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04/11/2021 | FRANCE | N°20/005191

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 04 novembre 2021, 20/005191


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 04/11/2021
la SELARL CASADEI-JUNG
Me Victoire JENNY
Me Véronique PIOUX
ARRÊT du : 04 NOVEMBRE 2021

No : 213 - 21
No RG 20/00519
No Portalis DBVN-V-B7E-GDXC

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance d'ORLEANS en date du 31 Décembre 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265245550778520

Société CAISSE FÉDÉRALE DE CRÉDIT MUTUEL CENTRE VOSGES
[Adresse 6]
[Localité 9]
>Ayant pour avocat Me Jean-Marc RADISSON, membre de la SELARL CASADEI-JUNG, avocat au barreau d'ORLEANS

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre ...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 04/11/2021
la SELARL CASADEI-JUNG
Me Victoire JENNY
Me Véronique PIOUX
ARRÊT du : 04 NOVEMBRE 2021

No : 213 - 21
No RG 20/00519
No Portalis DBVN-V-B7E-GDXC

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance d'ORLEANS en date du 31 Décembre 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265245550778520

Société CAISSE FÉDÉRALE DE CRÉDIT MUTUEL CENTRE VOSGES
[Adresse 6]
[Localité 9]

Ayant pour avocat Me Jean-Marc RADISSON, membre de la SELARL CASADEI-JUNG, avocat au barreau d'ORLEANS

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265255332884849

Monsieur [P] [B]
né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 12])
[Adresse 5]
[Localité 7]

Ayant pour avocat Me Victoire JENNY, avocat au barreau d'ORLEANS

Timbre fiscal dématérialisé No: 1265256999532447

Madame [N] [V] épouse [B]
née le [Date naissance 4] 1978 à [Localité 11] ROUMANIE
[Adresse 3]
[Localité 8]

Ayant pour avocat Me Véronique PIOUX, avocat au barreau d'ORLEANS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 25 Février 2020
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 16 Septembre 2021

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du JEUDI 23 SEPTEMBRE 2021, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Ferréole DELONS, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 04 NOVEMBRE 2021 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Selon offre préalable acceptée le 24 octobre 2007, la caisse de Crédit mutuel Centre Vosges (la Caisse de crédit mutuel) a consenti à M. [P] [B] et son épouse une ouverture de crédit renouvelable sous forme d'une autorisation de découvert en compte d'un montant de 2 000 euros, remboursable avec intérêts au taux conventionnel de 15,07 % l'an, après une franchise d'intérêts de 7 jours par mois, dans la limite d'un plafond de 160 euros par jour.

Selon offre préalable acceptée le 6 septembre 2012, la caisse de Crédit mutuel a par ailleurs consenti à M. et Mme [B] un prêt personnel d'un montant de 29 000 euros, remboursable en 96 mensualités de 369,91 euros comprenant les intérêts au taux conventionnel de 4 % l'an et les primes d'assurances.

Selon offre préalable acceptée le 2 octobre 2012, la caisse de Crédit mutuel a accordé à M. et Mme [B] un second prêt personnel d'un montant de 29 000 euros, remboursable en 96 mensualités de 353,49 euros comprenant les intérêts au taux conventionnel de 4 % l'an et les primes d'assurances.

Indiquant avoir vainement mis en demeure les emprunteurs de respecter leurs engagements, et avoir en conséquence résilié l'intégralité de ses concours le 17 octobre 2017, la caisse de Crédit mutuel a fait assigner M. et M. et Mme [B] en paiement devant le tribunal d'instance d'Orléans par actes du 19 février 2018.

Par jugement du 31 décembre 2019, le tribunal a :

-dit que le crédit du 24 octobre 2007 doit être qualifié de crédit renouvelable
-déclare irrecevables les demandes formées par la caisse de Crédit mutuel à l'encontre de M. et Mme [B] au titre des crédits en date des 24 octobre 2007, 6 septembre 2012 et 2 octobre 2012
-débouté la caisse de Crédit mutuel de l'ensemble de ses prétentions
-dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
-rejeté toute demande plus ample ou contraire
-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire
-laissé les dépens à la charge de la caisse de Crédit mutuel

Pour statuer comme il l'a fait, le premier juge a commencé par relever que le crédit consenti le 24 octobre 2007 n'était pas un « compte courant », comme indiqué par la Caisse de crédit mutuel, mais un crédit renouvelable, comme précisé sur l'offre de prêt.

