dites "MONAL SYSTEMS" postérieures à 1995, incorporant une modification du procédé (la modulation du rapport v/P) pour pallier les inconvénients apparus lors du passage du film triacétate au film polyester, lesdites machines étant vendues ou proposées systématiquement avec une station de relavage en aval,
- 3ème génération : ce sont des machines non encore commercialisées ;
Considérant que, se fondant sur les conclusions du rapport d'expertise de leur expert conseil, Monsieur G..., les sociétés appelantes soutiennent que les machines de la deuxième génération, seules en cause dans le cadre du présent litige, ont connu deux modifications substantielles du procédé initial ayant consisté en :
- une opération de relavage après marquage pour éliminer les résidus d'émulsion incomplètement vaporisés par le faisceau laser,
- la modulation dynamique du rapport v/P sur chaque vecteur de caractère, et non plus uniquement suivant la largeur du trait à graver pour tout le film, de façon à améliorer la lisibilité du sous-titrage ;
Or considérant que, selon Monsieur D..., le fait de relaver en aval le film tout en gardant la méthode de gravure par laser ne constitue pas une modification du procédé référencé ;
Considérant que l'expert judiciaire met également en évidence que le dispositif d'adaptation à la luminance du fond d'image, s'il constitue une amélioration du procédé X..., ne peut être assimilé à un abandon de ce procédé, puisqu'il en conserve les principes de base ;
Considérant que, dès lors, il s'infère des conclusions dûment étayées de ce rapport d'expertise, à juste titre homologuées par le Tribunal, que, si les machines de la deuxième génération ont bénéficié de modifications technologiques et d'améliorations fonctionnelles indiscutables par rapport aux premières machines de gravure laser, les moyens nouveaux mis en oeuvre en vue la réalisation de ces nouvelles machines ne peuvent s'analyser en une modification du procédé lui-même ;
Considérant qu'en définitive, il apparaît qu'en l'absence de preuve de l'abandon du procédé élaboré par lui, Monsieur X..., est en droit de revendiquer le bénéfice de la convention d'intéressement laquelle ne stipule aucune restriction de ses droits dans l'hypothèse d'évolutions et améliorations apportées à son procédé ;
Considérant qu'il y a donc lieu, en confirmant le jugement déféré, de dire que Monsieur X... peut légitimement prétendre à la rémunération prévue par la convention susvisée au titre de la vente des machines, non seulement de la première génération, mais également de la deuxième génération ;
Considérant que, dans l'appréciation du montant de la rémunération prévue au titre de la cession du procédé, il y a lieu de rappeler que l'article 7 de la convention ne comporte aucune limitation quant à la durée de l'intéressement dû à l'intimée, et que cet intéressement, égal à 33 % sur les ventes, est assis sur le prix net obtenu, après déduction de tous les frais liés à la cession ;
Considérant que la communication des Grands Livres des comptes généraux des sociétés appelantes pour les années 1997 à 2004 a permis à Monsieur D... de dresser le tableau récapitulatif des dix ventes de machines réalisées par elles durant cette période et non déclarées à Monsieur X... ;
Considérant que le Tribunal, relevant que l'assiette de la participation n'était critiquée par aucune des parties, a fixé à 2.596.263,89 € le montant cumulé du prix net de neuf des dix ventes dissimulées à l'intimé, et à 856.767,08 €, soit 33 % de ce montant, l'intéressement dû à Monsieur X..., en application de la convention du 20 septembre 1984, au titre de ces neuf ventes ;
Considérant que les premiers juges, suivant en cela l'avis émis par l'expert judiciaire, ont retiré de ce décompte la somme de 1.700.000 F (259.163,33 €) relative à la vente BANDAPARTE du 10 juillet 1997, au motif que cette vente avait déjà été prise en compte par le jugement du 5 mars 2003 confirmé par arrêt de la Cour d'Appel de VERSAILLES en date du 2 juillet 2004 ;
