COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS
SCP LAVAL-LUEGER
SCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE
Me GARNIER
17/01/2008
ARRÊT du : 17 JANVIER 2008
No RG : 07/00567
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Tribunal de Commerce de TOURS en date du 09 Février 2007
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :
S.A. GAN EUROCOURTAGE IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, 8/10, Rue d'Astorg - 75383 PARIS CEDEX 08
représentée par la SCP DESPLANQUES - DEVAUCHELLE, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Jean Marie PREEL ( PHPG & PARTNERS) du barreau de PARIS
D'UNE PART
INTIMÉES :
SA SOCOFER prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, 7 Boulevard Louis XI BP 0507 - ZI du Menneton - 37005 TOURS CEDEX
représentée par la SCP LAVAL-LUEGER, avoués à la Cour
ayant pour avocat la SCP ARCOLE - NAIL CHAS & ASSOCIES du barreau de TOURS
SAS MAISONNEUVE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, 59 rue de la Gare - 50510 CERENCES
représentée par Me Estelle GARNIER, avoué à la Cour
ayant pour avocat Me APERY, du barreau de CAEN
S.A. SIACI prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, 18 rue de Courcelles - 75008 PARIS
représentée par la SCP LAVAL-LUEGER, avoués à la Cour
ayant pour avocat la SCP GOLDNADEL ET ASSOCIÉS, du barreau de PARIS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 02 Mars 2007
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré :
Monsieur Jean-Pierre REMERY, Président de Chambre,
Madame Odile MAGDELEINE, Conseiller,
Monsieur Thierry MONGE, Conseiller.
Greffier :
Madame Nadia FERNANDEZ, lors des débats et du prononcé de l'arrêt.
DÉBATS :
A l'audience publique du 29 Novembre 2007, à laquelle, sur rapport de Monsieur RÉMERY, Magistrat de la Mise en Etat, les avocats des parties ont été entendus en leurs plaidoiries.
ARRÊT :
Lecture de l'arrêt à l'audience publique du 17 Janvier 2008 par Monsieur le Président REMERY, en application des dispositions de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile.
EXPOSÉ :
La Cour statue sur l'appel d'un jugement rendu le 9 février 2007 par le tribunal de commerce de Tours tel que cet appel est interjeté par la société GAN EUROCOURTAGE I.A.R.D. suivant déclaration enregistrée au greffe le 2 mars 2007.
Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions des parties, signifiées et déposées
* le 9 novembre 2007 (par la société GAN EUROCOURTAGE I.A.R.D.)
* le 5 novembre 2007 (par la S.A SOCOFER)
* le 25 octobre 2007 (par la S.A. MAISONNEUVE)
* le 3 mai 2007 (par la S.A. SIACI).
Dans le présent arrêt seront seulement rappelés les éléments suivants:
La société SOCOFER ayant reçu commande de la société britannique AMEC en vue de la fourniture à la société RAILTRACK d'ensembles ferroviaires composés d'une plate-forme et de modules avec citerne, a sous-traité la conception et la fabrication des citernes à la société MAISONNEUVE, à laquelle elle a passé le 30 juillet 1998 une première commande de 25 citernes dont la livraison s'est étalée d'octobre 1999 à août 2000, puis le 20 juillet 2000 une seconde commande pour 7 citernes dont la livraison s'est faite courant 2001.
Le montant total du marché s'établissait à 688.000 € HT.
La S.A.SOCOFER était alertée au début du mois d'avril 2002 par son client britannique sur l'apparition de fissures au niveau des pieds de certaines citernes ; elle en avisait la société MAISONNEUVE par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 avril 2002 et se rendait aussitôt en Angleterre où elle procédait elle-même à la réparation en écrivant les 9 et 22 avril 2002 à MAISONNEUVE qu'il s'agissait de défauts de conception dont elle lui demanderait de prendre en charge le coût et les conséquences.
La société MAISONNEUVE régularisait le 9 avril 2002 auprès de son courtier SIACI une déclaration de sinistre à l'égard de son assureur le GAN.
Le client britannique ayant signalé en juillet 2002 la réapparition de cassures sur des fissures réparées en avril, SOCOFER procédait sur place aux réparations au mois de septembre 2002 en renforçant les quatre pieds extrêmes des citernes sur le châssis tout en demandant à MAISONNEUVE si elle souhaitait lui apporter son assistance et en lui facturant son intervention le 13 décembre 2002 à hauteur de 188.453,72 € TTC.
