COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
Chambre sociale 4-3
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 29 AVRIL 2024
N° RG 21/02220 -
N° Portalis DBV3-V-B7F-UUCD
AFFAIRE :
[T] [X]
C/
Association HANDI VAL DE SEINE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de POISSY
N° Section : E
N° RG : 19/00211
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Savine BERNARD de la SELARL BERNARD & VIDECOQ
Me Sylvia FOURMONT
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [T] [X]
née le 21 Avril 1973 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentant : Me Savine BERNARD de la SELARL BERNARD & VIDECOQ, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0138 substitué à l'audience par Me François BRUNEL, avocat au barreau de BAYONNE
APPELANTE
****************
Association HANDI VAL DE SEINE prise en la personne de son représentant légal
N° SIRET : 390 074 193 00116
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Sylvia FOURMONT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1247
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence SINQUIN, Président,
Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseiller,
Madame Michèle LAURET, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,
FAITS ET PROCÉDURE
Handi Val de Seine est une association dont l'objet est de répondre aux besoins et d'accompagner les personnes souffrant de handicap mental et/ou psychique. Elle compte plus de 400 salariés.
Mme [X] a été engagée à compter du 15 janvier 2007 par l'association Handi Val de Seine en qualité de chef de service éducatif par contrat à durée indéterminée. Son temps de travail était de 35 heures par semaine, moyennant une rémunération mensuelle brute de 3'114,60 euros. Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.
A compter du 1er novembre 2009, elle a été promue sur le poste de directrice d'établissement, cadre de classe 1 et de niveau II, affectée au SESSAD [5] [Localité 6].
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 juillet 2018, l'association Handi Val de Seine a convoqué Mme [X] à un entretien préalable à un licenciement, qui s'est tenu le 6 août 2018, et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.
Par lettre recommandé avec accusé de réception du 9 août 2018, l'association Handi Val de Seine a notifié à Mme [X] son licenciement pour faute grave en ces termes':
«'Madame,
En date du 16/07/2018, suite à différents événements, je vous ai adressé une convocation à entretien préalable à éventuel licenciement pour faute grave étant entendu qu'une mesure de mise à pied à titre conservatoire vous avait également été notifiée avec prise d'effet le 13/07/2018. L'entretien préalable était prévu le 06/08/2018 et vous vous y êtes présentée accompagnée de l'une de vos collègues, Mme [U], Directrice de la MAS [7] de l'Association.
Aujourd'hui, au regard de la situation, je suis au regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave aux motifs suivants :
- Pratiques managériales harcelantes, allant totalement à l'encontre des valeurs associatives, générant de la souffrance au travail chez plusieurs salariés,
- Comportements inappropriés, mensongers et manipulatoires, de nature, en outre, à nous faire perdre toute confiance dans votre capacité à diriger l'un quelconque de nos établissements,
- Non-respect de la demande du Siège portant sur l'élaboration d'un plan d'action suite à la situation critique de juillet 2017 participant à la dégradation des relations sociales actuelles,
- Absence totale de remise en cause.
Lors de notre entretien, je vous ai tout d'abord exposé les faits qui sont les suivants :
- Pour rappel, vous avez été embauchée le 15 janvier 2007 sur le poste de Chef de service éducatif à la MAS [7], puis, le 1 octobre 2009, vous avez été promue au poste de Directrice du SESSAD [5].
- Le 28 mai 2018, une demande d'enquête pour harcèlement et risques graves a été adressée au CHSCT de I'IME par 2 salariées du SESSAD,
- Le 31 mai 2018, lors de la réunion CHSCT, il a été décidé de convoquer un CHSCT extraordinaire pour prendre connaissance des éléments et définir la réponse à y apporter,
- Le 12 juin 2018, lors de la réunion extraordinaire, le CHSCT a convenu qu'une enquête serait menée auprès de l'ensemble des salariés du SESSAD par une Commission d'enquête composée de 2 membres du CHSCT de I'IME, de la DRH de l'Association et de la Chargée de mission RH (pour la rédaction des comptes rendus). Les thèmes abordés seraient les suivants :
*Organisation et cadre de travail,
*Communication,
*Management,
*Accompagnement et formation des salariés.
