COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80B
Chambre sociale 4-3
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 02 SEPTEMBRE 2024
N° RG 22/00382 -
N° Portalis DBV3-V-B7G-U7YK
AFFAIRE :
[J] [B]
C/
SAS LA NOUVELLE venant aux droits de la SASU BECAUSE
S.E.L.A.R.L. AXYME, prise en la personne de Me [F] [R], en qualité de mandataire judiciaire de la société la NOUVELLE venant aux droits de la société BECAUSE
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Section : E
N° RG : 21/954
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Claude LEGOND de la SCP LEGOND & ASSOCIES
Me Benoît BRUGUIERE de la SELEURL LAURENCE CURIEL AVOCAT
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [J] [B]
né le 10 Avril 1961 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentant : Me Claude LEGOND de la SCP LEGOND & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 007
APPELANT
****************
SAS LA NOUVELLE venant aux droits de la SASU BECAUSE
N° SIRET : 802 003 210
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentant : Me Benoît BRUGUIERE de la SELEURL LAURENCE CURIEL AVOCAT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0761
INTIMEE
****************
S.E.L.A.R.L. AXYME, prise en la personne de Me [F] [R], en qualité de mandataire judiciaire de la société la NOUVELLE venant aux droits de la société BECAUSE
N° SIRET : 830 793 972
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentant : Me Benoît BRUGUIERE de la SELEURL LAURENCE CURIEL AVOCAT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0761
S.E.L.A.R.L. 2M & ASSOCIES, prise en la personne de Me [L], en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS LA NOUVELLE venant aux droits de la société BECAUSE
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentant : Me Benoît BRUGUIERE de la SELEURL LAURENCE CURIEL AVOCAT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0761
PARTIES INTERVENANTES
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Juin 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence SCHARRE, Conseillère chargé du rapport en présence de M. [I] [Y], élève avocat.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence SINQUIN, Présidente,
Mme Florence SCHARRE, Conseillère,
Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,
Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,
****************
FAITS ET PROCÉDURE
La société Because, qui fait partie du groupe La Nouvelle, a été immatriculée au registre du commerce de Paris sous le numéro 439 899972, elle est spécialisée dans l'édition publicitaire, le marketing, la conception et l'actualisation de site internet et exerce également une activité de conseil en communication.
M. [J] [B] a ainsi été engagé, par la société Motamo DDB & Co, en qualité de directeur de création (catégorie cadre-coefficient 500) et ce par contrat à durée indéterminée à compter du 3 juin 1997. Son temps de travail était de 39 heures par semaine, moyennant une rémunération annuelle brute de 420 000 francs.
Suite à une modification dans la situation juridique de son employeur, son contrat de travail a été repris par la société Because.
Par avenant du 17 décembre 2004, et en considération de la nouvelle grille de classification, M. [J] [B] a été positionné " cadre 3.4 ".
Au dernier état de la relation contractuelle, la rémunération de M. [J] [B] était de 9 300 euros bruts.
Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale de la publicité française.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 novembre 2019, M. [J] [B] a informé son employeur qu'il se portait candidat aux élections des délégués du personnel prévues le 17 octobre 2019.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 novembre 2019, la société Because a convoqué M. [J] [B] à un entretien préalable à un licenciement, prévu initialement le 20 novembre 2019 et qui a été reporté au 27 novembre 2019 en raison des congés du salarié.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 décembre 2019, la société Because a notifié à M. [J] [B] son licenciement pour motif économique en ces termes :
" Monsieur.
Nous faisons suite à notre entretien préalable du 27 novembre 2019 et avons le regret de vous informer que nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour motifs économiques.
Comme vous l'avez-vous-même constaté, et comme vous nous l'avons exposé lors de l'entretien préalable, notre société connaît une baisse d'activité persistante entraînant une chute significative de son chiffre d'affaires susceptible de porter atteinte à la pérennité de ses activités. Ainsi :
- Pertes d'exploitation de -126K euros
- Dégradation du résultat net de -198K euros
- Baisse du chiffre d'affaires de -1.000.748 euros sur les deux derniers exercices, impliquant aujourd'hui une inadéquation entre notre activité et nos charges salariales.
Cet état expose indubitablement l'entreprise à une perte financière avérée.
Ces difficultés économiques importantes et manifestement durables, s'inscrivent dans un contexte économique défavorable.
Ce motif économique qui a une incidence directe sur votre contrat de travail nous a malheureusement conduit à supprimer votre poste, après que toutes les solutions de reclassement aient été envisagées.
Les offres de reclassement que nous vous avons proposées successivement à savoir, dans un premier temps, une réduction de votre temps de travail pour un passage aux 3/5ème puis, compte tenu de votre refus, un poste de chef de projet que vous avez également refusé.
Nos recherches de reclassement tant au sein de l'entreprise que du groupe, ne nous ayant malheureusement pas permis la proposition d'autres postes, nous n'avons pas d'autre solution que de prononcer votre licenciement.
Lors de l'entretien préalable, nous vous avons proposé le bénéfice du Contrat de sécurisation professionnelle (CSP). Le dossier CSP vous a été remis en main propre, le 11 décembre 2019. Le délai de réflexion dont vous disposiez pour l'accepter ou le refuser n'est pas encore expiré.
Nous vous rappelons que vous avez jusqu'au 2 janvier 2020 inclus pour nous donner votre réponse.
Nous vous rappelons également qu'en cas d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle :
- Votre contrat de travail sera rompu d'un commun accord le 2 janvier 2020. La présente lettre sera sans objet et le préavis ne sera pas effectué.
- Conformément à l'article L. 1233-67 alinéa 1ª du Code du travail, vous disposerez d'un délai de douze mois à compter de l'expiration de votre délai de réflexion pour contester la rupture de votre contrat de travail.
En outre, à défaut d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, la présente lettre constituera alors la notification de votre licenciement, sa date de première présentation fixera le point de départ du préavis.
Par courrier du 3 décembre 2019, vous avez attiré notre attention sur le fait que, nonobstant la réalité des motifs économiques précités, dont vous ne contestez d'ailleurs pas le bien- fondé, vous souhaiteriez, à titre exceptionnel, voir votre préavis contractuel porté à une durée de six mois.
Nonobstant les graves difficultés financières que nous rencontrons actuellement et l'effort financier significatif que cela représente dans ce contexte, nous vous confirmons notre accord sur cette prolongation dans la mesure où notre principale préoccupation est d'éviter, le plus possible, les conséquences résultant pour vous de cette mesure qui, malheureusement, s'impose à nous tous.
Nous avons ainsi noté que cette prolongation exceptionnelle vous permettrait, à terme, de bénéficier de l'intégralité de vos droits au regard de votre âge.
En conséquence, votre contrat prendra fin, d'un commun accord, à l'issu d'un préavis de six mois à compter de la date de première présentation de la présente lettre à votre domicile.
Au cours du préavis, vous pourrez selon la convention collective nationale de la Publicité, vous absenter 2 heures par jour pour rechercher un emploi, sans réduction de salaire. La période de la journée pendant laquelle le salarié pourra disposer de ces 2 heures devra faire l'objet d'un accord avec l'employeur. En cas de désaccord, satisfaction sera donnée un jour sur deux à chacune des deux parties. Les heures d'absence ainsi autorisées seront payées, et pourront être groupées en une ou plusieurs journées ou demi-journées, consécutives ou non, à la demande d'une des deux parties, et avec l'accord de l'autre. L'octroi de ces 2 heures est supprimé dès que le salarié a trouvé un emploi, ce qu'il est tenu de déclarer sans délai à son employeur.
Nous vous rappelons que vous bénéficierez d'une priorité de réembauchage durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de votre contrat (y compris en cas d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle), à condition que vous nous informiez par courrier, de votre souhait d'en user. Cette priorité concerne les emplois compatibles avec votre qualification actuelle ou avec celles que vous viendriez à acquérir, sous réserve que vous nous ayez informés de celles-ci.
Nous tenons également à attirer votre attention sur les dispositions de la loi du 5 mars 2014 par l'effet de laquelle à compter du 1er janvier 2015 le Droit Individuel à la Formation (DIF) est remplacé par le Compte Personnel de Formation (CPF).
Toutefois, pour que ce transfert soit effectif, il est impératif, conformément à l'article 8 de l'Ordonnance n° 2019-861 du 21 août 2019 que vous procédiez, vous-même, à l'enregistrement des heures acquises au titre du DIF et non consommées au 31/12/2014 et ce sur le site suivant : http://www.moncompteformation.gouv.fr/
En outre, nous vous informons que vous pouvez conserver le bénéfice des régimes de prévoyance et de couverture des frais médicaux selon des modalités relatives à la portabilité des garanties complémentaires de prévoyance et de frais de santé, que nous tenons à votre disposition au siège social.
Au terme de votre contrat, nous tiendrons à votre disposition votre certificat de travail, votre reçu pour solde de tout compte ainsi que votre attestation Pôle Emploi.
En dernier lieu, nous tenons enfin à vous préciser que vous pouvez faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant sa notification par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous avons la faculté d'y donner suite dans un délai de quinze jours après réception de votre demande, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées. "
Par requête introductive en date du 24 juillet 2020, M. [J] [B] a contesté la régularité de son licenciement invoquant son statut de salarié protégé et a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt d'une demande en ce sens y adjoignant ensuite sa contestation sur le bien-fondé du motif économique de celui-ci.
Par jugement du 20 janvier 2022, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a :
- reçu M. [J] [B] en ses demandes ;
- dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du licenciement ;
- dit le licenciement économique de M. [J] [B] fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
- débouté M. [J] [B] de l'ensemble de ses demandes ;
- mis les éventuels dépens à la charge de M. [J] [B].
M. [B] a interjeté appel de ce jugement par déclaration d'appel au greffe du 9 février 2022.
Selon traité de fusion du 28 juin 2022 à effet au 24 août 2022, la société La Nouvelle a absorbé les sociétés Because, Five, No Site.
Après l'échec d'un plan de conciliation initié le 23 décembre 2022, la société La Nouvelle a fait l'objet le 23 avril 2023 d'un jugement d'ouverture d'une procédure de sauvegarde. Par suite, le tribunal de commerce a désigné la Selarl Axyme en qualité de mandataire judiciaire et la Selarl 2M & Associés en qualité d'administrateur judiciaire.
Par suite, la période d'observation a été prolongée par jugement du 17 octobre 2023.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 15 mai 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 7 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [J] [B] demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
- déclarer nul le licenciement prononcé par la société Because le 19 décembre 2019 ;
En conséquence,
- condamner la société La Nouvelle à payer à M. [J] [B] la somme de 279.000 euros sur le fondement de l'article L 2411-7 du code du travail et fixer au passif de la société La Nouvelle ladite somme de 279.000 euros ;
Subsidiairement,
- dire que le licenciement économique n'est pas fondé ;
En conséquence,
- condamner la société La Nouvelle à payer à M. [B], sur le fondement de l'article 1235-3 du code du travail, la somme de 153.450 euros et fixer au passif de la société La Nouvelle ladite somme de 153.450 euros ;
- débouter la société La Nouvelle de ses demandes ;
- condamner la société La Nouvelle à payer à M. [B] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et fixer au passif de la société La Nouvelle ladite somme.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 6 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société La Nouvelle, la société Axyme et la société 2M et Associés demandent à la cour de :
- de recevoir la société La Nouvelle en son intervention volontaire, celle-ci venant aux droits de la société Because ;
- recevoir la société Axyme, es qualité de mandataire judiciaire de la société La Nouvelle, en son intervention volontaire ;
- recevoir la société 2 M et Associés es qualité d'administrateur judiciaire de la société La Nouvelle, en son intervention volontaire ;
À titre préliminaire :
- déclarer irrecevables les demandes de condamnation de M. [J] [B] formulées à l'encontre de la société Because aux droits de qui est venue la société La Nouvelle ;
Sur le fond :
- déclarer la société La Nouvelle, la société Axyme, es qualité de mandataire judiciaire et la société 2 M et Associés es qualité d'administrateur judiciaire recevable en leurs demandes, fins et conclusions ;
En conséquence :
- confirmer le jugement du Conseil des prud'hommes de Boulogne Billancourt du 20 janvier 2022 en ce qu'il a :
* dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du licenciement ;
* dit le licenciement économique de M. [J] [B] fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
* débouté M. [J] [B] de l'ensemble de ses demandes ;
* mis les éventuels dépens à la charge de M. [J] [B] ;
- débouter M. [J] [B] de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner M. [J] [B] à verser à la société La Nouvelle, la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [J] [B] aux entiers dépens.
MOTIFS
A titre préliminaire, il convient de rappeler que dans l'hypothèse d'une procédure de sauvegarde, l'instance est poursuivie de plein droit en présence du mandataire judiciaire, chargé d'assurer la défense de l'intérêt collectif des créanciers et de l'administrateur lorsqu'il a une mission d'assistance, ou ceux-ci dûment appelés (articles L. 625-3 du code de commerce).
Par ailleurs, il sera fait observer qu'il n'y a pas lieu pour la cour de se prononcer sur l'irrecevabilité soulevée par les intimés relativement aux demandes de condamnations formulées par l'appelant contre la société Because puisque les demandes formées par ce dernier le sont dorénavant à l'encontre de la société La Nouvelle.
1. Sur la nullité du licenciement du fait de la violation du statut protecteur
M. [J] [B] soutient que son employeur a usé de man'uvre pour le priver du statut protecteur auquel il peut prétendre et considère que son licenciement encourt la nullité dès lors que celui-ci avait connaissance, dès sa convocation à l'entretien préalable, de sa candidature aux élections de délégués du CSE prévues le 14 janvier 2020. Il reproche à son employeur d'avoir précipité son licenciement en le convoquant pendant ses congés et considère qu'à la date su second entretien, son employeur ne pouvait l'ignorer.
La société Because estime qu'elle n'avait pas connaissance de la candidature de M. [J] [B] lorsqu'elle a adressé la lettre de convocation à l'entretien préalable, elle souligne que la convocation à l'entretien préalable, adressée à une date où le salarié était en congés, est valable. Elle conteste la valeur probante des attestations versés aux débats et demande qu'elles soient écartées des débats.
Sur ce,
L'article L 2411-1 2°, du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce, dispose que le salarié, investi d'un mandat de délégué du personnel, bénéficie d'une protection contre le licenciement.
Le contrat de travail des salariés bénéficiaires d'une protection spéciale ne peut être rompu à l'initiative de l'employeur sans l'autorisation préalable de l'inspection du travail formulée, le cas échéant, après avis du comité d'entreprise.
Toute rupture intervenue en violation du statut protecteur et frappée de nullité.
Par ailleurs, la qualité de salarié protégé s'apprécie à la date de l'envoi par l'employeur de la convocation à l'entretien préalable au licenciement (Soc, 31 janvier 2024, n°22-18.618). En l'espèce, peu importe que l'employeur ait adressé une seconde convocation à son salarié, seule la date de la première convocation est à considérer.
En tout état de cause, la protection ne débute que dès lors que l'employeur a connaissance de la candidature du salarié, même si cette candidature est officialisée postérieurement.
Le salarié qui revendique le statut protecteur doit rapporter la preuve de ses allégations.
a) Sur l'information préalable par l'employeur de la candidature du salarié aux élections professionnelles
M. [J] [B] doit démontrer qu'avant le 6 novembre 2019, date de l'envoi de sa lettre de convocation à l'entretien préalable, la société Because était informée de son intention de se porter candidat aux élections professionnelles.
L'appelant verse aux débats sa lettre datée du 5 novembre 2019, laquelle porte en intitulé la mention " candidature à l'élection des délégués du personnel du 14/01/2020 " et indique "Madame, Monsieur, Salarié de l'entreprise BECAUSE depuis 1997 en tant que Directeur de création, ancien délégué du personnel titulaire, j'ai été informé de l'organisation des délégués du personnel le 17 octobre 2019. J'ai l'honneur de porter à votre connaissance ma candidature à l'élection des délégués du personnel de BECAUSE en tant que titulaire qui auront lieu le 14 janvier 2020 ". Cette lettre a été reçue par l'employeur le 7 novembre 2019.
