COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 18/04/2019
la SELARL RENARD - PIERNE
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
ARRÊT du : 18 AVRIL 2019
No : 148 - 19
No RG 18/01235 - No Portalis
DBVN-V-B7C-FVZI
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 13 Mars 2018
PARTIES EN CAUSE
APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]
Monsieur M... E...
né le [...] à ANGERS (49000) [...]
[...]
[...]
Ayant pour avocat Me Florent RENARD, membre de la SELARL RENARD PIERNE, avocat au barreau de TOURS,
Madame J... P... épouse E...
née le [...] à TOURS (37000) [...]
[...]
[...]
Ayant pour avocat Me Florent RENARD, membre de la SELARL RENARD PIERNE, avocat au barreau de TOURS,
D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: [...]
SA HSBC FRANCE
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [...]
Ayant pour avocat Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 09 Mai 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 24 Janvier 2019
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 07 MARS 2019, à 9 heures 30, devant Madame Elisabeth HOURS , Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.
Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité,
qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé le 18 AVRIL 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Exposé du litige :
Selon acte sous-seing privé en date du 2 juillet 2008, la société HSBC FRANCE (HSBC) a consenti à Monsieur M... E... et à son épouse, Madame J... P..., un prêt personnel d'un montant de 103.000 euros remboursable en 84 échéances au taux nominal de 6,15% l'an.
Le 23 février 2016, HSBC a assigné Monsieur et Madame E... devant le tribunal de grande instance de Tours en réclamant leur condamnation solidaire à lui verser 61.212,37 euros au titre du solde du prêt, 2.448,50 euros au titre de l'indemnité d'exigibilité conventionnelle de 4%, et 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 13 mars 2018, le tribunal, statuant sous le bénéfice de l'exécution provisoire, a déclaré recevable l'action d'HSBC, rejeté la demande de déchéance du droit aux intérêts formée par Monsieur et Madame E... qu'il a condamnés à payer à HSBC la somme de 61.212,37 euros majorée des intérêts au taux de 6,15% l'an à compter du 23 février 2016 et celle de 500 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement, a ordonné la capitalisation des intérêts et rejeté la demande de délais de paiement formée par Monsieur et Madame E... qu'il a condamnés in solidum à verser une indemnité de procédure de 1.000 euros ainsi qu'à supporter les dépens.
Monsieur et Madame E... ont relevé appel de cette décision par déclaration en date du 9 mai 2018.
Ils en poursuivent l'infirmation en demandant à la cour à titre principal de déclarer irrecevables comme prescrites les demandes formées par la banque. A titre subsidiaire de prononcer la déchéance de droit aux intérêts de HSBC à compter du 5 août 2011 et de dire que le capital ne produira pas d'intérêt au taux légal. A titre infiniment subsidiaire, ils sollicitent l'octroi d'un délai de deux années pour s'acquitter de leur dette et demandent à la cour de dire que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
Ils font valoir qu'ils ont été mis en demeure, par courriers recommandés en date du 27 avril 2011, de payer la somme de 23.087,32 euros, et été avertis de la déchéance du terme au motif de ce que 3 mensualités échues étaient demeurées impayées ; qu'il en résulte que les échéances sont impayées depuis le 8 février 2011 et que la demande en paiement, formée par assignation du 23 février 2016, soit plus de deux ans après la déchéance du terme intervenue le 27 avril 2011, est prescrite et par conséquent irrecevable.
Ils soutiennent qu'en l'absence de production de la fiche d'information précontractuelle, tant eux-mêmes que la cour ne peuvent vérifier la régularité de son contenu ; que le contrat n'est ni clair ni lisible et n'est pas produit en original ce qui ne permet pas de s'assurer du respect du « corps 8 » ; que de même a été omise la date d'acceptation de l'offre par les emprunteurs et ils prétendent que les irrégularités constatées doivent être sanctionnées, et affectant les conditions de la formation du contrat, font perdre à la banque son droit aux intérêts déjà courus aussi bien légaux que conventionnels.
Afin d'assurer l'effet de la directive 2008/48, notamment de son article 23, et par conséquent le caractère effectif et dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, ils demandent à la cour de ne pas faire application de l'article 1153 du code civil et de l'article 313-3 du code monétaire et financier et de dire que la somme restant due en capital ne portera pas intérêts au taux légal.
Ils détaillent enfin leur situation financière, leurs ressources et leurs charges.
HSBC sollicite la confirmation du jugement déféré, la condamnation des appelants à lui verser une nouvelle indemnité de procédure de 2.000 euros ainsi qu'à supporter les dépens dont distraction au profit de Maître LAVAL.
Elle fait valoir que le prêt consenti n'était pas soumis aux dispositions de la loi Scrivener comme étant d'un montant supérieur à 21.500 euros ; que les époux E... ont formulé la proposition de régler une somme mensuelle de 500 euros ; que les échéances de remboursement ont été rééchelonnées et portées à la somme de 833,33 euros à compter du 18 septembre 2014 ; que dans un courriel en date du 21 octobre 2015, Monsieur E... a proposé de continuer les remboursements à hauteur de 833,33 euros par mois ; que les appelants ont réglé ces échéances jusqu'au 2 février 2016 ; que ce rééchelonnement ne permet pas aux appelants d'exciper de la prescription dès lors qu'ils ont reconnu devoir les sommes réclamées.
Elle soutient que des délais importants ont déjà été accordés aux époux E... qui ne versent au débat aucune pièce justifiant leurs revenus sur les années 2016 et 2017 ; qu'en tout état de cause, ils ne sont pas impécunieux et possèdent un patrimoine immobilier important dont ils tirent des revenus fonciers et qu'ils pourraient mettre en vente afin de régler leur dette .
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :
Attendu qu'aux termes de l'article L 311-3 du code de la consommation applicable en juillet 2008, date de la signature du contrat de prêt,« sont exclus du champ d'application du présent chapitre : 1o Les prêts, contrats et opérations de crédit passés en la forme authentique sauf s'il s'agit de crédits hypothécaires ; 2o Ceux qui sont consentis pour une durée totale inférieure ou égale à trois mois, ainsi que ceux dont le montant est supérieur à une somme qui sera fixée par décret » ;
Que le montant fixé par décret était de 21.500 euros et, qu'ainsi que l'a retenu le tribunal par une motivation complète qui n'est même pas combattue par les appelants, le contrat n'était pas soumis aux dispositions du code de la consommation ;
Que sont dès lors applicables au litige les dispositions de l'article L.110-4 du code de commerce qui énonce que les obligations nées entre commerçants et non commerçants se prescrivent par 5 ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ;
Attendu que la première échéance impayée est en date du 8 février 2011 ;
Qu'aux termes de l'article 2240 du code civil, la prescription est interrompue par la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit ;
Que par courriel en date du 14 mars 2012, Monsieur E... informait HSBC des difficultés rencontrées par la société EUROMEDIAL, dont il était le dirigeant, et terminait en indiquant qu'il attendait " début mai pour y voir plus clair et pouvoir vous confirmer la reprise du remboursement de nos prêts" ;
Qu'après plusieurs échanges de courriels, les parties ont conclu le 9 octobre 2013, soit moins de cinq années après la première échéance impayée, un accord de remboursement permettant à Monsieur et Madame E... de s'acquitter du solde dû par versements mensuels de 500 euros ;
Que cet accord, qui caractérise la reconnaissance du droit d'HSBC par les débiteurs, puisque Madame E..., codébitrice solidaire, est engagée par la reconnaissance de son codébiteur solidaire, a interrompu le délai de prescription de cinq ans ;
Qu'en application de l'article 2231 du code civil, l'interruption efface le délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien ;
Qu'un nouveau délai de prescription a donc commencé à courir le 9 octobre 2013 pour une durée de 5 années et qu'en délivrant assignation aux emprunteurs le 23 février 2016, HSBC n'était donc pas prescrite en son action ;
Attendu qu'HSBC a communiqué une copie du contrat de prêt qui permet à la cour de constater que le texte en est clair et lisible ;
Que les appelants, qui prétendent le contraire n'ont pas communiqué l'exemplaire original dont ils ont déclaré rester en possession en signant le contrat;
Que, si la banque n'a pas soulevé la prescription des demandes des appelants formées plus de cinq années après la signature du contrat de prêt, point de départ du délai de prescription, il n'en demeure pas moins que l'argumentation des époux E... d'une absence de fiche d'information précontractuelle, d'un éventuel non respect du « corps 8 » et leur demande de déchéance de la banque de son droit aux intérêts courus, ne peuvent qu'être écartées puisque fondées sur des dispositions du code de la consommation non applicables au litige ;
Attendu par ailleurs que les appelants ne contestent aucunement le montant des sommes dues à HSBC, lesquelles sont justifiées par les décomptes produits ;
Attendu enfin, qu'assignés depuis le 23 février 2016, Monsieur et Madame E... n'ont pas commencé à apurer leur dette incontestable, ne serait-ce que partiellement, et qu'ils ont ainsi bénéficié de délais de fait de plus de deux années;
Qu'il y a d'autant moins lieu à leur accorder de nouveaux délais qu'ils disposent d'un patrimoine immobilier leur assurant des revenus locatifs et qu'ils pourraient réaliser ces biens pour solder au moins en partie les nombreuses dettes dont ils font état ;
Que Monsieur et Madame E... ne font état d'aucun élément permettant de penser que leur situation pourrait s'améliorer dans un délai de deux années sans procéder à la réalisation de tous leurs actifs et que c'est dès lors à raison que le premier juge a refusé l'octroi de délais qui rompraient l'égalité entre les divers créanciers des appelants ;
Que le jugement déféré sera dès lors confirmé, y compris en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts, qui n'est pas subsidiairement critiquée par les appelants et qui est possible pour un contrat non soumis aux dispositions du code de la consommation ;
Attendu que Monsieur et Madame E..., succombant à l'instance, en supporteront les dépens et qu'il sera fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimée contrainte d'exposer de nouveaux frais irrépétibles pour se défendre contre une argumentation à laquelle le premier juge avait déjà complètement répondu ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME la décision entreprise,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE in solidum Monsieur M... E... et à son épouse, Madame J... P..., à payer à la société HSBC FRANCE la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE solidum Monsieur M... E... et à son épouse, Madame J... P..., aux dépens d'appel,
ACCORDE à Maître LAVAL, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT