COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE CIVILE
GROSSES + EXPÉDITIONS
la SCP LAVAL-LUEGER Me Estelle GARNIER
01 / 10 / 2007
ARRÊT du : 1er OCTOBRE 2007
No :
No RG : 06 / 01861
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ORLÉANS en date du 13 Juin 2006
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :
GROUPEMENT FORESTIER DE LA BROSSETTE agissant en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège 19 Route Marigny CHANTEAU 45400 FLEURY LES AUBRAIS
Représenté par la S.C.P. LAVAL-LUEGER avoués à la Cour Ayant pour avocat la S.C.P. BERGER-TARDIVON du barreau d'ORLÉANS
D'UNE PART
INTIMÉE :
Mademoiselle Laetitia Y...... 45750 SAINT PRYVE SAINT MESMIN
Représentée par Maître Estelle GARNIER avoué à la Cour Ayant pour avocat la S.C.P. MASSON-OUSACI-COTEL du barreau d'ORLÉANS
D'AUTRE PART DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 27 Juin 2006
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 25 Mai 2007
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, à l'audience publique du 26 JUIN 2007, Monsieur Alain RAFFEJEAUD, Président de Chambre, a entendu les avocats des parties, avec leur accord, par application des articles 786 et 910 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Lors du délibéré :
Monsieur Alain RAFFEJEAUD, Président de Chambre, Rapporteur, qui en a rendu compte à la collégialité,
Madame Marie-Brigitte NOLLET, Conseiller,
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller.
Greffier :
Mademoiselle Nathalie MAGNIER faisant fonction de Greffier.
ARRÊT :
Prononcé publiquement le 1er OCTOBRE 2007 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
Le groupement forestier agricole de la BROSSETTE (ci-après le G.F.A) est propriétaire sur la commune de Chanteau (Loiret) d'un ensemble immobilier qui jouxte la propriété de Mademoiselle Y....
De sa propre autorité, il a fait procéder à la dépose de la clôture séparant les deux fonds et à l'implantation d'une nouvelle clôture comportant plusieurs ouvertures donnant sur la propriété de Mademoiselle Y....
A la requête de celle-ci, le président du tribunal de grande instance d'Orléans, par ordonnance en date du 11 septembre 2002, a commis Monsieur B... en qualité d'expert.
Au vu du rapport de celui-ci déposé le 23 février 2004, le tribunal de grande instance d'Orléans, après avoir rejeté une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, a condamné le G.F.A. à déposer sa clôture et à en reposer une en limite séparative des fonds, sans ouverture sur la propriété voisine, et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai de deux mois suivant la signification du jugement, s'est réservé la liquidation de l'astreinte, a rejeté les autres demandes et a condamné le G.F.A. aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure de 2. 000 euros.
Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, les premiers juges ont retenu que le G.F.A. ne pouvait prétendre être propriétaire, par le jeu de la prescription acquisitive, de la totalité du terrain sur lequel il avait implanté la nouvelle clôture.
Se référant ensuite aux conclusions du rapport de Monsieur B..., il a considéré que le G.F.A. avait implanté sa clôture sur la propriété de Mademoiselle Y....
Le G.F.A. a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 27 juin 2006. Il a sollicité un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure en bornage pendante devant le tribunal d'instance d'Orléans.
Par ordonnance en date du 14 mars 2007, le conseiller de la mise en état a rejeté sa demande.
Le G.F.A. la réitère devant la cour.
Subsidiairement, il se prévaut de la prescription trentenaire, au motif que l'ancienne clôture sur l'emplacement de laquelle se situe la nouvelle, était plus que trentenaire.
Contestant le mesurage de l'expert judiciaire et se fondant sur les expertises " amiables " réalisées par Monsieur C...et Monsieur D..., il conteste l'empiétement sur la propriété voisine.
Il précise que les ouvertures dans la clôture ont été supprimées avant même que le jugement ne fût rendu.
Il conteste enfin le préjudice allégué par Mademoiselle Y....
Il sollicite une somme de 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Mademoiselle Y... conclut à l'irrecevabilité de la demande de sursis à statuer, dès lors que l'ordonnance du conseiller de la mise en état n'a pas été déférée à la cour.
Pour le surplus, elle soutient que son action n'est pas prescrite et que la nouvelle clôture empiète sur sa propriété.
Elle conclut à la confirmation du jugement entrepris, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en dommages et intérêts.
Elle sollicite à ce titre une somme de 20. 000 euros pour résistance abusive et appel dilatoire, outre 2. 000 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
SUR CE,
Sur le sursis à statuer :
Attendu qu'il résulte des dispositions des articles 771 et 910 du nouveau Code de procédure civile que le conseiller de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure, dont font partie les demandes de sursis à statuer en vertu de l'article 108 du nouveau Code de procédure civile, et que les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions devant la cour d'appel à moins qu'elles ne surviennent ou ne soient relevées que postérieurement au dessaisissement du conseiller de la mise en état ;
Qu'en outre, les ordonnances de ce magistrat statuant sur les exceptions de procédure ont autorité de la chose jugée, en application des dispositions des articles 775 et 910 du nouveau Code de procédure civile ;
Qu'il s'ensuit que lorsque le conseiller de la mise en état statue sur une exception de procédure, la cour ne peut en connaître que par la voie du déféré prévu par l'article 914 du nouveau Code de procédure civile ;
Qu'en l'espèce, le conseiller de la mise en état a rendu le 14 mars 2007 une ordonnance rejetant la demande de sursis à statuer, que le G.F.A. n'a pas cru devoir déférer à la cour ;
Qu'en conséquence, il est irrecevable à soulever cette exception devant elle.
Sur la prescription :
Attendu que si le G.F.A. est susceptible de revendiquer la prescription acquisitive de l'article 2262 du Code civil à raison du positionnement de l'ancienne clôture enlevée en 2001, c'est à la condition qu'il prouve que la nouvelle clôture se trouve à l'emplacement exact de l'ancienne ou à tout le moins en deçà de la limite séparative des fonds que celle-ci fixait ;
Que tel n'est pas le cas dès lors que le G.F.A. reconnaît lui-même qu'il peut exister un écart de dix à trente centimètres entre les anciens pieux et les nouveaux, que les experts qu'il cite parlent d'une nouvelle clôture " environ " à la place (de l'ancienne clôture), d'une clôture " qui ondule en fonction des arbres " pendant que les vestiges de l'ancienne " subsist (aient) encore dans l'écorce " ou enfin d'une clôture " dans l'alignement de l'ancienne " ;
Qu'il est ainsi manifeste que la nouvelle clôture n'est pas implantée exactement au même endroit que l'ancienne, mais l'est au-delà de celle-ci ;
Que l'expert judiciaire a lui-même confirmé ce fait, en précisant que l'empiétement de la clôture nouvelle sur les parcelles de Mademoiselle Y... était constant ;
Que dans ces conditions, le G.F.A. ne peut pas revendiquer une possession sur les terrains litigieux réunissant les caractères exigés pour la prescription acquisitive.
Sur le fond,
Attendu qu'il résulte des articles 544 et 545 du Code civil que le droit de propriété est un droit absolu dont nul ne peut être privé, si ce n'est pour cause d'utilité publique ;
Qu'il importe dès lors peu que l'empiétement sur la propriété d'autrui soit minime ou effectué de bonne foi ;
Attendu que l'expert B... a déterminé que la clôture du G.F.A. empiétait sur les parcelles de Mademoiselle Y... sur la presque totalité de sa longueur, et en moyenne de dix-neuf centimètres ;
Attendu que le G.F.A. ne peut de bonne foi contester les résultats auxquels est parvenu l'expert, alors que celui-ci précise en pages 7 et 8 de son rapport qu'il a utilisé la méthode d'analyse préconisée par le propre conseil technique du G.F.A., Monsieur C..., consistant à vérifier, par rapport à l'axe du vieux fossé, si la clôture nouvelle est située à plus ou moins 9,01 m de cet axe, et que le positionnement de l'axe de l'ancien fossé, à hauteur de chacun des dix profils choisis, a été vérifié et accepté contradictoirement par les parties et leurs conseils ;
Qu'il est dès lors vain de critiquer le rapport d'expertise, en se fondant sur un courrier de Monsieur C...du 27 octobre 2003, donc antérieur aux opérations d'expertise et qui de ce fait est obsolète, de même que sur un rapport de Monsieur D...du 6 avril 2004 qui déclare partager l'analyse de l'expert judiciaire, mais parvient à des résultats différents des siens, à l'évidence au motif que les profils choisis, au nombre de seize, l'ont été par Monsieur E...du G.F.A., manifestement aux endroits où l'empiétement était inexistant ou très faible ;
Que le G.F.A. sera dès lors débouté de son appel.
Sur l'appel incident et les dépens :
Attendu que l'empiétement ne représente qu'une surface de 148 mètres carrés sur une propriété de 122 hectares ;
Qu'il apparaît ainsi que le préjudice est inexistant dès lors qu'il sera procédé à l'enlèvement de la clôture déjà ordonné ;
Que pour le surplus, Mademoiselle Y... ne justifie d'aucun préjudice autre que celui d'avoir dû engager des frais de justice qui sont par ailleurs compensés ;
Qu'elle sera donc déboutée de sa demande en dommages et intérêts ;
Attendu que le G.F.A. qui succombe, lui paiera en revanche une somme de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi que les dépens.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
DÉCLARE irrecevable la demande de sursis à statuer.
CONFIRME le jugement entrepris.
Y AJOUTANT,
CONDAMNE le G.F.A. de la Brossette à payer à Mademoiselle Laetitia Y... une somme de DEUX MILLE EUROS (2. 000 euros) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
LE CONDAMNE aux dépens et accorde à Maître GARNIER, avoué, le bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Arrêt signé par Monsieur Alain RAFFEJEAUD, président, et Mademoiselle Nathalie MAGNIER faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.