COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 19/12/2019
Me Matthieu MHAMDI
la SELARL [...]
ARRÊT du : 19 DECEMBRE 2019
No : 404 - 19
No RG 17/01577 - No Portalis
DBVN-V-B7B-FOYC
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 05 Mai 2017
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]
SAS RANGESTOCK
[...]
[...]
Ayant pour avocat par Me Matthieu MHAMDI, avocat au barreau d'ORLEANS
D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: [...]
Société SASU [...]
[...]
[...]
Ayant pour avocat Me Flora OLIVEREAU, membre de la SELARL [...], avocat au barreau de BLOIS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 23 Mai 2017
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 8 novembre 2019
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 31 OCTOBRE 2019, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.
Lors du délibéré :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le 19 DECEMBRE 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE :
La société [...] (U...) exerce une activité de transport routier, logistique et stockage de marchandises à Vineuil (41).
Exposant que la société Rangestock, qui commercialise des boîtes plastiques de rangement sur internet, lui a confié des prestations de stockage et d'expédition de marchandises à ses clients internautes, que leurs relations se sont déroulées correctement de 2012 au début de l'année 2015, mais qu'en dépit de lettres de rappel et d'un courrier de mise en demeure réceptionné le 16 juillet 2015, réitéré le 7 avril 2016, la société Rangestock n'a pas payé ses quatre factures exigibles au 31 mars 2015, ni régularisé un avoir injustifié, la société U... a saisi le président du tribunal de commerce de Blois qui, par ordonnance du 11 août 2016, a enjoint à la société Rangestock de payer à la société U... la somme principale de 4293,90euros, avec intérêts à compter de la sommation de payer du 3 mai 2016, outre 74,20euros de frais de sommation de payer et 51,48euros de frais de requête.
La société Rangestock a formé opposition contre cette ordonnance et par jugement du 5 mai 2017, après avoir relevé que la société Rangestock n'avait pas comparu pour soutenir son opposition, le tribunal de commerce de Blois a mis à néant l'ordonnance du 11 août 2016 et, statuant à nouveau, a :
-condamné la société Rangestock à payer à la société U... la somme de 4293,90euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2015
-dit que les intérêts échus par année entière produiront eux-mêmes intérêts conformément et dans les conditions de l'article 1154 [ancien] du code civil
-condamné la société Rangestock à payer à la société U... la somme de 74,20 euros au titre des frais de la sommation de payer, outre celle de 51,48euros au titre des frais de présentation de requête
-condamné la société Rangestock à payer à la société U... la somme de 1000euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
-condamné la société Rangestock aux entiers dépens
La société Rangestock a relevé appel de cette décision par déclaration du 23 mai 2017.
Dans ses dernières écritures notifiées le 24 juillet 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses arguments et moyens, la société Rangestock, qui poursuit l'infirmation du jugement et sollicite la condamnation de la société U... aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de son conseil Maître E..., outre la condamnation de l'intimée à lui payer une indemnité de 1000euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, expose :
-qu'elle est «l'émanation» de la société JS Services, dont elle a achète le stock pour le revendre
-que les relations entre la société JD Service et la société U..., qui assurait le stockage des marchandises de la société JD Services et préparait les colis et expéditions à son profit, se sont dégradées à partir de juillet 2014 au point que, faute de parvenir à renégocier les prix et prestations pratiqués entre elles, et constatant que la société U... avait tenté de surfacturer le déménagement du stock qui restait entreposé dans ses locaux, la société JD Services a été contrainte de solliciter du président du tribunal de commerce de Blois l'autorisation de déménager sous contrôle d'huissier
-que les factures no [...] et no [...] des 31 janvier et 28 février 2015 dont la société U... réclame le paiement ont été réglées par compensation avec une facture qu'elle a émise le 18 mars 2015 à hauteur de 952,58euros, en indemnisation d'un litige transport
-qu'elle est fondée à solliciter la compensation des deux autres factures des 31 janvier et 28 février, no [...] et [...], avec la facture de 13289,46euros établie par la société JD Services à la suite du déménagement du stock, et correspondant au montant des marchandises détériorées dans les entrepôts de la société U..., dont l'inventaire a été dressé par huissier de justice
Par un arrêt du 14 juin 2018, après avoir relevé que dans ses dernières écritures, la société U..., qui souhaitait la confirmation du jugement, entendait notamment voir déclarer forcloses les demandes reconventionnelles de la société Rangestock, à défaut de déclaration au passif de son redressement judiciaire prononcé le 7 octobre 2016 par le tribunal de commerce de Blois, la cour a renvoyé l'affaire à la mise en état en rappelant les prescriptions de l'article L. 622-23 du code de commerce et en ordonnant à la société Rangestock de mettre en cause le mandataire judiciaire, et le cas échéant l'administrateur judiciaire, de la société U....
Dans ses dernières conclusions notifiées le 1er août 2018, auxquelles il est pareillement renvoyé pour l'exposé détaillé de ses arguments et moyens, la société U... demande à la cour de confirmer le jugement rendu le 5 mai 2017 par le tribunal de commerce de Blois et, y ajoutant, de :
-condamner la société Rangestock à lui payer une indemnité de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
-déclarer forcloses les demandes reconventionnelles formées par la société Rangestock, à défaut de déclaration au passif du redressement judiciaire ouvert le 7 octobre 2016 à son égard
-subsidiairement, déclarées lesdites demandes reconventionnelles prescrites
-dire et juger que la société Rangestock ne peut lui opposer un créance qui serait détenue par la société JD Services
-condamner la société Rangestock aux dépens
Relevant que la société Rangestock n'a déclaré aucune créance au passif de la procédure de redressement judiciaire ouverte à son égard, ni mis en cause les organes de la procédure, la société U..., qui précise que le tribunal de commerce de Blois à arrêté le 22 décembre 2017 son plan de redressement, sollicite la confirmation du jugement dont appel, en faisant valoir que par application des dispositions de l'article L. 622-26 du code de commerce, la société Rangestock, qui n'a déclaré aucune créance au passif de son redressement judiciaire, est forclose en ses réclamations, qu'en toute hypothèse la réclamation formée au titre d'un prétendu litige de transport est prescrite en application de l'article L. 133-6 du code de commerce et qu'enfin, sauf à méconnaître les dispositions de l'article 1289 du code civil, la société Rangestock ne peut lui opposer une compensation tirée d'une prétendue dette contractée, non pas à son égard, mais à l'égard de la société JD services, ce d'autant que le tribunal de commerce de Blois a récemment jugé qu'après compensation, elle n'était pas débitrice de la société JD services, mais au contraire créancière.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 8 novembre 2018, sans que la société Rangestock ait notifié de nouvelles conclusions depuis l'arrêt rendu avant dire droit le 14 juin 2018, ni appelé à la cause le commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société U....
A l'audience du 22 novembre 2018 à laquelle elle devait être plaidée, l'affaire a été renvoyée à la demande des conseils des parties, à l'audience de plaidoiries du 31 octobre 2019, en raison d'un mouvement de grève des avocats.
SUR CE, LA COUR :
Il convient de relever à titre liminaire que le commissaire à l'exécution du plan de redressement arrêté en faveur de la société U... n'a pas été régulièrement appelé à la cause puisque, si Maître N... G... été assigné en cette qualité le 31 juillet 2018, l'assignation n'a jamais été enrôlée et n'a donc pas saisi la cour.
L'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, énonce que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et que, réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En l'espèce, la société Rangestock ne conteste pas les factures dont la société U... réclame paiement, mais fait valoir que ces factures ont été réglées par compensation avec une facture émise par elle-même le 18 mars 2015, à raison d'un «litige de transport», et une autre facture émise le 30 avril 2015 par la société JD services à laquelle elle se trouve, selon ses termes, «liée de manière consubstantielle».
Si l'article L. 622-7 du code de commerce, qui pose le principe d'interdiction du paiement de toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, prévoit une exception avec le paiement par compensation de créances connexes, encore faut-il que la créance connexe ait été déclarée conformément aux dispositions l'article L. 622-24.
A son alinéa 2 en effet, l'article L. 622-26 énonce que les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus.
Au cas particulier, la société Rangestock ne justifie d'aucune déclaration de créance au passif du redressement judiciaire de la société U..., en sorte que sa créance née antérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société U..., à la supposer connexe au sens de l'article L. 622-7, ne peut qu'être déclarée inopposable.
Selon l'article 1289 ancien du code civil, la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre «deux personnes». A supposer même que la société JD services ait de son côté régulièrement déclaré sa créance au passif de la société U... placée en redressement judiciaire, la compensation ne pourrait s'opérer entre la créance de la société U... contre la société Rangestock et la dette alléguée de la société U... à l'égard de la société JD services.
La société Rangestock ne pouvant valablement opposer à la société U... aucune compensation, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
La société Rangestock, qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l'instance et régler à la société U..., à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité de ses frais irrépétibles, une indemnité de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME en toutes ses dispositions la décision entreprise,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE la société Rangestock à payer à la société [...] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Rangestock aux dépens.
Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT