COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
6ème chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 MAI 2010
R.G. N° 09/00952
AFFAIRE :
[L] [S]
C/
S.A. INFORMATIQUE BANQUE POPULAIRE (i-BP)
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 26 Janvier 2009 par le Conseil de Prud'hommes de RAMBOUILLET
Section : Encadrement
N° RG : 08/00206
Copies exécutoires délivrées à :
Me Michel DEFOSSE
Me Felipe LLAMAS
Copies certifiées conformes délivrées à :
[L] [S]
S.A. INFORMATIQUE BANQUE POPULAIRE (i-BP)
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT MAI DEUX MILLE DIX,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [L] [S]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Comparant
Assisté de Me Michel DEFOSSE, avocat au barreau de DIJON
APPELANT
****************
S.A. INFORMATIQUE BANQUE POPULAIRE (i-BP)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Comparante en la personne de Madame [W] [O], directrice des ressources humaines, en vertu d'un pouvoir de Monsieur [U] [R], directeur général
Assistée de Me Felipe LLAMAS, avocat au barreau de DIJON
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 13 Avril 2010, en audience publique, devant la cour composé(e) de :
Monsieur Jean-Marc DAUGE, président
Madame Nicole BURKEL, conseiller
Madame Claude FOURNIER, conseiller
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MAREVILLE
FAITS, PROCÉDURE, DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES
Par jugement du 26 janvier 2009, le conseil de prud'hommes de Rambouillet a :
- dit que la société Informatique Banque Populaire a assuré une exécution loyale de ses obligations à l'égard de monsieur [S] [L]
- dit que la société Informatique Banque Populaire ne s'est pas rendue coupable, à l'égard de monsieur [S] [L], de discrimination, de harcèlement, ou d'entraves aux fonctions de représentant du personnel
- débouté monsieur [S] [L] de l'ensemble de ses demandes
- dit que la procédure intentée par monsieur [S] [L] n'est pas abusive
- condamné monsieur [S] [L] à verser à la société Informatique Banque Populaire la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné monsieur [S] [L] aux dépens, y compris les frais d'exécution éventuels.
La cour est régulièrement saisie par un appel formé par monsieur [S] contre cette décision.
Monsieur [L] [S] a été engagé par la société Banque Populaire de la Région Nord de Paris en février 1991 en qualité de responsable de service.
Il a été élu délégué du personnel et membre suppléant du Comité d'entreprise, ainsi que membre du Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Suite à des mesures de restructuration et de transfert du service informatique, monsieur [S] a été engagé à compter du 1er janvier 1997 par le Groupement d'intérêt économique Live Informatique, avec reprise de son contrat de travail et en tant que responsable de département, niveau VI, coefficient 750.
Par lettre du 11 juin 1997, il a été licencié pour insuffisance professionnelle.
Par jugement du 18 mai 1998, le conseil de prud'hommes de Rambouillet a constaté la nullité du licenciement pour violation du statut protecteur des représentants du personnel et ordonné la réintégration de monsieur [S].
La réintégration a été effective le 3 mai 1999.
Le 10 mai 1999, monsieur [S] a été désigné délégué syndical Force Ouvrière.
Par arrêt du 22 septembre 1999, la cour d'appel de Versailles a confirmé le jugement.
Le 20 janvier 2000, monsieur [S] a été nommé responsable du domaine 'Architectures et conception' au sein de la Direction Architectures et Méthodes.
Il a bénéficié d'une formation de reconversion.
A compter du 1er juin 2001, par suite de la fusion de quatre GIE Informatiques du Groupe Banques Populaires, le contrat de travail a été repris par la société Informatique Banque Populaire - ci-après 'société i-BP'.
Il a été désigné délégué syndical pour l'Etablissement La Verrière de la société et représentant syndical au comité d'Etablissement, fonctions exercées jusqu'au 2 décembre 2004.
