COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE SOCIALE
Prud'hommes
GROSSES le 26 JUIN 2008 à
la SCPA LAVILLAT-BOURGON
la SELARL DUPLANTIER-JEVTIC-MALLET. GIRY-ROUICHI
COPIES le 26 JUIN 2008 à
CA. PRO. GA.
Gérard X...
ARRÊT du : 26 JUIN 2008
N° RG : 07 / 02288
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MONTARGIS en date du 13 Septembre 2007- Section : AGRICULTURE
ENTRE
APPELANTE :
• La Société CA. PRO. GA. prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est Les Docks Châlette-B. P. 357-45203 MONTARGIS
représentée par Delphine Y... (Membre de l'entrep.) en vertu d'un pouvoir général et assisté de Me Cécile BOURGON de la SCPA LAVILLAT-BOURGON, avocats au barreau de MONTARGIS.
ET
INTIMÉ :
• Monsieur Gérard X..., né le 20 mai 1950 à MONTARGIS (45), demeurant...
comparant en personne, assisté de Maître ROUICHI de la SELARL DUPLANTIER-JEVTIC-MALLET. GIRY-ROUICHI, avocats au barreau d'ORLEANS.
Après débats et audition des parties à l'audience publique du 29 Mai 2008
LA COUR COMPOSÉE DE :
• Monsieur Daniel VELLY, Président de Chambre
• Monsieur Pierre LEBRUN, Conseiller
• Madame Catherine PAFFENHOFF, Conseiller
Assistés lors des débats de Madame Geneviève JAMAIN, Greffier,
Puis ces mêmes magistrats en ont délibéré dans la même formation et à l'audience publique du 26 Juin 2008, Monsieur Daniel VELLY, Président de Chambre, assisté de Madame Geneviève JAMAIN, Greffier, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
RÉSUMÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Monsieur Gérard X... a été engagé, le 5 janvier 1987, par la société coopérative agricole CAPROGA, en qualité d'ouvrier.
Le 25 avril 2005, il a été élu membre suppléant à la délégation unique du personnel.
Il a été mis à la retraite le 27 avril 2006 sans que son employeur ait demandé l'autorisation à l'inspection du travail.
Cette dernière a informé le salarié du caractère illicite de cette décision le 15 septembre suivant.
C'est dans ces conditions que, le 21 décembre 2006, il a saisi le Conseil de Prud'hommes de MONTARGIS, section agriculture, d'une action en nullité de son licenciement contre son employeur et pour le condamner à lui verser :
• 3. 290, 22 euros d'indemnité compensatrice de préavis
• 329, 02 euros de congés payés sur préavis
• 5. 757, 89 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement
• 28. 652, 34 euros d'indemnité pour violation du statut protecteur
• 18. 222 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul sur le fondement de l'article L 122-4-4 du Code du travail
• 34, 26 euros pour la journée du 16 mai 2005
• 3, 42 euros de congés payés y afférents
• 700 euros de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir la prime du fait du licenciement abusif de l'employeur
• 1. 500 euros sur le fondement de l'article 700 Code de Procédure Civile
Pour sa part, l'employeur a conclu au débouté des demandes présentées et à la condamnation du salarié à lui verser :
1. 500 euros en application de l'article 700 Code de Procédure Civile
4. 485, 77 euros au titre du remboursement de l'indemnité de départ à la retraite dans le cas d'une requalification de la rupture du contrat
Par jugement du 13 septembre 2007, le Conseil de Prud'hommes de MONTARGIS a condamné la société à verser à l'employé :
• 3. 290, 22 euros d'indemnité compensatrice de préavis
• 329, 02 euros de congés payés sur préavis
• 5. 757, 89 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement
• 28. 652, 34 euros d'indemnité pour violation du statut protecteur
• 18. 222 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul sur le fondement de l'article L 122-4-4 du Code du travail, ainsi qu'aux dépens
Il a également condamné le salarié à rembourser à l'employeur 4. 485, 77 euros correspondant à l'indemnité de départ à la retraite.
La société a fait appel de la décision le 20 septembre 2007.
DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES
1 / Ceux de la société, appelante :
Elle sollicite l'infirmation du jugement contesté, conclut au débouté des demandes du salarié et à sa condamnation à lui verser 1. 500 euros sur le fondement de l'article 700 Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux dépens.
Elle indique que le départ en retraite du salarié n'a jamais été imposé. Selon elle, l'employé a manifesté de façon claire et non équivoque sa volonté de partir en retraite. De surcroît, elle constate que ce dernier a également donné son accord postérieur écrit pour cesser son activité au 30 juin 2006.
Elle précise que la jurisprudence de la Cour de cassation autorise dans ce cas le départ en retraite sans autorisation de l'inspection du travail.
Enfin, elle considère qu'elle n'avait pas à payer le salarié pour la journée du 16 mai 2005 puisque celui-ci était en grève.
2 / Ceux du salarié :
Il sollicite la confirmation du jugement critiqué en ce qu'il a condamné la société à lui verser :
3. 290, 22 euros d'indemnité compensatrice de préavis
329, 02 euros de congés payés sur préavis
5. 757, 89 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement
28. 652, 34 euros d'indemnité pour violation du statut protecteur
18. 222 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul sur le fondement de l'article L 122-4-4 du Code du travail, ainsi qu'aux dépens
Il demande également que l'employeur soit condamné à lui payer :
• 34, 26 euros de rappel de salaire pour la journée du 16 mai 2005 outre 3, 42 euros de congés payés y afférents
• 700 euros de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir la prime du fait du licenciement abusif
• 2. 500 euros sur le fondement de l'article 700 Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens
Il note que son employeur a procédé à sa mise à la retraite sans demander préalablement l'autorisation à l'inspection du travail comme l'exigent les dispositions du Code du travail.
Il insiste sur le fait qu'il n'a pas été à l'initiative de son départ.
Dès lors, il considère que cette rupture est illicite conformément à la jurisprudence.
Par ailleurs, il explique qu'il s'est mis en grève dans la journée du 16 mai 2005 mais que cette journée de solidarité n'étant pas payée, l'employeur ne pouvait retirer les 3h50 de salaire pour la période de grève.
Enfin, il considère qu'il est bien fondé à demander la prime versée au mois d'août puisque s'il n'avait pas été abusivement licencié il l'aurait touchée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La notification du jugement est intervenue le 15 septembre 2007, en sorte que l'appel, régularisé le 20 septembre suivant, au greffe de ce siège, dans le délai légal d'un mois, s'avère recevable en la forme.
1. Sur la mise à la retraite
Monsieur Gérard X... a été membre suppléant à la délégation unique du personnel le 25 avril 2005.
Huit collègues ont régulièrement attesté qu'il désirait partir à la retraite avant l'âge, puisqu'il avait réuni suffisamment de trimestres de cotisations pour pouvoir y prétendre. Il est né en 1950.
Le 24 mars 2006, le procès-verbal de la réunion de la délégation unique de la coopérative expose « que M. Gérard X... fera valoir ses droits à la retraite en juillet »
Le 5 avril 2006 la MSA lui répond en lui fournissant les conditions pour « obtenir sa retraite avant 60 ans » et qu'il peut l'obtenir avant 60 ans, à compter du 1er juillet 2006, sous réserve de retourner l'imprimé de retraite joint, avant le 30 juin 2006.
Le 6 avril 2006, Monsieur Gérard X... a fait part à Monsieur A..., son supérieur hiérarchique de son intention de partir à la retraite.
Cependant, le 27 avril 2006, la CA PRO GA adressait un courrier à Monsieur Gérard X... ainsi rédigé :
« vous avez atteint l'âge requis pour bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein qui, aux termes de notre convention collective (avenant 102), nous autorise à mettre à la retraite nos salariés.
Il résulte, d'autre part, des informations que vous nous avez fournies que vous avez droit à une retraite à taux plein, puisque vous avez cotisé pendant au moins 168 trimestres à un ou plusieurs régimes de base de sécurité sociale.
Dans ces conditions, nous vous informons que nous avons pris la décision de vous mettre à la retraite, conformément aux dispositions de l'article L 122-14-13 du Code du Travail.
Cette décision, qui ne constitue pas un licenciement prendra effet à l'issue d'un préavis se terminant le 30 juin 2006.
A cette date, nous vous verserons... l'indemnité de mise à la retraite prévue par notre convention collective... »
Monsieur Gérard X... a apposé, à la fin de cette lettre la mention « Bon pour accord pour cessation d'activité le 30 juin 2006, fait à Chalette sur Loing le 27 avril 2006, avec sa signature. »
A la fin juin 2006, l'employeur lui a versé 4. 485, 77 euros d'indemnité de mise à la retraite.
Il résulte de l'article L. 436-1 du Code du Travail que, même en cas de mise à la retraite régulière, la rupture du contrat d'un salarié protégé doit être autorisée par l'inspecteur du travail.
Or, par courrier du 15 septembre 2006, l'inspecteur du travail a fait valoir au secrétaire du comité d'entreprise que « la mise à la retraite de Monsieur Gérard X..., à compter du 30 juin 2006, a été mise en oeuvre sans mon autorisation... or la mise à la retraite d'un salarié investi de fonctions représentatives est soumise à une autorisation administrative en application de l'article L. 436-1 du Code du Travail,... ce manquement est constitutif du délit d'entrave au fonctionnement du comité d'entreprise... ».
En l'espèce, il est certain que Monsieur Gérard X... envisageait de prendre sa retraite et qu'il s'était informé à cet égard tant auprès de la direction que la M. S. A.
Cependant, l'employeur n'a fourni aux débats :
• ni demande de Monsieur Gérard X... de prendre sa retraite à compter du 30 juin 2006
• ni demande auprès de la M. S. A. qui le pressait pourtant de « renvoyer l'imprimé de retraite joint avant le 30 juin 2006 ".
La CA. PRO. GA l'a si bien conçu ainsi qu'elle informé Monsieur Gérard X... qu'elle a pris la décision de le mettre à la retraite en lui allouant une allocation de mise à la retraite et non de départ à la retraite.
Elle pensait donc bien, ce jour-là, que la décision émanait d'elle-même et non de Monsieur Gérard X...
Aussi la décision de partir à la retraite le 30 juin 2006 de la part de Monsieur Gérard X... ne résulte pas d'une manifestation non équivoque de volonté.
Il est clair, en revanche, selon les termes mêmes de la lettre de l'employeur, que la protection de l'article 436-1 du Code du Travail, qui est limitée aux seules mesures prises à l'initiative de l'empoyeur, s'applique bien au cas d'espèce, l'initiative revenant bien à la CA. PRO. GA. De le mettre à la retraite, même si, par la suite, il y a donné son accord postérieur.
Il sera rappelé, en outre, que Monsieur Gérard X... âgé de 56 ans au moment de sa mise à la retraite n'avait pas, naturellement, atteint son 60e anniversaire, alors que la mise à la retraite selon l'article 1er de l'avenant n° 95 du 21 juin 2002 concernant la mise à la retraite à l'initiative de l'empoyeur impose que soient réunies :
pouvoir bénéficier d'une retraite à taux plein
avoir au moins l'âge pour liquider sa retraite et au plus de 65 ans.
En raison de toutes ces considérations, la thèse de Monsieur Gérard X... sera confirmée, la mise à la retraite devant être annulée.
2. Sur les demandes de sommes.
A) Le préavis
L'article 30 de la CCN prévoit un préavis de 2 mois à condition d'avoir plus de 2 ans d'ancienneté, ce qui est le cas de Monsieur Gérard X..., présent dans la coopérative depuis 1987.
Il a déja accompli un préavis de deux mois du 1er mai au 30 juin 2006, aussi convient-il de le débouter de ses demandes de 3. 290, 22euros et 329, 02 euros mal fondés.
B) L'indemnité conventionnelle de licenciement
L'article 33 de la CCN prévoit, à cet égard, à condition d'avoir 3 ans d'ancienneté, une indemnité égale à un mois de traitement augmentée d'un 1 / 2 mois de traitement par période supplémentaire de trois ans.
Ainsi devra-t-il lui être alloué, sur ce fondement, 5. 757, 89 euros confirmés, sur la base d'une mensualité incluant le 13e mois, soit 1. 645, 11 euros.
C) Les dommages et intérêts pour violation du statut protecteur.
En application des articles L 433. 12 (rédaction antérieure à la loi du 2 août 2005) et L 436. 1 du Code du Travail, Monsieur Gérard X..., élu membre suppléant de la délégation unique du personnel, le 25 avril 2005, bénéficiait de la protection jusqu'au 25 octobre 200, soit deux ans et six mois après son élection
Il est donc bien fondé à solliciter les salaires qui auraient dû courir du 1er juillet 2006, jour de son éviction jusqu'au 25 octobre 2007, date de la fin de la période de protection, soit 16 mois pratiquement. Avec les congés payés, la somme de 28. 652, 34 euros retenue en première instance, devra être avalisée.
D) Les dommages et intérêts pour « licenciement nul »
Le salarié protégé, qui ne demande pas la poursuite de son contrat de travail illégalement rompu, a le droit d'obtenir une indemnité réparant le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L. 122-14. 4 du Code du Travail, le minimum prévu est une indemnité non inférieure aux salaires des 12 derniers mois, en cas de « nullité » du licenciement ; en conséquence, en l'absence de préjudice supplémentaire prouvé, la Cour n'allouera que l'indemnité minimum soit 18. 222 euros.
3. SUR LES DEMANDES DE RAPPELS DE SALAIRE.
• Monsieur Gérard X... prétend à la somme de 34, 26 euros et à celle de 3, 42 euros de congés payés afférents, correspondant à 3 heures 50 retenues à tort, au titre de la journée de solidarité de mai 2006, alors qu'il avait fait grève le matin du 16 mai 2005.
L'article L212. 16 du Code du Travail dispose que... le travail accompli dans la limite de 7 heures, durant la journée de solidarité ne donne pas lieu à rémunération.
La jurisprudence qui en est issue (Cour de cassation, 16 janvier 2008, 2 arrêts : 06-42. 327 et 06-43. 124) affirme que lorsque la journée de solidarité est fixée un jour férié précédemment chômé pour lequel le salarié aurait été rémunéré par l'effet de la mensualisation, l'absence pour grève de l'intéressé autorise l'employeur à pratiquer une retenue sur salaire laquelle ne constitue pas une sanction pécunaire.
C'est exactement le cas de l'espèce, la position du Conseil de Prud'hommes devra donc être confirmée.
• Une prime de bilan de 395, 61 euros avait été versée à Monsieur Gérard X... en août 2005, en fonction des résultats de l'année.
Son éviction étant nulle, il aurait dû rester en fonction encore en août 2005. En l'absence de toutes pièces de l'employeur pour calculer valablement cette somme, la Cour cantonnera à 400 euros les dommages et intérêts dûs pour perte de chance de recevoir cette prime du fait du « licenciement » abusif par l'employeur.
Enfin, Monsieur Gérard X... devra rembourser à la CA. PRO. GA l'indemnité de mise à la retraite de 4. 485, 77 euros et il n'est pas inéquitable que chaque partie conserve à sa charge les frais exposés non couverts par les dépens.
Toutes les autres demandes seront rejetées comme mal fondées, au vun de l'ensemble de ces considérationS.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
RECOIT, en la forme, l'appel de la Société Coopérative CA. PRO. GA ;
AU FOND, CONFIRME le jugement critiqué (CPH MONTARGIS-13 septembre 2007, section agriculture) sur :
la nullité de la « mise à la retraite » de Monsieur Gérard X... ;
la condamnation de la CA. PRO. GA à lui régler
• 5. 757, 89 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement,
• 28. 652, 34 euros d'indemnité pour violation du statut protecteur,
• 18. 222 de dommages et intérêts pour « licenciement » nul.
la condamnation de Monsieur Gérard X... à rembourser à la CA. PRO. GA l'indemnité de mise à la retraite de 4. 485, 77 euros ;
le rejet de la demande de 34, 26 euros et 3, 42 euros pour la journée de solidarité du 16 mai 2005 ;
les dépens.
MAIS L'INFIRME pour le surplus et STATUANT à NOUVEAU ;
CONDAMNE cette Coopérative à payer à Monsieur Gérard X... 400 euros de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir la prime de bilan d'août 2005.
DIT que les créances salariales porteront intérêts aux taux légal à compter du 26 juin 2007.
ORDONNE la remise par l'employeur des bulletins de salaires rectifiés, certificat de travail et attestation ASSÉDIC rectifiés.
DEBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes et CONDAMNE la CA. PRO. GA aux dépens d'appel.
Et le présent arrêt a été signé par le Président de Chambre et par le Greffier.