Le premier juge a ensuite expliqué qu'alors qu'un débat contradictoire avait eu lieu sur la recevabilité des demandes de l'établissement de crédit [puisque Mme [B] avait soulevé la forclusion], la Caisse de crédit mutuel avait produit aux débats des historiques des trois comptes incomplets, et que dans ces circonstances la recevabilité de son action ne pouvait être vérifiée. Il en a déduit tout à la fois que la Caisse de Crédit mutuel devait être déclarée irrecevable en ses prétentions, et déboutée de celles-ci.

La caisse de Crédit mutuel a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 25 février 2020, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 13 septembre 2021,auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, la caisse de Crédit mutuel demande à la cour, au visa des articles 1305 et suivants du code civil, et L. 312-1 et suivants du code de la consommation, de :

-la déclarer recevable et fondée en son appel formé à l'encontre du jugement rendu le 31 décembre 2019 par le tribunal d'instance d'Orléans recevable
En conséquence,
-infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
-condamner solidairement Monsieur [P] [B] et Madame [N] [B] à lui payer les sommes suivantes :
etgt;2 819,28 euros au titre du solde débiteur du compte courant no [XXXXXXXXXX02], outre intérêts contractuels au taux de 15,07 % l'an à compter du 7 décembre 2017
etgt;3 014,47 euros au titre du solde du prêt personnel no 06101000203682 10, outre intérêts au taux contractuel de 4 % l'an à compter du 7 décembre 2017
etgt;18 342,65 euros au titre du prêt personnel no 06101000203682 11, outre intérêts au taux contractuel de 4 % l'an à compter du 7 décembre 2017
-débouter Monsieur [P] [B] et Madame [N] [B] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires
-condamner solidairement Monsieur [P] [B] et Madame [N] [B] à lui payer la somme de 3 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
-les condamner solidairement aux entiers dépens de première instance et d'appel en accordant à la la Selarl Casadei-Jung, avocats au barreau d'Orléans, le droit prévu à l'article 699 du Code de procédure civile

Dans ses dernières conclusions notifiées le 10 août 2021, il est pareillement renvoyé pour l'exposé de ses moyens, Mme [B] demande à la cour, au visa des articles L. 311-9, L. 311-14, L. 311-37 et R. 312-35 du code de la consommation, 1256, 1315 et 1343-5 du code civil, L. 123-22 du code de commerce, de :

A titre principal :

-dire mal fondé l'appel la caisse fédérale de Crédit mutuel et l'en débouter
-confirmer le jugement en toutes ses dispositions

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour « ferait droit aux demandes de la Caisse fédérale de Crédit mutuel considérant que son action n'est pas forclose » :

-annuler les deux offres de prêt personnel en raison du non-respect de la date de mise à disposition des fonds pour les deux prêts personnels,
-prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la Caisse fédérale de Crédit Mutuel Centre Vosges,
-accorder à Madame [B] des délais de paiement sur une période de 24 mois,
-réduire à néant l'indemnité conventionnelle de 8% du capital du, demandée par la Caisse fédérale de crédit mutuel Centre Vosges,
-débouter Monsieur [B] de sa demande tendant à ce que Madame [B] doive supporter seule le second prêt personnel souscrit le 12/10/2012,

En tout état de cause :

-débouter la Caisse fédérale de crédit mutuel Centre Vosges de ses demandes et Monsieur [P] [B] « de toutes leurs demandes plus amples ou contraires aux termes »
-condamner la Caisse fédérale de crédit mutuel Centre Vosges à lui payer la somme de 3 000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles, en application de l'article 700 du code de
procédure civile,
-condamner la Caisse fédérale de crédit mutuel Centre Vosges au paiement des dépens de première instance et d'appel

Dans ses dernières conclusions notifiées le 25 août 2021, auxquelles il est pareillement renvoyé pour l'exposé de ses moyens, M. [B] demande à la cour, au visa des articles L. 311-37 du code de la consommation, 1226, 1256 et 1343-5 du code civil, de :

À titre principal,

-dire la caisse fédérale de Crédit mutuel Centre Vosges mal fondée en son appel,
En conséquence
-l'en débouter
-confirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance en date du 31 décembre 2019 en l'ensemble de ses dispositions

A titre subsidiaire si la cour considérait que l'action de la caisse de Crédit mutuel n'est pas forclose,

-constater que la caisse de crédit mutuel ne justifie pas avoir prononcé la déchéance du terme à l'égard de Monsieur [P] [B]
-dire que la déchéance du terme n'a pas été prononcée en l'absence de lettre recommandée prononçant la déchéance du terme
En conséquence,
-débouter la caisse de Crédit mutuel de ses demandes de paiement au titre des soldes des prêts

A titre infiniment subsidiaire, si la cour faisait droit à la demande de paiement de la caisse de Crédit mutuel :

-réduire à néant l'indemnité conventionnelle sollicitée par la caisse de Crédit mutuel
-prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la caisse de Crédit mutuel
-lui octroyer un délai de paiement de 24 mois pour « s'acquitter de la créance »
-dire que le remboursement du solde du prêt 0610100020368211 sera « imputable » à Madame [B] [V]

En tout état de cause,

-débouter la caisse de Crédit mutuel de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions plus amples et contraires
-condamner la caisse de Crédit mutuel à lui verser la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 16 septembre 2021, pour l'affaire être plaidée le 23 septembre 2021 et mise en délibéré à ce jour.

SUR CE, LA COUR :

Sur la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action en paiement du Crédit mutuel

Selon l'article L. 311-37 devenu l'article R. 312-35 du code de la consommation, les actions en paiement engagées à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur d'un crédit à la consommation doivent être formées dans les deux ans de l'évènement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion.

Contrairement à ce que soutiennent les intimés, en se prévalant notamment des dispositions de l'article 1315 [ancien] du code civil, il n'appartient pas au prêteur de démontrer que son action ne se heurte pas à la forclusion biennale, mais aux emprunteurs qui invoquent la fin de non-recevoir tirée de la forclusion, d'en justifier (v. par ex. Civ. 1, 9 décembre 1997, no 96-10.151 ; 3 février 2011, no 09-71.693).

Les dispositions du premier alinéa de l'article 1315 ancien, qui concernent la preuve de l'obligation, et non celle de la recevabilité d'une prétention, sont en effet étrangères à la cause, et lorsque l'extinction de l'obligation résulte d'un autre mode que le paiement, notamment d'une prescription extinctive ou d'une forclusion, c'est toujours au débiteur qu'en incombe la preuve, par application du second alinéa de l'article 1315 qui vise non seulement la charge de la preuve du paiement, mais aussi celle « du fait qui a produit l'extinction de l'obligation ».

En matière de crédit à la consommation, la cour de cassation a d'ailleurs eu l'occasion de préciser à plusieurs reprises que si les juges du fond sont tenus de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de la forclusion biennale, c'est à la condition que celle-ci résulte des faits litigieux dont l'allégation, comme la preuve, incombent à la partie intéressée (v. par ex. Civ. 1, 13 novembre 2008, no 07-19.282 ; 14 mai 2009, no 08-12.836).

Dans le cas où, comme en l'espèce le 24 octobre 2007, les parties ont conclu une convention de découvert en compte dont le montant est limité, sans prévoir que le crédit serait remboursé par échéances prédéterminées, le dépassement du découvert maximum convenu, qui manifeste la défaillance de l'emprunteur, constitue le point de départ du délai biennal de forclusion lorsque celui-ci est antérieur à la résiliation du contrat, (Civ. 1, 23 mai 2000, no 98-11.715 ; 7 décembre 2004, no 02-20.267), à défaut de restauration ultérieure du crédit (v. par ex. Civ. 1, 15 décembre 2011, no 10-20.598) ou d'augmentation de son montant par la souscription d'une offre régulière (v. par ex. Civ. 1, 22 mars 2012, no 10-17.079).

L'historique du compte bancaire produit aux débats montre que chacun des dépassements du découvert autorisé a été restauré peu après sa survenance sur la période du 1er janvier 2010 au 16 décembre 2016, et que ce n'est qu'à compter du 22 décembre 2016, soit moins de deux ans avant l'action en paiement introduite le 19 février 2018, que le montant du découvert autorisé a été constamment dépassé sans être régularisé par la conclusion d'une offre augmentant le montant du crédit.