Considérant que, toutefois, il résulte de l'expertise précédemment diligentée par Monsieur H... que la somme de 1.700.000 F (259.163,33 €) se rapporte en réalité à la vente de deux machines de 850.000 F (129.581,66 €) chacune, alors que le jugement du 5 mars 2003, ultérieurement confirmé par la Cour d'appel de ce siège, a retenu à ce titre en faveur de Monsieur X... un intéressement de 42.761,95 € correspondant à la vente d'une seule machine ;
Considérant qu'au regard de ce qui précède, il s'avère que l'assiette de la participation devant être retenue s'élève à la somme globale de 2.725.845,55 €, de telle sorte que l'intimé peut prétendre à une rémunération complémentaire de : 129.581,66 € x 33 % = 42.761,95 € au titre de la vente d'une des machines au client BANDAPARTE non prise en compte dans le cadre de la procédure antérieure ;
Considérant qu'en définitive, il y a lieu, en infirmant sur le quantum le jugement déféré, de dire que la rémunération globale due à Monsieur X... au titre de la cession des matériels litigieux doit être portée à la somme de : 2.725.845,55 € x 33 % = 899.529,03 € ;
Sur la demande de condamnation solidaire :
Considérant que les documents produits aux débats font clairement apparaître que les Sociétés CMC et MONAL SYSTEMS ont la même activité, le même siège social et le même dirigeant, qu'elles utilisent des locaux communs et un même site internet, qu'elles sont des filiales de la Société LA FINANCIERE DU MONAL contrôlée par Monsieur Denis C..., lui-même dirigeant des différentes entités juridiques composant le groupe, et que, depuis le 4 août 2003, la Société CMC est devenue l'associée unique de la Société MONAL SYSTEMS ;
Considérant que la confusion manifeste entre les activités des deux sociétés se trouve notamment corroborée par l'utilisation par elles du même nom de produit "Monal", lequel constitue la désignation de la marque déposée le 10 juillet 1995 à l'INPI par la société holding LA FINANCIERE DU MONAL ;
Considérant qu'il est également démontré que la Société MONAL SYSTEMS a commencé son activité en début d'année 1997 et vendu une première machine le 5 février 1997, alors même qu'au cours de la même année, la Société CMC cessait la commercialisation des machines à graver par laser ;
Considérant que la preuve est ainsi rapportée que l'activité de vente de machines de gravure, jusque là exercée par la Société CMC, s'est poursuivie au travers de la Société MONAL SYSTEMS, chargée à partir de sa création de la commercialisation indirecte du procédé de gravure laser, afin d'éluder le droit de Monsieur Raymond X... à sa participation sur les ventes de machines ;
Considérant que c'est donc à bon droit que le Tribunal a retenu que la Société CMC avait engagé sa responsabilité contractuelle envers l'intimé en profitant de la confusion entretenue entre les deux sociétés pour dissimuler les ventes de machines et, ce faisant, échapper aux obligations contractées par elle envers Monsieur X... ;
Considérant que c'est également à juste titre qu'il a relevé qu'en participant à cette fraude qu'elle ne pouvait ignorer, la Société MONAL SYSTEMS a engagé sa responsabilité quasi-délictuelle ;
Considérant que, par voie de conséquence, il convient, en confirmant le jugement déféré, de dire que ces deux sociétés doivent être condamnées in solidum à réparer le préjudice qui a résulté de leurs agissements fautifs, à due concurrence de la somme principale de 899.529,03 € ;
Considérant que, toutefois, il y a lieu, par voie d'infirmation de la décision entreprise, de dire que cette condamnation doit être assortie des intérêts au taux légal :
* en ce qui concerne la Société CMC, par application de l'article 1153 du Code civil,
- à compter du 13 janvier 2004, date de l'assignation introductive d'instance, à hauteur de la somme de 171.047,80 €, les intérêts dûs sur cette somme étant capitalisés à compter du 13 janvier 2004,
- à compter du 20 avril 2006, date de signification des conclusions en ouverture de rapport déposées par Monsieur I..., à hauteur du surplus de la condamnation, les intérêts dûs sur le surplus étant capitalisés à compter du 20 avril 2006,
* en ce qui concerne la Société MONAL SYSTEMS, conformément à l'article 1153-1 du Code civil,
- à compter de la décision de première instance, les intérêts étant capitalisés par année entière à compter du 15 juin 2006.
Sur les demandes complémentaires et annexes :
Considérant que c'est à bon droit que le Tribunal, tenant compte de ce que les droits de Monsieur X... à son intéressement contractuel ont été méconnus, a enjoint aux Sociétés CMC et MONAL SYSTEMS d'informer ce dernier, par lettre recommandée avec accusé de réception, de toute vente de machine à gravure laser des première et deuxième générations, sous astreinte de 10.000 € par infraction constatée dans les huit jours de la signification de la décision de première instance, tout en se réservant la liquidation de l'astreinte ;
Considérant qu'il n'y a toutefois pas lieu d'étendre l'obligation d'information mise à la charge des sociétés appelantes au-delà de ce qui est prévu par le dispositif de la décision de première instance ;
Considérant que, dans la mesure où la défense des Sociétés CMC et MONAL SYSTEMS dans le cadre de la présente instance repose sur une argumentation au moins partiellement différente, tant en droit qu'en fait, de celle développée par elles à l'occasion des procédures antérieures, il convient, en confirmant de ce chef le jugement déféré, de rejeter la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive présentée par Monsieur X... ;
Considérant que l'équité commande d'allouer à Monsieur X..., en cause d'appel, la somme complémentaire de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Considérant qu'il n'est cependant pas inéquitable que les Sociétés CMC et MONAL SYSTEMS conservent la charge des frais non compris dans les dépens exposés par elles dans le cadre de la présente instance ;
Considérant que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a condamné les Sociétés CMC et MONAL SYSTEMS in solidum aux dépens de première instance, incluant les frais d'expertise judiciaire ;
Considérant que ces dernières, qui succombent pour l'essentiel en leur recours, doivent être condamnées aux dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
REFORME le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande d'annulation de la convention et en ce qu'il a statué sur le montant de la condamnation principale et sur le point de départ des intérêts et de la capitalisation des intérêts,
STATUANT À NOUVEAU DE CES DERNIERS CHEFS,
DECLARE recevable la demande d'annulation de la convention du 20 septembre 1984, la dit mal fondée,
DEBOUTE les Sociétés CMC et MONAL SYSTEMS de leurs demandes d'annulation et de restitution des sommes versées,
CONDAMNE in solidum les Sociétés CMC et MONAL SYSTEMS à payer à Monsieur Raymond X... la somme de 899.529,03 €, majorée :
- en ce qui concerne la Société CMC, des intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2004 sur la somme de 171.040,80 €, les intérêts étant capitalisés par année entière à compter du 13 janvier 2004 sur ladite somme, et à compter du 20 avril 2006 sur le surplus de la condamnation, les intérêts étant capitalisés par année entière à compter du 20 avril 2006 sur ce surplus,
- en ce qui concerne la Société MONAL SYSTEMS, des intérêts au taux légal à compter de la décision de première instance, les intérêts étant capitalisés par année entière à compter du 15 juin 2006,
CONFIRME le jugement déféré en ses autres dispositions,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE in solidum les Sociétés CMC et MONAL SYSTEMS à payer à Monsieur Raymond X... la somme complémentaire de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum les Sociétés CMC et MONAL SYSTEMS aux dépens d'appel, et AUTORISE la SCP GAS, Société d'Avoués, à recouvrer directement la part la concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-François FEDOU, Président et par Madame Sylvie RENOULT, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,