- L'enquête a été menée du 2 au 5 juillet avec 21 salariés reçus et 23 questionnaires individuels retournés (sur 24 salariés),
- A l'issue de cette enquête, la Commission a conclu dans son rapport que : « au terme d'un travail d'enquête minutieux, la Commission relève le bien-fondé de la demande des salariés du SESSAD d'une enquête pour risques graves. Elle met en avant la responsabilité de la Directrice dans cette situation, tant en termes arguant du fait que vous l'aviez concerté, aviez échangé avec lui sur cette formation au préalable et qu'il avait accepté votre projet, ce qui n'est pas le cas.
- Suite à votre mise à pied à titre conservatoire, vous avez eu des comportements inappropriés tels que :
*Tentative de déstabilisation des collègues
Ex: aller dire à une collègue qu'elle sera la suivante sur la liste des licenciements
*Menaces voilées au Directeur général sur l'impact que la mise à pied allait avoir sur l'image de *l'Association à l'extérieur, auprès des partenaires.
Lors de notre entretien, nous vous avons précisé que cette situation était source d'interrogations d'autant plus grandes que :
- Les éléments que vous apportez pour expliquer la situation sont en totale inadéquation avec les remontées des professionnels.
Ainsi, vous justifiez le climat social délétère par l'ouverture de l'unité TSA, la mise à la retraite du Dr [V] - médecin psychiatre, la résistance au changement de l'équipe et le recrutement de la Chef de service peu investie par l'équipe DI. Vous mettez également en avant le clivage entre l'unité TSA et l'unité DI.
Pourtant, le rapport de la commission d'enquête indique « une bonne communication horizontale entre les équipes » et constate que « la cohésion d'équipe existe, que les professionnels sont bienveillants entre eux et qu'on a le sentiment d'une seule équipe qui se soutient ». Il précise également que « la majorité de l'équipe ne fait aucune référence au départ du Dr [V] ou à l'ouverture de l'unité TSA pour expliquer le climat social actuel » et que « [E] [R] a bien investi sa fonction de Chef de service, qu'elle est reconnue et légitimée par l'équipe ».
- Il n'y a aucune remise en cause de votre part, bien au contraire, vos éléments d'explication portent uniquement sur des raisons exogènes (manque de soutien du Siège, charge de travail, résistance au changement de l'équipe, ouverture de l'unité TSA, départ en retraite du Médecin, etc.).
De même, nous vous avons indiqué que ce comportement était d'autant plus incompréhensible et inacceptable que :
- Vous êtes une Directrice expérimentée et qualifiée, bien au fait des missions et responsabilités liées à votre fonction, ainsi que de la charge de travail associée.
- Vous aviez déjà reçu une alerte en juillet 2017 et une demande explicite et formelle de revoir vos pratiques managériales.
Pour rappel, la situation était la suivante :
*Le 13 juin 2017, le Siège a reçu un courrier émanant de Mme [Z], Assistante de service social au SESSAD et relatant des agissements qualifiés par elle de harcèlement et d'humiliations.
*Le 27 juin 2017, la majorité des salariés ont envoyé un courrier co-signé pour signaler des atteintes du personnel de votre part.
Mme [S], la DRH, a alors mené une enquête qui a mis en lumière des pratiques managériale non conformes aux valeurs associatives.
*Le 12 juillet 2017, vous avez eu un entretien avec [M] [H], Directeur général, et cet échange été formalisé par un courrier de recadrage avec demande d'un plan d'action.
A noter : vous n'avez jamais envoyé votre plan d'action malgré plusieurs rappels de [M] [H] (ex: en janvier 2018 lors de votre entretien annuel puis en mars 2018). Ce n'est que le 6 juillet 2018 que vous avez adressé un plan d'action à la Commission d'enquête suite à votre audition.
- Depuis votre arrivée au sein de l'Association, vous avez bénéficié d'un accompagnement de qualité et conditions de travail privilégiées :
*Formation : vous avez suivi de nombreuses formations pour un montant total inscrit sur les plan de formation de près de 33 000 euros depuis 2007 dont, notamment :
Prise en charge du CAFERUIS pendant 2 ans avec obtention du diplôme en 2008
Prise en charge du CAFDES pendant 3 ans avec obtention du diplôme en 2012
*Vous bénéficiez de conditions de travail satisfaisantes qui se traduisent notamment par':
Une revalorisation de votre rémunération suite à l'obtention de vos diplômes
De nombreux congés par an: 25 jours de congés payés + 18 RTT + 18 jours de congés trimestriels
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'établissement s'avère impossible. Le licenciement prendra donc effet immédiatement à la date d'envoi de la présente, soit le 09/08/2018, sans indemnité de préavis ni de licenciement. Nous vous rappelons que vous faites l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire depuis le 13/07/2018. Par conséquent, la période non travaillée du 14/07/2017 au 09/08/2018, ne vous sera pas rémunérée. (...) ».
Par requête introductive du 9 août 2019, Mme [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Poissy d'une demande tendant à déclarer son licenciement nul et à solliciter des dommages et intérêts notamment pour non-respect de l'obligation de prévention des risques et en réparation d'un harcèlement moral.
Par jugement du 15 juin 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Poissy a :
- dit que le licenciement pour faute grave de Mme [X] par l'Association Handi Val de Seine est fondé sur une cause réelle et sérieuse.
- fixé la moyenne mensuelle des salaires en application des dispositions de l'article R.1454-28 du Code du travail à la somme de 3'763 euros (trois mille sept cent soixante-trois euros) bruts ;
- débouté Mme [X] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné Mme [X] à verser à l'Association Handi Val de Seine, la somme de : 100 euros (Cent euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamne Mme [X] aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d'exécution éventuels.
Mme [X] a interjeté appel de ce jugement par déclaration d'appel au greffe du 8 juillet 2021.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 janvier 2023.
Par arrêt du 15 juin 2023, la 21ème chambre sociale de la cour d'appel de Versailles a ordonné la réouverture des débats en application de l'article 339 du code de procédure civile devant une autre chambre et réservé tous les chefs de demande et les dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 31 janvier 2024.
Les parties n'ont pas donné suite à la proposition de médiation qui leur a été faite par le conseiller rapporteur lors de l'audience de plaidoiries.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 29 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé complet des moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [X] demande à la cour de':
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a':
* dit que le licenciement pour faute grave de Mme [T] [X] par l'Association Handi Val de Seine est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
* débouté Mme [T] [X] de l'ensemble de ses demandes
* condamné Mme [T] [X] à verser à l'association Handi Val de Seine la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné Mme [T] [X] aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d'exécutions éventuels.
Statuant à nouveau, il est demandé à la Cour de :
- condamner l'association Handi Val de Seine à verser à Mme [X] la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de prévention des risques (L4121-1 du code du travail),
- condamner l'association Handi Val de Seine à verser à Mme [X] la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral subi (L1152-1 du code du travail)
Sur la rupture du contrat de travail
- A titre principal,
* juger nul le licenciement de Mme [X]
* condamner l'association Handi Val de Seine à lui verser 45.157 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (L1152-2 du code du travail)
- A titre subsidiaire,
* juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme [X]
* condamner l'association Handi Val de Seine à lui verser 45.157 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement (articles 10 de la convention n°158 de l'OIT et 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996),
- En tout état de cause, condamner l'association Handi Val de Seine à lui verser les sommes suivantes :
* Indemnité compensatrice de préavis : 22.603,8 euros
* Congés payés afférents 2.260 euros
* Indemnité conventionnelle de licenciement : 45.207,60 euros
* Rappel sur mise à pied à titre conservatoire : 3.455 euros
* Congés payés afférent : 346 euros
- condamner l'association Handi Val de Seine aux entiers dépens et à verser à Mme [X] la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 12 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé complet des moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, l'association Handi Val de Seine demande à la cour de':
- recevoir l'Association Handi Val de Seine en ses écritures et l'y déclarer bien fondée,
- confirmer le jugement entrepris,
- débouter Mme [X], de toutes autres demandes, fins et conclusions,
- la condamner au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du CPC,
- la condamner aux entiers dépens.
MOTIFS
Sur le harcèlement moral
Sur le fondement d'un harcèlement moral, Mme [X] sollicite des dommages-intérêts à hauteur de 15 000 euros et conclut à la nullité de son licenciement.
L'association Handi Val de Seine conclut au débouté au motif que la salariée ne rapporte pas la preuve de la matérialité des faits allégués au soutien du harcèlement moral.
L'article L. 1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L. 1154-1, en sa version applicable au litige (du 1er mai 2008 au 10 août 2016)': «'Lorsque survient un litige relatif à l'application des et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'».
Il revient donc au salarié d'établir la matérialité des faits, à charge pour le juge d'apprécier si ces faits, pris en leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral. Dans la négative, le harcèlement moral ne peut être reconnu. Dans l'affirmative, il revient à l'employeur de prouver que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, à l'appui du harcèlement moral, Mme [X] allègue les faits suivants':
- Une surcharge de travail caractérisée par une pression sur le taux d'activité de l'association (pièce 8), des appels à candidatures à rédiger en plus de son travail de gestion quotidienne de l'équipe (pièce 10, 14 et 43), un sous-effectif dans l'équipe de direction du SESSAD (pièce 8),
- L'inaction d'Handi Val de Seine malgré ses alertes (pièces 18, 20 et 21), la plaçant dans une situation impossible': appliquer des directives avec des moyens insuffisants,
- L'animosité des personnels de l'ancienne équipe à son encontre (pièces 44 à 46),
- Son licenciement pour des faits de harcèlement moral, la rendant responsable d'une situation qu'elle avait pourtant anticipée en dénonçant les risques en amont.
Sur la surcharge de travail
Mme [X] établit au travers de sa pièce 8 que le taux d'occupation du SESSAD a progressé de 56,81 % en 2009 à 90 % en 2017, en corrélation avec l'ouverture après autorisation de l'ARS en novembre 2016 de 13 places d'accueil de personnes autistes au sein du SESSAD, projet qui a été porté par Mme [X], et qui a généré une charge de travail accrue en amont et lors de cette ouverture, selon les termes de son entretien annuel réalisé en 2017.
Néanmoins, la salariée n'établit pas au travers de ses pièces l'existence d'une surcharge de travail caractérisée par une pression sur le taux d'activité exercée par l'association, ni l'existence d'un sous-effectif, au regard du nombre d'ETPT qui a augmenté de 14,78 en 2009 à 21,28 en 2017, conformément aux besoins du service, et de la demande de recrutement exprimée par Mme [X], l'entretien annuel de 2017 établissant à ce titre que l'association a procédé à la création d'un poste de chef de service du SESSAD en la personne de [E] [R], cadre intermédiaire, conformément à la requête de Mme [X], mais également de 6 à 7 salariés afin de renforcer l'équipe.
Enfin, si Mme [X] était la seule cadre en charge de la gestion opérationnelle et stratégique du service jusqu'en 2017, elle n'a pas signalé l'existence d'une surcharge de travail lors des différents entretiens annuels, ni lors du dernier de 2017, postérieurement à l'ouverture de ces nouvelles places d'accueil.
Ce premier grief n'est donc pas établi.
Sur l'inaction de l'association Handi Val de Seine malgré ses alertes
Les pièces produites aux débats par Mme [X] n'établissent pas le grief allégué mais démontrent au contraire que l'association et en particulier M. [H], son directeur général, a donné suite à sa demande de recrutement de salariés, et d'une cheffe de service du SESSAD afin d'éviter un clivage au sein de l'équipe (clivage signalé par Mme [X] lors du point d'étape du 8 décembre 2016), et a répondu à l'ensemble des points de difficulté soulevés, tel que l'établit l'échange de mails des 8 et 10 mars 2017 produit aux débats. En particulier, d'une part, la direction de l'association a pris le relais de Mme [X] s'agissant du départ en retraite du Docteur [V] qui lui posait problème, d'autre part, elle a répondu sur la communication au sujet de l'occupation des préfabriqués et enfin concernant la réhabilitation des locaux.
Ce second grief n'est donc pas avéré.
L'animosité des personnels de l'ancienne équipe à son encontre
Le compte-rendu des échanges de la commission d'enquête mise en 'uvre par le CHSCT et le siège de l'association du 2 juillet 2018 révèle que certains salariés entendus ont fait état de l'agressivité de l'équipe envers la direction et d'un malaise au sein du service. Ce jour-même, Mme [X] a adressé un courriel à la direction de l'association faisant état de résistances massives au changement de l'ancienne équipe en lien avec des pratiques professionnelles en vigueur liées au courant psychanalytique, se heurtant aux nouvelles approches enseignées dans la prise en charge de l'autisme.
Le grief allégué est établi par les pièces produites.
Son licenciement pour des faits de harcèlement moral, la rendant responsable de la situation
Mme [X] a été licenciée pour faute grave le 9 août 2018 au motif de ses pratiques managériales harcelantes, de comportements inappropriés, du non-respect du plan d'action de juillet 2017 et d'une absence de remise en cause.
Il apparaît que le fait allégué par la salariée est avéré sur ce point.
Mme [X] ne produit aucune pièce médicale aux débats.
La cour considère que les deux faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, et non confortés par des éléments médicaux, ne laissent pas supposer l'existence d'un harcèlement moral susceptible d'avoir eu pour effet une dégradation de son état de santé.
En conséquence, le harcèlement moral invoqué par la salariée n'est pas établi, de sorte qu'il convient, par voie de confirmation, de rejeter la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral et de nullité du licenciement prononcé le 9 août 2018.
Sur les dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de prévention des risques
Mme [X] demande la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 15 000 euros pour violation par l'employeur de son obligation de prévention des risques, en soutenant que l'association Handi Val de Seine a mené une enquête déloyale à l'appui du licenciement pour faute grave, puisqu'elle est restée inactive face aux alertes qui lui avaient été faites dès le 8 décembre 2016 sur la dégradation des conditions de travail, que l'enquête diligentée n'a duré que trois jours, que les comptes-rendus d'entretien ne sont pas tous communiqués, de sorte qu'elle est privée de la possibilité de se défendre, que les conclusions de l'enquête sont tronquées et enfin que la direction l'accuse de harcèlement moral alors que telles n'étaient pas les conclusions du CHSCT.
L'association Handi Val de Seine conclut au débouté, en rappelant que deux enquêtes ont été menées, la première, en juillet 2017, à l'initiative de l'employeur, à la demande de Mme [Z], et la seconde, menée par le CHSCT, réalisée avec impartialité, ayant défini la méthodologie appliquée, et fait intervenir la CRAMIF pour évaluation. Elle ajoute ne pas être en mesure de communiquer les comptes-rendus d'entretien qu'elle n'a pas réalisés, et qui sont restés la propriété du CHSCT.
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En application de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers ses salariés, prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte de l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure et postérieure à l'ordonnance n°2017-1389 du 22 septembre 2017 et de l'article L. 4121-2 du même code dans sa rédaction antérieure et postérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, est distincte de la prohibition du harcèlement moral instituée par l'article L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle.
En l'espèce, la cour relève que l'association Handi Val de Seine a répondu aux risques de dégradation des conditions de travail signalés par Mme [X] dans son point d'étape de l'unité TSA du 8 décembre 2016 au travers de «'l'écueil majeur de clivage aussi bien chez les salariés qu'au sein des deux publics'». La salariée a en effet signalé à l'employeur qu'en tant que seule cadre hiérarchique, il était complexe d'être dans le pilotage et le management du service, la conduite et l'implication de l'équipe tout en rassurant cette dernière. Mme [X] a alors demandé, afin de remédier à ces difficultés et risques de clivage, que les premiers recrutements soient celui du chef de service et du psychologue coordonnateur de l'unité TSA pour aider au pilotage de cette ouverture.
Suite à cette demande, l'association a procédé à l'embauche de Mme [R] en qualité de chef de service du SESSAD, dès le début de l'année 2017.
Ensuite, les pièces produites aux débats démontrent que suite au signalement de faits de dénigrement, humiliation et harcèlement moral de Mme [Z] du 22 juin 2017, et de réclamations collectives faites par Mme [O] le 27 juin 2017, déléguée du personnel du SESSAD, cosignées par une dizaine de salariés ayant également donné lieu à la saisine de l'inspection du travail, l'employeur a mené une enquête en juillet 2017 et le directeur général a reçu Mme [X] pour un échange approfondi autour des bonnes pratiques managériales attendues afin que les relations professionnelles puissent redevenir sereines dans l'établissement. L'association a sollicité de Mme [X] la remise d'un plan d'action en juillet 2017, puis de nouveau le 18 mars 2018, auquel la salariée n'a donné suite que le 6 juillet 2018 en le transmettant au CHSCT dans le cadre de l'enquête menée pour risques graves.
Enfin, suite à la saisine par le Docteur [V] le 27 mai 2018, et d'un autre salarié, d'une demande d'enquête pour risques graves sur la situation de travail des salariés du SESSAD, les pièces produites aux débats démontrent que le CHSCT a décidé le 12 juin 2018 d'une commission d'enquête composée de 4 membres (le secrétaire et un autre membre du CHSCT, la DRH et un chargé de mission RH de l'association) afin de mener des entretiens individuels et collectifs, et de recueillir des questionnaires individuels, que les membres de la commission d'enquête ont co-signé ses résultats, bilans et analyses le 10 juillet 2018, et qu'une réunion du CHSCT s'est tenue le 12 juillet 2018 en présence de ses membres et de la CRAMIF afin de débattre des résultats de cette enquête.
Si Mme [X] estime que cette enquête est déloyale, pour autant celle-ci a été évaluée par la CRAMIF, qui a considéré que «'les trames de questionnaires étaient bien construites et les questions bien posées, que la méthodologie était bonne et que les résultats de l'enquête étaient complets, qui a estimé que la commission était restée neutre, avec des questions précises, sans jugement au départ, et que le résultat de l'enquête montre que ce n'est pas un cas isolé et qu'il y a une souffrance collective'», et la salariée a été longuement entendue par la commission d'enquête le 5 juillet 2018 afin de faire valoir son point de vue. Au vu de l'ensemble des pièces versées aux débats, la cour considère que l'enquête diligentée par le CHSCT n'encourt pas les griefs de déloyauté allégués par la salariée.
Par ailleurs, il ne peut être reproché à l'employeur de ne pas produire l'ensemble des comptes-rendus de l'enquête, puisqu'il ne les détient pas, au contraire de l'instance qui a mené les débats et n'est pas dans la cause.
En dernier lieu, les résultats de l'enquête du 10 juillet 2018, qui sont développés sur 11 pages et signés par l'ensemble des membres de la commission, sont très complets, de sorte que le grief tenant à leur caractère tronqué n'est pas établi.
En définitive, la cour retient que l'ensemble des éléments produits aux débats n'établit pas la preuve d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité à l'égard de Mme [X], l'association Handi Val de Seine ayant au contraire mené l'ensemble des diligences nécessaires à la préservation de la santé et de la sécurité des salariés du SESSAD et en particulier de Mme [X] dès qu'elle en a eu connaissance.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [X] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de prévention des risques sur le fondement de l'article L 4121-1 du code du travail.
Sur la faute grave
Il résulte de l'article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.
L'article L.1235-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Enfin, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et qui justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis. La charge de la preuve pèse sur l'employeur.
En l'espèce, à l'appui de la faute grave, l'association Handi Val de Seine allègue :
- des pratiques managériales harcelantes, allant totalement à l'encontre des valeurs associatives, générant de la souffrance au travail chez plusieurs salariés,
- des comportements inappropriés, mensongers et manipulatoires, de nature, en outre, à nous faire perdre toute confiance dans votre capacité à diriger l'un quelconque de nos établissements,
- le non-respect de la demande du Siège portant sur l'élaboration d'un plan d'action suite à la situation critique de juillet 2017 participant à la dégradation des relations sociales actuelles,
- une absence totale de remise en cause.
L'association Handi Val de Seine démontre au travers de l'ensemble des pièces produites aux débats la commission par Mme [X] d'une faute grave justifiant le licenciement notifié le 9 août 2018.
Il ressort en effet d'abord des résultats de la commission d'enquête menée par le CHSCT à partir de questionnaires, et d'entretiens tant individuels que collectifs sur les risques graves dénoncés par deux salariés sur quatre thématique (organisation et cadre de travail, management, communication, accompagnement et formation des salariés) des comportements inadaptés de la directrice, précisément détaillés aux termes du bilan du 10 juillet 2018, l'existence d'une situation de souffrance au travail vécue par les salariés mettant en cause la responsabilité de la directrice dans cette situation, tant en terme d'organisation du travail, de communication que de management, et alors qu'une première alerte avait été donnée un an auparavant. Il a été relevé dans ce bilan la totale inadéquation entre les éléments remontés par les salariés et l'analyse de la situation par la directrice, mettant en exergue un manque de remise en question.
La cour relève que les résultats de cette enquête ont été débattus lors d'une réunion du CHSCT du 12 juillet 2018, qui a noté le bien-fondé de la demande d'enquête et a constaté une souffrance au travail au regard de la défaillance des méthodes de management, de communication et de l'organisation du travail de Mme [X].
Contrairement à ce que soutient l'appelante, la commission d'enquête a noté que la majorité de l'équipe ne faisait aucune référence au départ du Docteur [V] ou à l'ouverture de l'unité TSA pour expliquer le climat social dégradé existant au sein du SESSAD.
En outre, l'association Handi Val de Seine établit que ces manquements graves reprochés aux termes de la lettre de licenciement ont fait l'objet d'une première alerte en juin 2017, puisqu'une enquête a été diligentée par la direction des ressources humaines à la demande d'une salariée, mais également suite aux réclamations collectives d'une déléguée du personnel soutenue en cela par une dizaine de salariés. Les suites de cette enquête, également sollicitées par l'inspection du travail auprès de l'association, ont fait l'objet de la part de l'employeur d'une demande de plan d'action auprès de Mme [X] en juillet 2017, et d'une relance en mars 2018, à laquelle la salariée n'a pas donné suite. Il convient de souligner que ce plan d'action n'a été finalement transmis par Mme [X] qu'en juillet 2018 à la commission d'enquête.
Il sera enfin relevé que les difficultés relationnelles de Mme [X] figurent également dans l'entretien annuel de Mme [X] de 2017 avec la mention de l'enquête harcèlement et la demande qui lui a été faite de 'proposer le plan d'action prévu et mentionné dans le courrier associatif du 17 juillet 2017'.
La cour retient que l'ensemble de ces faits objectifs, matériellement vérifiables et imputables à Mme [X], qui disposait d'une expérience de près de 10 ans dans ses fonctions de directrice d'établissement, démontré par l'association Handi Val de Seine, caractérise un manquement aux obligations contractuelles constitutif d'une faute grave justifiant la rupture immédiate du contrat sans exécution du préavis et ce, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation' ni de répondre à des conclusions que les constatations précédentes rendent inopérantes.
En conséquence, il y a lieu, par voie de confirmation du jugement entrepris, de débouter Mme [X] de ses demandes tendant à dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et à lui allouer des sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et congés afférents, outre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance. Il convient de condamner en outre Mme [X] aux dépens en cause d'appel.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner Mme [X] à verser la somme de 3 500 euros à l'association Handi Val de Seine en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Poissy du 15 juin 2021 en la totalité de ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Mme [X] à verser à l'association Handi Val de Seine la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne Mme [X] aux dépens en cause d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Laurence SINQUIN, Président et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,