Les intimés, à qui incombe la charge de la preuve de la forclusion qu'ils invoquent, ne peuvent utilement reprocher à la Caisse de crédit mutuel de ne pas produire un historique de leur compte antérieur au 1er janvier 2010, alors qu'il leur était au demeurant loisible de communiquer eux-mêmes les relevés de leur compte antérieurs à cette date.

Au vu de ces éléments, l'action en paiement du solde du compte bancaire de M. [B] et Mme [B] ne peut qu'être déclarée recevable.

S'agissant des deux prêts personnels respectivement souscrits le 6 septembre et le 2 octobre 2012, le délai biennal de forclusion a commencé à courir, en application des dispositions de l'article L. 311-52 du code de la consommation, pris dans sa rédaction applicable à la cause, à compter du premier incident de paiement non régularisé.

Les relevés du compte sur lequel étaient prélevées les mensualités des deux prêts litigieux, et les historiques de chacun de ces deux prêts, révèlent que les premières échéances de ces prêts non régularisées sont celle du 16 juillet 2016 pour ce qui concerne le prêt souscrit le 6 septembre 2012, et celle du 31 août 2016 s'agissant du prêt souscrit le 2 octobre 2012.

L'action en paiement du solde de ces deux prêts introduite le 19 février 2018, moins de deux ans après les premiers incidents de paiement non régularisés, doit donc elle aussi être déclarée recevable.

Sur l'allégation par M. [B] d'une déchéance du terme irrégulièrement prononcée à son égard

Chacun des deux prêts personnels litigieux comporte, en page 2 dans un article intitulé « exigibilité anticipée », une clause de déchéance du terme rédigée ainsi qu'il suit : « le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat des sommes dues, sans autre formalité qu'une mise en demeure, en cas, [notamment], de défaillance de l'emprunteur dans le paiement d'une échéance en principal, intérêts et accessoires ».

La Caisse de crédit mutuel justifie avoir adressé à Mme [B], par courrier en date du 9 mai 2017 adressé sous pli recommandé réceptionné le 15 mai suivant, une mise en demeure de régulariser, outre le solde débiteur du compte bancaire litigieux, les mensualités des deux prêts personnels également en cause, au plus tard le 31 mai suivant, sous peine de résiliation anticipée de tous ses concours.

La Caisse produit un courrier identique rédigé à l'attention de M. [B], mais ne justifie pas de son envoi à l'intéressé.

L'appelante justifie par ailleurs avoir adressé à chacun de M. et Mme [B], sous plis recommandés en date du 17 octobre 2017 respectivement réceptionné le 19 octobre suivant par M. [B] et présenté le même jour à Mme [B], un courrier les avisant que, faute de régularisation de leur situation, elle avait prononcé la déchéance du terme des trois prêts litigieux.

Dès lors que M. et Mme [B] se sont engagés solidairement et que, en application du principe de représentation mutuelle des codébiteurs solidaires, la mise en demeure adressée à l'un produit effet à l'égard de l'autre, M. [B] ne peut utilement reprocher au Crédit mutuel de ne pas justifier l'avoir personnellement mis en demeure avant d'avoir résilié ses concours.

La déchéance du terme prononcée par la Caisse de crédit mutuel est donc régulière, et ses créances nées des trois crédits litigieux sont, par voie de conséquence, exigibles.

Sur l'exception de nullité des deux offres de prêt personnel soulevée par Mme [B]

Tout en reconnaissant dans la partie discussion de ses dernières conclusions que la Caisse de crédit mutuel avait produit en cause d'appel de nouvelles pièces de nature à démontrer que la mise à disposition des fonds était intervenue postérieurement au délai légal de rétractation, Mme [B] maintient, dans le dispositif de ses dernières écritures, sa demande de nullité des deux offres de prêt « en raison du non-respect de la date de mise à disposition des fonds ».

Depuis la loi no 2001-1168 du 11 décembre 2001, le délai biennal de forclusion édicté à l'article L. 311-37 du code de la consommation, devenu L. 311-52 puis R. 312-35 du même code, s'applique à l'action « en paiement ».

C'est donc sans fondement, en se prévalant de décisions obsolètes, que la Caisse de crédit mutuel oppose à l'exception de nullité soulevée par Mme [B] une forclusion biennale.

Dès lors que l'appelante n'oppose à Mme [B] aucune fin de non-recevoir autre que celle, inopérante, tirée de la forclusion, qui ne saurait être confondue avec la prescription, l'exception de nullité soulevée par Mme [B] doit être tenue pour recevable, mais écartée dès lors que l'intéressée admet elle-même dans ses dernières écritures que la Caisse de crédit mutuel justifie en cause d'appel avoir débloqué les fonds après l'expiration du délai légal de rétractation.

Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts du prêteur

Selon l'article L. 311-6, I, du code de la consommation, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-301 du 14 mars 2016, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.

L'article R. 311-3 du même code fixe la liste des informations devant figurer dans la fiche d'information à fournir pour chaque offre de crédit, en sus de la mention visée au dernier alinéa de l'article L. 311-5 devant apparaître en caractères lisibles, ainsi que les conditions de présentation de cette fiche.

Au cas particulier, le Crédit mutuel produit en pièce 17 les fiches d'information précontractuelle de chacun des deux prêts, qui contiennent toutes les informations idoines et que chacun de M. et Mme [B] a reconnu avoir reçues dans les deux offres de prêt litigieuses.

C'est donc vainement que M. et Mme [B] soutiennent que l'appelante devrait être déchue de son droit aux intérêts pour ne leur avoir pas remis les fiches d'information en cause.

Selon l'article L. 311-9 du code de la consommation, pris lui aussi dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-301 du 14 mars 2016, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur et, sauf dans les cas d'une opération mentionnée au 1 de l'article L. 511-6 du code monétaire et financier, étrangers au présent litige, consulte le ficher prévu à l'article L. 333-4 ancien.

Au cas particulier la Caisse de crédit mutuel produit en annexe des deux offres de prêt, les fiches de renseignement qui ont été signées et certifiées exactes par chacun de M. et Mme [B], qui contiennent toutes les informations utiles à la vérification préalable de leur solvabilité : profession respective, revenus professionnels et autres ressources, charges, y compris crédits en cours.

La Caisse de crédit mutuel justifie en outre avoir consulté le fichier des incidents de paiement des crédits aux particuliers (FICP) prévu à l'article L. 333-4 ancien.

Dès lors que les deux prêts en cause n'ont pas été conclus sur le lieu de vente ou au moyen d'une technique de communication à distance, les dispositions des articles D. 331-10-2 et D. 311-10-3 anciens du code de la consommation auquel renvoie l'article L. 311-10 ancien n'étaient pas applicables, et c'est donc encore vainement que M. et Mme [B] reprochent à la Caisse de crédit mutuel de ne pas avoir exigé les justificatifs des charges et des revenus qu'ils avaient tous deux déclarés percevoir en leur qualité de médecins libéraux.

Selon l'article L. 311-19 ancien du code de la consommation, lorsque l'offre de crédit est assortie d'une proposition d'assurance, une notice doit être remise à l'emprunteur, qui comporte les extraits des conditions générales de l'assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l'assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus. Si l'assurance est exigée par le prêteur pour obtenir le financement, la fiche d'informations mentionnée à l'article L. 311-6 et l'offre de crédit rappellent que l'emprunteur peut souscrire une assurance équivalente auprès de l'assureur de son choix. Si l'assurance est facultative, l'offre de contrat de crédit rappelle les modalités suivant lesquelles l'emprunteur peut ne pas y adhérer.

Au cas particulier, la Caisse de crédit mutuel a proposé à chacun de M. et Mme [B] d'adhérer à la convention d'assurance collective des emprunteurs conclue avec la société ACM Vie, afin d'être couverts pendant toute la durée de chacun des deux contrats de crédit personnel pour les risques décès, invalidité totale et permanente, chômage et incapacité de travail, selon les options choisies, en informant clairement les emprunteurs, sur chacune des deux offres de prêt, que s'ils ne souhaitaient pas adhérer à l'assurance facultative, il leur suffisait d'accepter l'offre « sans assurance ». L'appelante a en outre remis aux emprunteurs, avec chacune des offres de prêt, une notice intitulée « fiche d'information sur l'assurance facultative », qui comprend l'indication du nom et de l'adresse de l'assureur, la durée de l'assurance proposée, les risques qui sont couverts, et ceux qui sont exclus.