En juin 2003, il est devenu responsable de service à la Direction Technique et Architecture (DTA), mais il a contesté l'adéquation de cette affectation avec ses compétences et la formation de reconversion suivie.
En avril 2004, une nouvelle affectation à la Direction du Système d'Information a été envisagée, que monsieur [S] n'a pas acceptée.
Le 14 juin 2004, la société i-BP a demandé une autorisation administrative de le licencier pour insuffisance professionnelle, autorisation refusée le 22 juillet 2004 par l'inspection du travail du Rhône.
Par lettre du 20 octobre 2004, la société a avisé monsieur [S] de son affectation à compter du 1er décembre 2004 au poste de chargé d'étude à la Direction Qualité et Sécurité (DQS), avec maintien de sa classification et de sa rémunération. Monsieur [S] a critiqué cette affectation par courrier du 12 novembre 2004.
Par lettre du 26 novembre 2004, il a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 7 décembre 2004.
Le 21 décembre 2004, la société i-BP a de nouveau saisi l'inspection du travail du Rhône qui a, cette fois, autorisé le licenciement par décision du 21 janvier 2005.
Par courrier recommandé du 28 janvier 2005, la société i-BP a notifié à monsieur [S] son licenciement.
Ce dernier a formé le 24 février 2005 un recours contentieux contre la décision administrative d'autorisation de son licenciement.
Par jugement du 4 octobre 2007, le Tribunal Administratif de Versailles, saisi sur renvoi décidé par le tribunal administratif de Lyon, a annulé la décision administrative de licenciement prise par un inspecteur du travail non compétent territorialement.
Le 11 octobre 2007, la société i-BP a donc réintégré monsieur [S] en tant que chef de projet à la Direction Technique et Architecture (DTA), puis, suivant avenant du 18 décembre 2007, au poste de responsable de Domaine MOA.
Le 10 juin 2008, monsieur [S] a saisi la juridiction aux fins d'obtenir réparation de divers préjudices tenant à diverses inégalités de traitement alléguées.
L'entreprise emploie plus de 11 salariés et est dotée d'institutions représentatives du personnel.
La convention collective applicable est celle de la Banque.
Monsieur [S] est toujours en poste ; il est âgé de 58 ans ; il dit avoir perçu en 2009 un salaire annuel de 59.500 euros.
Monsieur [S] [L] demande à la cour par conclusions visées par le greffier et soutenues oralement, de :
- réformer le jugement
- dire que la société Informatique Banque Populaire n'a pas assuré une exécution loyale de ses obligations à son égard
- dire qu'elle s'est rendue coupable à son égard de harcèlement moral, de discrimination et d'entraves aux fonctions de représentant du personnel
En conséquence,
- condamner la société Informatique Banque Populaire à lui verser les sommes suivantes :
* 100.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice distinct résultant du comportement fautif de l'employeur, du harcèlement dont ce dernier s'est rendu coupable à son égard,
* 150.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la discrimination,
* 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la société Informatique Banque Populaire à régulariser sa situation à compter du 1er janvier 2010, par une remise à niveau de sa rémunération pour qu'il soit mis un terme à toute situation discriminatoire, par le paiement des droits associés, des cotisations sociales, de retraite, sous astreinte journalière de 10.000 € à compter du trentième jour suivant l'arrêt à intervenir
- condamner la société Informatique Banque Populaire à lui remettre des bulletins de paie rectifiés conformes à l'arrêt à intervenir sous les mêmes conditions d'astreinte
- condamner la société Informatique Banque Populaire aux dépens.