Concernant les attestations produites aux débats, celles-ci appellent les observations suivantes :
Selon une jurisprudence ancienne et établie, les règles édictées à l'article 202 du code de procédure civile relatives à la forme des attestations en justice ne sont pas prescrites à peine de nullité (1 Civ.,14 décembre 2004, pourvoi n °02-20.652). Ainsi, lorsqu'une attestation n'est pas établie conformément à ces règles, il appartient au juge du fond d'apprécier souverainement si elle présente ou non des garanties suffisantes pour emporter sa conviction.
Il n'y a pas donc lieu d'écarter les attestations produites aux motifs qu'elles ne seraient pas conformes à l'article 202 du code de procédure civile et qu'un doute subsisterait sur l'authenticité de leur contenu et en ce sens cette demande formulée par les intimés sera rejetée.
Certes les attestations de Mmes [K] [H] et [Z] [A], établies deux ans après les faits, ne comportent aucune mention précise quant à la date de la candidature de M. [J] [B] avant le 6 novembre 2019. En outre, la seule référence faite dans le témoignage de Mme [A] au fait que M. [B] se porterait candidat ne permet pas de dater l'événement avec précision.
Quant au témoignage de Mme [H] celui-ci ne peut pas davantage être considéré comme contemporain aux événements examinés puisque cette dernière avait démissionné de la société Because depuis le 2 mai 2018.
Concernant l'attestation de M. [X] [C], elle aussi établit deux ans après les faits, il y est mentionné que M. [J] [B] a pu solliciter la tenue de nouvelles élections dès la fin de son mandat, étant précisé que le précédent mandat électif de M. [J] [B] s'était terminé en 2016.
Dès lors, la seule attestation suffisamment précise qui doit être examinée est celle de Mme [W] [U], à laquelle est jointe la carte d'identité contrairement à ce que soutiennent les intimés, et qui a été rédigée quatre mois après les faits. Dans cette attestation, Mme [W] [U] évoque un déjeuner qui s'est déroulé, " la dernière semaine d'octobre 2019 " en sa présence et en compagnie de M. [O] [E], directeur général, et au cours duquel elle a personnellement " entendu M. [J] [B] annoncer sa candidature aux élections du CSE ".
Ce témoignage n'est pour autant pas sérieusement contredit par celui produit par les intimés, à savoir celui du directeur général de la société Because, M. [O] [E] qui indique, dans son attestation datant de deux ans après les faits, être uniquement étonné de la date mentionnée concernant le déjeuner informel dans la mesure où " lorsque M. [B] m'a annoncé sa candidature, il m'a précisé que cela avait pour seul objectif de contrer la procédure de licenciement en cours ".
Cependant, la dépendance économique et moral évidente du directeur général de la société Because, et le lien de subordination qui le rattache à cette société, mise en cause dans la présente procédure, ne permettent pas de considérer que cette attestation présente les garanties suffisantes pour emporter la conviction de la cour.
La cour considère donc que l'attestation de Mme [W] [U], parce qu'elle est précise, qu'elle présente des garanties suffisantes et qu'elle est rédigée en des termes clairs et non équivoques, qui ne doivent pas être dénaturés, permet de dater la connaissance de l'employeur de la candidature de M. [J] [B] aux élections du CSE à une date antérieure à l'engagement de la procédure de licenciement diligentée à son encontre.
Ainsi, l'employeur, qui a engagé la procédure de licenciement alors que le salarié bénéficiait d'une protection et qui n'a pas saisi l'inspecteur du travail, a licencié le salarié en violation du statut protecteur auquel il pouvait prétendre.
La cour constate donc que le licenciement de M. [J] [B], en violation du statut protecteur qui devait lui être accordé, est nul de plein droit.
b) Sur l'indemnité pour violation du statut protecteur
M. [J] [B] sollicite à ce titre l'indemnisation maximale, soit 279 000 euros.
Les intimés sollicitent le rejet de la demande formée à ce titre.
L'article 2411-1 et suivants du code du travail donnent la liste des salariés bénéficiant de la protection en raison de leur candidature aux élections.
Depuis un avis rendu le 15 avril 2015, la Cour de cassation considère le salarié licencié a droit au versement d'une indemnité forfaitaire égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours, dans la limite de 2 ans, durée minimale légale de son mandat, augmentée de six mois.
Le salarié licencié en violation de son statut protecteur, et qui ne demande pas sa réintégration, a droit soit à une indemnité forfaitaire égale au montant des salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'à la fin de sa période de protection s'il présente sa demande d'indemnisation avant cette date, soit à une indemnité dont le montant est fixé par le juge en fonction du préjudice subi lorsqu'il introduit sa demande après l'expiration de sa période de sa période de protection sans justifier de motifs qui ne lui soient pas imputables (Cass. Soc. 11 juin 2013, n°12.12.738).
En application des dispositions de l'article L. 2411-1 et suivants du code du travail, le candidat aux fonctions de délégué du personnel au CSE dispose d'une protection pendant une période de six mois à partir de l'envoi à l'employeur de la liste des candidatures ou de la formalité établissant la preuve de la candidature.
En l'espèce Monsieur [B] bénéficie d'une protection à compter donc du 7 novembre 2019. La période de protection expirait le 7 mai 2020. Le salarié n'a pas demandé sa réintégration et a sollicité son indemnisation après l'expiration de sa période de protection. Il est en conséquence en droit de solliciter en vertu de la violation de son statut protecteur une indemnité qui doit être évaluée à la somme de 74 400 euros, soit 8 mois de salaires.
Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner la demande subsidiaire formée par l'appelant et relative à la nature économique du licenciement, le jugement entrepris doit être infirmé et la somme de 74 400 euros sera donc fixée au passif de la procédure collective de la société La Nouvelle au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur.
2. Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail
M. [J] [B] sollicite, au visa de l'article L 1235-3 du code du travail, une somme de 153 450 euros, soit 16,5 mois de salaires.
Or, il sera rappelé que le juge prononce la nullité du licenciement, le salarié a droit à une indemnité égale à au moins 6 mois de salaire en application de l'article L 1235-3-1 du code du travail Cette indemnité se cumule avec celle prévue dans le cadre du statut protecteur.
La cour constate que le M. [J] [B] ne justifie pas à ce titre d'un préjudice particulier qui lui permettrait de prétendre aux sommes qu'il revendique et fixe donc la créance de l'appelant à la somme minimum de 6 mois de salaires, soit la somme de 55 800 euros.
Sur les dépens et l'indemnité de procédure
La créance des dépens et des frais résultants de l'article 700 du code de procédure civile mise à la charge du débiteur trouve son origine dans la décision qui statue sur ces dépens et frais et entrent dans les prévisions de l'article L. 622-17 du code de commerce lorsque cette décision est postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de fixer la créance de M. [J] [B] au passif de la procédure collective de la société La Nouvelle à la somme de 3 000 euros en cause d'appel. Il y a donc lieu de débouter les intimés de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront mis au passif de la liquidation de la société La Nouvelle.
PAR CES MOTIFS
La cour par arrêt CONTRADICTOIRE,
Constate que l'irrecevabilité soulevée par les intimés est devenue sans objet, l'appelant ayant formulé ses demandes à l'encontre de la société La Nouvelle suite à la fusion-absorption intervenue ;
Infirme en toutes ces dispositions le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Prononce la nullité du licenciement M. [J] [B] du fait de la violation du statut protecteur de candidat aux élections du délégué du personnel ;
Fixe la créance de M. [J] [B], au titre de la violation du statut protecteur, au passif de la procédure collective de la société La Nouvelle à la somme de 74 400 euros ;
Fixe la créance de M. [J] [B], au titre de l'indemnité légale dûe en cas de nullité du licenciement, au passif de la procédure collective de la société La Nouvelle à la somme de 55 800 euros ;
Fixe la créance de M. [J] [B], au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au passif de la procédure collective de la société La Nouvelle à la somme de 3 000 euros en cause d'appel ;
Dit que les dépens, de première instance et d'appel, seront mis au passif de la procédure collective de la société La Nouvelle.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente