COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE DE LA FAMILLE
ARRÊT du : 03 JUIN 2008
N° RG : 07 / 01130
Grosses + Expéditions
la SCP LAVAL-LUEGER
Me Elisabeth BORDIER
APPEL d'un jugement du Juge aux affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de BLOIS en date du 13 mars 2007.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Frédérique X... épouse Y..., née le 10 Décembre 1964 à ORLEANS (45000)
...
Représentée par la SCP LAVAL-LUEGER, avoués à la Cour
Assistée de la SCP LEGRAND / LEGRAND-LEJOUR / PONTRUCHE, avocats au barreau d'ORLEANS
INTIMÉ
Didier Y..., né le 28 Juillet 1960 à ORLEANS (45000)
...
Représenté par Me Elisabeth BORDIER, avoué à la Cour
Assisté du Cabinet HAMELIN, avocats au barreau de BLOIS
COMPOSITION DE LA COUR :
Monsieur GOUILHERS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, désigné par ordonnance du Premier Président en date du 11 décembre 2007,
Monsieur FOULQUIER, Conseiller,
Madame GONGORA, Conseiller,
Les débats ont eu lieu en Chambre du Conseil le 19 Février 2008, après rapport de Monsieur GOUILHERS, Conseiller.
L'arrêt a été prononcé, en audience publique, le TROIS JUIN DEUX MILLE HUIT (03 / 06 / 2008), par Monsieur GOUILHERS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, qui a signé la minute.
La Cour a été assistée lors des débats et lors du prononcé de l'arrêt par Madame PIERRAT, Greffier.
Vu le jugement contradictoire rendu entre les parties le 13 mars 2007 par le Tribunal de Grande Instance de BLOIS, dont appel ;
Vu les conclusions déposées le 14 février 2008 par Frédérique X... épouse Y..., appelante, incidemment intimée ;
Vu les conclusions déposées le 18 février 2008 par Didier Y..., intimé, incidemment appelant ;
LA COUR,
Attendu que Frédérique X... épouse Y... est régulièrement appelante d'un jugement du 13 mars 2007 par lequel le Tribunal de Grande Instance de BLOIS a notamment :
- prononcé le divorce des époux Y...- X... à leurs torts partagés,
- débouté les parties de leurs demandes respectives de dommages et intérêts,
- débouté Frédérique X... de sa demande de prestation compensatoire,
- dit que les père et mère exerceront conjointement l'autorité parentale sur l'enfant William né du mariage le 19 juin 1990,
- fixé la résidence habituelle de l'enfant chez le père,
- organisé le droit de visite et d'hébergement de la mère ;
Attendu que malgré le caractère général de l'appel, le débat devant la Cour se circonscrit en réalité aux seules questions des mesures accessoires relatives à l'enfant et de la prestation compensatoire ;
Attendu, s'agissant de l'enfant William, que celui-ci qui sera majeur dans quelques jours, vit chez sa mère depuis le mois de juillet 2007, ce avec l'accord du père ;
qu'il convient de tenir compte de ce changement en fixant la résidence habituelle de William au domicile de la mère et, eu égard tant à l'âge de l'enfant qu'au fait que le père a choisi de s'installer au Mali, en accordant à Didier Y... un libre droit de visite et d'hébergement, à charge pour lui de prendre ou faire prendre l'enfant au domicile de la mère et de l'y ramener ou faire ramener ;
Attendu que l'enfant William est actuellement apprenti couvreur, situation qui lui procure un revenu mensuel d'environ 500 € nettement insuffisant pour lui permettre de s'assumer entièrement ;
Attendu que l'appelante exerce une activité commerciale d'exploitante d'un fonds de bar-tabac-bimbeloterie à YVOY-LE-MARRON (Loir-et-Cher) depuis le 1er octobre 2007 ;
qu'elle n'a pas été en mesure de verser aux débats les pièces justificatives des revenus qu'elle tire de cette activité ;
qu'il y a lieu de relever que l'acquisition de ce fonds a représenté un investissement total de quelque 158. 000 € en grande partie financé par un emprunt bancaire remboursable par mensualités de 1. 352 €, étant observé que le précédent propriétaire a déclaré avoir réalisé un chiffre d'affaires de 53. 326 € et un bénéfice de 28 778 € sur l'exercice 2005-2006 ;
Attendu que Frédérique X... dispose d'un portefeuille de valeurs mobilières important dont la valeur était de 289. 250 € au 22 août 2007 ;
qu'en 2006 ses capitaux mobiliers lui ont procuré un revenu imposable de 3. 501 € ;
qu'elle est usufruitière d'un appartement sis à Orléans donné en location pour 400 € par mois ;
Attendu que l'appelante est également propriétaire de bois en Sologne pour une superficie d'environ 31, 5 hectares dont elle soutient qu'ils ne lui procureraient qu'un revenu dérisoire de 7, 10 € par mois ;
Attendu sur ce point que ces bois sont voisins d'un ensemble immobilier appartenant à l'intimé, les époux ayant en ces lieux exploité une maison et des installations à usage de bar et ball-trap ainsi que des parcours de chasse ;
que cette exploitation a été louée à un tiers suivant bail du 30 décembre 2004 ;
que cependant, parmi les biens appartenant à l'appelante, seule la parcelle cadastrée K 1 lieudit La Chesnière à VOUZON (Loir-et-Cher) a été partiellement incluse dans cette location, et ce pour un hectare environ alors que la superficie totale de ladite parcelle est de 11 ha 57a 00 ca ;
qu'il ressort donc des pièces produites que l'appelante peut disposer de trente hectares environ sur l'ensemble boisé lui appartenant et qu'elle doit pouvoir en tirer un revenu appréciable ;
Attendu enfin que la pension alimentaire mensuelle indexée que l'appelante percevait de son mari au titre du devoir de secours à raison de 1. 300 € par mois cessera d'être due à compter du présent arrêt ;
Attendu que l'intimé ne donne aucune indication précise sur sa situation matérielle, économique et financière actuelle ;
qu'il se décrit toujours comme exerçant une activité de ball-trap et d'organisateur de chasses alors que le fonds de commerce qu'il exploitait dans ce secteur a été par lui donné à bail commercial par acte du 30 septembre 1994, ledit bail renouvelé par autre acte du 30 décembre 2004, ce moyennant un loyer mensuel de 1. 775, 05 € H. T. dont 7, 10 € par mois pour la partie de la parcelle cadastrée section K n° 1, lieudit " La Chesnière " à VOUZON (Loir-et-Cher), appartenant à l'appelante ;
qu'il semble qu'il exploite toujours au même lieu une activité de discothèque ;
qu'il verse aux débats les comptes annuels pour l'exercice 2005-2006 de l'entreprise de nature non définie qu'il dirige, comptes dont il ressort qu'il aurait réalisé un bénéfice de 49. 020, 46 € incluant un " résultat exceptionnel " de 35. 878 € dont Didier A... se garde de préciser à quoi il correspond non plus que d'en justifier ;
qu'il possédait plusieurs appartements au VERDON-SUR-MER (Gironde) qu'il a vendus en 2003, 2005 et 2006 sans indiquer aucunement la destination donnée aux fonds provenant de ces ventes ;
qu'en 2006, il a déclaré des revenus imposables pou 13. 142 €, somme à peine supérieure à la pension alimentaire qu'il a versée à son épouse, de sorte que les éléments comptables et fiscaux par lui fournis ne reflètent manifestement pas sa situation réelle ;
Attendu que l'intimé s'est établi depuis quelques années au Mali, où il exploitait à BAMAKO un fonds de commerce de bar-restaurant qui aurait été racheté par son actuelle concubine sans que là encore aucune indication soit fournie sur son activité et ses moyens d'existence dans ce pays ;
Attendu, dans ces conditions, que compte tenu des éléments de train de vie qui ont été ceux des parties jusqu'à présent et alors qu'il n'est pas justifié d'un changement quelconque dans leur situation de fortune, les besoins de l'enfant William nécessitent que soit mise à la charge du père une pension alimentaire mensuelle indexée de 500 € à compter du 1er juillet 2007 ;
que la décision attaquée sera donc réformée de ce chef ;
Attendu, sur la prestation compensatoire, que les éléments de patrimoine et les revenus des parties ont été ci-dessus analysés ;
que le mariage a duré quelque vingt ans à ce jour et qu'un enfant, William, né le 19 juin 1990 en est issu ;
que les époux sont respectivement âgés de quarante-sept ans pour le mari et de quarante-trois ans pour la femme ;
qu'il est constant que Frédérique X... a cessé en 1987 l'activité salariée qu'elle exerçait pour se consacrer à son foyer ;
que sur ce point, la question de savoir si l'épouse a ou non exercé une activité professionnelle non déclarée pour le compte de son mari n'a pas d'incidence sur la solution du litige dès lors qu'il est certain qu'elle n'a plus cotisé à l'assurance vieillesse depuis 1987 et que l'arrêt de toute activité professionnelle personnelle ou salariée en ce qui la concerne est réputé procéder du commun accord des conjoints, sauf à l'intimé de prouver le contraire, ce qu'il ne fait pas, étant observé au passage que les revenus tirés par le mari de l'activité de gérant de bar, restaurant, discothèque, ball-trap et organisation de chasses qu'il prétend avoir exercée seul ont été très suffisants pour permettre au ménage de mener un train de vie enviable ;
qu'il n'est en tout cas pas démontré que c'est contre la volonté de son époux que Frédérique X... a démissionné de l'emploi salarié qu'elle occupait avant son mariage et qu'elle n'a plus exercé ensuite d'activité professionnelle personnelle ou salariée ;
Attendu que s'il est exact que l'appelante dispose d'une fortune personnelle et qu'elle vient de débuter une activité commerciale, l'ensemble lui procurant un niveau de revenu acceptable, il n'en demeure pas moins qu'elle ne pourra prétendre qu'à des droits à pension de retraite extrêmement réduits lorsqu'il lui faudra cesser toute activité professionnelle en raison de son âge, et ce parce qu'en accord avec son époux, elle s'est exclusivement consacrée à leur foyer de 1987 à 2004 ;
Attendu que la question des détournements de fonds prétendument opérés par l'appelante au préjudice de l'intimé relève du contentieux de la liquidation du régime matrimonial, étant observé qu'aucune preuve n'en est en l'état rapportée et que l'on peut douter que Didier Y..., homme d'affaires avisé, se soit désintéressé de la gestion de ses comptes au point de n'avoir découvert les détournements allégués qu'après la séparation des conjoints ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède, que contrairement à ce qu'a estimé le premier Juge, le divorce crée, au détriment de la femme, une disparité dans les conditions de vie respectives des époux ;
Attendu qu'il ya lieu de tenir compte du fait que pendant quelque temps encore, l'intimé restera débiteur d'une pension alimentaire pour l'enfant William ;
que Didier Y... n'établit pas subvenir aux besoins d'une fille née d'une union précédente ;
qu'il ne démontre pas non plus être débiteur d'une obligation alimentaire envers un enfant issu d'une relation adultère, étant à cet égard observé que ce fait serait indifférent puisqu'il lui appartiendrait en tout état de cause de faire son affaire personnelle d'obligations contractées au mépris du devoir de fidélité entre époux ;
Attendu qu'il échet en conséquence de réformer la décision critiquée, de condamner Didier Y... à payer à Frédérique X... la somme de 60. 000 € à titre de prestation compensatoire et de dire qu'il supportera les incidences fiscales d'un règlement de cette somme postérieur de plus d'une année à la date à laquelle le présent arrêt aura acquis l'autorité de la chose jugée ;
Attendu que pour faire valoir ses droits devant la Cour, l'appelante a été contrainte d'exposer des frais non inclus dans les dépens qu'il paraît équitable de laisser, au moins pour partie, à la charge de l'intimé ;
que celui-ci sera donc condamné à lui payer une indemnité de 2. 000 € par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, après débats en chambre du conseil et après en avoir délibéré conformément à la loi,
En la forme, déclare recevables tant l'appel principal que l'appel incident ;
Au fond, dit le premier seul justifié ;
Réformant, fixe la résidence habituelle de l'enfant William au domicile de la mère à compter du 1er juillet 2007 ;
Dit que le père pourra exercer un libre droit de visite et d'hébergement, à charge pour lui de prendre ou faire prendre l'enfant William au domicile de la mère et de l'y ramener ou faire ramener ;
Condamne Didier Y... à payer à Frédérique X..., pour sa contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant William, une pension alimentaire mensuelle de 500 €, ce à compter du 1er juillet 2007 ;
Dit que cette pension alimentaire sera payable d'avance, le premier jour de chaque mois, au domicile de la mère et sans frais pour elle ;
Dit que cette pension alimentaire sera réévaluée au 1er juillet de chaque année en fonction des variations de l'indice des prix à la consommation des ménages urbains, série France entière hors tabac, publié par l'INSEE et ce de plein droit sans accomplissement d'aucune formalité par le créancier ;
Condamne Didier Y... à payer à Frédérique X... la somme de 60. 000 € à titre de prestation compensatoire ;
Dit que dans le cas où Didier Y... ne viendrait à s'acquitter du paiement de ladite somme que plus d'une année après que le présent arrêt sera passé en force de chose jugée, il supportera seul, à titre de prestation compensatoire complémentaire, les impositions rendues exigibles en application de l'article 80 quater du Code Général des Impôts ;
Confirme pour le surplus le jugement déféré ;
Condamne Didier Y... à payer à Frédérique X... une indemnité de 2. 000 € par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Le condamne aux dépens ;
Accorde à la SCP LAVAL-LUEGER, Avoués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Et le présent arrêt a été signé par Monsieur GOUILHERS, Président de Chambre, et par Madame PIERRAT, Greffier.