COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
AP
Code nac : 30C
12e chambre section 2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 03 MAI 2016
R.G. N° 14/06654
AFFAIRE :
SA LIONSBRIDGE ESTATES
C/
SASU TECHNICOLOR ENTERTAINMENT SERVICES FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 30 Juin 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 14/01557
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-Me Martine DUPUIS
-Me Patricia MINAULT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TROIS MAI DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA LIONSBRIDGE ESTATES
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1453649
Représentant : Me Olivier LAUDE de l'ASSOCIATION Laude Esquier Champey, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R144
APPELANTE
****************
SASU TECHNICOLOR ENTERTAINMENT SERVICES FRANCE
N° SIRET : 530 24 8 9 055
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20140480
Représentant : Me Paul TALBOURDET de l'AARPI DE PARDIEU BROCAS MAFFEI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R045 - substitué par Me DE COINCY
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Mars 2016 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Alain PALAU, Président,
Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,
Monsieur François LEPLAT, Conseiller,
Greffier F.F., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY,
Courant 2004, la société Lionsbridge Estates a acquis un immeuble situé [Adresse 3].
Par acte du 20 décembre 2004, elle a donné à bail commercial ce bien à la société Les Auditoriums de Joinville.
Le bail est d'une durée de 12 ans ferme à compter du 1er janvier 2005.
Le contrat mentionne que le bail est à usage de bureaux et d'activité et que l'activité du preneur est la post production cinématographique.
Le loyer annuel est fixé en principal à 900.000 euros.
Par jugement du 1 er décembre 2011, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure collective à l'encontre de la société locataire qui a été placée en liquidation judiciaire.
La société Technicolor Entertainment Services France, ci-après désignée TESF, a présenté une offre de reprise partielle des actifs de la société.
Par lettre du 9 janvier 2012, la société TESF, a écrit à la société Lionsbridge :
« Nous vous confirmons notre discussion de ce jour relative à la cession au profit de mon client, la société TESF, du bail conclu le 20 décembre 2004'
Le cadre juridique de cette reprise est défini par l'article L 642-7 du code de commerce à savoir une cession judiciaire à TESF du bail aux conditions en vigueur.
Ceci étant, nous sommes convenus que la succession des preneurs dans ce cadre supposait une clarification de certaines obligations respectives du bailleur et du preneur ».
Elle a demandé, notamment, la réalisation d'un constat d'huissier à son entrée dans les lieux de manière à disposer d'un état des lieux d'entrée et à définir ce qui relevait des obligations du précédent preneur.
Elle a ajouté qu'elle ne saurait supporter la charge des travaux de mise aux normes qui auraient dû être exécutés avant sa date d'entrée en jouissance et que toute mise aux normes postérieure non liée à son activité ne sera pas à sa charge.
Elle a conclu :
« Sous le bénéfice de ce qui précède, TESF est disposé à répondre favorablement à votre demande d'une garantie locative dans les termes de l'article 7 (non applicable au preneur actuel) sous la forme d'un dépôt de garantie et ce en contrepartie du rétablissement du droit de résiliation triennale, la période triennale en cours prenant fin le 31 décembre 2013.
Si vous nous confirmez votre accord sur ce qui précède, nous vous remercions de bien vouloir nous retourner une copie de la présente assortie de votre signature'
Dès le prononcé du jugement en faveur de ses offres, mon client se tient à votre disposition pour convenir de la meilleure manière de formaliser leurs relations contractuelles à venir dans le cadre du transfert du bail aux conditions en vigueur sous réserve des précisions ainsi apportées ».
La société Lionsbridge a apposé la mention « bon pour accord ».
Par jugement du 20 janvier 2012, le tribunal a ordonné la cession d'une partie des actifs de la société Les Auditoriums de Joinville à la société Technicolor TESF.
La société TESF s'est installée dans les locaux loués.
Par deux courriers des 21 février et 7 mars 2012, la société Lionsbridge a déclaré que cette occupation était illicite et a demandé le départ de la société. Elle a exposé que son accord était soumis à la condition suspensive de la cession judiciaire du bail et que le jugement ne comportait aucune mention du bail et, a fortiori, de son transfert. Elle en a conclu que la lettre du 9 janvier 2012 était caduque et ne pouvait régir leurs relations.
Les parties ont échangé des courriers.
Par lettre du 7 mai 2012, la société Lionsbridge a rappelé le désaccord sur l'interprétation de la lettre du 9 janvier et que la société TESF ne souhaitait pas la reformuler.
Elle poursuit :
« Dans un souci de pragmatisme, nous prenons également acte aujourd'hui que le contrat de bail conclu le 20 décembre 2004' vous a été transféré par l'effet du jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 20 janvier 2012.
Nous vous indiquons par conséquent, sans la moindre ambiguïté, que nous n'entendons plus remettre en cause la portée de ce transfert de contrat de même que nous n'entendons plus remettre en cause la validité de la lettre du 9 janvier 2012 (et ce indépendamment des divergences qui pourront subsister quant à l'interprétation de cette lettre, divergences qui devront être réglées le moment venu).
Il en résulte que la société TESF doit être considérée comme rétroactivement titulaire des droits et obligations résultant du contrat de bail du 20 novembre 2004, tel qu'amendé par l'effet de la lettre du 9 janvier 2012'
Il appartient désormais à votre société de respecter strictement les termes de cet ensemble contractuel. »
Elle lui a adressé des factures au titre des loyers et du dépôt de garantie.
Par lettre du 18 juin 2013 et acte d'huissier du 19 juin 2013, la société TESF a demandé la révision du loyer conformément à l'article L 145-39 du code de commerce et sa fixation à la somme de 605.000 euros.
Par acte du 17 décembre 2013, la société TESF a fait assigner la société Lionsbridge devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Nanterre.
Par jugement du 30 juin 2014, le juge des loyers commerciaux a déclaré la demande recevable et ordonné une expertise.
L'expert, Monsieur [J], a déposé son rapport le 15 décembre 2015.
Par déclaration du 2 septembre 2014, la société Lionsbridge Estate a interjeté appel.
Dans ses dernières écritures portant le numéro 2 en date du 1 er février 2016, la société Lionsbridge Estates conclut à l'infirmation du jugement.
Elle demande que la société TESF soit déclarée irrecevable en sa demande et qu'elle soit déboutée de toutes ses demandes.
Elle réclame le paiement d'une somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle indique que, par acte du 8 août 2013, la société TESF l'a fait assigner devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre aux fins d'être autorisée à effectuer aux frais du bailleur les travaux visés dans son courrier du 27 mars 2013 et à condamner celui-ci à lui payer la somme provisionnelle de 2.063.884,29 euros à cet effet.
La société décrit l'immeuble, relève que la société TESF était actionnaire à hauteur de 17,50% de la société Quinta Industries qui détenait 90% de la société Duran détentrice du capital de la société Les Auditoriums de Joinville, conteste que le loyer était « de convenance » et rappelle les divers courriers.
Elle souligne que le tribunal de commerce n'a pas ordonné le transfert du contrat de bail et affirme qu'il ne résulte pas de l'accord du 7 mai que le bail a été transféré à l'intimée par le jugement. Elle considère qu'il en résulte simplement que les sociétés sont liées par un contrat de bail commercial formalisé par la lettre d'accord du 9 janvier 2012 qui renvoie pour l'essentiel aux termes du bail et les incorpore.
Elle reprend les termes du bail.
Elle reproche à l'expert d'avoir déposé prématurément son rapport qu'elle critique.
La société rappelle l'article L 145-39 du code de commerce et souligne que la variation du loyer doit s'apprécier « par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire ».
Elle fait valoir que cette appréciation suppose que les deux parties au contrat soient les mêmes lors de la dernière fixation du loyer et lorsqu'est invoquée l'augmentation. Elle en conclut, en cas de procédure collective du preneur, que le bail doit avoir été transféré judiciairement.
Elle ajoute que le loyer précédemment fixé contractuellement peut être le loyer d'origine ou celui résultant de la dernière modification contractuelle convenue entre les parties qui peut résulter d'une modification de tous éléments dont le changement de consistance des lieux, la durée de la location ou la modification du loyer. Elle fait valoir qu'ainsi que la doctrine le « suggère », l'accord du preneur pour prendre en charge un dépôt de garantie indexé à la clause d'échelle mobile s'analyse comme une nouvelle fixation contractuelle du loyer.
Elle soutient que la demande de révision est irrecevable.
Elle affirme qu'en l'absence de cession judiciaire du bail, la lettre accord du 9 janvier 2012 fixe pour la première fois le loyer contractuel.
Elle rappelle qu'aux termes de l'article L 642-7 du code de commerce, la cession judiciaire d'un contrat à un candidat repreneur nécessite que le contrat soit expressément visé par le jugement. Elle affirme, citant un arrêt de la cour de cassation, qu'à défaut d'une telle décision, la poursuite volontaire des relations contractuelles doit être qualifiée de « nouveau contrat » avec reprise, le cas échéant, des conditions du précédent contrat.
Elle en conclut que le contrat exécuté depuis le 21 janvier 2012 n'est pas le contrat signé le 20 décembre 2004.
Elle déclare que les parties ont convenu que la société TESF pourrait louer les locaux dans les conditions prévues aux termes de la lettre accord mais soutient qu'il ne peut s'agir d'un avenant qui poursuivrait le bail, celle-ci n'étant pas signée par les mêmes parties et la société TESF ne pouvant être considérée comme l'ayant droit ou le successeur de la société Les Auditoriums de Joinville, le bail n'ayant pas fait l'objet d'une cession.
Elle fait valoir que les parties sont liées par un nouveau contrat de bail commercial dont le contenu correspond à la lettre accord du 9 janvier 2012 et au bail initial.
Elle conclut de la nouveauté de ce contrat de bail sui generis que la variation du loyer doit s'apprécier non par rapport au loyer fixé par le bail mais par rapport à celui fixé dans la lettre accord. Elle souligne que, par le jeu de l'échelle mobile, ce loyer n'a pas progressé de plus de 25% et, donc, que les conditions de l'article L 145-39 du code de commerce ne sont pas remplies.
En réponse à l'intimée, elle affirme que sa demande n'est pas nouvelle en cause d'appel et rappelle, se prévalant d'arrêts, qu'en application des articles 563 et 565 du code de procédure civile, elle peut présenter des moyens nouveaux même si ceux-ci modifient substantiellement les termes du débat dès lors que la demande initiale n'est pas modifiée.
Elle relève qu'elle avait demandé au premier juge de constater que les conditions d'application de l'article L 145-39 n'étaient pas remplies car le point de départ du calcul doit être fixé au 9 janvier 2012. Elle observe qu'elle avait alors demandé de constater que la lettre accord avait eu pour effet de modifier contractuellement le loyer initialement fixé. Elle en infère qu'il s'agit d'un nouveau moyen fondé sur l'absence de cession judiciaire du bail à l'appui d'une demande identique, le moyen initial étant maintenu à titre subsidiaire.
Elle conteste le moyen tiré de la violation du principe de l'estoppel, ce principe ne s'appliquant qu'aux moyens échangés dans le cadre de débats judiciaires et l'intimée invoquant un courrier. Elle ajoute, citant deux arrêts, que ce principe ne peut faire obstacle au droit pour une partie d'invoquer des moyens nouveaux en cause d'appel.
Elle considère que le fait que le bail soit visé aux termes de l'offre de reprise ne signifie pas qu'il a été transféré par l'effet du jugement. Elle affirme que l'article de doctrine visé par la société TESF porte sur le seul périmètre des biens judiciairement cédés alors que la cession judiciaire des contrats obéit à des règles différentes, l'article estimant que la mention du contrat litigieux dans l'offre de cession est insuffisante. Elle prétend que l'arrêt du 15 mai 2001 invoqué n'est pas transposable car le jugement prévoyait expressément le transfert des contrats en cours. Elle rappelle que la société TESF a demandé, dans son offre, le transfert à son profit des contrats indispensables à son activité mais que le tribunal n'y a pas fait droit, jugeant au contraire qu'elle en ferait son affaire personnelle. Elle ajoute que si le tribunal avait envisagé d'ordonner la cession judiciaire du bail, il l'aurait convoquée.
Elle soutient que l'acte de cession partielle du fonds de commerce du 10 juillet 2012 signé par l'administrateur judiciaire de la société Les Auditoriums de Joinville n'emporte pas cession judiciaire du bail. Elle fait valoir que l'article L 642-8 confie à l'administrateur le soin de passer « en exécution du plan arrêté par le tribunal » les seuls actes « nécessaires à la réalisation de la cession ». Elle se prévaut d'un arrêt aux termes duquel ces actes « ne peuvent avoir pour effet de modifier le contenu du plan homologué ». Elle en conclut que les transferts d'actifs doivent être opérés par des actes passés conformément au jugement et ne peuvent introduire des dispositions nouvelles. Elle estime donc que le fait que l'acte de cession partielle vise le bail au titre des contrats repris lui est inopposable étant rappelé au surplus qu'elle n'est pas partie à cet acte. Elle ajoute que le l'acte précise que les termes du bail ont été modifiés par l'accord signé le 9 janvier 2012 et en infère que les parties n'ont été liées entre elles que par l'effet du contrat qu'elles ont conclu, soit la lettre accord du 9 janvier 2012. Elle qualifie d'arrêt d'espèce l'arrêt du 27 octobre 1998 invoqué, le cessionnaire s'étant alors engagé à reprendre le contrat et ayant poursuivi le contrat existant alors qu'en l'espèce, elles ont modifié les termes par l'effet du nouvel accord conclu avant le jugement de cession.
Elle conteste que les parties se soient « entendues » sur le transfert judiciaire du bail. Elle déclare qu'il n'est pas du pouvoir des parties de décider que le bail a été transféré par l'effet du jugement alors qu'il ne l'a pas été sauf à considérer que les parties peuvent conférer à une décision de justice des effets juridiques que celle-ci ne prévoit pas. Elle rappelle l'arrêt précité aux termes duquel la poursuite des relations contractuelles correspond à un nouveau contrat. Elle estime que tel est le cas, la lettre accord correspondant à un nouveau contrat de bail commercial conclu entre les parties et renvoyant pour l'essentiel aux termes du bail en ce compris sa durée.
A titre subsidiaire, elle soutient que la lettre accord correspond à une nouvelle fixation contractuelle du loyer.
Elle affirme qu'elle a eu pour effet de modifier contractuellement le loyer compte tenu du versement d'un dépôt de garantie égal à un quart du loyer annuel. Elle fait valoir que le dépôt de garantie est soumis à la même clause d'échelle mobile que le loyer principal et qu'il correspond à un supplément de loyer. Elle soutient qu'il est sans incidence qu'il soit restituable dès lors qu'il est soumis à la clause d'échelle mobile.
Elle ajoute que la lettre accord prévoit la charge des travaux de mise aux normes et un droit de résiliation triennal. Elle considère que ces deux modifications ont substantiellement modifié l'économie du bail ce qui a conduit à une nouvelle fixation contractuelle du loyer.
Elle en conclut que le point de départ à retenir est le 9 janvier 2012 et que doit être retenu le montant du loyer ainsi fixé. Elle déclare que cette fixation peut résulter de toute modification des termes du bail et estime indifférent que le loyer de référence ne résulte pas directement des termes de l'accord. Elle soutient, citant un arrêt de la cour d'appel de Paris, que les parties peuvent convenir d'une nouvelle fixation correspondant exactement au montant du loyer résultant de l'indice. Elle estime que les parties se sont accordées sur ce prix nécessairement nouveau dès lors que la société TESF était étrangère, jusque-là, au bail initial. Elle fait état d'une variation de 1, 4% depuis cette date, inférieure à 25%.
Elle s'oppose à la demande de dommages et intérêts compte tenu du droit de proposer de nouvelles défenses.
Dans ses dernières écritures portant le numéro 2 en date du 2 février 2016, la société TESF conclut à l'irrecevabilité des demandes tendant à constater que le bail n'a pas été cédé judiciairement et en conséquence, que la société TESF ne peut invoquer à son profit les dispositions du bail conclu le 20 décembre 2004 et que la lettre accord du 9 janvier 2012 a donné naissance à un nouveau contrat.
Elle demande la confirmation du jugement et sollicite le rejet des demandes de l'appelante.
Elle réclame le paiement des sommes de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et appel abusif et de 12.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société rappelle le bail, la procédure collective ouverte, son offre de reprise et les échanges intervenus entre les parties. Elle déclare que, dans sa lettre du 7 mai 2012, la société Lionsbridge a expressément reconnu que le bail avait été judiciairement cédé à la société TESF. Elle ajoute que, par acte du 10 juillet 2012, l'administrateur de la société les Auditoriums de Joinville a procédé, en présence de la société Lionsbridge, à la cession partielle du fonds de commerce de cette société incluant le bail des locaux. Elle en conclut que, par l'effet du jugement du 20 janvier 2012, elle a pris la suite de la société Les Auditorium de Joinville au titre du bail avec tous les droits et obligations qui y sont rattachés dont celui de faire réviser le loyer.
Elle soutient que sa demande de révision du loyer est recevable, le montant de celui-ci ayant été majoré de plus de 25%depuis la prise d'effet du bail, le 1 er janvier 2006.
Elle relève que, pour la première fois en cause d'appel, l'appelante soutient que la lettre avenant du 9 janvier 2012 ne constitue pas un avenant au bail mais un nouveau bail incorporant les termes du contrat de bail initial. Elle observe que, dans ses conclusions du 22 mai 2014, la société écrivait que la lettre accord du 9 janvier 2012 constituait un avenant au bail et dénommait « Avenant » la lettre du 9 janvier.
Elle soutient que les demandes tendant à constater que le bail n'a pas été cédé judiciairement et en conséquence, que la société TESF ne peut invoquer à son profit les dispositions du bail conclu le 20 décembre 2004 et que la lettre accord du 9 janvier 2012 a donné naissance à un nouveau contrat sont des demandes nouvelles en cause d'appel et irrecevables tant en application des articles 563 et suivants du code de procédure civile que du principe de l'estoppel selon lequel nul ne peut se contredire aux dépens d'autrui. Elle rappelle que le principe de l'estoppel s'applique également aux moyens invoqués.
Elle fait valoir que la société Lionsbridge a expressément admis que le bail lui a été cédé par l'effet du jugement du 20 janvier 2012. Elle considère qu'il résulte de la lettre du 9 janvier qu'il n'a jamais été question dans l'esprit des parties de conclure un nouveau bail. Elle souligne que la durée d'un bail commercial ne peut être inférieure à 9 ans alors que le prétendu nouveau bail ne respecterait pas cette durée.
Elle soutient, en outre, que le bail a été expressément cédé par l'acte du 10 juillet 2012 signé par l'administrateur judiciaire.
Elle fait valoir que, même s'il n'y avait pas cession judiciaire, il y aurait eu cession conventionnelle, la volonté de l'ensemble des parties- les sociétés Lionsbridge, TESF et Les Auditoriums de Joinville- étant de transférer le bail à la société TESF.
Elle cite la doctrine et un arrêt du 27 octobre 2008 aux termes desquels en l'absence de mention expresse dans le jugement, la cession du contrat peut résulter de la poursuite de la relation contractuelle.
Elle fait valoir que le jugement se réfère à son offre ' qui incluait le bail dans le périmètre de la reprise- en ordonnant la cession à son profit des actifs « conformément à son offre ». Elle estime que le périmètre de la cession peut être déterminé dans le jugement par renvoi à l'offre.
En tout état de cause, elle soutient, citant un auteur et un arrêt, que l'absence de mention dans le jugement n'emporte pas mise à l'écart de la cession du contrat si la cause essentielle de la cession repose sur sa continuation. Elle considère qu'à suivre le raisonnement de l'appelante, le jugement du 20 janvier 2012 serait vidé de toute substance car aucun actif ne lui aurait été cédé.
Elle conteste donc que la lettre avenant constitue la conclusion d'un nouveau bail et, donc, la date d'appréciation de la variation du loyer.
L'intimée réfute la demande subsidiaire fondée sur la fixation d'un nouveau loyer dans la lettre avenant du 9 janvier.
Elle souligne que le montant du nouveau loyer n'a pas été fixé dans l'avenant et que l'intégration du dépôt de garantie dans le calcul de la variation n'est qu'une analyse développée au conditionnel par un auteur qui se place dans l'hypothèse où le seul critère d'exclusion serait l'absence d'application de la clause d'échelle mobile.
Elle soutient que la lettre avenant ne modifie pas le loyer. Elle rappelle la nature du dépôt de garantie-une sûreté réelle soit un gage avec dépossession- portant sur une somme d'argent. Elle estime qu'il ne constitue donc pas un prix visé par l'article L 145-39 mais une garantie ayant vocation à être restituée. Elle en conclut que son accord sur la constitution d'une garantie ne peut constituer une modification contractuelle du montant du loyer ni en théorie ni en l'espèce, le montant du dépôt n'étant pas documenté.
Elle ajoute que ni les dispositions relatives aux travaux de mise aux normes ni celles afférentes à la résiliation ne peuvent valoir nouvelle fixation contractuelle du loyer.
Elle en conclut que le « prix précédemment fixé contractuellement » est celui qui a été fixé lors de la conclusion du bail le 20 décembre 2004.
Elle fait état d'une légèreté blâmable et d'une intention de nuire.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 février 2016.
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Sur la recevabilité du moyen fondé sur l'absence de cession du bail
Considérant que ce moyen est soulevé pour la première fois en cause d'appel ;
Mais considérant que l'article 563 du code de procédure civile permet à une partie d' « invoquer des moyens nouveaux » en cause d'appel et que l'article 565 du code de procédure civile précise que les « prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent » ;
Considérant que le moyen litigieux tend à faire déclarer irrecevable la demande de révision présentée ; qu'il a donc la même fin que le moyen soulevé initialement devant le juge des loyers commerciaux ;
Considérant que l'appelant est donc en droit de le soulever ;
Considérant que le principe de l'estoppel ne peut faire obstacle au droit pour une partie d'invoquer des moyens nouveaux en cause d'appel ;
Considérant que le moyen développé à titre principal par l'appelant est donc recevable ;
Sur le fond
Considérant qu'aux termes de l'article L 145-39 du code de commerce, l'action en révision n'est recevable que si le loyer a varié de plus d'un quart « par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire » ;
Considérant qu'il appartient à la société TESF, demanderesse, de démontrer cette variation ; qu'il est constant que cette condition est remplie si le loyer « précédemment fixé » est celui résultant du bail du 20 décembre 2004 ;
Sur le transfert du bail
Considérant qu'aux termes de l'article L 642-7 du code de commerce, le tribunal détermine les contrats nécessaires au maintien de l'activité au vu des observations des cocontractants du débiteur et son jugement emporte cession de ceux-ci ;
Considérant que le jugement du 20 janvier 2012 n'a ni « déterminé » le contrat de bail comme « nécessaire » ni recueilli les observations du bailleur ;
Considérant que le renvoi à l'offre de TESF ne vaut pas cession du bail ;
Considérant que le jugement a, au contraire, « dit que TESF fera son affaire personnelle du transfert des contrats nécessaires à la reprise » ;
Considérant que ce jugement n'entraîne donc pas cession du contrat de bail ;
Mais considérant que les parties peuvent convenir contractuellement du transfert du bail ;
Considérant que, quand bien même la lettre du 9 janvier 2012 ne vaudrait pas accord sur un tel transfert, la société Lionsbridge a, dans son courrier du 7 mai 2012, reconnu « sans la moindre ambiguïté » qu'elle « n'entend[ait]plus remettre en cause la portée de ce transfert » et que la société TESF devait « être considérée comme rétroactivement titulaire des droits et obligations résultant du contrat de bail du » 20 décembre 2004 tel qu'amendé par l'effet de la lettre du 9 janvier 2012 ; que, dans cette même lettre, elle a fait état de « cet ensemble contractuel » ; qu'il est constant que les conditions de cet « ensemble » ont été remplies ;
Considérant que les termes employés par la société Lionsbridge elle-même sont dépourvus de toute ambiguïté ; qu'ils démontrent que les parties ont convenu non d'un nouveau bail mais d'un transfert de celui conclu le 20 décembre 2004 ;
Considérant qu'il résulte de ce courrier non que les sociétés Lionsbridge et TESF ont donné à un jugement un effet qu'il n'emporte pas mais qu'elles ont convenu expressément du transfert du bail du 20 décembre 2004 à la société TESF ;
Considérant qu'une telle cession conventionnelle est régulière ;
Considérant que, par l'acte du 10 juillet 2012, la société Les Auditoriums de Joinville a cédé notamment son droit au bail à la société TESF ;
Considérant qu'il résulte donc de cet acte et de la lettre de la société Lionsbridge en date du 7 mai 2012 que le bail du 20 décembre 2004 a été transféré à la société TESF ; que celle-ci peut dès lors, de ce chef, exciper du loyer alors fixé ;
Sur la fixation d'un nouveau loyer
Considérant qu'aux termes de « l'ensemble contractuel » liant les parties, la société TESF a versé un dépôt de garantie réajusté proportionnellement au nouveau loyer ;
Mais considérant qu'un dépôt de garantie, fût-il réajusté proportionnellement au loyer, constitue une sûreté réelle, un gage avec dépossession qui a vocation à être restitué ;
Considérant que la constitution d'une garantie ne correspond pas à une modification du loyer ;
Considérant que les modifications tirées de la charge des travaux ou de la faculté de résiliation triennale sont sans incidence sur le loyer ;
Considérant qu'aucun loyer n'a donc été fixé à la suite des accords intervenus entre les sociétés TESF et Lionsbridge ;
Sur les conséquences
Considérant qu'il résulte des développements ci-dessus que « le prix précédemment fixé contractuellement » est celui fixé lors de la conclusion du bail le 20 décembre 2004 ;
Considérant qu'au vu de son augmentation supérieure à un quart, la demande de révision est recevable ;
Considérant que le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que la résistance et l'appel de la société Lionsbridge Estates ne revêtent pas un caractère abusif ;
Considérant qu'elle devra payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que, compte tenu du sens du présent arrêt, sa demande aux mêmes fins sera rejetée ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort,
Déclare recevable le nouveau moyen de la société Lionsbridge Estate,
Le rejette
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
Condamne la SA Lionsbridge Estates à payer à la SARL Technicolor Entertainment Services France la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne la société Lionsbridge Estates aux dépens,
Autorise Maître Minault à recouvrer directement à son encontre les dépens qu'elle a exposés sans avoir reçu provision,
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Alain PALAU, Président et par Monsieur BOUTEMY, Faisant Fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier f.f., Le président,