COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 56B
Chambre commerciale 3-1
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 04 JUILLET 2024
N° RG 22/04077 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VIPZ
AFFAIRE :
S.A.S. FLORENT AZIOSMANOFF PRODUCTION
C/
S.A.S. GENY MOBILE ...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Mars 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 5
N° RG : 2020F01496
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Typhanie BOURDOT
Me Denis SOLANET
TC NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. FLORENT AZIOSMANOFF PRODUCTION
RCS Nanterre n° 539 061 473
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Typhanie BOURDOT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 644 et Me Giovanna NINO, Plaidant, avocat au barreau de Paris
APPELANTE
****************
S.A.S. GENY MOBILE
RCS Paris n° 529 450 363
[Adresse 1]
[Localité 3]
S.E.L.A.R.L. AJRS prise en la personne de Maître [I] [U], ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société GENY MOBILE
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentées par Me Denis SOLANET, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 384 et Me Maxime VIGNAUD du cabinet RENAULT THOMINETTE VIGNAUD & REEVE, Plaidant, avocat au barreau de Paris
S.E.L.A.R.L. AJRS prise en la personne de Maître [I] [U], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la GENY MOBILE
[Adresse 5]
[Localité 4]
Défaillante, déclaration d'appel signifiée à personne morale le 25 août 2022
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Avril 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller faisant fonction de président,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Madame Marietta CHAUMET, Vice-Présidente placée,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS Geny Mobile est un éditeur de logiciels et une société de services en environnement Android.
La SAS Florent Aziosmanoff Production (ci-après Aziosmanoff) est une société d'innovation technologique dans le secteur de l'art et la culture ; elle a pour activité de porter des 'uvres sur le marché de l'art animé en ayant en particulier recours aux technologies de l'intelligence artificielle.
En juillet 2019, la société Aziosmanoff a sollicité la société Geny Mobile aux fins de création et mise au point d'une adaptation du système d'exploitation Android pour les tablettes Samsung ('OS') permettant une visualisation interactive de l''uvre 'Mona Lisa' par les visiteurs du musée du [7].
Le 30 septembre 2019, la société Geny Mobile a adressé à la société Aziosmanoff une proposition commerciale pour le développement du logiciel pour un montant de 41.580 € TTC.
Par courriel du 3 octobre 2019, la société Aziosmanoff a accepté la proposition de la société Geny Mobile.
Le 28 octobre 2019, la société Geny Mobile a adressé une facture d'un montant de 41.580 € TTC à la société Aziosmanoff, laquelle a contesté la réalisation de la prestation et n'a pas payé ladite facture.
Le 7 janvier 2020, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Geny Mobile et a nommé la SELARL AJRS, prise en la personne de Me [I] [U], en qualité d'administrateur judiciaire.
Par courrier recommandé avec avis de réception daté du 10 février 2020, la société AJRS, ès qualités, a mis la société Aziosmanoff en demeure de lui régler la somme de 42.679,22 €, en vain.
Par acte du 14 septembre 2020, la société Geny Mobile a fait assigner en référé la société Aziosmanoff devant le tribunal de commerce de Nanterre.
A l'audience de référé du 29 octobre 2020, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé, au motif d'une contestation sérieuse, et a renvoyé l'affaire devant les juges du fond.
Par jugement contradictoire 29 mars 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- Condamné la SAS Florent Aziosmanoff à payer à la SELARL AJRS, prise en la personne de Maître [I] [U], ès qualités d'administrateur judiciaire de la SAS Geny Mobile, la somme de 41.580 € TTC, assortie d'un taux d'intérêt égal au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 28 octobre 2019 ;
- Condamné la SAS Florent Aziosmanoff à payer à la SELARL AJRS, prise en la personne de Maître [I] [U], ès qualités d'administrateur judiciaire de la SAS Geny Mobile, la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la SAS Florent Aziosmanoff aux dépens.
Par déclaration du 20 juin 2022, la société Florent Aziosmanoff Production a interjeté appel du jugement en en critiquant chacun de ces chefs.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 19 septembre 2022, la société Florent Aziosmanoff Production demande à la cour de :
- La juger recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et prétentions ;
- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions en ce qu'il a :
- Condamné la SAS Florent Aziosmanoff à payer à la SELARL AJRS, prise en la personne de Me [U], ès qualités d'administrateur judiciaire de la SAS Geny Mobile, la somme de 41.580 € TTC assortie d'un taux d'intérêt égal au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 28 octobre 2019 ;
- Condamné la SAS Florent Aziosmanoff à payer à la SELARL AJRS, prise en la personne de Me [U], ès qualités d'administrateur judiciaire de la SAS Geny Mobile, la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la SAS Florent Aziosmanoff Production aux entiers dépens ;
Statuant à nouveau,
En conséquence,
- Débouter la société Geny Mobile de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
A titre reconventionnel,
- Condamner la société Geny Mobile à payer une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile à titre de dommages et intérêts ;
- Condamner la société Geny Mobile à verser à la société Florent Aziosmanoff Production une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 12 janvier 2023, la société Geny Mobile, représentée par la société AJRS ès qualités, demande à la cour de :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 29 mars 2022 rendu par le tribunal de commerce de Nanterre dans l'instance portant le numéro RG n°2020F01496 ;
- Condamner la société Florent Aziosmanoff Production à payer à la société Geny Mobile la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 code du procédure civile, outre les entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 septembre 2023.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile.