Il expose essentiellement :
Sur le harcèlement moral : que depuis le 1er janvier 1997, il a été systématiquement et délibérément placé sous l'autorité de madame [G], à l'origine de son harcèlement ; qu'après sa prise de fonction début 2008, il s'est rendu compte que les deux domaines fonctionnels attribués, Sécurité bancaire et Gestion documentaire, ne faisaient pas partie de la liste des domaines fonctionnels qu'il avait transmise fin novembre 2007 avant sa réintégration; que la société Informatique Banque Populaire aurait dû lui organiser et planifier une mise à niveau ; que depuis 2004, la société Informatique Banque Populaire ne cesse de vouloir le licencier
Sur la discrimination en raison de son activité syndicale : que suite à une enquête contradictoire sur la discrimination dont il s'est plaint auprès de l'inspecteur du travail de [Localité 3], celui-ci a établi un rapport du 25 juin 2003 par lequel a été confirmé que 'l'adéquation entre ses compétences et son poste n'est pas bonne et que sa rémunération est nettement inférieure à la moyenne de celles servies aux collaborateurs de même niveau' ; que d'une comparaison avec les autres responsables de service pour l'année 2004, il ressort que le salaire annuel moyen est de 65.315,40 €, soit un écart de 9.571,22 € par rapport au sien.
La société Informatique Banque Populaire demande à la cour par conclusions visées par le greffier et soutenues oralement, de :
- confirmer le jugement déféré
- débouter monsieur [S] de l'intégralité de ses demandes
Y ajoutant,
- condamner monsieur [S] à lui verser :
* 1.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de ses allégations réitérées particulièrement graves et infondées de nature à jeter le discrédit sur sa gestion sociale
* 2.000 € au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner monsieur [S] aux dépens.
Elle soutient essentiellement :
- qu'elle n'a nullement orienté l'instruction de la demande d'autorisation de licenciement vers l'inspection du travail du Rhône, et que l'initiative en revient à l'inspecteur du travail de [Localité 3]
- qu'aucun élément ne permet d'accréditer la thèse de monsieur [S] d'une prétendue discrimination ; qu'en effet c'est elle-même qui a pris l'initiative de solliciter une médiation de l'inspecteur du travail de [Localité 3] ; que le rapport remis le 25 juin 2003 se contente de faire le constat d'une inadéquation entre les compétences de monsieur [S] et le poste occupé par lui, mais ne conclut pas à l'existence d'une discrimination ; que lors de la première demande d'autorisation de licenciement en juin 2004, l'inspection du travail du Rhône n'a pas constaté de discrimination, considérant exclusivement que 'l'enquête n'a pas permis d'écarter totalement l'existence d'une discrimination' ; qu'enfin, lors de la seconde demande d'autorisation de licenciement en décembre 2004, l'inspection du travail a retenu que 'l'enquête n'a pas permis d'établir l'existence d'un lien entre cette nouvelle demande et le mandat exercé par monsieur [S] [L]'
- que les éléments comparatifs des salaires versés aux débats prouvent que monsieur [S] se situe dans la moyenne des rémunérations des responsables de service d'i-BP toutes filières confondues ; - que les comptes-rendus d'entretiens annuels permettent de vérifier que la différence de rémunération s'explique objectivement par l'appréciation des compétences de monsieur [S] ; qu'il convient de se reporter à l'avis des représentants du personnel exprimé lors de la réunion extraordinaire du Comité d'établissement du 14 décembre 2004, selon lequel notamment 'les élus regrettent fortement la position d'affrontement systématique que semble adopter monsieur [S] vis-à-vis des propositions de la direction' et restent 'toutefois persuadés, comme ... laissé entendre dans notre avis du 11 juin, que monsieur [S] ne dispose pas des qualités d'un responsable de service i-BP aux vues de ses expériences passées'
- que monsieur [S] se contente d'alléguer qu'il aurait été victime d'agissements caractérisant un harcèlement moral sans apporter aucun élément précis objectif ; qu'aucune action pénale n'a d'ailleurs été engagée ; qu'aux antipodes d'un prétendu harcèlement moral, elle a sollicité préventivement une solution de médiation en concertation étroite avec l'inspection du travail
- qu'elle a tiré toutes les conséquences financières de la réintégration de monsieur [S] en procédant au règlement des salaires du 1er mai 2005 au 30 novembre 2007 pour un montant de 84.952,78 euros et au règlement des sommes dues au titre de la régularisation de l'intéressement et de la participation, soit 22.950,04 euros ; que monsieur [S] a donc été réintégré dans des conditions acceptées par lui, ce qui rend irréaliste le maintien de ses prétentions initiales.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience du 13 avril 2010.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le 'comportement fautif' caractérisé par du harcèlement moral
Il résulte des articles L 1152-1 et L 1154-1 du code du travail qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; en cas de litige, dès lors que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que la décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Par des motifs, dont les débats devant la cour n'ont pas altéré la pertinence, les premiers juges ont fait une juste application de la règle de droit et une exacte appréciation des faits et documents de la cause, en retenant que le salarié n'établit nullement l'existence de faits répondant à cette définition, alors qu'au contraire l'employeur a pris des mesures renouvelées pour apporter des solutions à ses contestations, notamment par voie de médiation de l'inspection du travail, dispense d'une formation professionnelle et création du poste spécifique qui est le sien depuis début 2008 ;
Il convient en effet de souligner que les faits prétendument constitutifs de harcèlement moral mis en avant par Monsieur [S] sont tous anciens, qu'il se contente d'une observation technique sur le contenu du poste désormais occupé, dont il ne tire aucune conséquence précise sur les difficultés qui en résulteraient, qu'il exerce donc depuis plus de deux ans une fonction dont rien ne démontre qu'elle ne soit pas en adéquation avec ses compétences, contrairement à l'observation émise plus de six ans plus tôt par l'inspection du travail, d'ailleurs sans imputation de cette situation à la seule responsabilité de l'employeur, et qu'en tout état de cause, il ne justifie d'aucune incidence médicale, d'aucune altération de santé ;
Le jugement qui a rejeté la demande de ce chef sera confirmé ;
Sur la discrimination
Aux termes de l'article L1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L3221 3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap ;
En l'espèce, Monsieur [S] se prévaut essentiellement d'une discrimination salariale, qu'il entend mettre en relation avec l'exercice dans l'entreprise de mandats syndicaux ;
Par des motifs, dont les débats devant la cour n'ont pas plus altéré la pertinence, les premiers juges ont fait une juste application de la règle de droit et une exacte appréciation des faits et documents de la cause, en retenant encore les efforts accomplis par l'employeur pour permettre au salarié, qui était régulièrement mis en garde, de progresser, et le versement sans réserve de toutes les sommes accessoires du salaire, tandis que le salarié demeurait dans une attitude de refus ;
En tout état de cause, l'allégation d'écart de rémunération est justement contestée par l'intimée, qui fournit les éléments chiffrés corroborés par pièces ; ils démontrent un équilibre de rémunération, ainsi que le caractère manifestement inexact de l'affirmation d'une rémunération inférieure à celle des collaborateurs ;
Il s'ensuit que le jugement doit être de nouveau confirmé pour avoir rejeté cette demande ;
Sur la demande de dommages intérêts réitérée par la société i-BP
L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute justifiant sa condamnation à des dommages et intérêts ; il y a lieu de confirmer encore le jugement du chef du rejet de la demande, y compris en présence d'une modification du fondement qui tiendrait à un préjudice de discrédit subi, nullement démontré, au regard notamment des initiatives propres de la société i-BP auprès de l'inspection du travail ;
Sur l' application de l'article 700 du code de procédure civile
L'équité commande de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à la société i-BP une indemnité en application de ce texte, mais elle ne commande pas de lui allouer une somme supplémentaire du chef de la procédure devant la cour ; Monsieur [S] qui succombe sera nécessairement débouté de sa réclamation sur ce fondement ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
STATUANT en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Y ajoutant,
REJETTE toutes demandes formées devant la cour en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [S] aux dépens.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Jean-Marc DAUGE, président, et par Sabine MAREVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le Greffier,Le Président,