Au vu de calculs par éléments finis ayant mis en lumière la persistance de contraintes excessives en plusieurs zones, la société SOCOFER réalisait ensuite au premier semestre 2003 dans ses ateliers de Tours des travaux de renforcement supplémentaires des citernes.
Saisi le 8 avril 2003 par SOCOFER, le Juge des référés du tribunal de commerce de Tours ordonnait le 29 avril 2003 une expertise au contradictoire de MAISONNEUVE et de son assureur la compagnie GAN EUROCOURTAGE en désignant pour y procéder monsieur Z..., lequel déposait son rapport définitif en date du 29 décembre 2003.
La S.A. MAISONNEUVE saisissait le tribunal de commerce de Tours par assignation délivrée le 18 décembre 2003 à SOCOFER afin d'obtenir sa condamnation à lui verser le solde du prix des citernes soit 82.308,83 € outre 10.000 € d'indemnité pour résistance abusive.
Saisi par SOCOFER les 10 et 13 février 2004 d'une demande de provision contre MAISONNEUVE et son assureur à valoir sur l'indemnisation du préjudice qu'elle estimait subir du fait des désordres affectant les pieds des citernes, le juge des référés du tribunal de commerce de Tours rejetait cette demande par ordonnance du 23 avril 2004 motif pris de l'existence d'une contestation sérieuse quant aux responsabilités et de l'incertitude des comptes restant à tirer entre les parties, et SOCOFER saisissait alors le tribunal de commerce de Tours par actes des 29 octobre et 3 novembre 2004 pour obtenir la condamnation de MAISONNEUVE et du GAN à lui payer 1.023.317,69 € en réparation de son préjudice consécutif aux défauts des citernes, sur quoi la société MAISONNEUVE appelait en intervention forcée le 4 mai 2006 le courtier SIACI.
Aux termes du jugement du 9 février 2006, le tribunal, prononçant la jonction des deux instances respectivement introduites par MAISONNEUVE et SOCOFER, jugeant non prescrite l'action de SOCOFER, partageant par moitié entre les deux sociétés le coût des réparations et entérinant leur évaluation par l'expert judiciaire à la somme de 488.301,34 € en refusant l'expertise subsidiairement sollicitée de ce chef par MAISONNEUVE, a
* condamné la société MAISONNEUVE à payer à la société SOCOFER 292.004,22 € correspondant à la moitié du prix des travaux de reprise des défauts
* condamné la société SOCOFER à payer à la société MAISONNEUVE la somme de 82.308,83 € au titre du solde du prix des citernes
* rejeté toutes prétentions autres des deux sociétés
* prononcé la compensation entre leurs créances réciproques
* condamné la compagnie GAN à garantir son assurée MAISONNEUVE des condamnations mises à sa charge
* mis hors de cause la société SIACI, rejeté sa demande de dommages et intérêts et condamné le GAN à lui verser 1.500 € d'indemnité de procédure
* ordonné l'exécution provisoire de la décision et partagé les dépens par moitié entre SOCOFER et MAISONNEUVE.
C'est là le jugement entrepris, dont le GAN est appelant principal et dont les sociétés SOCOFER, MAISONNEUVE et SIACI ont formé appel incident.
En exécution d'un protocole transactionnel conclu entre les trois sociétés, le GAN s'est désisté dans ses dernières conclusions récapitulatives de l'appel interjeté contre la S.A. SIACI et contre la S.A. MAISONNEUVE.
La société GAN EUROCOURTAGE demande à la Cour d'infirmer la décision des premiers juges au motif que SOCOFER, en sa qualité de professionnel spécialisé notoirement compétent en fait de chaudronnerie et assisté d'un bureau d'études, s'étant immiscée dans les phases d'étude, de conception et de contrôle de la fabrication des citernes, a participé à la survenance de deux des trois causes retenues par l'expert comme étant à l'origine des désordres litigieux en s'impliquant dans les calculs et études et en décidant de supprimer quatre des huit appuis entre châssis et véhicule ; de juger que SOCOFER a donc une part prépondérante de responsabilité dans l'apparition des fissures, de mettre à sa charge 5/6 du préjudice en laissant 1/6 à la charge de MAISONNEUVE ; de débouter SOCOFER de ses demandes d'indemnisation faute pour elle de justifier des préjudices allégués, ou subsidiairement de dire que le préjudice ne peut excéder la somme de 488.301,34 € à laquelle l'expert judiciaire a chiffré le coût de réparation des citernes ; de dire qu'en tout état de cause, elle-même ne peut-être tenue que dans les conditions, limites et exclusions prévues à la police d'assurance 086104335 souscrite par son assurée MAISONNEUVE en les jugeant opposables à SOCOFER, et de condamner cette dernière à lui verser 10.000 € d'indemnité de procédure pour la couvrir de ses frais irrépétibles.