La société Aziosmanoff n'a pas déposé ses pièces conformément à l'article 912 du code de procédure civile. Invitée à y procéder au cours du délibéré par avis du greffe en date des 5 avril, 10 mai et 7 juin 2024, elle n'a pas remis de dossier.
MOTIFS
Sur la demande de condamnation à payer la facture n°2019101453
La société Aziosmanoff invoque l'exception d'inexécution pour s'opposer au règlement de la facture dont le paiement est réclamé et soutient que le logiciel n'a pas été livré par la société Geny Mobile entre ses mains mais à un tiers au contrat, la société Bluegriot. Elle estime, par ailleurs, que la société Geny Mobile a mal exécuté sa prestation car le support est inexploitable et que le livrable a été remis sans respecter le nombre de jours de travail indiqué sur sa proposition commerciale.
Elle se prévaut d'un rapport établi par la société Bluegriot qui démontrerait la mauvaise exécution de sa prestation par la société Geny Mobile et elle critique la 'contre-expertise' que celle-ci a fait effectuer par la société Dremtech, laquelle se contente de contredire le rapport de la société Bluegriot et de jeter le discrédit sur cette dernière.
La société Geny Mobile réplique que les prestations prévues contractuellement ont été réalisées, que non seulement du travail avait été effectué en amont de la proposition commerciale mais qu'en outre l'estimation du travail à fournir a été établie sur une base jour/homme, qu'enfin la version finale du livrable a été remise le 21 octobre 2019 à la société Bluegriot, interlocuteur technique désigné par la société Aziosmanoff. Elle précise qu'elle a livré le logiciel à la société Bluegriot qui travaillait également sur le projet, étant en charge du développement du hardware. Elle met en exergue l'incapacité pour la société Blue Griot de tester l'OS faute pour elle de disposer des moyens humains et matériels adéquats, comme l'a relevé la société Dremtech à laquelle elle a confié une mission de 'contre-expertise'. Elle estime avoir réalisé toutes les missions visées dans sa proposition commerciale et souligne qu'à aucun moment il n'a été convenu que ses prestations ne seraient réglées qu'au terme du projet porté par la société Aziosmanoff.
*****
L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont fait.
En application de l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement peut refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation.
En l'espèce, il appartient à la société Aziosmanoff, qui se prévaut de l'exception d'inexécution, de démontrer l'inexécution ou la mauvaise exécution de sa prestation par la société Geny Mobile.
La proposition commerciale, établie le 30 septembre 2019 par la société Geny Mobile puis acceptée sans réserve le 3 octobre 2019 par la société Aziosmanoff, concernait la réalisation des actions suivantes :
« 1- Compilation et démarrage Android sur le hardware
2- Intégration de l'application Living Mona lisa en tant qu'App launcher
3- Suppression des pop up
4- Gestion de l'écran en fonction de la luminosité
5- Image de la Boot animation
6- Travail sur la réduction de la taille Android »
Comme relevé par les premiers juges, le lieu de livraison de la prestation n'a pas été précisé lors de la commande. Il a seulement été mentionné que la prestation se déroulerait dans les locaux de la société Geny Mobile.
Concernant la livraison à un tiers, la cour constate que, le 21 octobre 2019, la société Geny Mobile a adressé à la société Bluegriot un fichier intitulé 'projet Mona Lisa' ainsi que des instructions pour procéder à son installation, avant de le renvoyer, le 9 décembre 2019, sous un autre format à la demande de la société Bluegriot. Cette livraison à la société Bluegriot n'étant pas contestée par les parties, il convient de rechercher si cette remise était conforme aux stipulations contractuelles.
Il ressort de la lecture des premiers échanges entre les parties au mois de juillet 2019, qu'il a immédiatement été convenu que les sociétés Geny Mobile et Bluegriot travailleraient ensemble sur le projet, les deux sociétés communiquant directement tout au long de la prestation, sans la présence de la société Aziosmanoff. Par ailleurs, il n'est pas discuté que la société Bluegriot devait travailler sur le logiciel réalisé par la société Geny Mobile (l'OS) pour effectuer sa propre prestation relative au développement du hardware. Ainsi, le 23 octobre 2019 après la remise du 21 octobre 2019, la société Bluegriot indiquait à la société Geny Mobile 'merci et bravo pour votre réactivité hier après-midi, j'ai pu installer ce matin vos deux APK à jour et cela marche comme espéré. Je vous tiens au courant dans la journée de l'état d'avancement de l'assemblage et des boîtiers de présentation.' Enfin, il ne résulte d'aucune pièce communiquée à la cour que les parties avaient convenu que le livrable devait être remis à la société Aziosmanoff avant d'être adressé à la société Bluegriot.
Concernant la mauvaise exécution de la prestation, il ressort tout d'abord de la proposition commerciale, que 'la mission a débuté dès réception du hardware pour des tests optimales' (sic) et que, par courriel du 20 septembre 2019, la société Geny Mobile a précisé à la société Aziosmanoff qu'elle avait déjà réalisé les deux premières missions ce que n'a pas contesté cette dernière. La prestation de la société Geny Mobile a donc débuté antérieurement à l'envoi de sa proposition commerciale, de sorte que l'argument de la société Aziosmanoff relatif au délai de réalisation de la prestation est inopérant.
Ensuite, la cour constate, à la lecture du courriel de la société Bluegriot du 23 octobre 2019, que le logiciel remis par la société Geny Mobile fonctionnait parfaitement et que la société Aziosmanoff n'a pas contesté la bonne réalisation de la prestation avant les mises en demeure qui lui ont été adressées par la société Geny Mobile le 31 janvier 2020 et par son administrateur judiciaire le 10 février 2020. L'appelante n'ayant pas remis ses pièces conformément à l'article 912 du code de procédure civile, la cour ne peut pas prendre connaissance du rapport de la société Bluegriot sur la qualité de la prestation de la société Geny Mobile. Il ressort seulement du jugement déféré que ce rapport intitulé 'Rapport de test carte V0.2" indique que « l'image fournie par Geny Mobile n'est pas opérationnelle ».
La cour relève que le rapport de la société Bluegriot n'a pas été réalisé contradictoirement, qu'il provient de la société Bluegriot qui est toujours liée contractuellement avec la société Aziosmanoff, qu'il n'est corroboré par aucun autre élément probant et que ledit rapport est contredit par un autre rapport de la société Dremtech communiqué par la société Geny Mobile, lequel se conclut ainsi : « 1. La société Bluegriot n'est pas en mesure de tester le travail de la société Genymobile faute d'expertise et d'outils adéquats. 2. Le rapport d'audit n'établit à aucun moment la qualité (ou le manque de qualité) de l'image Android fournie par la société Genymobile ».
Il en résulte que la société Aziosmanoff échoue à démontrer l'absence de livraison et la mauvaise exécution de sa prestation par la société Geny Mobile qui justifieraient le non-paiement de la facture n°2019101453 exigible depuis le 28 octobre 2019.
Par conséquent, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Aziosmanoff au paiement de la somme de 41.580 € TTC en principal, assortie d'un taux d'intérêt égal au taux appliqué par la Banque centrale européenne majoré de 10 points de pourcentage à compter du 28 octobre 2019, conformément aux dispositions de l'article L.441-10 du code de commerce. Il sera en revanche infirmé en ce qu'il a prévu le paiement entre les mains de l'administrateur judiciaire dont la mission s'est achevée par l'arrêté du plan.
La société Aziosmanoff succombant, il ne sera pas fait droit à sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société Aziosmanoff sera condamnée aux dépens d'appel. Elle sera en outre condamnée à verser à la société Geny Mobile, représentée par la société AJRS ès qualités, la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt réputé contradictoire,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 29 mars 2022 par le tribunal de commerce de Nanterre, sauf à l'infirmer en ce qu'il a condamné la société Florent Aziosmanoff Production au paiement de la somme due entre les mains de la SELARL AJRS en qualité d'aministrateur judiciaire,
Statuant à nouveau,
Condamne la société Florent Aziosmanoff Production à payer à la société Geny Mobile, la somme de 41.580 € TTC, assortie d'un taux d'intérêt égal au taux appliqué par la banque centrale européenne majoré de 10 points de pourcentage à compter du 28 octobre 2019,
Y ajoutant,
Condamne la société Florent Aziosmanoff Production aux dépens de l'appel,
Condamne la société Florent Aziosmanoff Production à verser à la société Geny Mobile, représentée par la société AJRS, prise en la personne de Me [I] [U], en qualité d'administrateur judiciaire, la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Bérangère MEURANT, Conseiller faisant fonction de président, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le conseiller,