C'est donc sans pertinence là encore que M. et Mme [B] soutiennent que la Caisse de crédit mutuel aurait failli à ses obligations à leur égard en ne les informant pas des conditions d'assurances proposées.

Il résulte enfin de l'article L. 311-47 ancien du code de la consommation, devenu l'article L. 312-93 du même code, que lorsque le dépassement de l'autorisation de découvert en compte se prolonge au-delà de trois mois, le prêteur doit proposer sans délai à l'emprunteur un autre type d'opération de crédit dans les conditions régies par les dispositions du chapitre I du livre III du code de la consommation.

L'article L. 311-48 alinéa 4 ancien devenu L. 341-9 du code de la consommation énonce que le prêteur qui n'a pas respecté les formalités prescrites à l'article L. 311-47 ancien devenu L. 312-93 ne peut réclamer à l'emprunteur les sommes correspondant aux intérêts et frais de toute nature applicables au titre du dépassement mentionné à ces articles.

En l'espèce, il résulte des productions, on l'a dit, que le montant du découvert autorisé sur le compte bancaire de M. et Mme [B] a été constamment dépassé à compter du 22 décembre 2016, sans que la Caisse de crédit mutuel leur propose un autre type d'opération de crédit.

La déchéance des intérêts et frais de toute nature appliqués au dépassement en cause doit donc être appliquée à compter du 22 mars 2017.
Sur les sommes dues

-au titre du solde débiteur du compte bancaire :
La Caisse de crédit mutuel est déchue, on vient de le dire, des intérêts et frais appliqués postérieurement au 22 mars 2017.

Déduction faite des frais et intérêts appliqués à compter de cette date à concurrence de 408,09 euros, M. et Mme [B] doivent être solidairement condamnés à régler, pour solde de leur compte bancaire arrêté au 7 décembre 2017, date du dernier décompte, la somme de 2 314,60 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2017.

-au titre des deux prêts personnels :

Selon l'article L. 311-24, devenu l'article L. 312-39, du code de la consommation, le prêteur peut, en cas de défaillance de l'emprunteur, exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés, le tout produisant intérêts au taux contractuel, outre une indemnité de 8 % calculée sur le capital restant dû.

En l'espèce, cumulée avec les intérêts conventionnels dont le taux est inférieur au taux légal majoré, cette indemnité de 8 %, qui répond effectivement à la définition de la clause pénale des articles 1152 et 1226 anciens du code civil, ne revêt aucun caractère manifestement excessif qui commande sa réduction comme le demandent M. et Mme [B].

Au vu des pièces versées aux débats, notamment les deux offres de crédit, les tableaux d'amortissement, l'historique des prêts en cause et les deux décomptes arrêtés au 7 décembre 2017, les créances de la Caisse de crédit mutuel seront arrêtées ainsi qu'il suit :

-prêt no 102780610100020368210 souscrit le 6 septembre 2012
-mensualités échues et impayées : 750,18 euros (dont 622,66 euros en capital)
-capital restant dû à la déchéance du terme : 2 020,74 euros
-intérêts de retard échus au 7 décembre 2017 : 32,02 euros
-indemnité de 8 % : 211,47 euros
Soit un solde de 3 014,41 euros, à majorer des intérêts au taux conventionnel de 4 % l'an sur la somme de 2 643,40 euros à compter du 8 décembre 2017 et des intérêts au taux légal sur le surplus à compter de la même date

-prêt no 102780610100020368211 souscrit le 2 octobre 2012
-mensualités échues et impayées : 4 241,88 euros (dont 3 658,26 euros en capital)
-capital restant dû à la déchéance du terme : 12 285,44 euros (selon tableau d'amortissement)
-intérêts de retard échus au 7 décembre 2017 : 203,41 euros
-indemnité de 8 % : 1 275,50 euros
Soit un solde de 18 006,23 euros, à majorer des intérêts au taux conventionnel de 4 % l'an sur la somme de 15 943,70 euros à compter du 8 décembre 2017 et des intérêts au taux légal sur le surplus à compter de la même date

M. [B] soutient sans aucune offre de preuve que le prêt no 102780610100020368211 aurait servi à l'acquisition d'un immeuble en Roumanie, pays d'origine de son épouse, et en déduit, sans invoquer non plus aucun fondement, que le remboursement de ce prêt devrait mis à la charge de sa seule épouse.

Le prêt dont s'agit ayant été souscrit solidairement par les époux [B], il leur appartiendra le cas échéant, dans le cadre de la liquidation de leur régime matrimonial, de procéder à des comptes entre eux mais, au titre de ce prêt comme des deux autres crédits, M. et Mme [B], qui ne justifient d'aucun paiement ni d'aucun fait libératoire au sens de l'article 1315 alinéa 2 ancien du code civil, doivent être condamnés solidairement à régler à la Caisse de crédit mutuel l'intégralité des sommes sus-énoncées.

Sur les demandes de délais de paiement

L'article 1244-1 ancien, devenu 1343-5, du code civil, permet d'accorder au débiteur impécunieux des délais de paiement qui, dans la limite de deux années, empruntent leur mesure aux circonstances.

M. et Mme [B], qui ont déjà bénéficié, de fait, de très larges délais de paiement, ne fournissent pas le moindre élément concernant leur situation financière.

Il n'y a pas lieu, dans ces circonstances, de leur accorder de nouveaux délais.

Sur les demandes accessoires

M. et Mme [B], qui succombent au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devront supporter in solidum les dépens de première instance et d'appel et seront déboutés de leurs demandes respectives fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur ce dernier fondement, M. et Mme [B] seront condamnés in solidum à régler à la Caisse de crédit mutuel, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais qu'elle a été contrainte d'exposer et qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de procédure 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

INFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions critiquées,

STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et y ajoutant :

DECLARE la société Caisse fédérale de crédit mutuel Centre Vosges recevable en ses demandes,

DECLARE Mme [B] recevable, mais mal fondée, en son exception de nullité des deux prêt personnels,

REJETTE en conséquence l'exception de nullité soulevée par Mme [B],

REJETTE la demande de M. [B] tendant à entendre juger irrégulières à son égard les déchéances du terme prononcées par la société Caisse fédérale de crédit mutuel Centre Vosges,

DECHOIT la société Caisse fédérale de crédit mutuel Centre Vosges des intérêts et frais appliquéssur le solde débiteur du compte bancaire de M. et Mme [B] postérieurement du 22 mars 2017,

REJETTE les demandes de M. et Mme [B] tendant à la déchéance des intérêts des deux prêts personnels,

REJETTE les demandes de M. et Mme [B] tendant à la réduction du montant des clauses pénales des deux prêts personnels,

REJETTE la demande de M. [B] tendant à entendre juger que Mme [B] devrait supporter seule le remboursement du solde du prêt personnel souscrit le 2 octobre 2012,

EN CONSEQUENCE :

CONDAMNE solidairement M. et Mme [B] à payer à la société Caisse fédérale de crédit mutuel Centre Vosges, pour solde de leur compte bancaire no 0610100020368201 arrêté au 7 décembre 2017, la somme de 2 314,60 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2017,

CONDAMNE solidairement M. et Mme [B] à payer à la société Caisse fédérale de crédit mutuel Centre Vosges, pour solde du prêt no 102780610100020368210 souscrit le 6 septembre 2012, la somme de 3 014,41 euros, augmentée des intérêts au taux conventionnel de 4 % l'an sur la somme de 2 643,40 euros à compter du 8 décembre 2017 et des intérêts au taux légal sur le surplus, à compter de la même date,

CONDAMNE solidairement M. et Mme [B] à payer à la société Caisse fédérale de crédit mutuel Centre Vosges, pour solde du prêt no 102780610100020368211 souscrit le 2 octobre 2012, la somme de 18 006,23 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 4 % l'an sur la somme de 15 943,70 euros à compter du 8 décembre 2017 et intérêts au taux légal sur le surplus à compter de la même date,

REJETTE les demandes de délais de paiement de chacun de M. et Mme [B],

CONDAMNE in solidum M. et Mme [B] à payer à la société Caisse fédérale de crédit mutuel Centre Vosges la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE les demandes de chacun de M. et Mme [B] formées sur le même fondement,

CONDAMNE in solidumM. et Mme [Y] dépens de première instance et d'appel,

ACCORDE à la Selarl d'avocats Casadei-Jung le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 20/005191
Date de la décision : 04/11/2021
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2021-11-04;20.005191 ?
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