La société MAISONNEUVE demande à la Cour de condamner en toute hypothèse la société SOCOFER à lui payer 82.308,83 € TTC avec intérêts au taux légal depuis sa mise en demeure du 26 novembre 2003 au titre du solde de ses factures, 10.000 € de dommages et intérêts pour résistance abusive et 10.000 € d'indemnité de procédure, et s'agissant des prétentions dirigées à son encontre par SOCOFER
- à titre principal : de les juger irrecevables car prescrites au regard de la nécessité d'agir à bref délai prévue par l'article 1648 du Code civil
- à titre subsidiaire : de les juger mal fondées en raison de l'immixtion fautive de SOCOFER, notoirement compétente en matière de modules ferroviaires et d'équipements métalliques et qui s'est comportée comme le véritable concepteur en vérifiant et corrigeant ses notes de calculs et en exigeant certains aménagements tels celui, déploré par l'expert, consistant à passer de huit à quatre appuis de la citerne sur le châssis
- à titre plus subsidiaire encore : en laissant à MAISONNEUVE une part de responsabilité de 10 % tout au plus, et en ce cas en rejetant comme non démontrés les postes de réclamations relatifs au préjudice commercial, à la perte d'image et au préjudice financier lié au préfinancement des réparations et au retard d'encaissement du prix dû par le client anglais, en écartant la demande relative au coût de renforcement intérieur des citernes puisque l'expert estime qu'il n'était nullement nécessaire, et en limitant à 1€, au vu de sa réticence à solder le marché, la somme devant revenir à SOCOFER au titre du coût de ses travaux de reprise, sauf à ordonner une nouvelle expertise pour en chiffrer le coût réel -dû en tout état de cause hors taxe- dans la mesure où la somme de 488.301,34€ admise par l'expert Z... est exorbitante au regard du montant du marché et du nombre d'heures de main d'oeuvre allégué.
La S.A. SOCOFER -qui sollicite 20.000 € d'indemnité de procédure- demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déclarée recevable en son action puisqu'il s'agit d'un contrat d'entreprise et non pas d'une vente soumise au régime du bref délai et de l'infirmer pour le surplus en jugeant la S.A. MAISONNEUVE entièrement responsable des désordres affectant les citernes et en la condamnant solidairement avec son assureur le GAN EUROCOURTAGE à lui payer 911.437,36 € à titre de dommages et intérêts correspondant
.à 488.301,34 € de frais de réparation des désordres
.à 82.516,57€ pour les frais de renforts intérieurs, contractuellement dus au client
.à 105.000 € pour perte de chiffre d'affaires consécutive à la dégradation de son image
.à 160.619,55 € correspondant à la marge brute manquée sur le troisième contrat, perdu
.à 60.000 € de préjudice financier lié à l'obligation d'avoir pré-financé les réparations
.à 15.000 € pour le manque de trésorerie lié au retard de paiement du client mécontent
en faisant valoir que son sous-traitant était tenu envers elle d'une obligation de résultat, qu'elle n'est pas notoirement compétente en fait de citernes puisque sa spécialité est de fabriquer des plates-formes ferroviaires et que c'est précisément la raison pour laquelle elle s'est adressée à MAISONNEUVE ; qu'aucun acte caractérisé et fautif d'immixtion n'est démontré de sa part alors que MAISONNEUVE conservait la maîtrise totale des opérations de conception et de fabrication, son propre contrôle des calculs du sous-traitant étant prévu au cahier des charges; qu'enfin, le défaut de conception locale des pieds d'appui de la citerne sur le châssis, que l'expert judiciaire impute exclusivement à MAISONNEUVE, absorbe les deux autres causes pour lesquelles le technicien l'estime impliquée puisqu'il écrit que les fissures ne se seraient pas produites sans ce défaut, de sorte qu'il n'y a pas lieu à partage de responsabilité.
L'instruction a été clôturée par une ordonnance du 14 novembre 2007, ainsi que les avoués des parties en ont été avisés.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu qu'il est pris acte du désistement d'appel du GAN envers la société SIACI, qui a expressément déclaré l'accepter et renoncer à sa demande d'indemnité de procédure ;
Attendu ensuite que c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté le moyen d'irrecevabilité de l'action de la SOCOFER, maintenu à hauteur d'appel, tiré par la société MAISONNEUVE de ce que la demande n'aurait pas été formée dans le bref délai requis par l'article 1648 du Code civil, lequel est inapplicable en la présente cause puisque la convention liant les deux sociétés n'est pas un contrat de vente mais un contrat d'entreprise en vertu duquel SOCOFER chargeait MAISONNEUVE de la conception et de la fabrication en qualité de sous-traitant des citernes aux caractéristiques spécifiques dont elle-même avait reçu commande ; qu'aucune autre prescription ou forclusion n'est invoquée ; que l'action de SOCOFER est donc bien recevable ;
Attendu, sur le fond, que la réalité des défauts affectant la quasi totalité des citernes ainsi conçues et fabriquées par la S.A. MAISONNEUVE a été constatée par l'expert judiciaire Z... et n'est au demeurant pas contestée ; qu'ils sont objectivés par des clichés photographiques annexés au rapport du technicien, et consistent en une fissuration des pieds d'extrémité d'appui des citernes et un défaut affectant certaines soudures à l'intérieur des cuves;
Attendu qu'en des conclusions minutieusement argumentées et non contestées, l'expert judiciaire retient que ces fissures traduisent une fatigue plastique résultant de contraintes supérieures à la contrainte limite élastique de l'acier et les impute à des défauts de conception et de calcul, ajoutant que le problème aurait été fortement atténué si les huit appuis initiaux du châssis sur le véhicule avaient été conservés et non pas ramenés à quatre ;
Attendu que le vice de conception sans lequel l'expert dit que le problème ne serait pas apparu vient de ce qu'aucun plat intérieur n'a été disposé dans le prolongement des autres plats (cf rapport p. 31) ;
Que le défaut de calcul vient d'une part d'un chiffrage proprement incorrect du coefficient de sécurité tant dans la configuration initiale à huit appuis que dans la solution finalement adoptée de quatre appuis (cf rapport p.33) et d'autre part du recours à une méthode de calcul inadaptée reposant sur la théorie traditionnelle des poutres qui ne permettait pas de quantifier des effets supplémentaires défavorables ne pouvant être appréciés qu'avec la méthode du calcul informatique par éléments finis, de sorte qu'il n'a pas été tenu compte de trois contraintes dites de cisaillement, de compression verticale et de concentration, dont le cumul faisait passer de 20,2 kg/mm² à 52,8 Kg/mm² la contrainte au point situé sous les charges verticales, là où les fissures sont apparues (cf rapport p. 29 à 31) ;
Qu'en définitive, l'expert judiciaire qualifie la conception locale des pieds d'appui de la citerne par MAINSONNEUVE de défectueuse, sa note de calcul d'incomplète (cf notamment rapport p. 44) et son évaluation des contraintes s'exerçant sur l'acier d'incorrecte et très largement sous-évaluée faute de calcul à la fatigue (cf rapport p.33) ; qu'au demeurant, monsieur Z... indique (cf p.44) que même un calcul traditionnel, s'il avait été exact, aurait montré que la conception locale et le dimensionnement n'étaient pas acceptables et allaient conduire à des désordres ;
Attendu qu'aux termes de l'article 2 du marché de fourniture la société MAISONNEUVE était chargée de la conception et du calcul des citernes ; que la commande qu'elle avait reçue de SOCOFER visait expressément la fourniture d'études et de documents contractuels qui sont définis dans les conditions particulières comme "documents d'étude et de montage, plans et nomenclatures, notes de calcul" ; que la "spécification technique" signée des deux sociétés et qui faisait partie intégrante du marché stipule en son article 1.2 que MAISONNEUVE devait fournir à SOCOFER plans "d'ensemble cotés, plans de détails cotés, nomenclatures, calculs de dimensionnements tels que résistance structures..." ;
Que l'expert judiciaire analyse lui-même ces éléments contractuels comme impliquant que les études de conception et calculs de dimensionnement étaient à la charge de MAISONNEUVE ;
Et attendu que l'article 20 du marché stipule que la société MAISONNEUVE était tenue envers SOCOFER d'une obligation de résultat ;
Attendu qu'elle n'a pas fourni à son donneur d'ordre un produit exempt de défaut ;
Que sa responsabilité est donc engagée ;
Attendu que pour s'exonérer ou pour conclure subsidiairement à un partage de responsabilité entre elles, la société MAISONNEUVE -comme le GAN son assureur- invoque une immixtion fautive de la part de la société SOCOFER en faisant valoir que celle-ci a participé aux études techniques préalables, qu'elle a contrôlé ses calculs en y opérant des corrections, qu'elle s'est impliquée dans la fabrication par sa présence fréquente dans ses ateliers et qu'elle a exigé au cours du premier trimestre 1999 une modification des plans ramenant de 2X4 à 2X2 le nombre des appuis de la citerne sur le châssis ;
Mais attendu qu'ainsi qu'il ressort de leur activité respective et comme l'estime également l'expert judiciaire (cf p.46), des deux co-contractants, le spécialiste en matière de citernes est la société MAISONNEUVE, qui a pour activité la chaudronnerie et la fabrication de citernes de ramassage et de transport, la société SOCOFER ayant quant à elle pour spécialité la fabrication de matériel ferroviaire même si elle dispose aussi de compétences en matière d'éléments de chaudronnerie et de construction métallique ; que précisément, elle avait sous-traité le marché pour ce qui est de la conception et de la fabrication des citernes en se réservant celles des plate-formes ferroviaires ;
Qu'il n'est ainsi pas démontré que SOCOFER aurait en fait de citernes une qualification et une expérience telles qu'elles fassent d'elle un donneur d'ordre notoirement compétent ;
Et attendu qu'en fait d'immixtion, la participation de SOCOFER aux études techniques préalables relevait de la définition du marché ayant conduit à l'élaboration du document contractuel dénommé "spécification technique" ; qu'elle est par hypothèse antérieure aux calculs erronés des contraintes et à la conception défectueuse des pieds d'appui de la citerne sur le châssis dans lesquels l'expert voit les causes des fissurations litigieuses ; qu'elle n'entretient donc aucun lien de causalité avec les désordres litigieux et ne constitue en tout état de cause pas un fait d'immixtion du donneur d'ordre, qui était en cela dans son rôle ;
Attendu que s'agissant du contrôle des calculs par SOCOFER et de sa présence dans les ateliers de MAISONNEUVE, ils ne caractérisent pas davantage une immixtion de la part du donneur d'ordre puisque les conditions particulières du marché stipulaient expressément que SOCOFER se réservait le droit de procéder à des inspections d'avancement lors des calculs, études, fabrications ou essais dans les locaux du fournisseur, et que les conditions générales stipulaient qu'elle se réservait la faculté de contrôler la bonne exécution de la commande pendant toute sa durée et ce par tout moyen, avec cette clause que sa surveillance, son inspection et son acceptation du matériel ne libéreraient pas le fournisseur de sa responsabilité de constructeur, qui restait entière ; qu'au demeurant, les sociétés MAISONNEUVE et GAN EUROCOURTAGE ne prouvent pas que le contrôle opéré par SOCOFER sur les études ait été d'une technicité particulière, alors que l'expert fait quant à lui seulement état de corrections manuscrites relatives à des aspects techniques et à la détection d'une erreur de calcul de sorte qu'à ce titre également l'immixtion n'est pas caractérisée ;
Attendu enfin que s'agissant de la réduction du nombre des appuis de la citerne sur le châssis par voie de suppression des cales sous les passages de fourches, elle n'est pas de nature à exonérer fût-ce partiellement la S.A. MAISONNEUVE de sa responsabilité ;
Attendu en effet en premier lieu que l'expert n'y voit pas une cause des fissures mais seulement un facteur aggravant ;
Et attendu qu'en tout état de cause, ledit expert constate (cf pages 12,13, 49 et 50) au vu des deux seuls écrits relatifs à ce point savoir un courrier du 5 mai 1999 et une télécopie du surlendemain que cette décision fut prise d'un commun accord entre MAISONNEUVE et SOCOFER, en raison d'un défaut de planéité constaté sur les quatre premières citernes livrées par MAISONNEUVE et sans élaboration d'aucune note de la part de celle-ci, dont monsieur Z... retient (p.46) qu'elle aurait dû se rendre compte immédiatement des conséquences importantes de cette modification sur la transmission des efforts dans les pieds ; qu'ainsi, en sa qualité de spécialiste des citernes contractuellement en charge de la conception, des études et du contrôle du modèle commandé, la S.A. MAISONNEUVE doit être tenue pour responsable de cette décision, à laquelle elle a participé, qu'elle n'a pas évaluée et sur l'incidence de laquelle elle n'a pas rempli son devoir de conseil au profit de sa co-contractante ;
Attendu dans ces conditions qu'il y a lieu de juger la société MAISONNEUVE seule responsable des conséquences dommageables pour SOCOFER des défauts affectant les citernes fournies à son client britannique, et de réformer en cela la décision des premiers juges, qui avaient retenu une responsabilité partagée ;
Attendu que s'agissant du préjudice indemnisable, il recouvre en premier lieu de coût des réparations opérées par la société SOCOFER, à laquelle MAISONNEUVE a refusé de prêter son concours et qui a elle-même assumé la remise en état des citernes fissurées en trois phases dont deux correspondant à des interventions provisoires exécutées en Grande Bretagne dans l'urgence afin de maintenir le matériel en service pour les deux saisons d'utilisation en le renforçant, puis à une réfection complète, et qui a donné satisfaction, dans ses ateliers de Tours où elle avait dû rapatrier les citernes durant les périodes pendant lesquelles le client ne les utilisait pas ;
Attendu que l'expert judiciaire a contrôlé et validé le chiffrage par SOCOFER à 488.301,34 € HT du coût de ces réparations, lequel inclut notamment études et méthodes, transport, main d'oeuvre et pièces, pour lesquels un état détaillé et ventilé a été produit ; qu'il n'y a pas lieu à contre-expertise de ce chef, alors que la société MAISONNEUVE n'a pas apporté de contradiction utile au pré-rapport sur ce point et qu'aujourd'hui encore elle ne verse aucun élément propre à rendre plausible son affirmation selon laquelle ce chiffrage serait exorbitant, étant observé que l'expert nantais qu'elle avait mandaté pour donner son avis sur ce poste aboutissait unilatéralement en janvier 2006 à un montant égal à environ 80 % de la somme retenue par l'expert judiciaire (cf pièce no19 de l'intéressée) ;
Attendu que s'agissant du coût supplémentaire de mise en place de cornières soudées et de goussets arrondis, il n'entretient pas de lien de causalité suffisant avec le défaut litigieux des citernes puisque SOCOFER elle-même indique que cet ajout intervint pour se conformer aux normes britanniques applicables au matériel qui lui avait été commandé et que l'expert retient qu'il n'y avait pas eu de demande formelle du client anglais sur ce point (rapport p.50) et qu'il fut décidé pour parer un risque non avéré de contraintes excessives sur les fonds et les pare-vagues et qu'il constitue une intervention non indispensable (cf rapport p. 41et 52) ; que la demande formulée sur ce point par la société SOCOFER a donc été rejetée à bon droit par les premiers juges ;
Attendu enfin que s'agissant des différents postes de préjudice complémentaires formulés par la société SOCOFER au titre des conséquences financières dommageables du sinistre, elle apparaît fondée à invoquer la charge qu'a constitué pour sa trésorerie l'avance pendant des années du coût des réparations qu'elle a dû supporter, pour laquelle elle recevra une indemnisation de 15.000 € ;
Que les autres chefs de préjudice qu'elle invoque n'apparaissent pas fondés, qu'il s'agisse du retard prétendu de règlement de son client dont elle n'établit ni la réalité ni l'imputabilité au problème de fissuration des citernes, qu'il s'agisse de sa mise à l'écart de la troisième tranche du marché de fourniture des plate-formes ferroviaires avec citerne auprès de son client, qui s'analyse en tout état de cause en une perte de chance et sur laquelle aucun justificatif n'a été fourni en réponse aux objections adverses selon lesquelles la procédure s'est faite par appel d'offres dont l'issue est par hypothèse imprévisible en l'état de la concurrence, ou qu'il s'agisse enfin de la perte d'image auprès de sa clientèle acquise et potentielle européenne du fait de ces déboires, sur laquelle elle ne fournit aucune explication alors que la rapidité et l'efficacité de son intervention ont évité tout préjudice à sa cliente britannique et qu'elle fait état de ce marché comme un succès dans sa documentation publicitaire;
Attendu que s'agissant de la garantie due à son assurée par le GAN EUROCOURTAGE, celui-ci indique expressément dans ses dernières conclusions qu'elle est acquise à la S.A. MAISONNEUVE au titre de la police "constructeur" no086104335 dont l'article 2 des conditions particulières couvre en effet son activité de fabrication de citernes ; que le plafond contractuel de garantie de 9.000.000 € n'est pas atteint ; que l'assureur n'invoque pas précisément d'exclusion ou de non garantie applicable au sinistre; que la franchise invoquée, qui est de 1.525€, est opposable à SOCOFER puisqu'il ne s'agit pas d'une assurance obligatoire;
Attendu que la compagnie GAN sera donc condamnée in solidum avec son assurée pour la totalité des sommes mises à la charge de celle-ci sous déduction de la franchise contractuelle;
Attendu que de son côté, la société MAISONNEUVE est fondée en sa demande, non contestée en son principe comme en son montant, de paiement du solde du coût de ses fournitures, pour 82.308,83 € TTC, le jugement étant confirmé en ce qu'il lui a alloué cette somme sauf à préciser que les intérêts courront au taux légal depuis sa mise en demeure du 26 novembre 2003;
Que la compensation ordonnée par les premiers juges entre les créances réciproques doit être confirmée pour leurs montants tels que fixés à hauteur d'appel ;
Que la décision entreprise sera également confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de MAISONNEUVE en dommages et intérêts pour résistance abusive, dans la mesure où le retard de SOCOFER à solder le marché n'a pas revêtu de caractère abusif au vu de la créance très supérieure à sa dette dont elle s'avère titulaire du fait des désordres imputables à sa co-contractante, qui lui refusait toute indemnisation et à laquelle son assureur déniait alors sa garantie, étant observé qu'il est significatif que le société MAISONNEUVE n'ait formulé de mise en demeure qu'à l'époque du dépôt du pré-rapport d'expertise, longtemps après l'émission de ses dernières factures ;
PAR CES MOTIFS
la Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :
DONNE acte à la S.A. GAN EUROCOURTAGE de son désistement d'appel envers la société SIACI, et à celle-ci de son acceptation de ce désistement et de sa renonciation à sa demande d'indemnité de procédure,
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a prononcé un partage de responsabilité entre les sociétés SOCOFER et MAISONNEUVE, chiffré en conséquence de ce partage à 292.004,22€ la condamnation infligée à MAISONNEUVE au profit de SOCOFER au titre du coût des réparations, débouté SOCOFER de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice financier consécutif au pré-financement des frais de réparations et partagé la charge des dépens, et statuant à nouveau,
DIT n'y avoir lieu à nouvelle expertise
DIT que la S.A. MAISONNEUVE est entièrement responsable des conséquences dommageables des fissures affectant les citernes qu'elle a fournies à la S.A. SOCOFER
CONDAMNE in solidum la S.A. MAISONNEUVE et la S.A. GAN EUROCOURTAGE -celle-ci sous réserve de la franchise contractuelle de 1.525€- à payer à la S.A. SOCOFER
* 488.301,34 € HT (QUATRE CENT QUATRE VINGT HUIT MILLE TROIS CENT UN EUROS ET TRENTE QUATRE CENTIMES) au titre du coût des réparations des défauts affectant les citernes
* 15.000 € (QUINZE MILLE EUROS) à titre de dommages et intérêts indemnisant son préjudice financier lié à son pré-financement des réparations
DIT que la compensation entre les créances réciproques des sociétés SOCOFER et MAISONNEUVE ordonnée par les premiers juges opérera pour les condamnations telles que chiffrées à hauteur d'appel, et PRÉCISE que la créance, confirmée, de 82.308,83 € dont la société MAISONNEUVE est titulaire au titre du solde du prix de ses fournitures est assortie des intérêts courus au taux légal depuis le 26 novembre 2003,
CONDAMNE in solidum la S.A. MAISONNEUVE et la S.A. GAN EUROCOURTAGE aux dépens de première instance -en ce compris le coût de l'expertise judiciaire- et d'appel, ainsi qu'à payer à la S.A. SOCOFER la somme de 7.000 € (SEPT MILLE EUROS) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
ACCORDE à la LAVAL & LUEGER, titulaire d'un office d'avoué, le droit à recouvrement direct reconnu par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Et le présent arrêt a été signé par Monsieur Rémery, Président et Madame Fernandez, Greffier ayant assisté au prononcé de l'arrêt.