COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
AP
Code nac : 55A
12e chambre section 2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 02 FEVRIER 2016
R.G. N° 15/07518
AFFAIRE :
SARL SOCIETE D'ENTRAINEMENT CARLOS ET YANN LERNER
C/
[N] [F]
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu(e) le 12 Octobre 2015 par le Conseiller de la mise en état de VERSAILLES
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 15/1172
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-Me Banna NDAO
-Me Helga ASSOUMOU
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX FEVRIER DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SARL SOCIETE D'ENTRAINEMENT CARLOS ET YANN LERNER
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Banna NDAO, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667 - N° du dossier 15/007
Représentant : Me Adrien PERROT de l'AARPI DEPREZ PERROT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1868
APPELANTE
****************
Madame [N] [F]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Helga ASSOUMOU, Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 369
Représentant : Me Julien BOUZERAND de la SARL JURIS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0570
INTIMEE
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Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Janvier 2016 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Alain PALAU, Président,
Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,
Monsieur François LEPLAT, Conseiller,
Greffier F.F., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY,
Par ordonnance du 29 mai 2013, le tribunal de commerce de Versailles a enjoint à la Sarl Société d'Entraînement Carlos et Yann Lerner de payer, en deniers ou quittances, à la société [F] la somme de 15.523,73 euros.
Par jugement du 2 mai 2014, le tribunal de commerce de Versailles, saisi d'une opposition formée par la Société d'Entraînement Carlos et Yann Lerner, a reçu l'opposition, condamné la société à payer à ''Madame [N] [F] exerçant sous le nom commercial [F]'' la somme de 15.583,73 euros outre celle de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Madame [F].
Ce jugement a été signifié le 26 février 2015.
Par acte du 2 juin 2014, la Société d'Entraînement Carlos et Yann Lerner a interjeté appel. (Procédure numéro 14/4158)
Par ordonnance du 12 mars 2015, le conseiller de la mise en état a déclaré l'appel caduc et les conclusions au fond irrecevables au motif qu'elles n'ont pas été dirigées à l'encontre de Madame [N] [F].
Les débats avaient eu lieu le 12 février 2015.
Par déclaration du 13 février 2015, la société d'Entraînement Carlos et Yann Lerner a interjeté appel du jugement du tribunal de commerce. (Procédure numéro 15/7518)
Par ordonnance du 12 octobre 2015, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l'appel et condamné la société à payer la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il a considéré qu'après que le premier appel a été déclaré caduc, le droit d'appel de la société s'est trouvé éteint en application du principe « appel sur appel ne vaut ».
Par acte du 26 octobre 2015, la société d'Entraînement Carlos et Yann Lerner a déféré cette décision.
Elle demande qu'elle soit infirmée et que son second appel soit déclaré recevable.
La société rappelle que le droit d'appel est un principe et qu'il n'est limité que par deux dispositions soit la renonciation et l'expiration du délai.
Elle observe qu'il est possible, en application de l'article 528-1 du code de procédure civile, d'interjeter appel si le jugement n'a pas été signifié et si un délai de deux ans après son prononcé ne s'est pas écoulé.
Elle soutient, citant deux auteurs, qu'un nouvel appel peut être interjeté si le délai est demeuré ouvert dans la mesure où les articles 908 et 911 du code de procédure civile visent la caducité non de l'appel mais de la déclaration.
Elle prétend qu'en ayant limité la caducité à la seule déclaration d'appel, le décret du 28 décembre 2010, modifiant celui du 9 novembre 2009, a volontairement permis de déclarer un nouvel appel à la seule condition que le délai pour l'interjeter ne soit pas épuisé.
Elle fait grief à l'ordonnance déférée d'avoir créé une nouvelle cause d'extinction du droit d'appel en vertu d'un adage.
En ce qui concerne l'adage « appel sur appel ne vaut », la société déclare que seule la cour d'appel de Toulouse, à quatre reprises, y a fait référence. Elle se prévaut d'un arrêt de la cour de cassation du 9 mars 1972 déclarant un second appel recevable et d'un arrêt de la cour d'appel de Lyon du 31 janvier 2013 ne déclarant un second appel irrecevable que parce que le délai était expiré. Elle cite également un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 9 juillet 2013 et un auteur.
En ce qui concerne son intérêt à agir, elle rappelle que la caducité d'une déclaration d'appel a un effet rétroactif ce dont il résulte que son premier appel est considéré comme n'ayant jamais existé. Elle ajoute que rien n'empêche une partie qui pressent que son appel sera déclaré irrecevable d'interjeter un second appel par précaution.
Dans ses dernières écritures en date du 14 décembre 2015, Madame [F] conclut à la confirmation de l'ordonnance du 12 octobre 2015 et réclame le paiement d'une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame [F] invoque l'adage « appel sur appel ne vaut » et en conclut que des appels ne peuvent concomitamment être relevés à l'encontre d'une même décision.
Elle invoque des arrêts de la cour d'appel de Paris des 14 novembre 2013, 12 février 2015, 5 novembre 2015 et 22 janvier 2014 et de celle de Toulouse du 15 mai 2013.
Elle souligne qu'à la date de la seconde déclaration d'appel, l'instance initiée par la déclaration d'appel du 2 juin 2014 était en cours ce dont il résulte qu'il y a « appel sur appel ». Elle estime que le second est, dès lors, irrecevable.
Elle affirme qu'il n'est pas dénié à la société le droit de relever appel autant de fois qu'elle le souhaite mais qu'il lui est reproché d'avoir initié une seconde procédure alors que la première était pendante.
Elle déclare que dans les arrêts invoqués par la société, il n'y a pas eu ce chevauchement, seuls les délais étant en cause.
Subsidiairement, elle invoque l'absence d'intérêt à agir. Elle relève que la procédure initiée par la déclaration d'appel du 2 juin 2014 n'a pris fin qu'à la suite de l'ordonnance du 12 mars 2015. Elle soutient qu'elle n'avait donc pas intérêt à la date de la seconde déclaration d'appel à agir une seconde fois contre la même décision. Elle affirme que, par la déclaration du 2 juin 2014, la société a épuisé son droit d'appel et qu'elle ne l'a recouvré que le 12 mars 2015, date à laquelle la cour a mis fin à l'instance préalablement engagée.
Elle fait valoir que la rétroactivité de l'anéantissement est sans incidence, l'intérêt s'appréciant, selon la cour de cassation, au jour de l'appel et ne pouvant dépendre de circonstances postérieures
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Considérant que l'ordonnance prononcée le 12 mars 2015 a déclaré caduc l'appel interjeté le 2 juin 2014 ;
Considérant que l'article 908 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret du 28 décembre 2010 vise la caducité non de l'appel mais de la déclaration d'appel ; que la caducité de la première déclaration d'appel n'affecte donc pas le droit d'action de l'appelant ; qu'un nouvel appel peut dès lors être formé si le délai est demeuré ouvert ; que tel est le cas en l'espèce compte tenu de la date de signification du jugement ;
Mais considérant qu'en l'espèce, la société d'entraînement a interjeté son second appel, contre la même partie, le 13 février 2015 alors qu'il n'avait pas été statué sur la caducité de sa déclaration d'appel formée le 2 juin 2014 et qu'elle n'avait pas reconnu cette caducité ;
Considérant qu'est donc en cause l'existence d'un second appel interjeté alors que l'instance initiée par le premier était toujours en cours ;
Considérant, d'une part, que l'appel a pour objet de soumettre à la cour d'appel un jugement ; qu'il s'effectue par une déclaration ; que le jugement querellé était donc déjà soumis à la cour par la déclaration du 2 juin 2014 ; qu'il ne peut dès lors lui être de nouveau soumis par un appel identique; que l'adage « appel sur appel ne vaut » interdit de saisir une seconde fois, d'un même appel, la juridiction d'appel alors que celle-ci est déjà saisie ;
Considérant, d'autre part, que l'intérêt à agir s'apprécie au jour de l'appel ; que le jugement critiqué était soumis à la cour par l'effet de la déclaration du 2 juin 2014 ; que la société d'entraînement n'avait pas, le 13 février 2015, d'intérêt à déférer une seconde fois ce même jugement ;
Considérant, par conséquent, que, comme le soutient l'intimée, la société d'entraînement a, par sa déclaration du 2 juin 2014, épuisé son droit d'appel et ne l'a recouvré que lorsqu'il a été mis fin à l'instance engagée par cette déclaration ;
Considérant qu'il ne sera dès lors pas fait droit au déféré ;
Considérant qu'en équité, la demande formée par l'intimée au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée ;
PAR CES MOTIFS
Contradictoirement,
Rejette le déféré,
Rejette la demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société d'entraînement Carlos et Yann Lerner aux dépens,
Autorise Maître Assoumou Ella à recouvrer directement à son encontre ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Alain PALAU, Président et par Monsieur BOUTEMY, Faisant Fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier f.f., Le président,